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  • La guerre des races n’aura pas lieu, par Jacques de Guillebon.

    © Romée de Saint-Céran pour L’Incorrect

    Source : https://lincorrect.org/

    Court-on vers une guerre raciale, ou même est-elle déjà là, larvée, en puissance, en voie de développement, de sorte que nos antiques nations, nos longues civilisations soient détruites de l’intérieur ? On le dirait bien : ce que l’on redoutait il y a plusieurs décennies, en tout cas dans un certain milieu éclairé, paraît en voie de se réaliser, depuis que George Floyd a cessé de respirer.

    5.pngTant nous sommes américains : un meurtre raciste dans le Minnesota provoque une révolte à Paris. Comme naguère, SOS Racisme fut le fruit pourri et talé du mouvement des droits civiques, Mitterrand et ses sbires se rêvant Luther King à leur tour, aujourd’hui des demi-habiles traoristes se croient BLM à peu de frais en douce France.

    Mais, outre qu’on ignore de quelles races il s’agirait ici – ce n’est pas le sujet, nous répond-on ; l’important, c’est le sentiment de racisé, comme il y eut un sentiment d’insécurité – on ignore de même à quoi ce phénomène ferait écho, à quelles immondes manœuvres il répondrait légitimement. Passons avec magnanimité sur le terme de « racisme systémique » qui sert aux pervers et aux imbéciles à masquer l’indigence de leur pensée dénonciatrice – si vous ne le voyez, pas, ce racisme, c’est bien la preuve qu’il existe et qu’il est permanent quoique transparent, comme l’air que vous respirez – mais allons plus loin : à qui profite ce mensonge et qui a intérêt à cette fiction ?

    Mais en profitent aussi et surtout les habituels contempteurs de tout ce qui a sorti le monde du chaos, que nous appelons ordre et civilisation, et qu’ils appellent domination.

    Évidemment et d’abord, une population qui n’est ni un peuple, ni une nation, ni une ethnie, ni même réellement une communauté, mais seulement le produit d’un discours marketing on ne peut plus superficiel puisque fondé sur les signes le plus immédiatement perceptibles de l’individu, en l’occurrence la couleur de peau, et qui exige en retour des privilèges liés à ladite couleur, supputant sottement que son ennemi inventé, le « blanc », aurait joui de sa domination seulement du fait de sa couleur de peau. Conception sorcière de la race. Et on tend le poing comme jadis d’autres la main tendue, dans un régal de soi et de sa force qui augurent du pire.

    Mais en profitent aussi et surtout les habituels contempteurs de tout ce qui a sorti le monde du chaos, que nous appelons ordre et civilisation, et qu’ils appellent domination ; bref, les parricides, les malheureux Œdipe qui ont érigé le « blanc » en papa de l’humanité qu’il faudrait par conséquent tuer et faire disparaître. On pourrait supposer que leur monde à venir, indistinct et aussi vaseux qu’un utérus, serait un âge d’or d’égalité et d’indifférence générale. Mais non. Même pas. Si on les en croit, ce sera un temps du rachat d’une race sur l’autre. C’est-à-dire la guerre, la vengeance et le massacre.

    On cherche à nous piéger dans un affrontement que nous n’avons pas désiré comme tel, à nous amener sur un terrain qui n’est pas le nôtre, et que nous vomissons par-dessus tout, depuis le début de l’occident : celui de la guerre raciale.

    Ainsi donc en quelques années, résumées, ramassées et accélérées en quelques mois récents, s’est constitué un nouveau front raciste qui veut la guerre, ou plus facilement, la domination sans combattre, par des procédés de manipulation des foules vieux comme le monde mais décuplés par la puissance de feu de ce que l’on appelle encore des médias : par la honte, la mauvaise conscience, la réécriture inclusive de histoire, la falsification, la confusion des temps et des espaces, la mauvaise science, la tautologie, bref le sophisme général. Ce symptôme est inquiétant car la maladie qu’il annonce est grave, et mortelle. En effet, on cherche à nous piéger dans un affrontement que nous n’avons pas désiré comme tel, à nous amener sur un terrain qui n’est pas le nôtre, et que nous vomissons par-dessus tout, depuis le début de l’occident, depuis Marathon et Salamine, celui de la guerre raciale. Et c’est ici qu’il s’agit pour nous de déplacer le débat, sans craindre la guerre elle-même, sans mettre la tête dans le sable, sans refuser de voir ce qui se passe, mais pour la mener sur le terrain adéquat, celui de la politique.

    Il est courant d’entendre et de répéter à droite le vieil apophtegme de Julien Freund, selon lequel on ne choisit pas son ennemi, mais l’on est choisi par son ennemi. Ce n’est pas faux, mais encore faut-il entendre la notion d’ennemi dans l’entièreté de la définition que lui donne Freund. La noblesse du politique en tant qu’acte de souveraineté réside selon le philosophe dans le fait de pouvoir mener une guerre qui soit ou d’appropriation, ou de défense, mais non d’extermination : « Politiquement, il n’existe pas d’ennemi absolu ou total que l’on pourrait exterminer collectivement parce qu’il serait intrinsèquement coupable ». « Politiquement » s’entend ici pour lui dans le sens le plus haut de l’exercice de la responsabilité de l’homme dans le domaine public qui refuse en l’occurrence un empiétement de la morale dans son champ : non que le politique soit parfaitement indépendant de toute considération extérieure – si c’était le cas, on deviendrait vite totalitaire ou libéral – mais qu’il ait une autonomie et une vie propre, là où il doit fonctionner efficacement.

    Lorsque Julien Freund écrivait, il s’agissait pour lui de dénoncer la construction de structures super-étatiques, comme la SDN ou l’ONU, qui font semblant de régler des différends politiques, quand elles demeurent impuissantes face aux questions réelles, supposées par la souveraineté et les moyens d’agir. Bref, le politique surpasse en la matière le droit et la matière juridique : quand deux entités politiques s’affrontent, en tant qu’ennemies, elles prennent les moyens adéquats, ceux de la puissance martiale ou diplomatique. Et en ce sens, elles se reconnaissent comme ennemi. Cependant, la modernité post-révolutionnaire a changé la donne, et à une souveraineté politique on oppose parfois désormais une entité se réclamant d’une autre légitimité conçue comme supérieure, universelle et comme telle inattaquable, que ç’ait été la classe, la religion ou la race.

    Mais lisons directement Freund : « Lorsqu’une civilisation conspire à réduire, voire à faire “dépérir” la politique […] alors commence le règne de la démesure et même de la démence, parce que l’ennemi devient absolu ou total. Quand le motif religieux est prédominant – guerre sainte, croisade, guerre de religion – l’ennemi est dégradé en être infâme, infernal et impie : l’incarnation du diable ou du mal. Quand une idéologie raciste prend le dessus, il devient un esclave par nature [nous soulignons]. Quand une idéologie morale ou humanitaire est souveraine, il devient un être intrinsèquement coupable, de sorte que l’on rend un service à l’humanité en le faisant disparaître – par euphémisme on dit : en l’immolant. Dans tous ces cas on se donne le droit de l’exterminer comme un malfaiteur, un criminel, un pervers ou un être indigne. C’est que toutes ces sortes d’idéologies comportent un élément étranger au politique : l’affirmation de la supériorité intrinsèque, arbitraire et combien dangereuse d’une catégorie d’hommes sur les autres, au nom de la race, de la classe ou de la religion » (in L’Essence du politique).

    C’est donc le terrain sur lequel ces racistes d’un nouveau genre veulent nous mener, espérant que s’y résolvent leurs soucis psycho-sociaux.

    C’est donc le terrain sur lequel ces racistes d’un nouveau genre veulent nous mener, espérant que s’y résolvent leurs soucis psycho-sociaux. Bien entendu, nous refusons le terrain, si nous ne refusons pas l’affrontement. Et c’est justement le moyen pour nous – nous, héritiers de l’occident d’Athènes, Rome et Jérusalem dont nous croyons qu’il est le meilleur mode d’universalité qu’ait inventé l’humanité jusqu’ici – non seulement de régler leur compte aux racialistes de tout poil, mais encore de réinvestir ce que nous avions abandonné, c’est-à-dire le politique. Car c’est là qu’est notre faiblesse générale : l’oubli des leçons de l’histoire, qui veut qu’à l’État de droit réponde aussi l’État de force.

    C’est-à-dire que la France en tant que nation souveraine n’a pas à se croire tenue de répondre aux réclamations diverses et indues d’individus quelconques, qu’ils soient ses citoyens ou ceux du reste du monde ; c’est-à-dire que la France n’est pas une nation coupable de quoi que ce soit devant l’histoire, et nulle instance qu’elle se prétende supra-nationale ou seulement non-gouvernementale n’est en droit d’exiger aucune excuse, dédommagement ou repentance. La France n’a pas à reconnaître quelque race que ce soit qui la réduirait et la confirait, elle, à un passé « blanc » et donc criminel pour régler des comptes. Nulle idéologie ne peut parler d’égale à égale avec la France. Car la France n’est pas seulement ce phare qui illumine le monde, le civilise et l’humanise, mais elle est encore et surtout cette force qui met le feu au phare. Sans quoi, n’importe quelle association de bienfaiteurs philanthropiques aurait pu jouer le même rôle dans l’histoire, et pourtant cela ne s’est pas vu. « Et ainsi, ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fût juste », savait Pascal.

    Cela nous éloigne-t-il de notre sujet, savoir que certains ont l’intention de diviser le monde, et partant le pays, en races diverses qui donc s’opposeraient ? Point du tout, puisque leur seul argument, qui est celui des faibles, est précisément de jouer sur ce qu’ils savent être notre propre faiblesse, notre compassion facile et mal dirigée. Il est simple d’écraser dans l’œuf cette tentative de confédération intérieure, tant qu’on demeure sur le terrain politique sans s’aventurer dans celui de la morale, qui est éminemment hors-sujet en l’occurrence. Il est simple de refuser de déboulonner des statues, de débaptiser des lieux publics, d’introduire des programmes repentants à l’école et à l’université, de reconférer à l’audiovisuel public sa vraie vocation, qui est de dire le vrai dans sa totalité et sans obsession ; il est encore simple d’interdire les manifestations à vocation raciste et d’encourager les manifestations de la munificence française.

    Quand François Mitterrand, qui fut une sacrée ordure mais pas toujours, assurait que lui vivant, jamais la France ne demanderait pardon ni ne se tiendrait pour responsable des crimes de Vichy, il était encore le dernier héritier de cette capacité du politique à se tenir hors les élans humanitaires qui produisent l’inverse de ce qu’ils prétendent et ne sont que des ferments de massacres à venir.

    Ainsi donc, nous demain, la France, réassurée de notre position et de notre vocation, refusant d’entendre le discours raciste et le ravalant, assumant notre force nous rétablirons par là, paradoxe pour les seuls imbéciles, la véritable justice : sans craindre la guerre, au contraire nous la livrerons si l’on nous y précipite, mais précisément pour que jamais elle ne soit raciale.

     

  • La France et l’Europe à la croisée des chemins : le statut post-Brexit des langues officielles des institutions sera fat

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    L’Action fran­çaise est soli­daire du Haut Conseil de la langue fran­çaise et de la Fran­co­pho­nie (HCLFF) dans son com­bat contre le main­tien de la langue anglaise comme pre­mier et bien sou­vent seul mode lin­guis­tique de com­mu­ni­ca­tion au sein de l’Union Euro­péenne, sur­tout après le Brexit. Il va de soi, que confor­mé­ment aux vœux des construc­teurs de l’UE dès le début, cette langue risque d’être main­te­nue en pre­mière place par signe d’inféodation, non pas au royaume d’outre-Manche, mais à l’empire d’outre Atlan­tique. (Ndlr).

    8.jpgLe Haut Conseil de la Langue fran­çaise et de la Fran­co­pho­nie (HCLFF) peut mar­quer très pro­chai­ne­ment son entrée en scène par une pre­mière action jugée de toute pre­mière impor­tance une lettre adres­sée au Pré­sident de la Répu­blique, aux par­le­men­taires et aux media, pour le prier d’écarter le dan­ger immi­nent de voir les ins­ti­tu­tions de l’UE adop­ter, en dépit (ou à cause !) du Brexit, l’anglais comme seule langue offi­cielle de fait(*)

    La construc­tion euro­péenne hésite encore aujourd’hui entre deux concep­tions oppo­sées : la conti­nen­tale qui a une longue tra­di­tion, et l’atlantique plus récente. Tou­jours, la ques­tion lin­guis­tique a été le fléau de la balance. Le Trai­té de Rome de 1957 a été sui­vi en automne 1958 du règle­ment euro­péen n° 1 qui réglait le sta­tut des langues offi­cielles et de tra­vail. Il fut adap­té au fil de l’élargissement de la CEE puis de l’UE.

    La ges­ta­tion et les débuts de l’UE ont été mar­qués par une sorte d’équilibre entre la concep­tion des États-Unis post-Plan Mar­shall et une concep­tion conti­nen­tale euro­péenne, fran­çaise pour l’essentiel. Jean Mon­net, Mau­rice Schu­mann et Wal­ter Hall­stein, en bonne par­tie gui­dés et finan­cés par Washing­ton et la CIA, ont défen­du la pre­mière concep­tion. Le résul­tat fut un com­pro­mis assez satis­fai­sant pour que le Géné­ral arri­vé au pou­voir en juin 1958 pût l’entériner et le pour­suivre : une Europe des nations, mais dont cha­cune res­tait – même la France – liée aux États-Unis. Mais le fran­çais domi­nait de fait à Bruxelles.

    Lorsque le Pré­sident fran­çais et le Chan­ce­lier Ade­nauer signèrent le trai­té fran­co-alle­mand de jan­vier 1963, sa por­tée, très conti­nen­tale et théo­ri­que­ment consi­dé­rable, fut vite réduite par la dépen­dance stra­té­gique de l’Allemagne à l’égard des États-Unis, qui se tra­dui­sit par le sérieux coup de frein mis par le Par­le­ment de Bonn. Entre autres consé­quences, le fran­çais ne put jamais être choi­si en pre­mière langue au même titre que l’anglais dans les écoles des Län­der. La pre­mière puis­sance éco­no­mique du conti­nent deve­nait bilingue alle­mand-anglais, avec un fort effet d’entraînement sur ses voi­sins au nord et à l’est.

    Après le départ du Géné­ral, l’admission de la Grande Bre­tagne, puis des autres États euro­péens, se tra­dui­sit, la plu­part du temps sans véri­table résis­tance des gou­ver­ne­ments fran­çais, par une inexo­rable mon­tée en puis­sance de l’anglais dans les ins­ti­tu­tions. Jusqu’à réduire consi­dé­ra­ble­ment, ces der­nières décen­nies, l’utilisation des autres langues offi­cielles et même de tra­vail (alle­mand et fran­çais), et à impo­ser aux admi­nis­tra­tions des pays membres de tra­vailler sur des docu­ments de Bruxelles non tra­duits, et d’y répondre uni­que­ment en anglais. Le fléau a pen­ché dan­ge­reu­se­ment du côté d’une langue unique de fait : l’anglo-américain.

    Le Brexit devait logi­que­ment conduire, sinon à rayer l’anglais de la liste des offi­cielles, du moins (du fait de l’Irlande qui l’avait décla­rée au même titre que le gaë­lique) à mettre fin à son rôle hégé­mo­nique. Ain­si M. Jun­ker, par exemple, avait-il mar­qué son hos­ti­li­té au Brexit en s’exprimant davan­tage en fran­çais et en alle­mand. Feu de paille…

    Car un fort mou­ve­ment gagne actuel­le­ment la plu­part des diri­geants euro­péens, et meut d’excessifs fédé­ra­listes, sur­tout fran­çais, en faveur du main­tien de l’anglais, de droit, ou plu­tôt de fait pour évi­ter de tou­cher au règle­ment n°1, ce qui exi­ge­rait débats et vote à l’unanimité en Conseil euro­péen. Un consen­sus semble s’installer pour ne pas prendre de déci­sion épi­neuse et tout sim­ple­ment conti­nuer à uti­li­ser l’anglo-américain comme « langue com­mune », de fait. En invo­quant à l’occasion l’habitude bien prise, la com­mo­di­té, les éco­no­mies de tra­duc­teurs et inter­prètes, et sur­tout l’argument nou­veau, plu­tôt osé, selon lequel l’anglais post-Brexit serait deve­nu, à Bruxelles, une sorte de langue neutre, un volapük com­mode et inof­fen­sif, comme s’il n’était pas la langue domi­nante et hégé­mo­nique, sur­tout sur le conti­nent euro­péen. 

    La pra­tique très récente, à Bruxelles, va d’ailleurs dans ce sens, en faits accom­plis. Ain­si, la pré­si­dente de la Com­mis­sion, Mme Ursu­la von der Leyen, pour­tant à la fois alle­mande et bonne fran­co­phone, n’y parle plus guère qu’anglais. L’Europe devient atlan­tique, au moins de langue. Il faut rame­ner le fléau au centre.

    En traite une lettre ouverte adres­sée le 22 octobre 2019 au Pré­sident de la Répu­blique, signée par 25 de nos asso­cia­tions, mais qui fut soi­gneu­se­ment occul­tée par les grands media. 

    C’est en effet d’abord de la France qu’est atten­due par­tout l’opposition à cette « langue com­mune », rédui­sant à une les trois « de tra­vail » du règle­ment n°1. 

    Si nous vou­lons être à la hau­teur de cet enjeu fran­çais, euro­péen et civi­li­sa­tion­nel, et évi­ter au Pré­sident de la Répu­blique une for­fai­ture par glis­se­ment sur une pente atlan­tiste, nous vous pro­po­sons de lui deman­der col­lec­ti­ve­ment qu’au nom de la France, il informeoffi­ciel­le­ment le Conseil de l’UE de la déci­sion de la France de tenir, pour sa part, compte du Brexit, en :

    - ne souf­frant plus que ses admi­nis­tra­tions soient contraintes de tra­vailler sur des docu­ments de l’UE non tra­duits, et d’y répondre uni­que­ment en anglais ; 

    - deman­dant que le Conseil réaf­firme sa volon­té de res­pec­ter l’esprit et les dis­po­si­tions du règle­ment n°1, et fixe lui-même le sta­tut post-Brexit des langues offi­cielles et de tra­vail en Conseil des Chefs d’État.

    Albert Salon.

    (*) Com­mu­ni­qué­de­Presse18septembre2020

    Le Haut Conseil de la Langue fran­çaise et de la Fran­co­pho­nie (HCLFF), créé le 18 juin 2020 à Paris, a adres­sé le 14 sep­tembre à Mon­sieur le Pré­sident de la Répu­blique fran­çaise une lettre ouverte col­lec­tive de ses cent per­son­na­li­tés membres, dont la liste est jointe, au sujet de la place post-Brexit du fran­çais et des autres langues offi­cielles et de tra­vail de l’Union euro­péenne. Il lui demande solen­nel­le­ment d’infor­mer offi­ciel­le­ment le Conseil de l’UE de la déci­sion de la France de tenir, pour sa part, compte du départ du Royaume-Uni, en :

    - ne souf­frant plus que ses admi­nis­tra­tions soient contraintes de tra­vailler sur des docu­ments de l’UE non tra­duits, et d’y répondre uni­que­ment en anglais ; 

    - deman­dant que le Conseil revienne à l’esprit du règle­ment lin­guis­tique n°1 de 1958 modi­fié, et fixe lui-même le sta­tut post-Brexit des langues offi­cielles et de tra­vail en Conseil des Chefs d’État, qui doit se pro­non­cer à l’unanimité.

    Ave­nir de la Langue fran­çaise, 34bis, rue Picpus,75012, avenirlf@laposte.net et 23 autres asso­cia­tions.

    Source : https://www.actionfrancaise.net/

  • Robert Ménard : « Estrosi, c'est une droite qui a honte d'elle-même », par Géraldine Woessner.

    Source : https://www.lepoint.fr/

    Le maire de Béziers revendique une parole décomplexée et étrille les leaders de la droite traditionnelle.

    Des étoiles à nouveau alignées… Et une ambiance morose. Quelque 200 élus du Rassemblement national se réunissent à Fréjus (Var) ce week-end, pour une rentrée politique qui marque le lancement de la campagne de Marine Le Pen.

    Officiellement, le parti se sent les voiles gonflées : la sécurité, angle mort de la politique d'Emmanuel Macron, est à nouveau au premier rang des préoccupations des Français, et la droite parle de tant de voix qu'elle reste inaudible. « Ensauvagement », « localisme », « souverainisme »… Les idées longtemps portées par le Rassemblement national sont à la mode.

    Et pourtant, les élus RN ont pris le train, vendredi soir, en traînant des pieds : le parti, financièrement à genoux, a mangé la poussière aux dernières municipales. « C'est un répulsif », tranche le maire de Béziers, Robert Ménard, élu en 2014 avec le soutien du RN (et réélu ce printemps au premier tour), mais qui n'en a jamais été membre. Et qui, aujourd'hui, s'impatiente : si Marine Le Pen et son parti ont longtemps incarné et servi les idées des électeurs les plus à droite, les mêmes plombent aujourd'hui leurs chances, pense-t-il, d'accéder au pouvoir. Entretien.

     
    Le Point : Écouterez-vous le discours de Marine Le Pen dimanche ?

    Robert Ménard : Bien sûr, avec attention. Elle est une actrice incontournable de la scène politique, et j'ai des sympathies avec ce qu'elle dit sur de nombreux sujets, comme l'identité ou l'immigration, même si je n'ai jamais caché mes divergences. Mais je n'y crois plus beaucoup… Je n'arrive pas, aujourd'hui encore, à faire abstraction du débat de l'entre-deux tours, qui a montré un certain nombre de limites. En même temps, je plaide coupable, parce que j'ai cru qu'au fond Marine Le Pen aurait beaucoup de mal à se relever de ce débat-là, or elle a retrouvé le même niveau d'électorat qu'il y a trois ans.

    Si elle est candidate à la présidentielle de 2022, vous lui prédisez une défaite…

    Je pense que, aujourd'hui, elle n'est pas en position de gagner. Ça l'exaspère quand je dis cela, mais cela n'a rien contre elle ; je pense simplement que le courant de la droite qu'elle incarne n'est pas suffisant pour gagner. Le discours qu'elle tient sur les questions économiques n'est pas en phase avec ce dont notre pays a besoin.

    J'ai beaucoup de mal à voir les différences entre les programmes du RN et de M. Mélenchon sur les questions économiques et sociales.

     

    C'est-à-dire ?

    Marine Le Pen n'arrive pas à reconnaître qu'une personne qui n'est pas de son bord politique puisse, parfois, avoir raison. Sur la réforme de la SNCF, même si je serais allé plus loin que lui, Emmanuel Macron a fait de bonnes choses. Et sur les retraites aussi ! Pardon, mais on ne peut pas continuer, comme le fait le Rassemblement national, à faire croire aux Français qu'un statu quo soit envisageable, vivable, ou même souhaitable ! Je ne partage pas les analyses très gauchisantes du RN sur les questions économiques et sociales. Mais cela ne veut pas dire qu'on ne peut pas travailler ensemble.

    Pour vous, Marine Le Pen se « mélenchonise » ?

    J'ai beaucoup de mal à voir les différences entre les programmes du RN et de M. Mélenchon sur les questions économiques et sociales. Il n'y en a quasiment pas ! Or, je pense que la France n'a pas besoin de ce discours un brin racoleur.

    Rien n'est possible sans elle, et rien n'est possible contre elle.

    Quel avenir voyez-vous pour votre courant de pensée ?

    Aujourd'hui, Marine Le Pen occupe un espace qui est suffisamment important pour empêcher l'existence de toute autre candidature à droite de la droite. Rien n'est possible sans elle, et rien n'est possible contre elle. Est-ce que quelque chose est possible avec elle ? C'est la question que je me pose à longueur de temps…

    La droitisation de l'électorat, mesurée dans plusieurs enquêtes, ne profite à aucun parti. Marine Le Pen réfléchit à quitter la présidence du RN pour « prendre de la hauteur », tirant aussi la leçon de la victoire de Louis Aliot aux municipales, qui a conquis Perpignan en fuyant toute mention du Rassemblement national. Est-ce une bonne stratégie ?

    Je me souviens de discussions avec Marine Le Pen avant les élections de 2017. Je lui ai dit : « Tu dois quitter le FN, c'est le meilleur signe que tu puisses donner pour les gens qui ont envie de voter pour une femme solide, capable de nouer des alliances. » C'est une nécessité absolue ! On va voir si elle le fait… Mais est-ce que ce sera suffisant ? Non. La victoire passe par des efforts programmatiques, et par une façon d'être différente. Les gens n'en peuvent plus des partis politiques ! Du sien comme des autres.

    Avec Louis Aliot, êtes-vous en train de construire une notabilité en dehors du parti ?

    Ce que je constate, c'est que Louis a gagné les élections sans le logo de son parti, et qu'il a tout fait pour faire oublier qu'il était au RN. Les dernières élections ont été pour eux un échec total  ! Leur seule victoire, Perpignan, se fait contre eux en termes d'image. Alors oser présenter la victoire à Perpignan comme une victoire du RN, il ne faut pas manquer de culot ! Mais il a eu totalement raison, et c'est ce qu'il faut qu'on fasse dans toute la France.

    Vous voulez dissoudre le RN ?

    Non, mais il faut construire autre chose. Personne ne veut d'un nouveau parti. On veut des gens capables de s'entendre, à la fois avec Marine Le Pen, et avec une droite de gouvernement plus raisonnable, afin de trouver une candidature qui arrive à associer ces deux électorats. Cela s'est vu dans l'Histoire.

    Que préconisez-vous, s'il n'y a plus de parti ?

    Notre courant de pensée est incapable aujourd'hui de gagner des élections, on les perd systématiquement. Que faire ? La première solution est de se dire que puisque aucune personnalité n'émerge, laissons passer notre tour en attendant que, dans sept ans, Marion Maréchal ou d'autres viennent remplir ce vide. On peut, deuxième hypothèse, soutenir une candidature de témoignage, comme celle de Jean-Frédéric Poisson (mais personne ne peut penser sérieusement qu'il puisse gagner les élections). Troisième hypothèse : on regarde du côté de la droite de gouvernement, chez les Républicains, et on en cherche un qui serait moins inexistant, moins insipide que les autres…

    Dans cette galaxie, François-Xavier Bellamy se distingue : il respire l'honnêteté. Mais peut-il incarner un vote populaire, pas uniquement versaillais ? Je n'en suis pas sûr. Quatrième hypothèse : on reconnaît que la politique, ce sont des alliances et des compromis, et on essaie d'aider une nouvelle fois Marine Le Pen. Enfin, dernière hypothèse : on peut imaginer une candidature de rupture, avec une personnalité audacieuse. Une candidature d'envie, de souffle, d'ambition, qui sache se mettre à distance des partis politiques, qui mènerait une candidature de liberté, époustouflante, une campagne qui brûle ses vaisseaux…

    Marion Maréchal ? Le général de Villiers ?

    Je ne vais pas passer ma vie à attendre qu'une jeune fille se décide à vouloir faire de la politique. Et je ne suis pas de ceux qui pensent que parce que tu es galonné, tu es en état de diriger un pays. N'est pas de Gaule qui veut, et on n'est plus en 1940, ni en 1958. Je pense aujourd'hui, mais j'extrapole peut-être, que les expériences et les succès que l'on engrange, certes au niveau d'une ville, certes au niveau d'une agglomération, certes dans le Midi, indiquent qu'il y a quand même un passage possible… À côté du RN, pas contre lui.

    Vous avez eu des mots peu amènes envers Christian Estrosi, qui appelle les élus LR à faire alliance avec Emmanuel Macron. « C'est la droite châtrée », dites-vous…

    Honnêtement, le maire de Nice se fout de la gueule du monde. Il va à la niche ! C'est une droite qui a honte d'elle-même. Sur les questions du terrorisme, de l'identité, de l'immigration, M. Macron n'a rien fait avancer. Leur problème est que, à droite, aucun candidat n'émerge. Qu'est-ce qui différencie M. Baroin de M. Macron ? Rien. Absolument rien, rien de rien. Ils font carrière à droite, à gauche, au milieu : ils font carrière ! Et Mme Pécresse… Elle est de droite, Mme Pécresse ? C'est une douce plaisanterie. Ces gens sont à mille lieues de ce à quoi j'aspire.

    Comment l'ancien fondateur de Reporters sans frontières vit-il le procès des attentats de Charlie Hebdo, de Montrouge et de l'Hyper Cacher ?

    Quand je lis, dans un sondage qu'a commandé Charlie, que 37 % des 15-24 ans aujourd'hui font passer leurs convictions religieuses avant les valeurs de la République (et le taux est de 74 % chez les jeunes musulmans !), je suis effrayé. Mais quel échec pour nous, quel échec ! On constate un recul dans la tête des gens, parce qu'on ne défend pas ce qu'on est. Regardez combien, dans la classe politique, ont des prudences de Sioux, et parlent des caricatures de Mahomet comme d'une « provocation » ? Je dois dire que j'ai trouvé très beaux les mots du Premier ministre, qui a dit : « Toujours Charlie. » C'était juste. Si j'ai envie de détester l'islam et que des gens ont envie de détester le christianisme, ils sont libres de le faire ! C'est ce qui fait notre pays. Dieu sait si ce journal m'a étrillé, mais je me bats pour que les journaux comme Charlie Hebdo existent. La liberté d'expression, de parole, de presse, doit être défendue sans limites. En dehors des appels explicites à la violence, tout est tolérable et tout doit être toléré.

    Y compris une politique-fiction représentant une élue de la République (Danièle Obono) en esclave ?

    Je comprends très bien qu'on puisse être blessé, personnellement, par un certain nombre de choses, mais ce qui peut être dit en est une autre ! À travers ce feuilleton, Valeurs actuelles voulait rappeler que les Africains eux-mêmes ont nourri la traite, et l'esclavage dans les pays musulmans. Des Africains ont vendu des Africains. On peut être maladroit dans la forme. Mais on n'aurait plus le droit de dire cette vérité ? Aujourd'hui, l'émotion est tellement prégnante dans le débat public que toute précision raisonnable, historique, n'a plus sa place. Écrivez ce que je viens de dire, vous verrez les emmerdes que vous allez avoir…

    L'autocensure est un poison. Il n'y a plus besoin de procès : le simple fait d'être montré du doigt et menacé de poursuites par une association fait de vous un coupable, parce que la presse va se jeter dessus, et entraîner l'opinion. La presse est tellement moutonnière, elle chasse en meute… Cinquante articles diront que vous avez été « mis en cause ». Ma femme, députée, a son compte Twitter bloqué depuis un an et demi, pour avoir dit avec humour, au moment du débat sur la fessée, que la petite Greta Thunberg en mériterait une !

    Mais ils nous cassent les couilles, avec leurs éoliennes !

    Vous ne semblez pas fou d'écologie… Il y a quelques jours, vous avez déclaré qu'il faudrait « mettre une bombe et faire péter toutes ces éoliennes ». Bref : vous êtes opposé à

  • Éric Dupont-Moretti et la « vérité », par Aristide Renou.

    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

    Avec son regard d’ours vertueux qui retient sa colère, le Garde des Sceaux a expliqué que la délinquance se porte beaucoup moins bien que des gens malhonnêtes ne veulent le faire croire – comme son collègue Darmanin. On est allé regarder les chiffres, puisque le ministre aime les chiffres. Eh bien, les chiffres, eux, ne l’aiment pas.

    Après avoir affirmé que le « sentiment d’insécurité » était un « fantasme » alimenté notamment par le « discours populiste », Éric Dupont-Moretti a remis une (grosse) pièce dans le juke-box.

    Dans une imitation très réussie de Laurent Mucchielli, notre ministre de la Justice a assené devant micros et caméras : « la délinquance des mineurs, dont on parle très souvent, […] n’a pas augmenté depuis dix ans ». « La plupart sont convaincus qu’il y a une augmentation massive de la délinquance des mineurs. Ce n’est pas vrai. »

    Puis il a enchaîné : « Le taux de réponse pénale dans notre pays, c’est 90%. Le taux d’exécution des peines prononcées, c’est 92%. Quand j’entends que les peines prononcées ne sont jamais exécutées, quand j’entends que la justice ne donne pas de réponse pénale, que la délinquance des mineurs augmente, je me dis qu’il faut remettre les choses à leur place et dire la vérité ».

    Et si on disait la vérité, en effet ?

    Dire la vérité c’est important, en effet. Mais alors toute la vérité. Car il est certaines vérités auxquelles il est aisé de faire jouer le rôle de l’arbre qui cache la forêt. Et c’est ainsi que la « vérité » (à laquelle, en ce cas, il faut bien mettre des guillemets) peut servir à camoufler la réalité. Une technique portée à un haut point de perfection, par exemple, par Laurent Mucchielli.

    Examinons donc une à une les affirmations de notre ministre pour voir la part de vérité, ou de « vérité » qu’elles contiennent. Pour ce faire, je ferais l’hypothèse que les statistiques officielles sont un reflet exact de la réalité de la délinquance. Je sais parfaitement que cette hypothèse est fort contestable et qu’il y aurait beaucoup à dire sur l’adéquation très imparfaite entre les chiffres officiels et la réalité. Mais qui a vécu par la statistique périra par la statistique et, puisque le ministre de la justice cite des chiffres, répondons-lui par des chiffres.

    – Première affirmation : « La délinquance des mineurs n’a pas augmenté depuis dix ans. »

    À strictement parler, cette affirmation est vraie. Si nous regardons les Chiffres clés de la justice (disponibles en ligne), auxquels se réfère probablement Éric Dupont-Moretti, nous voyons qu’en 2018, les parquets ont traité 177 761 affaires concernant des mineurs. En 2006, ce chiffre était de 174 533. Comme la population a augmenté entre temps, on peut dire en effet que la délinquance des mineurs n’a pas augmenté depuis 2006, ou à tout le moins que l’activité de la justice concernant les mineurs n’a pas augmenté.

    Sauf que… dans les statistiques de police, entre 1996 et 2006, les mises cause de mineurs pour diverses infractions ont augmenté de plus de 40%. Par exemple, vol à main armée +33%, viols +56%, coups et blessures volontaires +168%. Parallèlement, bien sûr, la « réponse pénale » s’est envolée et le nombre de mineurs condamnés pour crimes et délits a augmenté de près de 90%. S’agissant du rajeunissement des mineurs concernés, les statistiques n’étaient pas moins significatives puisque, sur la même période, le nombre des mineurs de moins de 13 ans condamnés pour délits avait plus que doublé.

    Vous pourrez trouver tous les chiffres qui vont bien dans le rapport remis par la commission Varinard, au ministre de la justice en 2008 et qui s’intitule Adapter la justice des mineurs.

    Par ailleurs, il est nécessaire de tenir compte de l’évolution qualitative de la délinquance. « Pour l’ensemble des mis en cause (majeurs et mineurs), et donc pour les cas où des poursuites pourront être envisagées un suspect ayant été entendu, le point saillant est la croissance de long terme, depuis le milieu des années 1980, d’affaires incluant une forme ou une autre de violence… »

    Cette évolution est particulièrement marquée concernant les mineurs délinquants, ce que même Laurent Mucchielli est obligé de reconnaitre (eh oui). Il écrit ainsi : « En trente ans la structure de la délinquance des mineurs s’est en effet modifiée. Au début des années 1970 les vols (notamment de voiture) représentaient 75% de la délinquance des mineurs poursuivie par la police, contre moins de 40% aujourd’hui. […] Ce sont les délinquances d’ordre public (stupéfiants, heurts avec les policiers, destructions et dégradations) qui portent cette évolution, suivies par les agressions verbales, physiques et sexuelles. » (« L’insécurité est-elle un sentiment ? » Notes et Synthèses de l’IPJ, n°50, février 2020)

    Autrement dit, même si, selon les chiffres officiels, la situation n’est pas pire aujourd’hui qu’il y a dix ans, comme le prétend Éric Dupont-Moretti, cette situation est cependant TRÈS dégradée par rapport à ce qu’elle était au début des années 1990. Il y a bien eu une « augmentation massive » de la délinquance des mineurs (et une augmentation de la violence de ces délinquants), mais simplement AVANT la période de référence choisie par notre ministre. Oh, le petit coquin ! Et si on évitait le jargon qui dissimule la vérité ?

    Deuxième affirmation : « Le taux de réponse pénale dans notre pays, c’est 90%. »

    À strictement parler, cette affirmation est également vraie. Mais qu’est-ce qu’une « réponse pénale » ? Par « réponse pénale », le grand public entend en général « sanction », puisque dans « pénal » il y a « peine ». Sauf que la « réponse pénale » n’a pas grand-chose à voir avec cela. Examinons.

    En 2018, 4 687 990 procès-verbaux ont été transmis aux juridictions. Seuls 1 312 690 d’entre eux ont été considérés comme « poursuivables », soit 28%. Sur ce nombre, 610 475 ont donné effectivement lieu à des poursuite (46,5%), 4,9% à une composition pénale, 36,3% à des procédures alternatives au poursuite et 12,3% à des classements sans suite. La « réponse pénale », c’est ça. C’est l’ensemble des suites données par la justice aux affaires qu’elle estime « poursuivables ».

    Un « rappel à la loi », c’est une « réponse pénale », une « orientation de l’auteur vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle » c’est une « réponse pénale », une « médiation » c’est une « réponse pénale », etc. Nous sommes très loin de l’idée que s’en fait le grand public et on comprend aisément qu’une large part de la « réponse pénale » ne produit ni sanction, ni dissuasion, ce qui semblerait pourtant le but essentiel de la chose. Mais poursuivons.

    La même année, les juridictions ont prononcé 130 290 peines de prison en tout ou partie ferme, ce qui représente 21,4% de toutes les affaires poursuives en 2018, 10% des affaires poursuivables et moins de 2,8% des affaires transmises à la justice. Si nous ajoutons les amendes (180 712) et les travaux d’intérêt général (13 322), les sanctions non symboliques ont concerné seulement 6,9% des affaires portées à la connaissance de la justice cette année-là.

    Autrement dit, la « réponse pénale », c’est à peu près comme le taux de réussite au bac, ou comme les statistiques de la production industrielle en URSS : c’est une mesure de l’activité de la bureaucratie, destinée à impressionner les naïfs, et absolument pas une mesure de la quantité de biens réels produits, que ce bien se nomme « sécurité », « instruction » ou bien « paire de chaussures ». Encore une belle « vérité » que nous a asséné notre ministre de la justice. Et si on exécutait vraiment les peines ?

    Passons à la dernière affirmation : « Le taux d’exécution des peines prononcées, c’est 92% ».

    Je ne sais pas exactement à quoi fait référence le ministre avec ce chiffre. Admettons qu’il s’agisse du taux d’exécution des peines d’emprisonnement ferme. En ce cas nous sommes très près de la vérité statistique puisque, en 2016, ce taux atteignait 90%… au bout de trois ans (Infostat Justice n°163). Le sujet est un peu technique mais il en vaut la peine, suivez-moi patiemment.

    Il existe en permanence un stock de peines de prison en attente d’exécution. L’existence d’un tel stock n’est pas en elle-même problématique : il est normal que toutes les décisions de justice ne puissent pas être exécutées immédiatement, pour des raisons à la fois matérielles et juridiques. Ce qui peut éventuellement poser problème, c’est le volume du stock et la rapidité de son écoulement.

    Quel est le volume du stock ? On ne sait pas exactement, ce qui donne une mesure de la médiocrité de la statistique judiciaire française. Lorsque des estimations ont été faites par le ministère, on aboutissait à des chiffres quelque part entre 90 000 et 100 000. Le stock en attente serait donc assez proche du volume des peines fermes prononcées chaque année par les tribunaux. Et à quelle vitesse s’écoule-t-il ?

    Selon Infostat, le taux d’exécution était de 57% à six mois, de 73% à un an et de 89% au bout de trois ans (donc, in fine, près de 10% des peines de prison ferme ne sont jamais exécutées…). Encore faut-il s’entendre sur le terme « exécution ». Exécuter une peine de prison ferme ne signifie pas nécessairement mettre le condamné en prison, oh non.

    Une peine exécutoire est dite mise à exécution lorsqu’un premier évènement marquant le début de l’exécution est enregistré : incarcération du condamné, décision d’aménagement de la peine, décision d’inexécution, décès du condamné, etc. En fait, dans un grand nombre de cas, « l’exécution » d’une peine d’emprisonnement ferme signifie que cette peine sera transformée en autre chose que de la prison (surveillance électronique, conversion en sursis avec travail d’intérêt général, etc.).

    Ainsi, Infostat nous informe que près du tiers des peines d’emprisonnement ferme prononcées en 2016 ont fait l’objet d’un aménagement. Nous avons donc un stock très important de peines de prison ferme en attente d’exécution, ce stock s’écoule lentement, voire très lentement pour les courtes peines, les peines les plus lourdes étant exécutées en priorité, et souvent « l’exécution » signifie laisser en liberté la personne qui a été condamnée à de la prison.

    Autrement dit, nous sommes en plein dans le diagnostic posé par Emmanuel Macron il y a quelques jours devant l’Association de la presse présidentielle : « Quand un délinquant est appelé devant le juge six ou huit mois (après les faits qui lui sont reprochés), et qu’il purge sa peine douze ou dix-huit mois après, ça n’a aucune vertu et, pour la victime, c’est insupportable ». Et pourquoi sommes-nous dans cette situation « insupportable » pour les victimes et qui n’a aucune vertu dissuasive pour les délinquants ? Parce que nous manquons terriblement de place de prison.

    Si le stock est si important, s’il s’écoule si lentement, si les peines sont si souvent aménagées, c’est parce, depuis le milieu des années 1960, le nombre de places disponibles en détention a été multiplié à peu près par deux, alors que, entre le milieu des années 1960 et le début des années 2000, le taux de criminalité en France métropolitaine a été multiplié pratiquement par sept. Telle est la vérité très déplaisante que cache la « vérité » énoncée par Éric Dupont-Moretti avec son taux d’exécution de 92%.

    Nous pouvons donc conclure de ce petit exercice de fact-checking que soit notre ministre de la justice est intellectuellement assez malhonnête, soit il a été profondément endoctriné par l’école de la culture de l’excuse et prend pour argent comptant toutes les malhonnêtetés intellectuelles produites par celle-ci. Voilà une intéressante vérité que nous avons gagnée en examinant les « vérités » énoncées par Éric Dupont-Moretti.

  • Onfray, ou la sculpture de soi, avec Annick Geille.

    Source : https://www.atlantico.fr/

    Michel Onfray publie ces jours-ci le douzième volume de sa contre-histoire de la philosophie –La résistance au nihilisme- (Grasset) ainsi que le premier numéro (en ligne) de sa revue « Front populaire ». Double actualité du philosophe le plus populaire de France.

    4.jpgLire Michel Onfray ces derniers temps, l’écouter sur un plateau ou à la radio, c’est constater le même phénomène. Onfray est devenu bon. Très bon. Pourquoi ? Depuis sa  -regrettable- lettre à Macron, et la mise en lumière d’erreurs  et d’approximations dans certains textes concernant l’histoire des religions, le fondateur des « universités nomades» s’est repris. Michel Onfray est une éponge. Il lit, écoute, entend, ressent et corrige le tir. Très réceptif, celui qui fait aimer la philosophie un peu partout en France apprend de ses erreurs, s’il y en a : tant et si bien qu’en ce début d’été 2020, le « sachant » médiatique qu’il est devenu parvient à une sorte de perfection dans  la consolidation de son image.

    «  Le gauchisme culturel fait la loi dans la plupart des médias traditionnels »,  précise l’auteur dans « La résistance au nihilisme », douzième volume de sa contre-histoire de la philosophie ( Grasset). Après cet hommage aux théories  de l’essayiste et sociologue Jean-Paul Le Goff « Le gauchisme culturel et ses avatars » (cf. revue « Le Débat » 2013), Michel Onfray déroule sur 528 pages une somme considérable : Le panorama intellectuel de la France d’après 68. Un vade-mecum du « nihilisme contemporain  comme symptôme de ce que les déshérités n’ont plus aucune consolation »  précise l’éditeur. Une sorte de défilé des penseurs du demi-siècle, avec le déroulé des œuvres, théories et opinions, espoirs, contradictions, désillusions  en  mémoire d’une époque assez bouillonnante ;  facile à lire  - malgré son érudition-, « La résistance au nihilisme » regroupe, tels les onze précédents volumes de cette « Contre-histoire de la philosophie », les cours que le philosophe délivra à ses étudiants de tous âges lors de ses « universités populaires itinérantes ». Le volume 12 de cette «philosophie alternative » fait l’inventaire des vraies- ou fausses- valeurs du dernier demi-siècle, dans le vide des promesses non tenues de Mai 68. « Il s’agit de l’extraordinaire chantier de Michel Onfray :écrire une contre- histoire cheminant le long de la » philososophie officielle » indique la quatrième de couverture. Nous croisons Bernard- Henri Levy et les « Nouveaux philosophes », tels que vus par Gilles Deleuze (1925-1995) : «  Ils ont introduit en France le marketing littéraire ou philosophique au lieu de faire une école (…) Il faut que la multitude d’articles de journaux, d’interviews, d’émissions de radio ou de télé remplacent le livre, qui pourrait très bien ne pas exister du tout. Au fil des pages, nous rencontrons Bourdieu (1930-2002) : «  Pierre Bourdieu fait exploser les catégories qui voudraient qu’on soit de droite donc contre mai 68, ou de gauche, donc pour mai 68 ». Or il y eut des gens de droite pour Mai 68, Maurice Clavel par exemple, et des gens de gauche contre, ainsi Régis Debray » rappelle l’auteur.  

    Onfray renverse certaines statues à bon escient. « Pour le dire  autrement, tous ceux qui ont trempé dans Vichy, Guitton, Valéry, ou Maurice Clavel, la collaboration, soit activement comme Rebatet, Chardonne ou Morand, soit passivement comme Beauvoir, Sartre, et Merleau-Ponty,  ces derniers en ayant vécu normalement, sans rien faire contre l’occupant, en s’arrangeant même plutôt bien de sa présence (…) ». Beau chapitre consacré à Jankélévitch, et à l’antisémitisme tel que défini par « Yanké », qui exige de « pouvoir revendiquer sa judéité sans qu’autrui l’assigne à ce qu’il aura présenté comme étant sa définition. » 

    Comment  ce «nihilisme »  contemporain est-il advenu  ? Outre le « gauchisme culturel » qui  en est le principal artisan,  s’est déchaîné l’antiracisme. «  SOS Racisme a introduit le principe racial et le communautarisme ethnique qu’il affirme combattre. Cette façon de faire marque une rupture avec la tradition républicaine française : les Juifs, les « Beurs », les Maghrébins, les »Blacks » revendiquent des droits pour eux, ils mènent un combat politique en leur faveur et de ce fait, ils inaugurent la revendication identitaire qui fait fi de l’appartenance commune à la collectivité. (…) La République a vécu. » ,dit Michel Onfray à ce propos. 

    L’auteur règle ses comptes à l’écologie punitive. » Leur critique de la raison, du cartésianisme, de la science, du progrès, des Lumières est partielle et partiale(…)» Contrairement à ce que font croire au peuple les clichés du gauchisme culturel ,Michel Onfray note la présence d’hommes de droite dans les rangs de la Résistance, dont le premier d’entre eux, le Général de Gaulle « sans cesse récusé par la gauche pour n’être pas des siens a été l’homme qui a initié la Résistance en France « mais les légendes ont toujours été préférées aux vérités qui gênent », conclut Onfray sur ce chapitre.`

    « Dans l’histoire de la philosophie, il existe une domination  idéaliste, notamment platonicienne. Or, on peut proposer une contre-histoire de la philosophie qui se soucie d’un autre lignage : matérialiste, hédoniste, nominaliste, athée, sensualiste,etc. », dit encore Onfray pour définir le concept de ses recherches. D’abord repris par France-Culture, ses cours sont commercialisés « sous forme de coffrets comprenant chacun 11 à 13 disques compacts audio », édités par Frémeaux & Associés ». On les trouve aussi sur le site de Michel Onfray. Le discours se propage.

     

    Et voici que le philosophe alternatif devient éditeur  de  presse, alors que paraît sa revue « Front populaire » (titre qui a les défauts de ses qualités, mais pourquoi pas ?) («  Déjà imprimée, la revue papier trimestrielle sera disponible le 23 juin en kiosques et le 25 en librairies. Mais d'ores et déjà, cette publication de 166 pages qui entend "mener le combat des idées pour retrouver notre  souveraineté" a gagné le pari financier de son lancement. (cf. Challenge/juin 2020.)»Soyez résolus à ne plus servir et vous voilà libres ! » : tel est la profession de foi de «  Front Populaire » ( cf.Discours de la servitude volontaire/1548/. La Boétie) « Le Discours sur la servitude volontaire » n’est rien d’autre qu’un manuel d’insurrection – mais quel manuel! », précise Onfray, dans  son édito. « Résister à la petite musique crétinisante du pouvoir »… Et de tous les pouvoirs, au fond :  la formule pourrait définir non seulement la revue, mais le projet de la galaxie Onfray 2020. Le fondateur et l’ animateur treize années durant  de la « l’université populaire » de Caen est aujourd’hui le dirigeant d’une entreprise « made in Onfray ». Entreprise pensée au millimètre près, depuis le site : contact@michelonfray.com, avec comme logo les lunettes rectangulaires du philosophe. Lui qui n’a pas de passion pour les journalistes- et c’est un euphémisme- en est devenu un. Editeur de presse, à lui et à Stéphane Simon -son associé- (ex associé de Thierry Ardisson), les joies du « business plan », du retour sur investissement ,du stress et du surmenage propres aux lancements de presse. Les contributeurs de « Front Populaire « sont des « souverainistes de droite ou de gauche » issus de la société civile. 

    Les  cours de « contre-philosophie » sont dans l’air du du temps. Une fureur  sourde gagne le pays. Tout le monde est « contre » tout. Les amphithéâtres des universités populaires sont bondés. Michel Onfray a compris. Le public n’en peut plus des discours idéologiques préfabriqués. Onfray est donc  devenu imprévisible. Plus libre. Et c’est ce que son public attend. Cette liberté de ton, cette proximité qui force le respect car il n’y a jamais de préétabli des mots, de théorie guidant le téléspectateur dans la « bonne » direction.

    Jadis impressionnée par « La stricte observance » (Gallimard/Folio), petit texte (128 pages) limpide, d'une grande importance, peu remarqué, dans lequel Onfray s'interrogeait sur la mort (celle de la femme aimée, suivie du décès de son père, ouvrier agricole en Normandie), j’en avais rendu compte ici. L’auteur posait des questions à la foi chrétienne, qu’il respecte. L’homme qui advenait était vrai. Croyants ou pas, nous partagions sa peur. Sa douleur. "Humain, trop humain" : Michel Onfray nous ressemblait. "On ne fait jamais son deuil, disait-il, "c'est le deuil qui nous fait”. Bras tendus dans le noir,Onfray cherchait la lumière. Cela arrive à des gens très bien.Le deuil, la solitude,  la peur.Pas très gai, mais universel. Ce récit romanesque, inspiré de « Vie de Rancé », dernière et magnifique oeuvre de Chateaubriand, disait presque tout de Michel Onfray. « Heureuse solitude, Seule béatitude, que votre charme est doux, De tous les biens du monde, en ma grotte profonde, Je ne veux plus que vous ». (François-René de Chateaubriand, Vie de Rancé/1844)

    Avec « La résistance au nihilisme » et « Front populaire »Michel Onfray s’impose. Au point que le philosophe, de plus en plus « populaire », pourrait (dit-on) « songer à un destin politique ». Problème. Il y a deux Onfray. Le tribun, qui a l’art et la manière de développer la planète Onfray, et l’auteur de « La stricte Observance ». Pudique, sauvage. Une sorte d’ennemi intérieur du premier, résistant à la résistance. Entre l’homme des vidéos, des sites, des abonnements et de l’édition, et l’écrivain secret qu’est Onfray, - qui va l’emporter ? L’artiste fasciné par le « Cosmos », ou le dompteur des foules assoiffées de considération ? Le romancier de « La Stricte Observance » ou le bateleur du tarot ? A suivre.

    « La résistance au nihilisme »/contre- histoire de la philosophie 12 (Grasset)/29 euros/ 528 pages

    « Front populaire »/ Revue trimestrielle mise en ligne le 18 juin/ publiée en kiosque et dans les librairies  le 23 juin/166 pages/ 14,90€. 

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  • La guerre d’indépendance américaine de 1812, méconnue et racontée par Sylvain Roussillon [Interview].

    En 1812-1814, alors que le monde a les yeux tournés vers l’Europe, embrasée par les guerres napoléoniennes, une autre guerre se déroule sur le continent américain. Elle oppose les États-Unis d’Amérique à l’Angleterre.

    La Guerre de 1812-1814 , appelée aussi Seconde Guerre d’indépendance américaine, aurait pu s’appeler « Naissance d’une Nation ». Les Etats-Unis entrevoient le formidable potentiel qui est le leur sur un continent d’où les puissances européennes vont être chassées. Les conséquences de la Guerre de 1812-1814 sont toujours bien présentes.

    7.jpgCette guerre a forgé une nation dans les épreuves, bien davantage que la première Guerre d’indépendance n’avait été en mesure de le faire.

    Ce conflit est retracé dans un nouveau livre passionnant signé Sylvain Roussillon, livre qui retrace les batailles navales et terrestres et les enjeux diplomatiques du conflit et qui est le premier ouvrage écrit en français sur le sujet.

    L’autre guerre d’indépendance américaine – Sylvain Roussillon – 18€ – l’Artilleur (Toucan)

    Nous avons interrogé M. Roussillon pour plonger dans une histoire méconnue.

    Breizh-info.com : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

    Sylvain Roussillon : Je suis né en 1965, j’ai longtemps été un militant politique actif avant de me tourner vers une carrière plus institutionnelle. Parallèlement à cela, je suis président d’un Etablissement Privé d’Enseignement Universitaire.

    Je suis un passionné d’histoire. J’ai déjà publié en 2012 un livre sur les volontaires étrangers pro-nationalistes durant  la Guerre d’Espagne, intitulé Les Brigades internationales de Franco, qui vient d’être traduit et édité en Espagne. En 2019, j’ai rédigé un petit opuscule sur les origines du PCF. Enfin, au mois de novembre prochain, paraitra L’Epopée coloniale allemande, avec une préface de Rémi Porte et une postface de Bernard Lugan ; l’œuvre est consacrée à l’histoire de la colonisation allemande.

    Breizh-info.com : Dans quel contexte se déroule la guerre d’indépendance américaine de 1812 ? Et à l’International, quelles sont les répercussions ?

    Sylvain Roussillon : La guerre de 1812 se déroule dans un contexte pour le moins complexe. La vie politique américaine est déchirée entre deux grands partis aux vues radicalement opposées. Tout d’abord, le Parti Fédéraliste, le père de l’indépendance américaine, avec une lecture encore très « européenne » des rapports de force économiques, politiques et diplomatiques. D’un autre côté, le Parti Républicain-Démocrate qui souhaite une rupture franche avec le Vieux-Monde, notamment l’ancienne puissance tutélaire des Britanniques. Ces derniers n’ont d’ailleurs pas digéré leur défaite dans  la guerre d’indépendance et ne désespèrent pas de reprendre la main, d’une manière ou d’une autre, sur les anciennes colonies rebelles. Ils sont poussés dans cette démarche par plusieurs milliers d’Américains loyalistes, réfugiés au Canada. Ajoutons à cela les prémisses de la Conquête de l’Ouest, avec les premiers heurts vraiment sérieux face à des nations amérindiennes organisées, et peu désireuses d’être encore refoulées plus loin.

    Les répercussions à l’international ne se font pas sentir immédiatement. Les Etats-Unis sont à l’époque une puissance de seconde voire de troisième zone. Quant à l’Europe, elle est bien plus préoccupée par les débuts de la Campagne de Russie et le franchissement du Niemen par l’armée française, ou encore par les violent combats qui déchirent la péninsule ibérique, que par ce petit conflit américano-britannique balbutiant.

    Breizh-info.com : Qui sont les grandes figures, politiques et militaires de l’époque en Amérique ?

    Sylvain Roussillon : Le Président des Etats-Unis est à l’époque le républicain-démocrate James Madison, élu en 1808 et réélu en 1812. Considéré que l’un des principaux rédacteurs de la Constitution américaine, il s’est éloigné des fédéralistes qu’il juge trop timorés à l’égard de l’agressivité britannique.

    James Monroe, qui représente l’aile la plus radicale des républicains-démocrates, est Secrétaire d’Etat de Madison. Il prend une part active dans la conduite de la guerre. Elu président des Etats-Unis en 1816, c’est lui qui, fort de l’expérience de cette guerre de 1812-1814, établira la fameuse « Doctrine » qui porte son nom. Aujourd’hui encore, celle-ci dicte les rapports que les Etats-Unis entretiennent avec le reste du continent américain et le reste du monde. Tout d’abord, les Amériques du Nord et du Sud sont fermées à la colonisation et à toute forme d’ingérence. Ensuite, toute intervention européenne dans les affaires du continent sera perçue comme une agression et une menace pour la sécurité et la paix. Le non-interventionnisme américain, initialement partie intégrante de la « Doctrine Monroe » disparaitra, comme chacun peut le constater, à la fin du XIXème siècle…

    Sur le plan militaire, les Américains feront plusieurs erreurs de « casting » au début du conflit, privilégiant des officiers politiquement acquis à la cause républicaine-démocrate, plutôt que compétents. Un figure militaire se détache néanmoins du lot, celle d’Andrew Jackson. Vétéran des guerres indiennes dans le sud des Etats-Unis, c’est lui qui inflige aux Britanniques, avec l’appui notable des francophones de Louisiane, la plus grosse défaite de ce conflit lors de la bataille de la Nouvelle-Orléans. Il sera à son tour président des Etats-Unis de 1828 à 1837.

    Breizh-info.com : Dans quel camp se situent les principales tribus indiennes ?

    Sylvain Roussillon : Les nations indiennes sont majoritairement hostiles aux Etats-Unis. Le chef shawnee Tecumseh tente même, avec le soutien des Britanniques, de créer une sorte d’état, une Confédération indienne, pour s’opposer à l’expansionnisme américain. Tecumseh est le premier amérindien à obtenir un grade de général dans une armée occidentale, britannique en l’occurrence. Il est tué en 1813, et sa confédération se désagrège. Mais cette même année, la tribu des Red Sticks, de la nation des Creeks, prend les armes dans le sud. Il faut cependant noter que quelques nations demeurent fidèles aux Américains, comme les Cherokees ou les Choctaws. Mais c’est plus l’exception que la règle. Les grands perdants de ce conflit seront, comme souvent, et peut-être toujours, aux Etats-Unis, les nations indiennes.

    Breizh-info.com : Qu’est-ce qui explique que cette guerre soit beaucoup plus méconnue que la première guerre d’indépendance ?

    Sylvain Roussillon : D’une part, ainsi que je l’ai souligné, l’Europe est engagée dans la période des guerres napoléoniennes, et ce conflit du bout du monde, avec cet embryon de nation que constituent alors les Etats-Unis n’intéressent pas grand monde à l’époque. En outre, la paix qui est signée en 1814 (même si les combats vont encore durer quelques mois, le temps que l’ensemble des belligérants en soit informé) conclut à un Statu quo ante bellum. Il n’y a donc ni annexion, ni modification substantielle des frontières et des territoires. Les effets de cette guerre méconnue se feront sentir bien plus tard.

    Il est cependant fort dommage, notamment en Europe, que ce conflit et ses conséquences aient été si peu étudiés. En effet, la Guerre de 1812-1814 est un évènement majeur dans l’histoire des relations internationales des Etats-Unis. Bien plus que la Guerre d’Indépendance qui, si elle reste importante symboliquement, n’a pas les mêmes répercussions internationales. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard que certains historiens appellent ce conflit, « Seconde Guerre d’Indépendance américaine ».

    Quelles ont été les conséquences de cette guerre ? Porte-t-elle en elle déjà les germes de la guerre de sécession ?

    Sylvain Roussillon : La première des conséquence de cette guerre est économique. Les Etats-Unis, qui importaient d’Europe l’essentiel de leurs produits manufacturés, sont contraints, à cause du blocus naval britannique, de développer leur propre économie de transformation. C’est cette guerre qui véritablement fait entrer les Etats-Unis dans l’ère de la Révolution industrielle. C’est cette guerre qui va rapidement transformer cette nation rurale en un géant industriel, notamment dans les états du nord, ce qui ne sera pas sans impact sur la Guerre de Sécession à venir.

    Par ailleurs, en 1814, malgré cette paix « sans vainqueur ni vaincu », les Américains éprouvent un curieux sentiment d’invincibilité. N’ont-ils pas, effectivement, tenu tête, seuls, à la première puissance navale et militaire de l’époque, celle-là même qui vient de terrasser la France après plus de 20 ans de conflits et de coalitions. C’est véritablement de cette guerre que nait le sentiment « national » américain. Plus que la Guerre d’Indépendance, la Guerre de 1812 est le véritable creuset du patriotisme des Etats-Unis.

    Enfin, quitte à me répéter, cette guerre donne naissance à la « Doctrine Monroe » qui demeure, malgré les aléas historiques et politiques, la ligne de conduite quasi-permanente des Etats-Unis en matière de politique étrangère depuis sa mise en œuvre.

    Les rapports de ce conflit avec la Guerre de Sécession sont indirects mais bien réels. L’éveil industriel et urbain du nord, construit notamment sur l’exploitation massive d’un sous-prolétariat irlandais, puis bientôt allemand et italien, s’oppose à un autre modèle économique, rural et servile, dans le sud. De surcroît, les deux économies entrent en concurrence au sujet des droits de douane. Le nord, dont l’industrie manufacturière est encore bredouillante, a besoin de ces droits pour contrer la concurrence européenne, tandis que le sud, très exportateur de coton et de tabac, souhaite des barrières douanières les plus faibles possibles. La rivalité entre les deux modèles est effective, provoquant des tensions politiques. au cœur d’un Sénat équilibré, avec 11 états esclavagistes et 11 états non esclavagistes. L’admission du Missouri au sein de l’Union, en 1820, risque de faire basculer le Sénat dans le camp des états esclavagistes. Le président James Monroe élabore alors le « Compromis du Missouri » qui vise à figer les équilibres. C’est ainsi qu’une partie du Massachusetts est détachée de cet état pour former le Maine et ainsi rétablir l’équilibre avec 12 états esclavagistes et 12 états non esclavagiste. Ce compromis durera bon an, mal an, jusqu’à son abrogation en 1854. Cette abrogation réveille les passions et enclenche une dynamique qui conduit à la création du Parti Républicain, défenseur des intérêts économiques du nord. La victoire du candidat du Parti républicain, Abraham Lincoln, lors de l’élection présidentielle de 1860, contre un Parti Démocrate divisé entre partisans de l’esclavage et partisans d’un retour à un nouveau compromis, conduit à la sécession des états esclavagistes du sud. En ce sens, on peut dire que ce sont les « hommes de 1812 » qui posent une partie du décor de la future Guerre de Sécession.

    Breizh-info.com : Est-ce que vous recommanderiez certains films, certains livres sur cette période en Amérique ?

    Sylvain Roussillon : Il n’y a pratiquement pas d’ouvrages en langue française sur le sujet, ou alors il s’agit de travaux qui traitent d’éléments très précis au cœur même du conflit. Mon livre fait un peu figure d’exception, et c’est probablement pour cette raison qu’il est entré dans les syllabus de certaines universités québécoises. Il y a bien quelques films, téléfilms ou séries, mais beaucoup sont inédits en français. Citons tout de même, la série Taboo, sortie en 2017 et qui se passe dans le contexte historique de cette guerre. A titre personnel, je conseillerais, même si cela reste très hollywoodien, et très centré sur la personnalité du pirate francophone Jean Laffite, un des principaux acteurs de la bataille de la Nouvelle-Orléans en 1814, Les Boucaniers, sorti en 1958, avec Yul Brynner, Charton Heston et Charles Boyer.

    Le sujet demeure donc encore largement à explorer pour les francophones.

    Propos recueillis par YV

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    Source : https://www.breizh-info.com/

  • « C’est la France qu’on déboulonne » Et de la France enfin quand sera-t-il question?, par Bérénice Levet.

    La philosophe Bérénice Levet Photo: Hannah Assouline

    Source : https://www.causeur.fr/

    Plus encore que la rage destructrice des manifestants identitaires, c’est notre incapacité à y répondre qui inquiète. Nous devons mobiliser notre héritage pour promouvoir le modèle universaliste français. Emmanuel Macron aura-t-il le courage de le faire?

    Nous avions quitté un monde où les féministes assiégeaient les salles de cinéma qui avaient l’audace de programmer le J’accuse de Roman Polanski et battaient le pavé contre une France qui, en honorant le cinéaste d’un César, confirmait, selon eux, sa complaisance envers les violeurs et les assassins de femmes ; et à peine sortons-nous du confinement que nous assistons à une nouvelle salve d’offensives contre la France, sa police, ses statues, ses noms de rues et d’institutions. Parmi ces cibles, Colbert, véritable abcès de fixation des associations antiracistes et indigénistes, déjà visé en 2017 dans le sillage des événements de Charlottesville, dont les militants ne savent et ne veulent savoir qu’une chose : qu’il fut l’instigateur du Code noir, et d’un Code noir lui-même réduit à sa plus sommaire expression.

    Procureurs et fossoyeurs

    J’aurais pu consacrer cet article à l’ignorance crasse dont font montre ces activistes, déboulonneurs et taggeurs de statues, à leur anachronisme, leur pathos de la table rase, leur refus de compter avec l’essentielle ambivalence de l’Histoire. J’aurais pu développer leur impuissance à admettre la vérité énoncée par l’historienne d’art, Anne Pingeot, dans un texte consacré à Paul Gauguin (autre abcès de fixation des indigénistes) et au travail de sauvetage par un colon des mythes et légendes du peuple maori : « La civilisation occidentale qui détruit est aussi celle qui recueille, sauvegarde et recrée. » J’aurais pu évoquer leur rébellion contre ce donné de la condition humaine qui fait que, par la naissance, nous entrons dans un monde qui nous précède, et que, par conséquent, nous sommes « toujours, bon gré mal gré, les héritiers des actes d’autres hommes » (H. Arendt).

    Je préfère m’attacher à la réplique que nous opposons, ou non, à ces procureurs et fossoyeurs de la France. Ce qui frappe en effet dans ce nouvel épisode, mais plus largement dans toutes les offensives identitaires, qu’elles viennent des rangs des féministes, des LGBT-istes, des Noirs ou des musulmans, c’est l’inconsistance de notre réponse. Jusqu’à quand, jusqu’où allons-nous consentir à ce réquisitoire perpétuel et toujours plus véhément contre notre histoire, notre singularité, notre identité ?

    Les fièvres identitaires sont destructrices partout, mais en France, elles portent atteinte à un élément constitutif de l’identité française, du génie français

    Sans doute, dans ce cas précis, lors de son allocution du 14 juin, le président a-t-il eu le verbe haut : « La République n’effacera aucune trace ni aucun nom de son histoire, a-t-il déclaré. Elle ne déboulonnera pas de statues. » Cependant, quel crédit accorder à ces énergiques paroles ? Emmanuel Macron a donné trop de preuves de ce qu’il était acquis à l’idéologie identitaire et diversitaire pour que l’on puisse être véritablement rassuré. Et puis, quelle que soit la foi du président, que d’oreilles politiques et journalistiques compatissantes, que de génuflexions – au sens propre comme figuré –, que de gravité face à ces contempteurs de la France.

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    Vikash Dhorasoo et une vingtaine de militants antiracistes recouvrent d’un voile noir la statue du maréchal galliéni, héros de la Première Guerre mondiale et administrateur colonial français, Paris, 18 juin 2020.
    © J Radcliffe/Getty Images/AFP

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    La statue de Colbert devant le Palais Bourbon, siège de l’assemblée nationale.
    © Hannah Assouline

    « Il ne faut jamais résister aux gens qui sont les plus forts. » De toute évidence, nos élites ont fait leur la devise par laquelle le comte de Bréville, dans la nouvelle de Maupassant, escompte fléchir la farouche et patriotique Boule de suif. Or les forts aujourd’hui, ce sont les femmes, les Noirs, les musulmans, bref les minorités, la diversité. Et ils le savent.

    Ils savent que le fruit est mûr et ne demande qu’à tomber, d’où ces assauts de plus en plus réguliers et violents. Or, si, collectivement, nous nous souvenions encore de qui nous sommes, la réponse ne manquerait pas de fuser : Colbert n’est peut-être pas le grand homme des Noirs, mais en France il n’y a ni noirs, ni musulmans, ni juifs, ni catholiques, ni protestants, ni hommes, ni femmes, il n’y a que des Français. Et Colbert est un grand homme pour la France. Il est de ceux qui l’ont faite, et qui l’ont faite éclatante et glorieuse. Et c’est la raison pour laquelle la patrie lui est infiniment reconnaissante et le célèbre au travers de ses statues. Ironie de l’Histoire d’ailleurs, c’est au moment où Colbert aurait pu redevenir une figure exemplaire pour la France post-Covid-19 redécouvrant les vertus de l’État stratège, du protectionnisme économique et promettant de s’engager sur la voie de la réindustrialisation, qu’il est de nouveau pris pour cible. Mais c’est précisément cette transcendance de la patrie que ces captifs volontaires de leur « race » récusent.

    Notre reddition

    Nous sommes mis à l’épreuve et ce ne sont pas quelques biens qui nous sont ravis, mais un modèle de civilisation. Les fièvres identitaires sont destructrices partout, mais en France, elles portent atteinte à un élément constitutif de l’identité française, du génie français. Ce qu’on pourrait appeler la passion du monde commun, notre répugnance à voir les parties qui composent la France coexister, vivre les unes à côté des autres, superposées comme l’huile et l’eau, selon l’image de Renan. Par notre histoire, nous étions mieux armés que tout autre pays pour faire rentrer dans leur lit ces fleuves identitaires, féministes, indigénistes, LGBT-istes qui sont en train d’engloutir sous leurs eaux notre civilisation. Sauf que nous ne mobilisons pas cet héritage.

    Trois facteurs éclairent la reddition que nous ne cessons de signer avec nous-mêmes. 1. Nous ne connaissons plus notre histoire, et pour le peu que nous en connaissons, nous la tenons pour coupable ; 2. Nous ne la comprenons plus, nous ne la jugeons donc plus légitime ; et 3. Conséquence fatale, nous ne l’aimons plus suffisamment pour la défendre.

    Ces activistes, féministes, antiracistes, LGBT-istes, mais on pourrait ajouter antispécistes, se nourrissent d’abord de notre ignorance et de notre amnésie. Les maîtres de l’heure avancent en terrain d’autant plus sûrement conquis qu’il leur a été préparé par cinquante années d’éducation dite progressiste qui, depuis les années 1970, a fait de la liberté de l’enfant, de son génie originellement créateur, un alibi pour se dispenser de la tâche de transmettre l’héritage.  « D’autant que l’âme est plus vide et sans contrepoids, écrivait Montaigne, elle se baisse plus facilement sous la charge de la première persuasion. » Que savent de la France les moins de 50 ans – ce qui commence à faire du monde – sinon qu’elle a été et demeure raciste, patriarcale, sexiste, misogyne, islamophobe, homophobe, transphobe, cruelle aux bêtes ? À un Colbert réduit au Code noir, que seraient en mesure de riposter un écolier ou un adulte né dans les années 1970 ? On eût d’ailleurs aimé, dans ce contexte, entendre le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, car ce n’est pas sur des cartels escortant des statues que l’on apprend l’histoire de la France, mais sur les bancs de l’école.

    Ces militants de toute espèce se fortifient également de notre mauvaise conscience. Là encore, des décennies de tyrannie de la repentance ont fini par produire leurs effets. Il nous arrive ce qui arriva à l’instituteur interprété par Bernard Fresson dans Les Feux de la Chandeleur du cinéaste Serge Korber. Revenant sur ses années de jeunesse militante et interrogé sur l’identité d’une jeune femme noire qui figure parmi ses archives, il a cette réponse extraordinaire : « C’était Monica, mon époque noire. Je faisais du racisme à l’envers. Je ne parlais que de négritude, de pouvoir noir. Résultat : Monica, tellement acquise à mes idées, les a appliquées au pied de la lettre : un jour elle n’a plus supporté la vue d’un Blanc, moi le premier ! »

    Tirer sans fin sur notre capital civilisationnel

    Ils prospèrent enfin, et c’est à mon sens le point majeur, sur le sentiment d’illégitimité que nous inspire le modèle universaliste qui est le nôtre. Toute notre faiblesse vient de l’évidence que l’approche identitaire, diversitaire, communautaire a acquise au fil des années dans notre pays. Nous sommes en effet les héritiers d’une République qui, plus que toute autre, ne veut rien savoir des identités particulières, qui n’en demande pas le sacrifice, mais leur impose la discrétion dans l’espace public. Or, nous ne saisissons plus le magnifique pari sur la liberté que, au travers de cette exigence de neutralisation des appartenances privées, la République française fait sur l’homme. Elle postule l’existence en chacun d’une enclave de liberté, elle mise sur la capacité de tout individu, quel qu’il soit et d’où qu’il vienne, de faire un pas de côté par rapport aux déterminismes et aux appartenances. Non pas pour être jeté dans un vide identitaire, une abstraction prétendument libératrice, mais afin de prendre part à cette réalité supérieure, haute en couleur et en intrigues qu’est la nation.

    Cessons donc d’être les dupes de toutes ces victimes autoproclamées de la civilisation française et recouvrons la fierté de nous-mêmes. Leur objet n’est ni la vérité ni la justice, mais une volonté opiniâtre de faire rendre gorge à la civilisation occidentale et singulièrement à la France. Leur « logique » est la suivante : nous aurions contracté, historiquement, une telle dette à leur endroit qu’ils seraient comme autorisés à tirer des traites sans fin sur notre capital civilisationnel. Et c’est là que la généalogie victimaire joue un rôle essentiel, se présenter comme des « fils et filles » d’esclaves ou de colonisés, du simple fait de leur couleur de peau, permet des demandes exorbitantes. Verra-t-on un jour sortir des rangs des indigénistes ou des décoloniaux un esprit digne du courage et de la lucidité d’un Finkielkraut et capable d’écrire « L’Esclave ou le Colonisé imaginaire » ? 

    Bérénice Levet

  • Prince chrétien et laïcité, par Philippe Germain.

    Nous connais­sons main­te­nant les pen­sées du Prince sur l’immigration, l’Islamisation et la France chré­tienne. Il nous faut main­te­nant connaitre sa vision de la laï­ci­té, ce mot incon­nu des autres langues.

    philippe germain.jpg« Sans doute faut-il rap­pe­ler, en pré­am­bule, que la laï­ci­té a fait par­tie du bagage chré­tien dès l’o­ri­gine du chris­tia­nisme. « Ren­dez à César ce qui appar­tient à César, à Dieu ce qui appar­tient à Dieu » : la réponse du Christ aux Pha­ri­siens, qui figure dans les Évan­giles, a tou­jours réglé les rap­ports entre I ‘Église et I ‘État dans le monde chré­tien. Les deux pou­voirs sont dis­tincts. Cela me semble sain : d’un côté le tem­po­rel, de l’autre, le spi­ri­tuel. Il y a d’ailleurs eu des conflits, par­fois vio­lents, entre le royaume de France et la papau­té, I ‘un ten­tant d’im­po­ser à I ‘autre sa volon­té. On se sou­vient encore de la que­relle oppo­sant, à la fin du XIIIe siècle, le pape Boni­face VIII à Phi­lippe le Bel, qui se déclare « empe­reur en son propre royaume ». La Prag­ma­tique Sanc­tion de Bourges pro­mul­guée par Charles VII en 1438 puis le Concor­dat de 1516 confirment le gal­li­ca­nisme royal. En 1682, la Décla­ra­tion des quatre articles rédi­gés par Bos­suet pro­clame l’in­dé­pen­dance du roi « dans les choses tem­po­relles ». Mais ne nous mépre­nons pas ! Cette dis­tinc­tion ne signi­fie pas que le roi ignore l’en­sei­gne­ment de l’É­glise. Au contraire, le sou­ve­rain se com­porte en roi « très chré­tien » : il ne s’a­git pas de renier la foi, mais seule­ment d’af­fir­mer son auto­ri­té sur la conduite des affaires du pays.

    Tout autre est le pro­jet de la III° Répu­blique. Jules Fer­ry dit vou­loir « orga­ni­ser I ‘huma­ni­té sans roi et sans Dieu » … C’est dans ce contexte de pas­sions qu’est votée la loi de sépa­ra­tion des Églises et de l’E­tat. Nous sommes bien loin de la laï­ci­té telle que la conce­vaient l’É­glise et les rois de France : il s’a­git d’une laï­ci­té de com­bat, d’une idéo­lo­gie qui, dans ses ultimes déve­lop­pe­ments, inter­dit l’ex­pres­sion publique de la foi. …Et je déplore que res­sur­gisse pério­di­que­ment une laï­ci­té éton­nam­ment agres­sive dont les croyants, en géné­ral, et les chré­tiens, en par­ti­cu­lier, conti­nuent de souffrir ».

    Et, ose­rions nous dire, le prince nous semble faire de l’empirisme orga­ni­sa­teur en uti­li­sant l’Histoire de France, comme un réser­voir d’expériences pour ser­vir le pré­sent. Citons-le lon­gue­ment sur ce qu’il nomme sa « laï­ci­té pragmatique ».

    « Hen­ri IV reste dans la mémoire des Fran­çais comme I ‘homme de la récon­ci­lia­tion. L’É­tat se fait le garant de la paix civile en don­nant aux pro­tes­tants la pos­si­bi­li­té de pra­ti­quer leur culte, pour­vu qu’ils res­pectent les termes de l’é­dit. C’est donc un édit de paci­fi­ca­tion et de tolé­rance qui orga­nise les rela­tions entre I ‘Etat, les catho­liques et les pro­tes­tants dans I ‘inté­rêt du pays. Ce texte peut donc être consi­dé­ré comme l’une des sources de notre laï­ci­té « pragmatique ».

    « Est-ce encore pos­sible aujourd’­hui ? Il existe désor­mais en France de nom­breuses com­mu­nau­tés étran­gères ou d’o­ri­gine étran­gère qui ne font pas la dis­tinc­tion entre le tem­po­rel et le spi­ri­tuel. Nous n’a­vons pas non plus, chré­tiens, juifs et musul­mans, la même concep­tion de la loi. C’est une dif­fi­cul­té qu’il ne faut pas se dis­si­mu­ler si nous vou­lons conju­rer le risque de frag­men­ta­tion du pays. Je ne peux pas me rési­gner à I ‘idée que la France ne soit rien d’autre qu’une jux­ta­po­si­tion de com­mu­nau­tés. Com­ment l’é­vi­ter ? La laï­ci­té de l’É­tat, que je dis­tin­gue­rai d’un laï­cisme idéo­lo­gique et bel­li­queux, est une pre­mière réponse. En garan­tis­sant la liber­té des cultes, elle appelle toutes les confes­sions à faire preuve de res­pon­sa­bi­li­té en tra­vaillant dans I ‘inté­rêt géné­ral et pour le bien com­mun – ce qui leur inter­dit de ver­ser dans I ‘excès. Il est du devoir des pou­voirs publics de s’op­po­ser à toute forme de vio­lence uti­li­sée pour impo­ser auto­ri­tai­re­ment ses idées ou ses convic­tions religieuses.

    « Pour autant, je ne crois pas qu’il suf­fise d’af­fir­mer la laï­ci­té de l’É­tat pour don­ner à cha­cun I ‘envie de par­ti­ci­per à I ‘aven­ture natio­nale, quelle que soit son ori­gine. Là encore, il revient aux chré­tiens de mon­trer l’exemple. La France doit être fidèle aux pro­messes de son bap­tême pour être res­pec­tée dans le monde et par tous ceux qui sont venus y vivre. Si nous déni­grons notre his­toire, si nous renions notre voca­tion, si nous n’é­prou­vons pas la fier­té d’être Fran­çais, pour­quoi des étran­gers adop­te­raient-ils nos lois et nos cou­tumes ? Com­ment leur faire aimer la France si nous ne I ‘aimons plus nous-mêmes ? »

    Certes ce n’est pas un pro­gramme. La Monar­chie n’est pas un par­ti. Ceci rap­pe­lé, cela res­semble bigre­ment à des orien­ta­tions poli­tiques pour une nou­velle « aven­ture natio­nale ». Alors oui, plein d’espérance, lais­sons-nous aller avec Ber­na­nos consi­dé­rant qu’un roi, c’est « un homme à che­val qui n’a pas peur ». Même si cette belle défi­ni­tion du vieux came­lot du roi, n’est pas le tra­cé du qua­dri­la­tère maur­ras­sien, nous la fai­sons notre.

    La France est devant une alter­na­tive ; laquelle ?

    Ger­main Phi­lippe (à suivre)

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    Pour lire les pré­cé­dentes rubriques de la série « L’Islam enne­mi n° 1 bis », cli­quer sur les liens.

    1. France,  mai­son de la guerre
    2. Mai­son de la trêve et ter­ri­toires per­dus de la République
    3. Impact sur la France de la révo­lu­tion isla­miste de 1979
    4. Les beurs et la kalachnikov
    5. Le plan d’islamisation cultu­relle de la France
    6. Islam radi­cal et bar­ba­rie terroriste
    7. Pas d’amalgame mais complémentarité
    8. Pôle idéo­lo­gique islamiste
    9. Pôle idéo­lo­gique des valeurs républicaines
    10. Face au dji­had cultu­rel : poli­tique d’abord !
    11. Prince chré­tien et immigration-islamisation
    12. Le Prince et la France chrétienne

    Source : https://www.actionfrancaise.net/

  • Covid et jacobinisme, par Michel Onfray.

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    Nihilisme & post vérité

    Quoi de neuf depuis la publication de La Vengeance du pangolin, qui rassemblait en septembre dernier les textes que j’ai publiés depuis l’annonce de cette épidémie en Chine neuf mois plus tôt? Réponse: le triomphe généralisé de la post-vérité, autrement dit la domination de l’avis de tout le monde, c’est-à-dire celui de personne.

    Tout s’est trouvé dit et l’inverse, une chose et son contraire, une affirmation et sa négation, une fois blanc une fois noir, ici c’est une grippette là une épidémie majeure, une courbe montre que ça descend une autre que ça remonte, le masque inutile et incertain puis efficace et obligatoire, les enfants épargnés puis les enfants transmetteurs, jusqu’à le covid devenu la covid, comme un signe que la boussole s’affolait et n’indiquait plus rien de fiable…  Des professeurs agrégés, des médecins à la boutonnière rougie de légion d’honneur, des toubibs de plateaux, des médecins de campagne, des syndicalistes de la médecine, des infirmières vêtues comme des comédiennes de film de science-fiction montrées en héroïne du journal de vingt-heures, tout ce monde-là a donné son avis: rien de grave disent les uns, danse macabre disent les autres, ici des chiffres de trépassés gonflés, là des listes de défunts cachés, pour l’un des morts du COVID, pour l’autre des morts avec le COVID, le triomphe de Didier Raoult ou son échec. Des éditorialistes dont on ne nous dit jamais d’où ils viennent et pour qui ils roulent  nourrissent vingt-quatre heure sur vingt-quatre les moulins à paroles des chaînes d’informations continues. Les philosophes maastrichtiens, tout à leur célébration de la liberté libérale, celle du renard libre dans le poulailler plein de poules libres comme chacun sait, nous expliquent qu’il faut en finir avec cette société policière qui tyrannise tout le monde pour quelques vieux, quelques obèses, quelques cardiaques, quelques diabétiques, parfois même quelques vieux obèses cardiaques et diabétiques qui n’ont qu’à laisser leur place en crevant sans faire de bruit - il n’est pas étonnant que ces mêmes philosophes, BHL ou André Comte-Sponville par exemple, aient été moins regardants  sur cette même société policière quand elle tyrannisait les premiers gilets-jaunes . Tout ça est bien logique… 

    Ce que l’on sait donc de manière certaine c’est que plus rien n’est certain - même si ce constat de la fin de la vérité est vrai. Notre époque se manifeste par la fin de l’expertise. Comment l’expertise a-t-elle pu mourir? Depuis que tout le monde est devenu expert! Grâce à internet, chacun peut désormais s’autoriser de lui-même pour donner son avis. Depuis qu’on a confondu la légitime quête de l’égalité avec la religion sectaire de l’égalitarisme, chacun se dit qu’il a bien le droit de donner son avis sans avoir travaillé le sujet en vertu d’un double principe: «A chacun sa vérité» et «Pourquoi pas moi?».  Le blog d’un chercheur ayant passé sa vie sur la relation entre virus et génétique vaut le blog d’un crétin qui, la veille au soir, a appris ce qui distinguait l’ADN de l’ARN, avant de l’oublier le lendemain matin, non sans s’interdire pour autant de donner son avis de façon péremptoire sur ce sujet. L’éducation, la formation ou la connaissance étant désormais assurés par internet, un quart d’heure de navigation sur le net équivaut désormais à une dizaine d’années de recherches effectuées en vue d’un doctorat - équivaut, voire, parfois, vaut mieux, dépasse, surpasse…  

    Cette fausse liberté libertaire, qui s’avère la vraie liberté libérale d’internet, se double de la contrainte dans laquelle se trouvent les chaines d’information continue de constituer chaque jour des plateaux, des débats, des rencontres, et ce des heures les plus matinales aux heures les plus tardives. Le programmateur qui doit trouver des participants tous les jours se trouve obligé de ne pas inviter que du premier choix, il est contraint bien souvent à promouvoir de la marchandise intellectuelle avariée… Mais, là aussi, là encore, la parole autorisée de quelqu’un qui travaille se trouve à égalité avec les propos d’un bateleur qui brasse du vent. L’inculte beau parleur, sinon le bêta au physique d’acteur, mais il peut aussi y avoir des incultes beaux parleurs au physique de comédien, mettent à terre le savant bègue devant un demi-million de téléspectateurs. Qui pourra faire la part des choses et séparer le bon grain de l’ivraie? Plus personne…

    Plus personne ne le pouvant c’est désormais l’idéologie qui fait la loi et non plus la vérité. On se soucie moins du message que de l’émetteur du message: l’un dira c’est dans Le Monde, c’est donc bien vrai, l’autre, c’est dans Le Monde, voilà bien la preuve que c’est faux. Qu’on fasse de même avec tous les supports radio, papier, les quotidiens ou les hebdomadaires, les éditorialistes avec leurs aficionados respectifs : désormais, une information devient vraie ou fausse non pas parce qu’elle aura été validée selon des critères épistémologiquement éprouvés mais par l’émetteur du propos. 

    De sorte qu’en matière de vaccin, ça n’est plus Pasteur qui fait la loi mais l’information reçue un matin sur l’écran de son iPhone qui explique, en gros, que Louis Pasteur travaillait pour les laboratoires pharmaceutiques qui l’ont considérablement arrosé de son vivant! Il était stipendié par les labos et avait une double famille entretenue par cet argent gagné malhonnêtement! J’exagère à peine… Je reçois chaque jour un flot de sottises du même tonneau. La découverte des microbes, les expériences qui mettent à bas des siècles de croyance en la génération spontanée, les processus de mise au point de la vaccine, la différence entre le vaccin et le sérum, la guérison une fois, puis chaque fois, de la rage par l’injection du vaccin? Mensonges, mystifications, galéjades, fumisteries, tromperies… Des preuves? Le témoignage de ma voisine qui connait la cousine d’un frère de mon ami d’enfance qui dit que tout çà est faux car elle a lu sur internet que, etc… La découverte de Pasteur et le témoignage de la voisine sont désormais à égalité - quand le scientifique n’est pas contredit et jeté dans les poubelles de l’Histoire  au nom de ladite voisine! Voilà où nous conduisent d’une part la fin de l’éducation républicaine qui apprenait «Pasteur» à l’école et, d’autre part, son remplacement par le liquide faussement céphalorachidien mais vraiment toxique d’Internet…  

    Dans cette ère de nihilisme généralisé qu’est celui de la post-vérité, le complotisme fait rage! Comme cette notion est également utilisée en dépit du bon sens, nihilisme et post- vérité obligent, elle sert désormais à disqualifier la pensée de quiconque ne pense pas comme le politiquement correct le veut, ce qui veut dire qu’elle ne sert plus à rien, elle est vidée elle aussi de son sens véritable. Si le complotiste est celui qui pense que Macron est arrivé au pouvoir avec l’aide de gens ayant préparé la chose, alors que dire de tous ceux qui estiment que le COVID a été sciemment créé dans un laboratoire chinois avec le soutien des États-Unis afin d’obtenir une dépopulation qui permettra le fameux Reset économique, le tout avec la complicité des laboratoires pharmaceutiques qui fabriqueraient des médicaments pour soigner ceux dont les véritables complotistes nous disent qu’ils devaient mourir? Que leur dire en effet?  

    Ce qui se constate en matière de COVID est simple: le virus touche toute la planète et tous les pays s’en trouvent concernés - j’éviterai l’impacté des bobos! Aucun n’a choisi de ne rien faire, sauf dans les pays sans État qu’on disait jadis du tiers-monde. Tous confinent plus ou moins sévèrement et tous voient leurs économies s’effondrer et ne survivre qu’avec des prêts de l’État, donc avec l’argent du contribuable, dont les remboursements s’effectueront sur des décennies avec la génération suivante. Si une poignée d’illuminati avait voulu une pareille chose dans le bunker d’un gouvernement planétaire occulte, pareils olibrius seraient les descendants des Pieds-Nickelés! 

    Personne n’a créé le virus pour qu’il tue dans le projet d’un changement de paradigme civilisationnel au profit de quelques oligarques planétaires cachés. Voilà qui serait complotisme.

    Cela ne veut pas dire, en revanche, que le capital dont la nature est d’être plastique, n’en profite pas! 

    Que l’occasion soit belle pour les prétendus «progressistes» qui travaillent au gouvernement planétaire de détruire le petit commerce pour faire place nette aux grands groupes monopolistique qui imposeront ensuite leurs produits issus de l’industrie ; de précipiter la fin des librairies qui seront remplacées par les rayons livres des supermarchés dans lesquels ne seront présentés et vendus que les produits formatés par le marché et pour le marché, produits lucratifs que concocteront les éditeurs des grands groupes qui se raréfient en même temps qu’ils se gigantisent; de démanteler le monde de la culture pour en finir avec la liberté des créateurs, des artistes, des indépendants au profit des grosses machines qui auront pu survivre à l’effondrement de leur trésorerie, à savoir les institutions d’État qui disposeront du monopole de diffusion de la culture officielle; d’abolir l’école classique avec sa multiplicité et sa diversité de professeurs en chair et en os (le présentiel!) , actifs dans l’intimité de leur classe, au profit d’une poignée d’enseignants choisis (par qui?) dont les cours diffusés sur le net (le distanciel!) sont visibles par tous, inspecteurs et polices diverses, y compris celles du politiquement correct; de prescrire le traçage numérique nécessaire à l’instauration d’une société orwelienne; d’installer fissa la 5G qui permet de pister plus rapidement et plus sûrement dans ces conditions-là, sous le prétexte fallacieux de ne pas creuser la fracture numérique entre les enfants des villes et les enfants des champs  - depuis quand ce  gouvernement a-t-il le souci de ceux qui vivent en campagne?; d’accélérer la couverture Internet indispensable pour finir d’instaurer la société de contrôle qui s’avère la modalité la plus achevée du totalitarisme contemporain; d’imposer le télétravail qui instaure l’espionnage le plus parfait de l’activité salariale en faisant de l’ordinateur la pointeuse de chaque instant du labeur qui permet de mesurer en direct l’investissement personnel, la rentabilité et la productivité; de précipiter la marchandisation des corps  avec une loi votée entre fin juillet et début août qui permet l’infanticide d’un fœtus de neuf mois, moins l’heure qui précède sa naissance, sous prétexte qu’il ne correspond plus au projet parental (la fameuse Interruption médicale de grossesse, IMG) - que toutes ces occasions soient belles, donc, pour précipiter le vieux monde et accélérer son remplacement, voilà qui ne fait aucun doute…  Mais créer le COVID pour obtenir tout cela ce serait, avouons-le, du bricolage, or ceux qui aspirent au gouvernement planétaire et à l’instauration de l’État universel ne sont pas des perdreaux de l’année…  

    J’ajouterai à cette liste des méfaits infligés à notre république à la faveur du COVID l’effacement des dispositifs démocratiques. Le président de la République gouverne en effet d’une façon de plus en plus personnelle en s’affranchissant des règles de droit. Sous prétexte que nous serions en guerre  (on comprend désormais les raisons politiques de ce choix sémantique), Emmanuel Macron se comporte en chef de guerre et, conséquemment, il s’affranchit des dispositifs démocratiques et républicains de la nation. Il ne gouverne plus avec l’Assemblée nationale, avec le Sénat, avec les corps intermédiaires, avec les partis politiques, avec les présidents de région, avec les élus locaux, ni même avec la totalité de ses ministres, mais avec un Conseil scientifique choisi par lui et lui seul. C’est un genre de Comité central, un Bureau politique, un Soviet suprême, un Comité de salut public qui s’affranchit de toutes les règles pour débattre, peut-être, on ne sait, car son fonctionnement est opaque, mais pour permettre au chef de l’État d’être informé, puis de trancher seul, de décider seul et d’imposer à soixante millions de français ce qu’il aura cru bon de leur ordonner… Il ne s’agit pas ou plus de démocratie. Césarisme? Si l’on veut… D’autres mots conviennent aussi. On verra si le temps nous oblige à les utiliser.

    Michel Onfray

    Source : https://michelonfray.com/

  • Pourquoi toujours mettre les vieux en avant ?, par François Schwerer.

    Les vieux ont été isolés sous prétexte de les protéger. On les a consolés à coup de Rivotril. On les a vaccinés sans pour autant ralentir leurs morts. Bref, on les accable d'attentions qui les tuent.

    Depuis le début de la pandémie, le gouvernement français n’a cessé de mettre les « vieux » en avant, officiellement pour les protéger. Quand toute communication politique est exclusivement fondée sur l’observation des chiffres et que les données statistiques tiennent lieu de raisonnement, il est facile de s’abriter derrière les vieux pour expliquer que tel ou tel événement imprévu accroît leur mortalité ou que tel ou tel comportement est plus nocif qu’un autre.

    françois schwerer.jpgEn effet, en dehors de toute cause exceptionnelle, le vieillissement de la population des classes nombreuses de l’après-guerre conduit à une augmentation moyenne, naturelle, du nombre des décès de l’ordre de 13 000 par an en France selon l’Institut national d’études démographiques (Ined).

    Les vieux sont plus fragiles, il faut donc ne pas risquer de les contaminer. Mais toute politique qui annonce vouloir prolonger la vie des vieux (et des très vieux) est vouée à l’échec. Si l’espérance de vie est de 82 ans, faut-il s’étonner de voir que l’âge moyen des personnes qui décèdent depuis le début de la crise soit justement de 82 ans et leur âge médian de 85 ans ? Que les personnes âgées de plus de 75 ans représentent 78 % des décès ? Alors pourquoi mettre en avant la protection des personnes âgées ? Pourquoi expliquer la politique suivie par une action dont tout le monde connaît la vacuité ? Ou, pour poser la question autrement, qu’est-ce que cela cherche à cacher ?

    Quand on croise les chiffres détaillés publiés par Santé publique France, on constate que moins de 55 % des vieux qui sont décédés depuis le mois de mars 2020 sont déclarés avoir été considérés comme positifs à la Covid-19 au moment de leur décès et, parmi ceux-ci, que la contamination par le coronavirus était confirmée pour à peine 58 % d’entre eux. Plus finement encore, on constate que pour à peine 35 % d’entre eux, le certificat de décès ne mentionnait aucune autre cause de décès. C’est-à-dire que 65 % des personnes âgées décédées enregistrées comme victimes de la Covid, souffraient aussi de problèmes cardiaques, d’hypertension artérielle, de diabète, d’insuffisance rénale, de pathologies respiratoires…

    Comment a-t-on protégé les vieux ?

    Pour protéger les vieux, on n’a rien trouvé de mieux que de les isoler. Ceux qui sont en Ehpad ont été empêchés de voir les membres de leur famille. Les enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants ont été interdits de visite. Venant de l’extérieur, ils auraient pu introduire le virus dans l’établissement et donc communiquer la maladie à tous les pensionnaires. Mais, le personnel soignant, le personnel chargé du ménage ou de la cuisine, le personnel administratif, toutes ces personnes étaient bien obligées d’aller et venir. On n’a pas pu les retenir prisonnières dans les établissements – même si on l’a tenté dans l’un d’entre eux – et on n’a pas dit qu’elles étaient la cause d’un quelconque emballement dans l’un de ces établissements transformés en forteresses. Non, les seules personnes totalement exclues ont été les membres des familles. C’était, a-t-on répété ad nauseam, qu’il fallait protéger les plus fragiles, protéger les vieux. En fait, en les privant de tout contact avec ceux qui les aimaient (ce n’est pas pour rien que je mets le verbe à l’imparfait), on les a tués.

    Sous prétexte, nous a-t-on dit, de les empêcher de souffrir quand ils étaient malades, car on ne pouvait ni les sortir de peur qu’ils ne propagent la pandémie ni les soigner car on n’avait pas assez de lits disponibles, on leur a administré un calmant, le Rivotril, dont tout le monde sait qu’il hâte la mort des personnes incurables. À l’inverse, les traitements dont certains médecins avaient usé au début de la crise sanitaire pour traiter leurs patients, ont été interdits. On est donc en droit de se demander si le discours officiel est un discours de vérité ou un discours de circonstance permettant de soulager les hôpitaux engorgés et de faire baisser la densité de la population dont on nous dit qu’elle est trop nombreuse. De plus, ne serait-ce pas aussi un moyen de faire baisser la charge insupportable des retraites alors que, chômage oblige, le nombre des cotisants diminue et, allongement de la vie aidant, le nombre des bénéficiaires ne cesse d’augmenter ?

    Pour en rester aux seules informations officielles globales, examinons les chiffres, de l’année 2020, tels qu’ils ont été publiés par l’INSEE à la fin du mois de janvier 2021. En nombre absolu, la mortalité pour les tranches d’âge de 0 à 65 ans n’a pas varié depuis 2015.
    Le nombre des morts dans la tranche d’âge allant de 65 à 70 ans a continué à augmenter légèrement, au rythme du vieillissement des « baby-boomers ». Là, par contre, où on a constaté une nette accélération de la mortalité, c’est chez les plus de 75 ans. Effet du vieillissement, de la Covid-19, de l’isolement ou du Rivotril ? Si l’objectif du gouvernement a été de protéger les personnes âgées, le moins que l’on puisse dire est que la politique a échoué. Alors comment expliquer qu’on la poursuive, surtout de la part d’un gouvernement qui a tellement varié dans les autres mesures qu’il a préconisées et qui n’a pas hésité plus d’une fois à se renier ?

    Quelles conséquences de la vaccination ?

    Le 27 décembre 2020, les vaccins ont commencé à être administrés en France, alors même que « Monsieur Vaccin », le professeur Alain Fisher, ne pouvait pas assurer qu’ils étaient efficaces ni qu’ils ne présentaient aucun risque. Il est vrai qu’ils n’ont été autorisés qu’à titre temporaire puisque la dernière phase d’expérimentation n’est pas achevée et que donc les personnes qui se font vacciner doivent préalablement reconnaître qu’elles ont reçu les informations nécessaires leur permettant d’apprécier les risques qu’elles encourent ; c’est ce qu’on appelle donner son consentement éclairé.

    La « stratégie vaccinale » mise en œuvre en France a consisté à réserver ces vaccins en priorité aux personnes âgées puisqu’il fallait les « protéger » et alors même que les essais des laboratoires n’avaient pas été réalisés en priorité sur ce type de population. Il y a bien eu des « effets indésirables », obligeant à des hospitalisations d’urgence et des « incidents » conduisant à la mort. Mais ces constatations ne permettent pas de mettre en cause les vaccins puisque les personnes décédées étaient déjà « en fin de vie » et qu’elles présentaient des causes de « comorbidité » importantes. Ainsi, en France, un malade atteint d’un cancer en phase terminale est réputé mort de la Covid-19 quand il décède s’il n’a pas été vacciné (et que l’on suppute qu’il avait été atteint par le virus) et d’une autre cause s’il a été vacciné sans, dans ce dernier cas, que l’on recherche si le défunt était ou non porteur du virus, sauf si la famille le demande. Si l’on compare les statistiques publiées par Santé publique France avant et après le début de la vaccination des vieux, on constate que l’effet de celle-ci sur la mortalité n’était pas perceptible deux mois et demi après le début de la campagne. Mais, peut-être, est-ce trop tôt pour savoir ?

    Brigitte Bourguignon, ministre chargé de l’Autonomie (sic), a explicité le 13 mars 2021 le nouveau protocole applicable désormais dans les Ehpad. « Les résidents, quel que soit leur statut vaccinal et immunitaire, doivent retrouver les mêmes droits que le reste de la population, comme la possibilité de voir leurs proches, à l’extérieur ou à l’intérieur de l’établissement. » Les personnes âgées vaccinées « pourront se rendre chez leurs proches, sans se faire tester avant ». Les personnes non vaccinées seront, elles aussi, autorisées à sortir, mais devront respecter un isolement de sept jours à leur retour dans l’établissement. Après le 15 mars 2021, les activités collectives sont à nouveau autorisées et les familles peuvent rendre visite aux vieux dans leur chambre. Quant aux parois en plexiglas qui ont été installées voici près d’un an, elles commencent à être retirées. Madame Bourguignon ne faisait qu’appliquer les déclarations du ministre de la Santé, en date du 4 mars : « Nous rendrons progressivement leur liberté aux personnes âgées » ! C’est donc bien qu’elles avaient été privées de cette liberté. Paraît-il pour les protéger. Pour les empêcher de tomber malades, on les avait donc bien privées de liberté. Mais ce n’était pas le point de vue de Thérèse Zrihen-Dvir qui s’est exprimée à propos de la campagne de vaccination des personnes âgées en Israël : « Si l’objectif était de se débarrasser des vieux et des malades, ils l’ont atteint ». Quant à l’évêque auxiliaire de Paris, Mgr Benoist de Sinety, il a fait remarquer le 14 mars 2021, que tout le monde dit tout et le contraire de tout et ne craint donc pas d’« affirmer avec force qu’il faut tout faire pour sauver les plus fragiles d’entre nous de ce satané virus, quitte à les enfermer et à les isoler au nom de la sacralité de leurs vies, et en même temps s’interroger à haute voix sur la légalisation de l’euthanasie ».

    Quelles conséquences pour les relations intergénérationnelles ?

    Il faut protéger les vieux ! Pour cela on empêche les jeunes de vivre, de se retrouver entre eux, d’étudier et de s’amuser. Si ceux-ci manifestent leur mécontentement face aux mesures prises, on leur répète qu’il s’agit de protéger les « vieux ». Un esprit chagrin pourrait penser que si l’on voulait tuer la solidarité intergénérationnelle et promouvoir l’euthanasie dans l’esprit des jeunes l’on ne s’y prendrait pas autrement.

    Le 17 février 2021, les médias français publiaient un sondage Odoxa selon lequel 56 % des Français craindraient un conflit intergénérationnel. Pour 59 % des personnes interrogées dans la tranche d̕âge 18-34 ans, il serait nécessaire de confiner les personnes âgées. Ce à quoi, les commentateurs du sondage ont répondu en disant que les personnes âgées n’auraient pas lieu d’être confinées dans la mesure où elles auraient été vaccinées.

     

    « Quiconque refusera d’obéir à la volonté générale y sera contraint par tout le corps, ce qui ne signifie autre chose sinon qu’on le forcera d’être libre ».
    Jean-Jacques Rousseau

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • El-Azhar entre politique et religion, par Annie Laurent.

    Annie_Laurent.jpgAnnie Laurent poursuit - dans la Petite Feuille Verte - son étude sur El-Azhar, dont nous avons relayé déjà les deux premiers numéros(El-Azhar, Vatican de l'islam ? puis El-Azhar, « phare de l’islam sunnite »).

    Elle s'intéresse ici à la ligne doctrinale suivie par cette institution au cours des dernières décennies. Loin d’ouvrir la voie à une rénovation de la pensée islamique, comme pouvaient le laisser entrevoir les travaux d’intellectuels musulmans à partir du début du XXème siècle et jusqu’à nos jours, l’approche d’El-Azhar est demeurée centrée sur une vision conservatiste. En témoignent notamment les contraintes et sanctions disciplinaires que cette institution impose aux « nouveaux penseurs ».

    Annie Laurent s’arrête ici au seuil de la révolution qui s’est déroulée en Egypte en 2011, dans le contexte des « printemps arabes ». La prochaine Petite Feuille Verte exposera la manière dont El-Azhar a vécu cet événement, en particulier l’arrivée au pouvoir du militant Frère Musulman, Mohamed Morsi, en 2012, suivie du coup d’Etat du maréchal Abdelfattah El-Sissi, en 2013. Elle présentera aussi les réponses apportées par El-Azhar aux exigences du président égyptien en vue d’une réforme de l’islam.

    El-Azhar, Vatican de l’islam ?, par Annie Laurent

    El-Azhar, "phare de l’islam sunnite", par Annie Laurent

    El-Azhar entre politique et religion

    « Depuis sa création et de par sa place centrale dans la société égyptienne et dans la ville du Caire, El-Azhar a hébergé différentes mouvances politiques et religieuses. Dans l’entre-deux-guerres, elle est devenue le centre de la lutte entre les Anglais, les leaders nationalistes et la nouvelle monarchie du roi Fouad. Ensuite, les Frères musulmans prirent de plus en plus d’importance au sein de l’université et celle-ci devint le foyer de manifestations politiques et idéologiques » (Oriane Huchon, Les clés du Moyen-Orient, 21 avril 2017).

    De fait, tout au long de son histoire, l’institution a souvent été mêlée à la vie politique et aux débats idéologiques de l’Égypte et du monde islamique. Le XXème siècle, époque où les pays arabo-musulmans, libérés de la tutelle ottomane, cherchaient à réorganiser l’Oumma, tandis qu’émergeait au Levant l’attrait pour les États-nations imités des modèles occidentaux, n’a pas échappé à ces interférences.

    EL-AZHAR ET LA MODERNITÉ

    C’est en partie des rangs d’El-Azhar qu’est issu le « réformisme », terme qui peut être source de confusion. En effet, fondé au Caire en 1883, ce mouvement est souvent considéré comme le promoteur d’une modernisation de la pensée islamique. En réalité, freinant l’élan émancipateur inauguré par certains intellectuels musulmans à la même époque, le « réformisme » a œuvré à la restauration de la religion « authentique », purgée des « innovations blâmables » (bidaâ), formule désignant les éléments étrangers qui s’y étaient greffés (cf. PFV n° 64-65). C’est ce qu’illustrent propos et actions de ses principaux responsables.

    Mohamed Abdou, pilier du « réformisme »

    Mohamed Abdou

    Diplômé d’El-Azhar, Mohamed Abdou (1849-1905) fut d’abord journaliste puis cadi (juge) et mufti (consultant en droit). Dans son Traité de l’unicité divine (1897), il recommandait le retour aux sources tout en démontrant que l’islam est une religion éminemment raisonnable. « Toutefois, elle [la raison] doit s’incliner devant Dieu seul et s’arrêter aux limites posées par la religion », écrivait-il (cité par Faouzia Charfi, Sacrées questions, Odile Jacob, 2017, p. 81).

    « En cette fin de XIXème siècle, où des appels à la Nahda [Renaissance] du monde arabe commencent à se manifester dans les domaines politique et culturel, c’est une Nahda religieuse que prône Mohamed Abdou » (Robert Solé, « Réformer l’islam », Ils ont fait l’Égypte moderne, Perrin, 2017, p. 109).

     

    Mustafâ El-Marâghi et l’exclusivisme islamique

    Mustafâ El-Marâghi

    La restauration du califat, dont le siège aurait été au Caire, désirée par Mustafâ El-Marâghi (1881-1945), deux fois recteur d’El-Azhar au XXème siècle (cf. PFV n° 80), ne pouvait s’accommoder de la reconnaissance de partis politiques non religieux pour lesquels il « affichait le plus profond mépris » (Francine Costet-Tardieu, Un réformiste à l’université El-Azhar, Khartala, 2005, p. 121).

    Ainsi, il combattit le mouvement nationaliste Wafd (Délégation en arabe), laïcisant, libéral et très populaire fondé en 1918 par Saad Zaghloul. Vainqueur des élections législatives en 1924 (195 élus sur 214 sièges), ce parti parvint au pouvoir en 1926. Il sera dissous par Nasser en 1953.

    Le Wafd attirait en son sein de nombreux coptes, ce qui lui valait d’être discrédité par ses adversaires, parmi lesquels Marâghi. Dans un discours prononcé le 11 février 1938, ce dernier s’en prit aux chrétiens : « Ceux qui veulent séparer la religion de la vie sociale sont en vérité les ennemis de l’islam […]. Ils veulent vous dominer et faire disparaître ce qui subsiste de la grandeur de l’islam, du culte musulman. Vous vous êtes fiés à leur amitié, allant ainsi à l’encontre du Livre de Dieu » (Ibid., p. 129-130). Lors de la campagne électorale qui suivit, les oulémas déclareront dans leurs sermons qu’« un vote pour le Wafd est un vote contre l’islam » (ibid., p. 131).

    Le réformisme a ouvert la voie à l’islamisme, dont la matrice est représentée par les Frères musulmans (FM), fondés en 1928 à Ismaïlia par l’Égyptien Hassan El-Banna avec un double objectif : restaurer le califat et établir un Etat islamique appliquant la charia. Sur les FM, cf. Olivier Carré et Gérard Michaud, Les Frères musulmans, Gallimard, coll. Archives, 1983 ; Gilles Kepel, Le Prophète et Pharaon, La Découverte, 1984.

     

    Youssef El-Qaradaoui, diplômé d’El-Azhar et Frère musulman

    Youssef El-Qaradaoui

    Né en Egypte en 1926, Qaradaoui « est le fils de ce courant intellectuel musulman qui a voulu depuis les années trente régler ses comptes avec la civilisation occidentale dans ses deux dimensions, libérale et socialiste », écrit Amin Elias dans un article consacré au parcours de ce prédicateur très influent sur les réseaux sociaux (Confluences Méditerranée 2017/4, n° 103, p. 133-155).

    Dès l’âge de 16 ans, Qaradaoui choisit de devenir un « soldat » de la cause islamique en adhérant aux FM dont il avait rencontré le fondateur. Cela ne l’empêcha pas d’être admis à la faculté des sciences religieuses d’El-Azhar où il entra en 1950. Il y déploya une activité de militant, créant en 1953 avec plusieurs amis le « Comité de la Renaissance d’El-Azhar » dont l’objectif était de « réveiller la conscience islamique, créer une nouvelle génération capable de comprendre l’islam et de mener le combat pour sa cause, à rassembler les fils d’El-Azhar autour de cette cause sublime ». En 1973, il a soutenu une thèse de doctorat portant sur les sciences du Coran et de la Sunna.

    Auteur de plusieurs livres, dont Islam versus laïcité (Le Caire, 1980), Qaradaoui a fondé à Londres en 2004 l’Union internationale des savants musulmans (UISM) dont il est le président et qui œuvre à rétablir le califat « sous une forme moderne », apte à tenir un rôle de magistère concurrent d’El-Azhar. Il a également créé le Conseil européen de la Fatwa (décret politico-religieux) et de la Recherche, largement financé par l’émirat de Qatar. Établi à Dublin, ce Conseil dispense des enseignements et des conseils aux musulmans résidant en Europe.

    Ce n’est qu’en 2013, avec l’arrivée au pouvoir du maréchal Sissi, que Qaradaoui, impliqué aux côtés des FM dans la révolution égyptienne de 2011, a été déchu de son poste de membre du Comité des savants d’El-Azhar.

     

    CENSURES ET CONDAMNATIONS D’INTELLECTUELS

    El-Azhar a une longue pratique de la censure et des sanctions contre les auteurs novateurs ou iconoclastes. En voici quelques exemples :

    Ali Abderrazik

    Ali Abderrazik (1888-1966). Dans son essai L’islam et les fondements du pouvoir (Le Caire, 1925 ; traduction française aux éd. La Découverte, 1994), ce titulaire d’un doctorat d’El-Azhar préconisait la séparation du temporel et du spirituel. Il contestait le caractère sacré du califat, d’abord parce qu’il est ignoré par le Coran, ensuite parce qu’il lui semblait inadapté aux temps nouveaux. « Ce sont les manuels du fiqh (jurisprudence) qui ont créé une équivoque à ce sujet », remarque le Père Henri Lammens dans son commentaire de l’œuvre d’Abderrazik (L’islam, croyances et institutions, Dar el-Machreq, Beyrouth, 1943, p. 145). Dès la parution du livre, Abderrazik fut exclu d’El-Azhar, décision approuvée par le gouvernement égyptien du roi Fouad 1er qui cherchait alors à restaurer le califat.

    Mohammed Khalafâllah

    Mohammed Khalafâllah (1916-1998). Dans son travail sur l’analyse du texte du Coran, cet étudiant égyptien d’El-Azhar soulignait l’importance « que l’exégète ne reste pas esclave d’une lecture littéraliste mais qu’il ait le souci de saisir le signifié au-delà du signifiant ». Le jury lui interdit de soutenir sa thèse au motif que celle-ci remettait en cause le dogme du Coran incréé et une fatwa émise par des savants religieux l’accusa d’apostasie, accusation qui visa aussi le superviseur de son travail, le cheikh Amin El-Khûli. Tous deux furent interdits d’enseigner les sciences coraniques (Cf. Rachid Benzine, Les nouveaux penseurs de l’islam, Albin Michel, 2004, p. 162-172).

    Nasr Abou Zeid

    Nasr Abou Zeid (1943-2010). Cet universitaire égyptien, dont les travaux s’inscrivent dans la ligne de Khalafâllah et Khûli, estimait que « le lien entre études coraniques et étude

  • La vie politique reprend…, par Yves Morel.

    Plus que jamais sous les auspices du jeunisme et du conformisme moral

    La vie politique, suspendue par la crise sanitaire (non encore terminée, d’ailleurs), reprend. Voilà ce dont se réjouissent nos journalistes. Devons-nous les imiter ? On peut en douter. Car qu’est-ce qui va reprendre, en définitive ? La même entropie, le même chancre qui nous ronge depuis trop longtemps. Et aussi les mêmes tares, dont la moindre n’est pas le conformisme intellectuel et moral qui nous gouverne.

    Le temps de la juvénocratie

    Il est un domaine en lequel ce conformisme se fait sentir depuis peu, et qui est le recrutement de notre personnel gouvernemental. À la suite de l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, on a vu accéder à des fonctions ministérielles un ramassis de godelureaux et de péronnelles, choisis sur le seul critère de leur âge, et donc de la rupture qu’ils instituaient avec la génération précédente. La succession des générations est certes normale. Mais, jusqu’en 2017, elle était graduelle : les aînés cédaient progressivement la place aux jeunes, lesquels occupaient peu à peu tous les postes, au fur et à mesure qu’ils croissaient en âge, en expérience et en autorité. Il est dans la nature des choses que les gens promettent pendant leur jeunes années, s’affirment puis s’imposent durant leur maturité, et s’effacent ensuite. La gradation, la progressivité, le rythme lent du renouvellement des générations, assurent une certaine continuité morale et politique. Ce n’est pas le cas avec la juvénocratie que nous connaissons depuis quatre ans. Mais sans doute est-ce une façon parmi d’autres, de nous faire entrer de plain pied dans le « nouveau monde » cher à notre président, et de nous éloigner encore un peu plus de notre passé et de nos traditions, que ne transmet plus notre Éducation nationale. Cette forme de prise du pouvoir par les jeunes (lato sensu) sert à consolider le pouvoir déjà acquis des ennemis de notre civilisation.

    Une conception idéologique et subversive des innovations sociétales

    Ces ennemis sont nombreux, actifs et en position de force. Et c’est ce qui explique que toute promotion de n’importe quelle innovation sociétale soit une prise de pouvoir, dans notre pays. Et cela distingue nettement la France de ses voisins.

    Considérons l’institution du mariage homosexuel. Au Royaume-Uni, pour prendre l’exemple d’un pays proche, il n’a consisté qu’en une concession (certes éminemment critiquable) à l’évolution des mœurs. Ni avant ni après son adoption ses partisans ne se sont signalés par une attitude agressivement offensive, tournée contre la société et la morale communément admise. Et son instauration n’a en rien bouleversé les mœurs et les habitudes des Britanniques. En France, il a pris l’allure d’un choix de civilisation, d’un combat contre une société traditionnelle fondée sur le mariage hétérosexuel et la famille, tout particulièrement la famille chrétienne, et contre la morale, elle aussi chrétienne, ou du moins encore inspirée par les valeurs chrétiennes, et en faveur d’une société en laquelle l’éthique ressortit au seul domaine privé, individualiste, hédoniste, et est étayée sur le désir. Le monde projeté et lentement créé par nos militants sociétaux est un univers de clones asservis à leurs désirs, sans morale ni liens familiaux. Toutes les conduites doivent procéder du choix individuel et du désir. On parle d’ailleurs du « désir d’enfant » comme s’il s’agissait du désir d’une friandise, d’une automobile ou d’une croisière. La possibilité de réalisation de ce désir est devenue une obligation impérieuse pour le législateur ; d’où l’élargissement de la procréation médicalement assistée (PMA), bientôt adopté par nos parlementaires, aux lesbiennes et aux femmes seules et décidées à le rester. On célèbre continûment l’institution du mariage homosexuel et l’absence de toute restriction à la PMA comme de grandes victoires contre l’intolérance et une société corsetée dans une morale archaïque et répressive.

    Des innovations consolidées par une mystification juridique

    Et il n’est jamais question d’un quelconque retour en arrière. Les lois sociétales sont considérées comme des « avancées » et surtout des droits acquis sur lesquels il est interdit de revenir. À ce sujet, on invoque couramment un prétendu « effet cliquet » qui rendrait juridiquement impossible toute abrogation ou modification restrictive d’une de ces lois. On affirme le caractère illégal et inconstitutionnel d’une telle initiative. On ne saurait revenir sur des droits reconnus par une loi.

    Il s’agit là d’une imposture monumentale à laquelle on feint de croire… au mépris du droit. Car cet « effet cliquet » n’a aucune réalité juridique. Il s’agit d’une fiction, pour ne pas dire d’un canular, utilisé comme argument (sans aucune valeur) par les défenseurs des innovations sociétales pour tenter, à l’avance, de taxer d’illégalité toute mesure éventuelle visant à revenir sur la légalisation des ces dernières. On affirme, tout à fait gratuitement, que notre constitution interdit de revenir sur une loi génératrice de droits nouveaux et/ou de libertés nouvelles, ce qui est absolument faux : la constitution garantit les droits et libertés fondamentaux (liberté de pensée, liberté d’expression, liberté de la presse, libertés d’association et de réunion, liberté religieuse, le droit de vote et d’éligibilité, le principe d’égalité devant la loi, la présomption d’innocence avant condamnation, le droit de défense devant les tribunaux, les droits concernant l’intégrité physique et le traitement de la personne, etc.), mais ceux-ci ne s’étendent aucunement à la pratique de l’avortement, à la procréation ou au mariage. Il en va de même de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (1789) et de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme (1948, sanctionnée par l’ONU), qui n’affirment nullement que l’insémination artificielle, l’avortement (ou même la contraception) et le mariage homosexuel font partie des droits fondamentaux de la personne, et des libertés intouchables. Rien ne s’oppose donc, juridiquement et constitutionnellement, à l’abrogation, par voie législative, des lois ayant institué, le droit illimité à l’avortement ou le mariage homosexuel. L’ « effet cliquet » n’existe pas. Mais on feint d’y croire, les uns pour préserver les « acquis » sociétaux de ces dernières décennies, les autres, pour se dispenser d’emblée de toucher à ces derniers (même s’ils les réprouvent) afin de pas avoir à braver la colère et la haine de leurs défenseurs et de leurs lobbies, tout-puissants au sein de l’intelligentsia, des médias et de la classe politicienne, régie par les seules valeurs de la gauche.

    D’aucuns affirment que revenir sur ces innovations engendrerait des inégalités de type anticonstitutionnel. Ainsi, l’abrogation de la loi du 17 mai 2013 autorisant le mariage homosexuel instaurerait une inégalité entre les gens de même sexe déjà mariés sous le régime de cette loi, et ceux qui, non encore légalement unis, ne pourraient désormais plus l’être. Or, l’inégalité en question découlerait non d’une discrimination délibérée du législateur mais seulement de l’application du principe de la non-rétroactivité des lois (que personne ne songe à remettre en question). Et elle n’aurait rien de nouveau ni de scandaleux, puisqu’elle découle le plus normalement du monde de toute adoption d’une loi nouvelle, quelle qu’elle soit. Il n’est que de considérer la loi sur la réforme du régime des retraites. Elle crée une inégalité entre ceux dont elle ne modifie pas les conditions de départ à la retraite et le montant de leur pension, en raison de la tranche d’âge à laquelle ils appartiennent, et ceux qui, au contraire, seront affectés par elle. Cela ne la rend pas inconstitutionnelle, même si on peut regretter cette inégalité. Toute loi nouvelle, ou toute abrogation de loi, avantage ou désavantage des gens qui entrent de plain pied dans son champ d’application, relativement à d’autres, qui y restent extérieurs. Il ne peut en aller autrement, et contester cela mènerait à l’interdiction de confectionner de nouvelles lois sous peine d’engendrer de telles inégalités, ce qui serait aussi absurde qu’intenable.

    Mais tout cela est délibérément ignoré pour la raison qu’en France, tout se vit et se pense en termes de prise du pouvoir, de coups de force destinés à promouvoir le monde de clones lobotomisés, sans famille, ni tradition, ni mémoire, ni spiritualité, ni morale (hors celles des « valeurs de la République ») prôné et inlassablement mis en œuvre, pierre par pierre, par nos « élites ». Il n’est que d’observer les réactions de nos journalistes, de nos intellectuels et de nos hommes et femmes politiques à l’occasion des débats suscités par la préparation, la discussion, puis le vote des textes de loi relatifs au droit illimité à l’avortement, au « mariage pour tous », et à la PMA (bientôt ouverte à toutes les femmes sans aucune restriction) : ces initiatives législatives ont toutes été présentées comme de remarquables avancées, dignes de la considération due à l’établissement du suffrage universel, et des lois ayant reconnu les libertés de la presse, d’opinion, d’association, de réunion, du culte, de l’enseignement, de la grève et des syndicats ; et leurs adversaires se sont vus stigmatisés comme des réactionnaires obscurantistes.

    L’incurable mal révolutionnaire français

    Nous nous trouvons ici en présence de l’incurable mal français né des Lumières du XVIIIe siècle et de la Révolution, et qui fait que cette dernière se prolonge continuellement, sans jamais connaître de terme, et que toute innovation en représente une nouvelle extension, une nouvelle victoire sur le chemin d’une démocratie universelle et égalitaire abstraite, en laquelle l’homme, l’humanité, objet d’un véritable culte, se décline concrètement en une multitude d’homoncules sans racines et gavés de propagande bien-pensante. Et ce ne sont pas le jeunisme et la juvénocratie actuels qui permettront de renverser la tendance.

    Bref, la vie politique reprend, comme disent nos journalistes, sans que l’interruption provoquée par la pandémie de Covid 19 ait permis en rien de remettre les pendules à l’heure.

     

    Illustration : À Mexico aussi, une jeunesse profondément ancrée dans le réel entend faire triompher la raison.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Trois Verts, bonjour les dégâts! Bordeaux, Lyon, Grenoble, par Elisabeth Lévy.

    Eric Piolle, au lendemain de sa réélection à la mairie de Grenoble, 30 juin 2020 © ALLILI MOURAD/SIPA

    Les nouveaux maires écolos veulent faire de leurs villes des fabriques de l’homme nouveau. Conjuguant mépris du populo et détestation de la France, ils sont aussi sensibles au malheur des bêtes qu’ils sont insensibles au bonheur des hommes.

    9.jpegLeur rêve est notre cauchemar. Et il est en train de devenir réalité. Les écolos qui, lors des municipales de mars et juin, ont ravi au socialisme bourgeois les métropoles les plus riches de France – à l’exception de Paris, mais c’est tout comme – n’en font pas mystère. Nos grands maires ne font pas que du vélo. Les villes sont leurs laboratoires, le chaudron où ils inventent le monde magique de demain. Et bien sûr, nous sommes, au choix, les papillons ou les grenouilles sur lesquels ces savants fous testent leurs diaboliques inventions. De notre alimentation à nos déplacements (on dit mobilité), du bureau à la chambre à coucher, ils s’évertuent donc à placer toute l’existence sous surveillance.

    C’est nous qu’il s’agit de régénérer, reprogrammer, recalibrer, afin que nous devenions de dignes enfants du Progrès.

    Mais il ne leur suffit pas de changer la vie et la ville, ce qui signifie d’abord pourrir l’une et l’autre en transformant tout itinéraire urbain en parcours d’obstacles, et cela que l’on soit automobiliste, piéton ou même cycliste. C’est nous qu’il s’agit de régénérer, reprogrammer, recalibrer, afin que nous devenions de dignes enfants du Progrès. Pas besoin de manipulation génétique : sous prétexte de sauver la planète, les savants fous que nous avons élus (enfin, que la minorité d’électeurs qui s’est déplacée a élus, mais tant pis pour les autres) sont engagés dans une démentielle manipulation anthropologique de l’espèce. Et ils en sont fiers. Insensibles au réel et sourds à la logique, ils prétendent préserver en éradiquant, humaniser en ensauvageant, convaincre en interdisant, revenir au local en rompant tout ancrage, faire de la démocratie participative à coups de sanctions. Les Verts, c’est la révolution de l’oxymore. Ils réinventent la roue. En carré.

    Ils parlent une langue inconnue, truffée de jargon citoyenniste – co-construction, co-décision, interpellation, pétition – et de résilience, mise à toutes les sauces, notamment dans les intitulés des postes d’adjoint – « à la ville résiliente », « à la résilience alimentaire », « à l’urbanisme résilient ». Tout est « résilient », à l’exception bien sûr des charpentes symboliques et langagières qui soutiennent les sociétés humaines. Tout doit être durable et tout doit disparaître.

    Les maires Verts veulent effacer et détruire le passé

    Pour créer de toute pièce une nouvelle nature humaine, il faut d’abord faire place nette. L’écologie façon Piolle, Doucet ou Hurmic, est d’abord une vaste entreprise d’effacement du passé. En philosophe passionnée par la beauté du monde et l’éternité des choses, Bérénice Levet décrypte  : « La nature leur sert d’alibi pour mieux anéantir la culture, de sorte qu’ils s’autorisent de “l’urgence climatique” pour abolir les modes de vie, les usages, les traditions. » Sans oublier le français, sommé de devenir le véhicule de la propagande LGBTQI et compagnie. Il est significatif que l’une des premières décisions de tous les nouveaux maires ait été d’adopter l’écriture inclusive, qui est, selon l’Académie française, « un péril mortel pour la langue française ».

    Sans se concerter, mais avec le même instinct sûr de destruction, les nouveaux édiles ont dirigé leur fureur vers quelques symboles qu’affectionne la France des bistrots et des clochers, des lotissements et des zones commerciales désertées, en un mot le vieux monde machiste, homophobe, raciste et genré : Tour de France et sapin de Noël, Vœux aux Échevins et delphinarium.

    En clair, ça tombe toujours sur les mêmes. Ceux qui ne font pas de safaris et ne nagent pas dans les mers chaudes et qui pour voir des dauphins ou des tigres ont le choix entre internet et le cirque de passage.

    Les écolos contre les classes populaires

    Pointe avancée du camp du Progrès, les écolos n’aiment pas le populo qui, précisément, veut pouvoir chérir son héritage. Ils vomissent son esprit étroit, ses distractions ringardes et ses activités polluantes. Pour l’élu parisien Jacques Boutault, écolo tendance salafiste, les amoureux du Tour sont des abrutis qui « restent dans leur canapé à rêver à des exploits de types hyper dopés qui ne gagnent que parce qu’ils se font changer leur sang dans des cliniques. » Lesquels évoquent furieusement les ploucs qui « fument des clopes et roulent au diésel », de Benjamin Griveaux. « Mépris de classe », s’énerve Isabelle Saporta, qui ne manque pas une occasion de tirer à boulets rouges sur le parti de son compagnon, Yannick Jadot (pages 60-62). Des « rabat-joie qui détestent tout ce qui fait plaisir aux gens », résume Marlène Schiappa. Avec, en prime, un petit côté ligue de vertu, qui leur vient de leurs alliées néoféministes. Ainsi Éric Piolle, le précurseur grenoblois, qui entame son deuxième mandat, ironise-t-il sur la 5G, qui servirait, selon lui, à regarder du porno dans un ascenseur. Quand bien même, on ne voit pas ce que cela aurait de répréhensible (qu’est-ce qui est le plus grave, le porno ou l’ascenseur ?)

    Les Verts veulent voir des vélos partout, sauf sur la Grande Boucle. Leur truc, c’est le sport mondialisé et conscientisé, pas le sport terroir, avec baisers aux coureurs et spécialités régionales. D’après une excellente enquête de Judith Waintraub, le maire de Rennes a refusé, sous la pression de ses alliés verts, d’accueillir le départ du Tour 2021, une manifestation qui fait pourtant la joie des populations. En revanche, la Cyclonudista naturiste et écologiste aura bien lieu. On respire.

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    [Photo : Le maire de Lyon Grégory Doucet assiste à la cérémonie du podium de la 14ème étape du Tour de France, 12 septembre 2020.© AFP]

    On l’aura compris, ce que les Verts détestent dans le Tour de France, c’est la France. « Ce qu’ils haïssent, de moins en moins secrètement, c’est notre France chaleureuse, celle qui croit en quelque chose, qui s’émerveille naïvement devant un maillot jaune, qui chérit ses statues », s’enflamme le maire de Béziers Robert Ménard, non sans quelque naïveté (pages 58-59). La France, pays des mâles blancs et de l’électricité nucléaire, de Colbert et de Zemmour est vouée à disparaître dans l’empire du bien écologique.

    L’enfer vert est évidemment pavé de bonnes intentions, voire de nobles causes. Qu’il faille se préoccuper de pollution, de réchauffement climatique, de protection des espèces et des paysages, nul n’en disconvient. Le diable est dans la méthode.

    De ce point de vue, l’affaire des animaux de cirque est révélatrice. C’est Barbara Pompili, la sémillante ministre de la Transition écologique passée d’EELV à la Macronie, qui, en plein foutoir sanitaire s’est emparée de ce sujet brûlant, mais la plupart des maires écolos avaient déjà banni tigres, lions et autres éléphants encagés, de même d’ailleurs que 400 villes en France. Nous avons tous pleuré sur le sort cruel de l’éléphant Dumbo. Peut-être les animaux du cirque sont-ils condamnés par notre sensibilité nouvelle au bien-être animal. Alors qu’il en reste 500 se produisant dans une centaine de cirques, on aurait pu s’en remettre à la désaffection croissante du public, faire confiance à l’évolution des mentalités. Mais non, il faut passer en force et trompeter qu’on va en finir avec cette survivance odieuse.

    Les dérives des Verts suscitent le rejet

    De plus, avec les Verts on ne sait jamais où ça s’arrête, ou plutôt, on ne le sait que trop : ça ne s’arrête pas. Pourquoi ne pas interdire l’équitation dans la foulée ? Après tout, il n’est pas naturel, pour un cheval, d’avoir un homme sur le dos. Combien de temps faudra-t-il avant qu’ils ne réclament la fermeture des zoos, ces prisons animales ? Il est tout de même curieux d’être si attentif au malheur des bêtes et si peu soucieux du bonheur des hommes. On a même l’impression fâcheuse que certains maires prennent un plaisir pervers à brutaliser la société, en tout cas la fraction qui résiste à leur ambition démiurgique. Que ces déplorables aillent polluer hors de nos centres-villes.

    Bien sûr la plupart des accusateurs n’ont pas pris la peine d’examiner le corps du délit.

    Cet activisme écolo a au moins une vertu, c’est qu’il devrait, en toute logique, barrer la route de l’Élysée aux plus délirants. Comme le dit Saporta : « Ce n’est pas avec une idée à la con par jour qu’on rassemblera les Français. » À en croire les sondages, ceux-ci n’apprécient guère la créativité de leurs maires, même quand ils ont voté pour eux. Au demeurant, Yannick Jadot semble l’avoir parfaitement compris, lui qui entend réconcilier croissance et écologie, lutte contre le réchauffement climatique et technologie. Dans un entretien paru dans L’Obs, il s’est aussi clairement démarqué de la complaisance envers l’islamisme affichée par Piolle comme de la tendance excusiste de nombre de ses camarades de parti qui pensent que l’insécurité n’existe pas, mais qu’elle est un produit de la domination sociale. Bien qu’il ne soit pas allé jusqu’à parler à Causeur, son pas de côté lui a immédiatement valu des attaques en règle de ses chers camarades. Frédéric Ferney se demande si Jadot, en plus d’un projet raisonnable, possède l’ambition folle qui lui permettrait peut-être de le réaliser (pages 64-65). Il est possible qu’on ne le sache jamais, en tout cas pas en 2022. On peut en effet compter sur le tempérament suicidaire de nos écolos pour leur faire préférer un candidat n’ayant aucune chance d’être élu.

     

    Elisabeth Lévy

     
    Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle fait partie des chroniqueurs de Marc-Olivier Fogiel dans "On refait le monde" (RTL). Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "La gauche contre le réel (Fayard), sorti en 2012.

    Source : https://www.causeur.fr/

  • Marion Maréchal: «Ce ne sont pas les valeurs de la République qui sont attaquées mais bien les valeurs françaises».

    Marion Maréchal. ALEX WONG/AFP

    Le droit et la laïcité sont insuffisants pour lutter contre l’islamisme radical, estime l’ancienne députée (RN) du Vaucluse.

    Voici donc la 267e victime de l’islamisme depuis 2012. Après les enfants, les militaires, les policiers égorgés devant leur petit garçon, les journalistes, les adolescentes à Marseille, le chef d’entreprise décapité, le curé dans son église, les innombrables victimes du Bataclan ou de Nice, c’est au tour du professeur.

    L’histoire semble se répéter dans l’horreur mais celle-ci se distingue en ce qu’elle met en exergue les multiples complicités, la chaîne humaine qui a désigné la cible à abattre, la fatwa 2.0 avant que l’assassin ne passe à l’acte. On y découvre des élèves, des profs, des associations locales, des imams, de multiples relais anonymes sur le net. Un cas de dénonciation qui ne semble pas isolé dans l’Éducation nationale mais qui, cette fois, a trouvé le bourreau pour la mise à mort.
     
    On parle à leur encontre de «séparatisme» pour éviter de rappeler que le terme «islamisme» découle du mot «islam». Le mot est impropre et révèle l’approximation de l’analyse: le séparatisme désigne le mécanisme politique d’un peuple qui vise l’indépendance. Les islamistes ne cherchent pas l’indépendance d’une partie du territoire ; ils veulent soumettre l’ensemble de la société française aux règles de la charia.

    C’est une œuvre de subversion organisée de l’intérieur et souvent alimentée par l’extérieur. Cette influence extérieure trouve prise dans les allégeances multiples des individus ; en l’occurrence, pour une grande partie des musulmans, dans l’attache à leur pays d’origine, à l’Oumma (l’assemblée des croyants), au sunnisme, etc.

    Les islamistes ne cherchent pas l’indépendance d’une partie du territoire ; ils veulent soumettre l’ensemble de la société française aux règles de la charia

    Leurs armes: le nombre, la jeunesse, des alliés objectifs islamo-gauchistes qui cultivent la repentance occidentale, l’injonction au vivre-ensemble, les droits de l’Homme dévoyés, un islam en expansion au niveau mondial.

    Les nôtres? La laïcité et pas grand-chose de plus.

    La laïcité n’est pas une réponse suffisante

    Je suis convaincue que ceux qui invoquent «la République» comme une formule magique et brandissent la laïcité à tout va n’utilisent pas les bonnes armes et passent à côté de l’essentiel. La laïcité a sa place dans une riposte globale mais elle n’est pas suffisante. Nous demandons à la laïcité l’impossible. Nous invoquons comme une évidence un concept parfaitement assimilé en Europe mais inconnu de l’islam et des civilisations islamiques: la séparation du public et du privé, du spirituel et du temporel, du politique et du religieux, de Dieu et de César.

    La rhétorique est inopérante en particulier auprès d’une grande partie de la jeunesse française musulmane dont je rappelle que 74 % font passer leurs convictions religieuses avant les «valeurs de la Républiques» et 26 % ne condamnent pas les djihadistes (sondage Ifop réalisé en 2020 sur les 15-24 ans).

    En appeler uniquement à la laïcité pour traiter la question de l’islamisme, c’est une manière de réduire le débat à la question religieuse et d’ignorer le fait social qu’est l’Islam. C’est détourner le regard du sujet de la politique d’immigration, de la délinquance endémique qui est le terreau de la radicalité, du communautarisme islamique lié au nombre, de l’échec de l’assimilation ; bref de la dimension civilisationnelle du problème.

    Arrêtons les fausses pudeurs et les vieilles lunes anticléricales: il n’y a pas de problème en France avec le catholicisme, le protestantisme, le judaïsme ou le bouddhisme. Nous avons un problème avec l’islam radical et uniquement lui. Ce n’est pas en renvoyant dos à dos tous les cultes, pour se donner bonne conscience, et en les pénalisant tous au passage, notamment sur la question de l’école privée hors contrat, que nous endiguerons le phénomène.

    Il n’y a pas de problème en France avec le catholicisme, le protestantisme, le judaïsme ou le bouddhisme. Nous avons un problème avec l’islam radical et uniquement lui.

    Il est tout aussi inefficace de s’épuiser à vouloir constituer un islam de France. Comme le dit le politologue Frédéric Saint-Clair: «le rôle de la République n’est pas de distinguer le bon islam du mauvais islam, ou de faciliter un islam des lumières. C’est aux musulmans de le faire, s’ils le souhaitent. La République, elle, doit définir le cadre politique et culturel de la nation».

    Il est donc illusoire de la part de l’État de vouloir faire de la théologie, de chercher à contrôler l’islam en favorisant des courants par rapport à d’autres, de fabriquer des interlocuteurs artificiels puisque l’Islam n’a pas de clergé ou de chercher à faire disparaître la religion de la société et de l’espace public. L’État est laïc, et doit le rester, mais la société ne l’est pas.

    Se contenter de brandir la laïcité, c’est, selon moi, une lâcheté qui se fait passer pour de la fermeté. C’est une façon politiquement acceptable de se protéger de la critique du «pas d’amalgame» qui tétanise les esprits, cadenasse le débat et empêche toute réflexion sur le sujet. Que les choses soient dites: si des musulmans modérés se sentent concernés quand on dénonce l’islamisme alors c’est que l’ambiguïté vient de leur côté. Pas du nôtre. Même les complices d’hier (Licra, SOS racisme et compagnie) retournent leur veste en dénonçant aujourd’hui le collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), proche des Frères musulmans.

    Un modèle en panne

    Quelle image leur renvoyons-nous? Pour eux nous sommes des mécréants, des jouisseurs, des consuméristes, des athées qui méprisons le sacré ; nous sommes la société du vide, de l’individualisme et du relativisme. Pour eux nous avons tué Dieu, la patrie, la famille. Ils voient une société sans courage, juste bonne à faire des marches blanches, à allumer des bougies et à crier «vous n’aurez pas ma haine». Contrairement à eux, nous avons oublié qu’islam et Europe n’ont cessé de s’affronter depuis 13 siècles.

    Nos gouvernants ont espéré susciter le respect et l’adhésion par le modèle du «vivre ensemble». Ses promoteurs imaginaient, et imaginent toujours, qu’en effaçant toute trace de la nation historique française, en abandonnant l’exigence d’assimilation, en refusant la prééminence de nos traditions, en abordant toutes les cultures de manière égale, en appliquant la loi avec «magnanimité», en concédant des «accommodements raisonnables», on éviterait que les étrangers se sentent «exclus» et nous contribuerions ainsi à leur insertion dans la société française.

    Pourquoi adhérer à un modèle de société que même les héritiers directs ne veulent plus défendre ?

    Le résultat ne s’est pas fait attendre: pourquoi adhérer à un modèle de société que même les héritiers directs ne veulent plus défendre? Pourquoi abandonner son référentiel d’origine quand la société d’accueil n’impose pas le sien et n’assume ni sa singularité, ni sa valeur propre? Au nom de la tolérance, le multiculturalisme achève de détruire une liberté de plus: la liberté d’expression et d’opinion, après avoir réduit la liberté de circulation par l’impact des violences et de l’insécurité ou encore la liberté d’enseignement par la suppression générale de l’école à la maison ou la mise au pas de toutes les écoles privées.

    Ils ont cru que la société libérale, dénuée de passé, privée de morale collective et de références communes, pourrait s’organiser autour de la liberté de l’individu érigée en valeur ultime. Ils ont cru ce modèle tellement supérieur aux autres qu’ils pensaient que chaque étranger serait conduit à s’y rallier naturellement. La liberté autocentrée, le plaisir, le pouvoir d’achat devaient inéluctablement supplanter l’ «obscurantisme», de même que la raison devait nécessairement l’emporter à terme sur les croyances et la foi. Cela revient à méconnaître les tréfonds de l’âme humaine, souffrir d’amnésie historique, raisonner uniquement au travers de l’esprit français en détournant le regard des mouvements civilisationnels.

    L’universalisme, les lumières, les droits de l’Homme ! Toutes ces idées ont été dévoyées selon la technique du judo dans lequel le combattant retourne la force de l’adversaire contre lui

    Mais voilà, la raison européenne est contestée, l’école n’émancipe plus et la force d’attraction de la civilisation islamique supplante de loin celle de notre société. Quand même: l’universalisme, les lumières, les droits de l’Homme! , me répondrez-vous. Toutes ces idées ont été dévoyées selon la technique du judo dans lequell le combattant retourne la force de l’adversaire contre lui.

    L’universalisme est devenu, dans leur esprit, une vieille lubie de colon esclavagiste convaincu de la supériorité de sa culture sur celle des autres. L’universalisme rimait avec l’exportation de la culture française dans le monde entier, dorénavant il rime avec métissage et importation des cultures étrangères sur le sol français. Les lumières? Selon eux Voltaire était un raciste. La raison promu par eux n’a rien universelle mais n’est qu’un instrument de domination des européens sur le monde.

    Les droits de l’Homme? Ce texte initialement symbolique est devenu une arme juridique qui permet aujourd’hui de protéger un terroriste de l’expulsion, de sacraliser le regroupement familial ou de limiter la liberté d’expression au nom de la «paix religieuse». ( CEDH arrêt 2018)

    Plus que les «valeurs de la République», défendons la France

    Nous ne pourrons pas gagner qu’avec des concepts abstraits ou des «valeurs de la République» dont plus personne ne sait ce à quoi elles renvoient tant elles ont été invoquées à tort et à travers (notamment pour disqualifier moralement et politiquement les personnes lucides qui ont précisément essayé d’éviter le drame que nous vivons en ce moment).

    L’obscurantisme islamiste ne se combat pas seulement par la loi, il se combat aussi dans les cœurs. Il ne s’agit pas d’opposer République et France mais de considérer la première comme un euphémisme de la seconde. Ce ne sont pas les valeurs de la République qui sont attaquées mais bien les valeurs françaises. C’est donc la France que nous devons défendre.

    Il faut assumer le fait que si nous accordons une place aux Français musulmans patriotes, nous n’avons pas vocation à devenir une nation musulmane, une république islamique, même si ce scénario est désormais loin d’être improbable au regard de la courbe démographique actuelle.

    Il nous faut donc mêler cette certitude avec une volonté inébranlable dans la réduction drastique de l’immigration, la réforme du code de la nationalité et du droit d’asile, l’extension des cas de déchéance de nationalité, le respect scrupuleux de la loi, la lutte contre toutes les influences étrangères qu’elles soient financières ou religieuses sur notre sol, le refus du chantage à l’islamophobie, la valorisation de notre héritage, l’association de tous les acteurs de terrain, notamment dans l’école, et la sanction implacable des récalcitrants.

    C’est un combat global historique, spirituel, culturel, intellectuel, éducatif

    Le combat ne peut pas être gagné uniquement par du légalisme. C’est un combat global historique, spirituel, culturel, intellectuel, éducatif. C’est un combat moral qui passera d’abord par l’affirmation et la fierté de ce que nous sommes. C’est un combat de civilisation et quiconque refusera de voir cette dimension a déjà perdu.

    Source : https://www.lefigaro.fr/vox/

  • Samuel Paty : faillite à tous les étages, par Rémi Carlu.

    La décapitation de Samuel Paty est le résultat d’une longue suite de défaillances et de compromissions, à tous les niveaux. Services de renseignement et justice ont failli dans l’appréhension du risque, alors que la presse et les hommes politiques de gauche sont coupables de leur duplicité.

    Vendredi, en sortant de classe, le professeur d’histoire Samuel Paty a été sauvagement décapité par un terroriste islamiste d’origine tchétchène. Comme après chaque attentat, malheureusement devenus légion ces dernières années, le légitime concert de larmes et d’hommages s’est ensuivi tout le week-end. Dans de nombreuses villes, les Français se sont rassemblés dimanche pour pleurer la victime et crier leur colère, colère bien légitime dans le cas d’espèce tant les autorités, à tous les niveaux, ont failli.

    Les renseignements et la justice défaillants

    Indéniablement, les services de renseignements ont trop rapidement conclu à un apaisement de la situation. Révélée par Le Point, une note du renseignement des Yvelines datant du 12 octobre retrace l’ensemble des événements survenus au collège du Bois d’Aulne jour après jour. Le 5 octobre, dans un cours relatif à la laïcité et à la liberté d’expression, Samuel Paty dévoile les caricatures de Charlie Hebdo, après avoir prévenu ses élèves et proposés à certains de sortir la salle. L’épisode aurait déclenché « une vive polémique chez certains parents de confession musulmane, considérant qu’il s’agit d’une véritable offense ».

    Dès le lendemain, la principale du collège reçoit « des messages anonymes de protestation via la boîte mail de l’établissement ». Le 7 octobre, une famille contacte la principale, expliquant que sa fille aurait été mise à l’écart du cours parce que musulmane. La direction aurait alors demandé au professeur de rencontrer la famille et de s’excuser s’il avait été maladroit. Le 9 octobre, la hiérarchie de la principale du collège décide d’envoyer sur place un inspecteur de l’équipe laïcité et valeurs de la République pour « accompagner la principale lors d’un entretien avec le professeur pour notamment lui rappeler les règles de laïcité et de neutralité ». Ils auraient conforté le professeur dans la manière dont il a exposé son cours. On apprenait en tout cas que le président Emmanuel Macron avait modifié les règles de nomination au rectorat afin d’y pouvoir nommer une ancienne camarade de promotion à l’ENA.

    Des organes influents au sein des réseaux islamistes se sont emparés de l’affaire, et ont utilisé la caisse de résonance des réseaux sociaux pour jeter le professeur en pâture, lançant de facto une fatwa contre lui et rétablissant par la terreur un délit de blasphème

    Brahim C., le père d’une jeune fille qui n’était pas présente lors du cours, est reçu par le chef d’établissement, accompagné d’un certain Abdelakhim Sefrioui, imam fiché pour radicalisation à caractère terroriste au FSPRT, qui s’est présenté en « responsable des imams de France » auprès de la direction. Suite à cette rencontre, les deux hommes se sont appliqués à faire monter la tension dans deux vidéos largement relayées sur les réseaux sociaux. Le père, qui a communiqué les coordonnées du collège et l’identité du professeur, appelait à la mobilisation pour faire renvoyer Samuel Paty – « ce voyou ne doit plus enseigner à nos enfants » – alors que Sefrioui dénonçait le fait que depuis « cinq-six ans, des enfants de 12-13 ans, des musulmans, sont choqués, sont agressés, sont humiliés devant leurs camarades. […] On a dit qu’on exigeait la suspension immédiate de ce voyou ».

    Des organes influents au sein des réseaux islamistes se sont emparés de l’affaire, et ont utilisé la caisse de résonance des réseaux sociaux pour jeter le professeur en pâture, lançant de facto une fatwa contre lui et rétablissant par la terreur un délit de blasphème. La mosquée de Pantin avait notamment relayé les vidéos de Brahim C. avant de les supprimer. L’éducateur Daoud Tatou, qui a inspiré le rôle de Malik joué par Reda Kateb dans le film Hors norme, était un symbole de la bonne volonté et de la bonté banlieusarde. L’intéressé a pourtant relayé sur les réseaux sociaux la vidéo et a reposté sur sa page Facebook un message envoyé par le parent d’élève. Il a effacé tous les messages ce week-end ; ce lundi, il semble avoir disparu des réseaux sociaux.

    Les renseignements ont indéniablement sous-estimé la gravité de la situation : la note du 12 octobre stipule que la situation est « apaisée » entre les enseignants et les parents d’élèves qui, « reconnaissant une certaine maladresse du professeur, ne le désavouent pas pour autant ». Quatre jours plus tard, Samuel Paty était décapité au terme d’une opération sur laquelle la lumière reste à faire.

    Le professeur a été exécuté par Abdoulakh Anzorov, jeune homme de 18 ans d’origine tchétchène. Il habitat Évreux, à près de 80 km du lieu du crime, et était connu pour des faits de dégradation et de violence en réunion. Il était membre d’une bande d’Éragny fréquentée par un islamiste fiché S, mais n’était pas connu pour radicalisation.

    Quand le droit de l’hommisme dessert les Français : voilà le véritable point de départ de ce drame. Ce week-end, on apprenait qu’une décision de justice datant du 15 avril 2011 avait contraint l’État à octroyer un titre de séjour le statut de réfugié à la famille Anzorov, et ce alors que l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides) le lui avait préalablement refusé. C’est de cette manière que l’assaillant a pu obtenir de manière automatique une carte de séjour valable dix ans le 4 mars 2020, dès sa majorité.

    Le numéro d’équilibrisme de la gauche médiatique, associative et politique

    Confortablement assisse sur l’omerta du politiquement correct, la presse et les partis politiques de gauche ne cessent de dresser des procès en xénophobie à tous ceux qui osent pointer du doigt l’islamisation grandissante de la société française. Peu s’en faudrait d’ailleurs pour qu’une partie d’entre elle voit dans le comportement de Samuel Paty une provocation islamophobe. Toujours est-il qu’ayant pris l’habitude de donner la parole et de défendre de fausses victimes, la gauche médiatique, associative et politique a fait montre d’une prudence coupable dans leur traitement de l’information. France Inter, pourtant radio publique financée par les deniers du contribuable, a longtemps tardé à annoncer la décapitation de Samuel Paty. Dès le lendemain de l’attentat, Libération dégainait son habituel – et abject – article pour dénoncer une supposée récupération du drame par l’extrême droite. Maître en art du déni, le New York Times a scandalisé les internautes en titrant son article « La police française abat un homme après une attaque mortelle au couteau dans la rue ».

    Lors de l’hommage à Angers, Maryse Lepron (CGT) a profité de la tribune qui lui était offerte pour affirmer que « l’enseignement privé » et la « fraction réactionnaire de la mouvance catholique » constituaient des problèmes tout aussi fondamentaux

    Une partie d’entre elle a même franchi le Rubicon de l’indécence, de la malhonnêteté et de la trahison : lors de l’hommage à Angers, Maryse Lepron (CGT) a profité de la tribune qui lui était offerte pour affirmer que « l’enseignement privé » et la « fraction réactionnaire de la mouvance catholique » constituaient des problèmes tout aussi fondamentaux. Dans son « Humeur du matin » sur France Culture, Guillaume Erner partage le même diagnostic et ne traite que des catholiques pour expliquer que les fanatiques détestent l’humour. Abdoulakh Anzorov n’a-t-il pas crié Allah akbar ?

    Ce dimanche, toutes les formations politiques de gauche, La France Insoumise en tête, défilaient dans les rues françaises comme si de rien était, alors qu’on les sait toutes tiraillées en profondeur par le communautarisme musulman. Ayant abandonné la laïcité, et surtout la France, beaucoup d’entre elles trempent franchement dans l’islamo-gauchisme : le 10 novembre dernier, Mélenchon et ses amis défilaient aux côtés du CCIF. De même, la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE), l’une des trois principales fédérations de parents d’élèves, a certes condamné l’attentat, mais défend parallèlement le port du voile pour les accompagnatrices scolaires et les repas de substitution. De nombreux hommes politiques de droite et des personnalités publiques tels Eric Naulleau et Zineb El Rhazoui ont refusé de participer au rassemblement pour protester contre cette duplicité des gauches radicales. Si elle s’est sentie obligée d’être présente, c’est que l’extrême gauche est particulièrement mal à l’aise sur cette affaire. Paty était un professeur : LFI s’en trouve partagée entre les deux tenants de son électorat que sont les professeurs et le fonctionnariat d’un côté, les communautés musulmanes de l’autre.

    La gauche a en tout cas subi un terrible camouflet puisque une partie de ses idoles antiracistes se sont compromises ce week-end. Si on attend encore la réaction de Camélia Jordana, d’autres ont révélé au grand jour leur double-jeu. L’officine islamique qu’est le CCIF, qui n’est plus à présenter, n’a effectué qu’une publication minimaliste, dont on se demande si elle pleure la mort de Samuel Paty ou d’Abdoulakh Anzorov : « L’horreur renverse et paralyse. Le deuil devrait imposer le silence. Alors que certains veulent déjà récupérer cet acte sidérant à des fins racistes, personne n’empêchera la conscience humaine de prendre le temps de la douleur et de la tristesse ». Et a annoncé saisir la justice pour les diffamations subies.

    Entrepreneur en argent public qui multiplie la création d’associations militantes, Samuel Grzybowski a brillé de la même duplicité. Son association Coexister est subventionnée par l’État à hauteur de 150 000 euros et soutenue par des organisations gouvernementales et par de grandes villes françaises. Sous couvert de vivre ensemble, il défend pourtant une conception multiculturaliste de la société fondée sur la coexistence des communautarismes, notamment islamistes. Au détriment de la culture française, celui pour qui « il y a des choses intéressantes dans l’idéologie des Frères musulmans » communautarise au nom de la laïcité et racialise au nom du postcolonialisme. Il y a quelque temps, il twittait : « Il n’y a pas d’islamisme significatif en France. Ce mensonge répété ne vise qu’à faire peur et à détourner des vrais sujets ». Depuis la décapitation de Paty, Grzybowski, en proche du CCIF et de BarakaCity, a passé son week-end à tweeter pour défendre et la liberté d’expression et ces officines islamistes.

    Gérald Darmanin a annoncé vouloir dissoudre le CCIF et BarakaCity. Nicolas Cadène, rapporteur général de L’Observatoire de la laïcité, devrait être remplacé. À la tête de l’organisme gouvernemental créé en 2007 par Jacques Chirac, il est accusé de soutenir les mouvements intégristes, travaillant en étroite relation avec Coexister. Il aurait participé à des conférences avec des islamistes radicaux.

    Source : https://lincorrect.org/