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  • Le corporatisme au service du localisme. Le nouveau livre de Guillaume Travers.

    Le corporatisme a mauvaise presse, il est quasiment devenu synonyme d’immobilisme. Mais à l’heure des « bullshit jobs », il pourrait redonner un sens au travail. Dans un nouvel essai, clair, synthétique et dense, qui ne surévalue pas les vertus de son objet (pas plus qu’il ne les sous-estime), « Corporations et corporatisme. Des institutions féodales aux expériences modernes », paru aux éditions de la Nouvelle Librairie, Guillaume Travers retrace l’histoire de ce qui fut bien plus qu’un mode d’organisation des métiers : l’expression d’une vision de l’ordre social. Avec ce nouveau volume, l’économiste d’« Éléments » et de l’Institut Iliade poursuit ainsi son exploration du temps long économique, en quête d’expériences et de modèles susceptibles de constituer des alternatives au rouleau compresseur de l’économiquement correct.

    7.jpgÉLÉMENTS. Les corporations appartiennent-elles à un âge historique spécifique, sinon révolu ? Quelles sont les conditions (politiques ? culturelles ? religieuses ?) qui ont rendu possible leur émergence ? L’encastrement de l’économie dans le politique, de l’individu dans la communauté, de l’homme dans un ordre social et religieux qui le dépasse ?

    GUILLAUME TRAVERS : Les corporations sont une institution essentiellement médiévale dont les origines, durant le Haut Moyen Âge, sont assez mal connues. Ce qui est certain, c’est qu’elles correspondent à un monde structuré en communautés organiques, où l’individu se définit avant tout par ses appartenances locales, ses compagnonnages. Dans le monde urbain, qui renaît en Europe à partir du XIe siècle, les corporations sont les principales formes de sociabilité. Contrairement à ce que les Modernes ont parfois cru, les corporations n’ont pas uniquement un rôle économique (monopole de vente de certains biens, contrôle des prix, etc.), mais aussi un rôle social et politique : célébration d’un saint, fêtes et rituels, formation des apprentis, gestion municipale, etc. Leurs attributions économiques sont donc subordonnées à une vision de l’ordre social dans sa totalité, à une vision du bien commun. Elles sont un maillon dans le long emboîtement de communautés qu’est le Moyen Âge.

    ÉLÉMENTS. En vous lisant, on vérifie à quel point la modernité a introduit une rupture radicale dans l’histoire des sociétés. Cette rupture a été aussi économique. Tout ce sur quoi le Moyen Âge, l’Ancien Régime, les sociétés traditionnelles reposait a été englouti dans « les eaux glacées du calcul égoïste », pour parler comme Marx. Ce sont deux conceptions du monde irréductibles et diamétralement opposées qui se font face…

    GUILLAUME TRAVERS : Je crois en effet qu’il y a un changement de paradigme considérable, qui a été maintes fois décrit : la modernité cesse de voir les communautés pour ne plus voir que les individus ; elle cesse de penser le bien commun pour ne plus considérer que les intérêts individuels, les qualités pour ne plus compter que les quantités, etc. Concernant la question du travail, cela se manifeste d’abord par un rejet fort des corporations : pour les Modernes, il n’est plus question de restreindre la liberté individuelle d’exercer telle ou telle profession. Là où l’on pensait la complémentarité des métiers, il faut désormais penser leur concurrence. Le travail change aussi de statut : de qualité, il devient quantité. Expliquons cela : le travail était une propriété de l’homme, quelque chose d’intrinsèquement attaché à sa personne. On était boulanger ou menuisier, c’était un statut. Avec la modernité, le travailleur devient une quantité de « force de travail ». Nul n’est fondamentalement boulanger ; au mieux, il offre un certain nombre d’heures de sa force de travail dans une boulangerie. Cela peut paraître anecdotique, mais c’est fondamental ; c’est un basculement dans le domaine du droit, de l’anthropologie. Tout homme est force de travail, donc tout homme est substituable à un autre.

    ÉLÉMENTS. Dans votre Économie médiévale et société féodale, vous souteniez l’hypothèse que les Modernes avaient beaucoup à apprendre, économiquement parlant, du Moyen Âge. Le corporatisme fait-il partie de ces leçons oubliées ? À vos yeux, peut-il constituer une alternative à la crise du sens du travail ?

    GUILLAUME TRAVERS : Il est bien évident qu’il y a aujourd’hui une crise du sens dans le travail, manifestée par deux symptômes au moins : le nombre de croissant de « jobs à la con » (David Graeber) et l’explosion des « burn outs ». En d’autres termes, que l’on travaille pour ne rien faire, ou que l’on travaille beaucoup, ou se demande de plus en plus souvent à quoi cela sert. Face à cela, il faut se garder de vouloir simplement revenir en arrière, ce qui bien souvent n’a pas de sens. Le monde a beaucoup changé avec l’éclatement des communautés traditionnelles, qui date surtout du XIXe siècle. Comme je le dis dans l’ouvrage, à défaut d’une recette pratique, le corporatisme peut rester un idéal régulateur, surtout si l’on doit à l’avenir reformer des communautés plus locales. Le sujet est à l’ordre du jour, avec la montée en puissance des idées localistes, la volonté d’organiser des circuits plus courts. Je crois que, localement, de nouvelles formes d’organisations agricoles ou artisanales peuvent être amenées à voir le jour : des regroupements volontaires, autour de standards de qualités imposés, pour valoriser en commun des produits et des traditions, etc. Des institutions actuelles qui fonctionnent très bien, telles que les appellations d’origine contrôlée (AOC) s’en rapprochent beaucoup. Que l’on songe au terme même : il est presque miraculeux, à notre époque, que l’on s’emploie encore à « contrôler l’origine » de quelque chose. Les corporations médiévales faisaient précisément cela : origine (formation) des travailleurs, origine des matières premières et des biens, etc.

    ÉLÉMENTS. Il y a eu un renouveau théorique du corporatisme, de la seconde moitié du XIXe siècle à la première moitié du XXe, des catholiques sociaux aux non conformistes des années Trente. Ce renouveau peut-il être mis au service du localisme, comme vous semblez l’indiquer ?

    GUILLAUME TRAVERS : Je le crois, à condition de tirer les leçons des échecs du passé. La quasi-totalité des théoriciens du corporatisme jusque dans les années 1930 promeuvent ce que l’on a parfois nommé un « corporatisme d’association ». À l’inverse, tous les régimes politiques qui se sont réclamés du corporatisme à partir des années 1920-1930 ont mis en œuvre ce que l’on peut nommer un « corporatisme d’État » : il ne s’agissait pas de promouvoir la libre organisation des métiers à un niveau local, mais de recréer des corporations à partir du sommet. Cela a été un échec. Il me semble que la vision de l’homme propre au corporatisme – l’homme comme membre de communautés, l’homme enraciné – ne laisse envisager que des corporations très locales. C’est en cela que des structures corporatistes pourraient renaître, probablement sous un autre nom, en cas de relocalisation des activités économiques.

    Source : https://www.revue-elements.com/

  • Estelle Redpill : « Je subis des harcèlements en ligne, des menaces de mort et des insultes dans la rue depuis plusieurs

    Estelle Redpill est « TikTokeuse » et se définit comme « identitaire ». Depuis qu’elle a fait l’objet d’un portrait par les journalistes de « Quotidien », elle est jetée en pâture : menaces et intimidations se multiplient pour celle qui veut « défendre les valeurs patriotiques ».

    Elle a bien voulu répondre aux questions de Boulevard Voltaire.


    Je m’appelle Estelle Redpill, j’ai 25 ans, je suis une TikTokeuse identitaire, je défends la sur les depuis plus d’un an, j’avais un compte avec 122 000 abonnés, il a été banni récemment.

    Qu’est-ce qui vous motive à faire des vidéos sur TikTok ?

    J’ai senti que cette plate-forme marchait plutôt bien, et j’ai vu qu’il y avait beaucoup de prosélytisme religieux islamique, beaucoup de se laissaient endoctriner, ça m’a fait pour les futures générations. Il y avait également beaucoup de gauchistes avec leurs idées et leur propagande nauséabondes. Je me suis dit qu’on ne pouvait pas laisser les jeunes se faire avoir par cette propagande-là. J’ai donc voulu utiliser TikTok à ma manière pour défendre les idées de droite et l’identité française.

     

    Votre compte TikTok a été censuré. Que s’est-il passé ?

    J’ai reçu un mail de leur part me prévenant que je ne pouvais plus y accéder, ni même recréer un compte. Pour survivre sur ce réseau social je dois être sous VPN. Mon visage est connu, je risque de ne pas faire long feu sur cette application maintenant !

     

    Quotidien vous a consacré un reportage, pourquoi avoir accepté de les rencontrer ?

    On ne doit pas rester qu’entre nous, entre patriotes, on doit oser aller chez l’adversaire pour porter nos idées. Même s’ils sont malveillants, j’ai voulu le faire. Cette plate-forme n’est pas que pour les gauchistes. Malheureusement Quotidien a voulu me salir.

     

    Qu’aimeriez-vous dire aux journalistes de Quotidien ?

    Je voudrais leur dire qu’ils dénigrent les gens comme moi parlant des problèmes liés à l’, ils nient des faits réels, ils font passer les patriotes pour des gens néfastes, ils contribuent à la décadence de notre pays. Ils couvrent des gens qui n’aiment pas la France. Ils desservent la France.

     

    Depuis la diffusion, vous avez été agressée près de chez vous. Que s’est-il passé ?

    Je subis du harcèlement en ligne depuis plusieurs mois. En me rendant au commissariat pour porter plainte, j’attendais à l’arrêt de bus, une personne m’a reconnue. Il m’a insultée et traitée de « sale facho, sale raciste, on t’a vu dans le quotidien », tout en me filmant avec son téléphone. J’ai caché mon visage pour ne pas être filmée, ils m’ont arraché mes affaires et m’ont bousculée. Deux témoins présents ne sont pas intervenus. Puis je suis rentrée dans le bus, et la municipale est arrivée. Ils m’ont encouragée à porter plainte. Par la suite, en achetant un ticket de métro, deux individus ont exigé que je paie leur titre de transport avec la carte bancaire. J’ai refusé et ils m’ont encerclée. Une dame m’aidée à me dégager. La situation devient très grave…

     

    Les menaces et les insultes continuent-elles ?

    Sur Instagram je reçois des menaces de mort, des insultes, mais également dans la rue : « Sale facho, sale traître », ainsi que des insultes sur la féminité.

     

    Pourrait-on vous comparer à Mila, la jeune femme continuellement menacée de mort après des propos hostiles à l’ ?

    Mila m’a contactée, je l’apprécie. Nous sommes différentes car je n’ai pas critiqué l’islam, j’ai dit qu’il y avait des religions qui ne respectaient pas notre pays, qui voulaient s’imposer, mais je n’ai pas critiqué l’islam ou leur prophète. Je n’ai pas eu des problèmes de la même ampleur que Mila. Elle m’a prévenue que par la suite je pourrais encore en avoir, des personnes pourraient en venir aux mains. Malheureusement, plus on dénonce, plus la situation empire.

     

    Comment voyez-vous votre avenir ?

    L’avenir me fait peur. Il y a quelques années je pensais quitter la France car je me sentais en . Dans certains quartiers je me faisais suivre et insulter. Une fois on m’a craché dessus et j’ai reçu des projectiles. J’avais peur. Avec les attentats, les décapitations, je pensais que pour élever des enfants, je ne pourrais rester dans un pays aussi hostile. Si moi-même je me sens en insécurité, comment sécuriser mes enfants ? Si mon mari défend mes enfants, la justice pourrait se retourner contre lui ?

    Je pensais alors que la seule solution était de partir, puis je me suis remise en question. S’il n’y a plus de Jeanne d’Arc, Charles Martel ou d’autres personnes pour sauver notre pays, il sera colonisé ! Donc je décide de me battre, même si ça me fait peur, car je pense que la justice n’est pas spécialement avec nous, la victimisation est à géométrie variable. Les gens qui défendent leur identité sont souvent censurés. En revanche sur TikTok, ceux qui brûlent le drapeau ou crachent sur notre pays, ne sont pas censurés alors que moi j’ai été bannie injustement. J’envisage le futur difficilement, mais je ne baisserai pas les bras.

     

    Estelle Redpill

    Influenceuse
     
  • La mondialisation numérique, une menace pour les télétravailleurs français ?, par Jean-Philippe Chauvin.

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    « La mondialisation est un fait, elle n’est pas forcément un bienfait », ai-je pris l’habitude de dire depuis quelques années, et ce n’est pas l’article publié mardi par le quotidien L’Opinion qui va me rassurer ou me démentir sur ce point : son titre, en lui-même, annonce bien la suite : « Télétravail : pyjamas délocalisables ».

    jean philippe chauvin.jpgCar la Covid 19, en imposant le confinement (mais ne sont-ce pas plutôt les gouvernements qui ont joué cette carte, faute d’autre stratégie sanitaire et médicale dans nombre de pays ?), a changé les formes les plus marquantes de la mondialisation sans la remettre en question, contrairement à ce que certains espéraient ou prédisaient. Quand Michel Houellebecq annonçait un monde d’après qui serait juste « le même, en un peu pire », avait-il tort ? Nous l’espérions, nous en rêvions, même, mais il semble bien que le « sire triste »de la littérature française ait vu plutôt juste, même si les jeux ne sont pas totalement faits ni défaits.

     

    Ce que Maxime Sbaihi (l’auteur de l’article) écrit a le mérite de la clarté, rompant avec un certain irénisme mondialiste aujourd’hui plus discret mais toujours actif, au moins dans les hauteurs des sociétés mondialisées, et il nous montre comment la mondialisation, désormais moins « aéroportée » que numérique, a changé, non de paradigme mais de forme et de vecteur dominants : exit les grands voyages physiques, du moins pour l’instant, et voici le virtuel qui « délocalise » et « dépayse » plus sûrement, au risque de déstabiliser un peu plus nos propres sociétés et leurs réalités sociales comme… physiques ! L’écran remplace la présence réelle, le clic la poignée de main, la connexion la transmission (au sens fort du terme, enracinée et intergénérationnelle). Du coup, tout devient possible, y compris « le pire » pour les cadres en France et dans les pays occidentaux : ainsi, dans ce cadre du télétravail, « la mondialisation pourrait (…) devenir une menace nouvelle et bien réelle pour les cols blancs des cadres et professions intellectuelles supérieures. (…) Beaucoup d’entreprises forcées de jouer le jeu du télétravail ont rapidement réalisé qu’elles pouvaient opérer, parfois mieux, sans présence physique au bureau. Or qu’est-ce que le télétravail sinon une première forme de délocalisation ? » Quand il suffit d’un ordinateur pour remplir certaines fonctions et que le bureau fixe devient inutile, pourquoi, pour les entreprises en recherche d’économies et de meilleurs profits (souvent maquillés sous le terme de « compétitivité », en fait), conserver des salariés coûteux en France quand le même service peut être assuré ailleurs à moindre frais et sans risque de contestation sociale ? Ainsi, « en actant le divorce entre activité et bureau, le télétravail ne risque-t-il pas d’étendre leur séparation géographique au-delà des frontières ? Dans The Globotics Upheaval, paru en 2019, Richard Baldwin met en garde contre une « armée mondiale de télémigrants » vouée à concurrencer les emplois qualifiés occidentaux. » La mondialisation numérique qui s’accélère au fil de l’épidémie peut effectivement nous inquiéter sur ce point comme sur d’autres, avec ce risque d’appauvrir un peu plus les classes moyennes françaises sans profiter intégralement aux salariés de l’autre bout du monde, mais bien plutôt en priorité aux transnationales et à leurs actionnaires, peu regardants sur les moyens de valoriser leurs avoirs : « Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse »…

     

    Nous ne pouvons en être étonnés, la mondialisation considérant le monde comme un « seul village », aujourd’hui couvert d’écrans et peuplé d’individus interchangeables et d’opinions téléchargeables ! Cette réduction des personnes à de simples agents économiques, « producteurs-consommateurs », dont le pouvoir d’achat potentiel déterminerait la valeur et le poids en cette mondialisation-là, est évidemment une « dépersonnalisation » inquiétante des habitants de notre planète plurielle et une « déshumanisation » qui explique sans doute les dérives transhumanistes contemporaines, au moins annoncées par Huxley dans « Le meilleur des mondes », ce livre désormais considéré comme « réactionnaire » par les nouvelles pythies de la bien-pensance… Et, si les personnes ne sont plus que des individus « à valeur économique mesurable », pourquoi ne pas chercher ceux qui coûtent le moins pour rapporter le plus ? La logique des « avantages comparatifs » est trop souvent mortifère pour nos salariés nationaux, comme elle l’est pour les productions françaises, forcément plus chères que celles de pays dits « en développement » (ce processus théorisé par Rostow et Truman comme le mode d’accès privilégié et obligatoire à la société de consommation et de loisirs « idéale »), simplement parce que, au-delà des charges fiscales trop lourdes, les lois sociales françaises préservent mieux les intérêts des travailleurs que dans nombre de pays émergents… C’est d’ailleurs cet « amortisseur social » français qui a, sans doute, évité l’effondrement social des classes productives sans, pour autant, réussir à empêcher le désœuvrement organisé d’une part non négligeable de celles-ci, condamnées au chômage par la désindustrialisation, fille naturelle de la mondialisation libérale...

    Or, justement et de façon forcément inquiétante, « en banalisant le télétravail, le virus a peut-être donné le coup de fouet que la mondialisation numérique attendait pour redistribuer les cartes des emplois qualifiés. Les écrans effacent les distances et mettent en concurrence les compétences avec les coûts salariaux. La fameuse « troisième ligne » d’Emmanuel Macron, celle qui a pu continuer à travailler en pyjama à la maison, risque cette fois de se retrouver en première ligne ». Et, comme le souligne l’auteur, « les consultants, experts-comptables et responsables commerciaux peuvent se faire du souci » ! Mais ce constat qui semble rude peut aussi permettre une prise de conscience et une stratégie française, dont l’État aurait tout intérêt à se faire le promoteur, fondée sur une véritable valorisation de la matière grise, « nos vraies mines d’or du Pérou », pour paraphraser Sully. Pour cela, il peut paraître nécessaire d’alléger, au moins temporairement, les charges des entreprises françaises ou investissant en France, mais aussi et surtout d’améliorer les capacités de nos universités, grandes écoles, centres de recherche (publics comme privés), pour former les cadres de demain, ceux qui, derrière leur écran, auront de bonnes raisons de rester attachés à la France et qui pourront, par leurs qualités et savoir-faire d’excellence, empêcher les transnationales de céder à la tentation de la « délocalisation des pyjamas ».

     

    Bien sûr, cela nécessite des efforts et de la rigueur (et une vision à long terme de l’État, fut-il républicain et en attendant mieux, c’est-à-dire royal), mais, en ces temps particuliers, il n’est pas inutile de faire confiance à ce « cher et vieux pays » qui, par le passé, a montré bien des ressources de motivation et de fierté pour assurer sa liberté de parole et d’action. Qu’il puisse sembler endormi en cet automne covidien ne doit pas nous empêcher de penser qu’il est capable d’un beau et grand réveil, celui qu’espérait Bernanos et qu’envisageait de Gaulle !

    Source : https://jpchauvin.typepad.fr/

  • Halte au bavardage présidentiel !, par Christian Vanneste.

    Le 22 Avril 2016, le futur président avait déclaré avec la fermeté de la certitude éclairée : ” une société sûre est une société d’individus libres”. Récemment, le “Président” coincé entre le séparatisme islamiste et la panique virale appelait les Français à être des “citoyens solidaires”. On prend, dans cette conversion radicale, le grand bobard du “en même temps la main dans le sac.

    christian vanneste.jpgIl y a un principe logique constant depuis l’existence du monde, inhérent à la raison humaine : celui de non-contradiction, “une chose ne peut être en même temps une chose et son contraire.” Un individu émancipé dans une société liquide ne peut être le citoyen solidaire d’une cité bâtie sur du roc. C’est Camus qui disait que le grand choix de l’existence tenait à une lettre : “solidaire ou solitaire”.

    L’utopie macronienne est l’idéologie d’une caste, celle demi-héritiers qui ne sont pas nés milliardaires mais qui ont quand même bénéficié d’une excellente éducation et sont parvenus à une réussite où se mêlent l’intelligence, le travail, mais aussi la chance, les relations et le calcul habile des ambitieux. Cela dit, il y a parmi eux, les créateurs, les inventeurs, et tous les autres. M. Macron n’a rien inventé, sauf un parti “En Marche”, reprenant modestement ses initiales… et qui ne marche pas. Le rêve américain du “Self made man” hante le projet macronien : ce sont des individus exceptionnels, sous-entendu “comme lui”, qui, libérés de toutes les attaches, vont faire sauter les barrières, les entraves, les limites et les frontières, et ouvrir la voie au grand progrès de l’humanité. Les autres n’auront qu’à s’accrocher à la cordée. Toute sa politique s’appuie sur cette vision tronquée du monde, un monde qui lui ressemblerait. Il est facile de trouver du travail, en traversant la rue, facile de choisir sa “famille” au gré des recompositions, facile de franchir les frontières en parlant anglais, facile de rêver la souveraineté de l’Europe et le gouvernement du monde : un rêve d’entre-soi des gens comme lui, de Minc et d’Attali, et qu’avait anticipé Valery Giscard d’Estaing, pleinement héritier lui-même.

    Et voilà que l’utopie se brise crise après crise sur les digues du réel. C’est qu’il lui faut du solide au réel ! Les individus ne souhaitent pas le destin des particules élémentaires parce qu’ils n’aiment ni la solitude, ni la précarité, ni la fragilité d’une existence pleine de risques. Ceux qui prétendent le contraire appartiennent à deux catégories : les créateurs dont la France a besoin et qu’elle doit encourager, et puis les aventuriers hypocrites qui prêchent le risque aux autres, mais passent d’un fromage à une entreprise qu’ils sont capables de couler avant de retomber dans leurs pantoufles de hauts-fonctionnaires intouchables, sacrés par nos grandes écoles et notamment l’Ena qui permet à certains de couler la nation elle-même avant de prendre leur retraite au Conseil Constitutionnel. Macron est l’idéal sinon la caricature de ces derniers.

    Les Français souhaitent une école solide qui leur permet d’acquérir un savoir et un métier. Ils désirent bénéficier d’une sécurité de l’emploi que la fonction publique leur offre, et que le secteur privé ne peut leur garantir. Ils savent que la plus grande solidarité dont ils peuvent bénéficier est celle de leur famille parce qu’elle est animée par l’amour. Ils ont appris de l’histoire que l’Etat souverain est la meilleure garantie de protection de la nation à laquelle ils appartiennent. Or, l’école est confrontée à une baisse de niveau sans précédent et à un communautarisme envahissant qui fracture un peu plus chaque jour la communauté nationale. Nous somme loin de l’élitisme pour tous. L’élite sera de plus en plus distante de la masse, et elle en sera séparée dès le début par des parcours scolaires dans des écoles apparemment soumises au même programme et tellement différentes en réalité. L’intégration républicaine est aujourd’hui dans de nombreux quartiers un fétiche dérisoire qu’on agite en temps de crise. Ce qui unissait les Français était la France charnelle marquée par une forte identité, et non cette abstraction de valeurs molles qu’on nomme la République et qui ne vit que dans les discours.

    Pour affronter l’océan de la mondialisation, il ne faut pas que la France soit liquide. Seuls les meilleurs nageurs survivraient… ailleurs. Il faut au contraire consolider les murailles de la cité, son unité nationale à l’abri d’une immigration dissolvante ou conquérante. Il faut aussi rétablir le noyau dur de la solidarité qu’est la famille, dont l’effondrement moral attire le mépris d’immigrés qui ne voient nullement dans notre société un modèle à suivre. Il faut restaurer l’autorité du maître et l’amour de la France dans nos écoles. C’est seulement à ce prix qu’on pourra faire naître une citoyenneté courageuse capable de combattre le terrorisme ou l’épidémie autrement que par la peur, capable aussi de procéder aux réformes nécessaires de ce qui affaiblit la nation en protégeant apparemment les individus, la dépense publique et le poids de la fonction publique. Faut-il souligner que si Macron veut détruire la famille un peu plus ave la PMA pour tous, il n’a rien fait, bien au contraire, pour lutter contre ce vrai “mal français” ?

    Source : https://www.christianvanneste.fr/

  • Objectif 2021 : abattre l’État totalitaire !, par Tarick Dali.

    2020, année terrible ? sûrement. À cause du virus chinois ? sûrement pas. Un virus de plus qui n’est pas le premier, qui ne sera pas le dernier. 2020 fut une année terrible parce que l’ensemble des pays occidentaux ont mis le doigt dans l’engrenage qui conduira à la chute de notre civilisation. Nous sommes à Ravenne en 475 ou à Constantinople en 1452.

    3.jpgDésormais, à la moindre alerte sanitaire, les gouvernements presqu’uniformément phobocrates, cloîtreront et ruineront les peuples entiers. La France, dans ce domaine comme dans d’autres, a voulu être à l’avant-garde. Notre malheureux pays, aux mains d’incompétents et de couards de tout poil depuis 40 ans, État Moloch, avait déjà montré comment cumuler, à l’intérieur au détriment de notre nation, le pire du socialisme : dépenses publiques, impôts record, inflation législative et réglementaire à l’appui ; et, à l’extérieur au profit de la terre entière, le pire du libre-échangisme mondial avec des frontières ouvertes à tous les vents de concurrents largement moins soviétisés. Cela se justifiant d’ailleurs par ceci, une fois paré de l’épithète infâmante d’ultra-libéralisme dans le pays le moins libéral du monde. Il manquait encore une brique pour que l’édifice socialiste fût définitivement érigé : la brique totalitaire. En 2020, la France l’a, enfin, posée. Tous les autres dirigeants européens et occidentaux se sont imposé des limites ou, à tout le moins, leurs parlements leur ont posé de solides garde-fous. Rien de tel en France où nous endurons les séquestrations les plus longues et les plus strictes et où des millions de gens sont privés de gagner leur vie depuis des mois, pendant que l’État va jusqu’à nous expliquer combien, dans sa grande mansuétude, il nous autorise à nous retrouver autour de la table familiale.

    Les Macron, Philippe, Castex, sont-ils seuls responsables ? Oui, si l’on ne prend en compte que leur acharnement à fuir toute responsabilité. Ils ont ainsi délégué le gouvernement de la France à un aéropage de trois tristes sires, Delfraissy, geôlier tapi dans l’ombre, Salomon, croque-mort omniprésent et Véran, incompétent féroce. Non, si l’on note que cette chape totalitaire n’aurait jamais pu être si lourde et si durable s’il y avait encore dans ce pays, ne serait-ce qu’un semblant d’opposition. Avec une rare constance, la droite, la gauche, le milieu ont, sans sourciller, prolongé les états d’urgence sanitaires. Le parlement est allé jusqu’à accepter que Véran, encore lui, vienne dans l’hémicycle intimer aux députés de sortir s’ils ne sont pas contents sans que Christian Jacob, invité à répondre immédiatement, n’ait rien trouvé de mieux que de lui répliquer sur le fond alors que son devoir était aussi simple que limpide : interpeller le président de l’Assemblée pour qu’il intime à Véran de sortir sans préjudice de sanctions ultérieures.

    Il n’est pas indifférent que parmi les rares responsables politiques d’une certaine notoriété à s’être insurgés, les seuls parlementaires soient des élus européens. Les quelques autres, sans mandat ou élus locaux, Marion Maréchal, Philippe de Villiers, Xavier Lemoine, Jean-Frédéric Poisson, Henri Guaino, Arnaud Montebourg, Florian Philippot, David Lisnard, François Asselineau, qu’on nous pardonne si on en oublie, sauvent l’honneur de la politique en France. Les autres ? aux abris. Qu’est devenue la France en 2020 ? Un pays dont les commissariats de police et les brigades de gendarmerie reçoivent des appels parce qu’on a repéré des voisins trop nombreux à table ou qu’on a vu une voiture sortir à 20 h 01 est-il différent de l’Allemagne orientale de jadis ? Là-bas aussi, il y avait, inféodés aux communistes du SED, un parti libéral LDP, une Union chrétienne-démocrate CDU. Satellites dociles d’un totalitarisme impitoyable comme aujourd’hui chez nous, Les Républicains, le PS, la France Insoumise, le Rassemblement national sont des auxiliaires zélés de la République En Marche vers la Corée du Nord.

    Hélas, rien de bon n’émerge pour 2021. Pourtant, un souhait peut se réaliser : comme 1945 avait renvoyé dans les poubelles de l’histoire ceux qui s’étaient couchés jusqu’en 1944, 2021 doit faire le tri entre les rares qui ont osé se lever et ceux qui se sont aplatis en 2020. Ceux-ci sont d’autant moins pardonnables que les collabos de 1940 que, contrairement à leurs aînés, ils ne prenaient aucun risque à résister à la chape de plomb de nos trois lugubres diafoirus. Comme dans tout régime totalitaire, il n’y a pas d’opposants, ne subsistent que des dissidents. Gloire à eux, belle et heureuse année de combat à cette France debout !

    Source : http://www.ladroitelibre.fr/

  • Vérités parallèles, par Marc Obregon.

    Ainsi, le gouvernement français a envoyé ses petits pages évangéliser le peuple ingrat : Macron entend « lutter activement contre le complotisme », c’est même devenu un « enjeu majeur ».

    3.jpgC’est sûr que depuis que les réseaux mettent au même niveau un tweet de Micheline et un tweet du président de notre Belle France, la vérité n’est plus ce qu’elle était. Mais ne doit pas imputer ce glissement tectonique du Vrai aux politiques eux-mêmes qui se sont engouffrés dans les réseaux avec une joie pubère et décomplexée ? Un président, un ministre, un journaliste politique doit-il « tweeter » ?

    Je viens d’un temps où les réseaux sociaux étaient encore considérés comme des trucs d’ados, des jouets électroniques pour gosses en manque de visibilité. Aujourd’hui, dans notre réel « désiloté » comme disent les consultants en agilité – payés 80k par an pour mettre des post-it dans les entreprises – il va de soi que la Vérité, c’est-à-dire le consensus cognitif qui relie à peu près tous les hommes, se désagrège au prix d’un réel segmenté, tronçonné en cellules individuelles, domestiques. Autant de mythologies personnelles qui se chargent de déconstruire peu à peu la confiance dans la réalité du monde, et pas seulement dans nos instances administratives ou politiques.

    Autant de vérités parallèles qui sabordent peu à peu le substrat social, historique, sur lequel nous avons patiemment fondé notre civilisation. A qui la faute ? Si le combat contre le complotisme prend des allures de chasse aux sorcières, c’est bien parce que chaque complotiste est le golem de la modernité, cette modernité que nos tech-entreprises et nos administrations de plus en plus décomplexées ont contribué à mettre sur le devant de la scène. En nous isolant du monde, de l’histoire, en transférant nos existences dans un placard à balais aux dimensions cosmiques, le pouvoir a congédié l’homme occidental : subjugué par le spectacle de la dromomanie généralisée, il n’a eu d’autre choix que de créer sa propre réalité, une sorte de mythologie infantile hâtivement bricolée autour de vieux fantasmes, mais surtout, à partir d’une frustration inédite.

    Car le babillement incessant des réseaux, le brouhaha continu des chaines d’informations, cette prise de parole constante qu’est devenue la place publique virtualisée, ultra synchronisée, a non seulement réduit la surface du globe mais a également comprimé le temps de l’histoire : impossible d’introduire quoi que ce soit désormais dans ce bloc d’informant ultra-synchrone à lui-même, ultra-automatisé, ultra-fractalisé. Le moindre doute s’y transforme en parodie de doute. Le moindre oubli se transforme en loi mémorielle. La moindre insulte se transforme en horions de la foule en délire. Le complotiste souffre de paramnésie tout autant que le politique qui s’affranchit du legs de l’histoire pour parvenir à ses fins.

    Derrière chaque complotiste, il y en cause un haut-fonctionnaire fébrile qui manipule lui-même l’histoire pour la faire rentrer au forceps dans son cahier des charges de petit énarque avide. Les complotistes, les bisons pas futés qui hantent les capitoles, les réseaux Qanon et les babouches brusquement revenues à un temps mythique où elles pouvaient profiter sans problème de leurs harems de chèvres angora : tous sont vos créations, ô Archontes de la Très Sainte Démocratie Libérale. La Vérité, elle, n’a jamais été démocratique : ce qui l’est, c’est sa pulvérisation en une myriade de discours contigus, de palabres et de syncrétismes artificiels qui forcent le trait, dissolvent les nuances dans le grand bain amniotique des forclusions numériques.

    « Nous devons réarmer nos démocraties contre ceux qui essayent de les faire tomber », affirmer Stanislas Guérini avec morgue, avalisant que sa démocratie à lui, c’est une sorte de gros flingue en manque de cartouches…Et sans comprendre que les démocraties modernes sont précisément ce qui font tomber la Démocratie. La post-démocratie panoptique dans laquelle nous entrons est une béquille truquée qui fait chuter l’Histoire à chacun de ses pas dans ce Nouveau Siècle Barbare. Si nos édiles fermaient leurs propres réseaux et projetaient leur regard plus loin, plus haut, si elles avaient encore quelque idée du Bien Commun et du destin national, alors il y aurait fort à parier que les tentations complotistes s’éteindraient peu à peu. Si nos élites pouvaient, ne serait-ce qu’un instant, cesser de mentir, d’ajuster, de modifier la réalité dans les athanors puants du discours officiel, alors les complotistes reviendraient à leurs marottes d’avant, la pêche à la ligne ou les jeux vidéo (en ligne).

    Si Guérini dénonce avec autant d’aplomb la « post-vérité » et les « fake news », qui font si peur au gouvernement, c’est bien parce qu’ils en sont les premiers producteurs : la post-vérité, c’est précisément l’homoncule démocratique, la conséquence de ce que Virilio appelait « « l’illuminisme électronique » et qui a transformé les sociétés modernes en vastes terrains de jeux, en bacs à sable où la réalité s’effondre cycliquement sous les gros doigts potelés de gouvernants en culottes courtes. Una salus victis, nullam sperare salutem. *

    Par Marc Obregon

    * Le seul salut pour les vaincus, c’est de n’en plus espérer aucun.

     

    Sources :  https://lincorrect.org/

    https://artofuss.blog/

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  • Vivre avec le virus, c’est retrouver la liberté, par Natacha Polony.

    "Que proposons-nous à ces jeunes gens qui ont la vie devant eux ?"
    © Hannah Assouline. 

    "La vie, pour un être humain, n’est pas une donnée biologique mais un art très personnel que nul ne doit se laisser voler. Etre véritablement humain, c’est choisir la compassion pour les autres, mais la liberté pour soi-même", rappelle Natacha Polony, directrice de la rédaction de "Marianne".

    Évidemment, ce ne sont pas les tranchées. Ce ne sont pas non plus les nazis ou la Milice, qui traquent et torturent. On a beau jeu de les traiter de chochottes, ces jeunes qui disent leur désespoir, leur solitude, ces commerçants, patrons de théâtre ou restaurateurs qui, après tout, n’ont pas à se plaindre, puisque, n’est-ce pas, ils sont indemnisés. Oui, nous sommes des générations de consommateurs choyés, trop souvent incapables de simplement nous figurer les horreurs qu’a vécues l’humanité avant nous. Mais quelque chose nous dit que l’argument ne tient pas. Que ces jeunes gens dépressifs ou suicidaires ne regrettent pas seulement de ne pas pouvoir « faire la fête », ce à quoi nous avions réduit la jeunesse et que finalement nous lui avons retiré.

     

    Pourquoi le désespoir pour les uns, la rage pour les autres ? 

     

    La crise sanitaire que nous vivons depuis un an est une mécanique perverse qui déploie ses effets progressivement. Mais, alors que nous commençons à admettre que, peut-être, il ne s’agit pas d’une parenthèse mais d’un changement d’époque, nous ne semblons toujours pas capables de reprendre la main. On entend d’ici les commentaires indignés (l’indignation est la nouvelle forme de la vertu contemporaine) : nous n’avons pas le choix, il faut éviter des morts. Ou, comme l’a hurlé le ministre de la Santé aux députés de la nation qui refusaient de prolonger indéfiniment l’état d’urgence sanitaire : « Vous êtes en train de débattre de sujets alors que nos soignants se débattent pour sauver des vies. C’est ça la réalité, mesdames et messieurs les députés, si vous ne voulez pas l’entendre, sortez d’ici. » En clair, toute réalité autre que celle des services de réanimation est illégitime, secondaire. Sans même aller jusqu’aux positions de l’essayiste Gaspard Koenig – qui rappelait, dans les Échos que seules 60 personnes sans comorbidité, parmi les 15-44 ans, sont mortes du Covid en 2020 en France [et 176 en tout dans cette classe d’âge] –, on peut malgré tout se pencher avec un tout petit peu de lucidité sur le modèle de société que nous nous voyons imposer par l’alliance des décisions politiques, du bruit médiatique et de l’amplification des réseaux sociaux, sans que jamais nous en ayons débattu collectivement, et surtout sans que jamais les enjeux soient véritablement déployés dans toute leur ampleur.

    Qu’est-ce qui provoque la déprime, la dépression, même, de tant de nos concitoyens ? Pourquoi le désespoir pour les uns, la rage pour les autres ? La plus grande violence qui nous soit infligée, n’en déplaise à ceux qui croient que les confinements à répétition constituent la seule réponse « raisonnable », est de nous priver de toute autonomie. Dans toutes les crises rencontrées jusqu’ici par les générations qui nous ont précédés, il appartenait à chacun de se déterminer en son âme et conscience pour décider de son destin. Être lâche ou courageux est un choix individuel, l’expression de notre liberté profonde. Même dans l’horreur d’une guerre, même quand la mitraille, les obus et la peur abominable les écrasent, certains, dans cette ordalie d’épouvante, se révèlent et refusent de n’être que des bêtes. « Ce que j’ai fait, je te le jure, jamais aucune bête ne l’aurait fait », telle est la phrase de Guillaumet, racontée par Saint-Exupéry dans Terre des Hommes après que son avion s’est écrasé dans la cordillère des Andes et qu’il a marché cinq jours et cinq nuits dans la neige, en costume de ville, pour retrouver la civilisation.

     

    Etre véritablement humain, c’est choisir la compassion pour les autres, mais la liberté pour soi-même. 

     

    Et nous, que proposons-nous à ces jeunes gens qui ont la vie devant eux ? De ne pas avoir ce choix qui est celui qui nous construit en tant qu’être humain. Il est interdit de se déterminer, interdit d’agir. Il ne faut qu’attendre. Attendre les confinements, attendre les aides de l’État. Ceux qui avaient retroussé leurs manches pour se forger un patrimoine, pour se préparer une vie meilleure, pour eux et leurs enfants, sont en train de tout perdre. Ils sont réduits à subir parce que toute forme d’action individuelle, tout refus de subir, serait incivique. Une mise en danger de la vie d’autrui. On ne dit pas organiser des fêtes ou s’entasser dans les bars, non. Seulement agir, travailler, vivre. Et arbitrer en fonction de son intelligence, en interaction avec d’autres, qui, même « fragiles », sont également doués de libre arbitre.

    Un membre du gouvernement déplorait, il y a quelques jours, l’absence de discours mobilisateur pour la jeunesse. Et selon vous, quel devrait-il être ?, lui a-t-on demandé. « Si je le savais… » fut la seule réponse. Alors, tentons une proposition. Mobiliser les jeunes gens de ce pays, c’est leur apprendre qu’ils sont maîtres de leur destin. Qu’il leur appartient de décider de ce que sera leur vie, et que l’État est là pour leur donner les moyens de cette liberté en compensant les inégalités qui l’entravent. Que la vie, pour un être humain, n’est pas une donnée biologique mais un art très personnel que nul ne doit se laisser voler. Et qu’être véritablement humain, c’est choisir la compassion pour les autres, mais la liberté pour soi-même. Si quelque chose comme une civilisation européenne doit perdurer, tandis que la dictature dérégulée à la chinoise affiche une réussite économique si flamboyante qu’elle en fait fantasmer certains, cela ne passera que par la réaffirmation de cette idée de l’homme développée depuis le XVIe siècle comme un être digne parce que libre.

    Source : https://www.marianne.net/

  • Séparatisme ? C’est de la France qu’il s’agit, pas seulement de la République ! (II), par Christian Vanneste.

    La loi contre le “séparatisme”, contre “l’islamisme” a été réduite à un texte confortant la laïcité destiné à gommer un peu plus la dimension religieuse dans la société française y compris celle de l’islam, sans aller toutefois jusqu’à en interdire les signes ostentatoires qui ne sont pas fondus dans le paysage, alors que les autres religions, par la force de l’habitude ou par la timidité des adeptes, font partie du décor ou s’y sont volontairement intégrées. Il y a aujourd’hui moins de prêtres en soutane que de femmes voilées.

    christian vanneste.jpgUn palmier se remarquant davantage dans une forêt de chênes, de hêtres ou de peupliers, la différence sera toujours perceptible, et elle serait facilement acceptable si cette distinction affichée ne symbolisait pas une sourde hostilité à la société et à ses moeurs.

    La grande erreur du laïcisme à la française est de croire que l’animal social qu’est l’homme peut se passer de religion, que celle-ci est une affaire privée que la science va faire disparaître tandis que que l’éducation des Lumières permettra d’émanciper les “humains” et “en même temps” de fabriquer des citoyens responsables dans une société qui au XXe est devenue essentiellement consommatrice : individualisme, hédonisme, explosion des familles, communautarisme fondé sur des intérêts communs aux membres mais divergents entre eux et parfois hostiles à la société dans son ensemble. Il faut être très distrait pour ne pas voir que l’esprit de la fin du XIXe siècle a totalement disparu, que les “hussards de la République” remplaçant les curés pour former un nouveau peuple “libéré”, sont devenus des enseignants prudents, parfois timorés, partagés entre l’esprit libertaire qui en habite certains et la peur de se faire décapiter qui peut légitimement en paralyser d’autres. Le “prêchi-prêcha” laïque avec ses sermons sur l’esprit républicain sonne creux dans la tête de la plupart des jeunes de banlieue et beaucoup d’autres Français n’y attachent plus guère d’importance. Comment faire confiance à un Etat qui punit davantage le protestataire “gilet jaune”, ou le retardataire du couvre-feu que le “black-bloc’ ou le loubard des banlieues ? Comment croire à la rengaine des valeurs de la République ? A l’égalité entre ce qui vaut et ce qui ne vaut rien, à la liberté de faire n’importe quoi, alors qu’on interdit de faire le bien, à la fraternité du confinement où chacun se blottit dans sa solitude et où l’on ne peut plus embrasser les proches avant leur mort ? Tandis que le stupre et la fornication de nos “élites” envahissent l’actualité, on menace de dissoudre un groupe de jeunes patriotes parce qu’ils manifestent contre l’immigration illégale, mais on félicite le berger passeur de migrants et on tolère les manifestations racialistes, indigénistes, anticolonialistes qui n’ont qu’un seul but, suscité non par la justice mais par le ressentiment  : affaiblir la nation française !

    La perte de la dimension religieuse a été une blessure inguérissable dans l’âme de la nation. La plupart des grands pays ont conservé cette dimension parce qu’elle est indissociable de toute société. Le catholicisme a joué un rôle crucial dans la formation de la France parce qu’il a été l’élément spirituel qui a permis à la monarchie de réunir et de défendre le pays. L’identité nationale s’est construite sur deux piliers, la prévalence du catholicisme qui légitime le pouvoir du roi par le sacre, et l’autonomie du pouvoir politique national par rapport à la papauté. Cet équilibre a été rompu par la Révolution et la rupture a été approfondie au cours du tumultueux XIXe siècle où la France, sans sembler s’en apercevoir, a commencé à descendre du podium. Or, auparavant, le Royaume avait systématiquement repoussé les séparatismes religieux, celui des cathares, celui des protestants. Sans doute peut-on lui reprocher d’avoir manifesté à l’encontre de ces derniers une intolérance finalement nocive pour lui-même, mais il était logique de vouloir maintenir une “conscience collective”, une façon de penser commune, faite de compréhension des symboles et de connivence dans les comportements. Ni la religion laïque de la République, ni les idéologies totalitaires ne sont parvenues à remplacer la foi et les cultes éradiqués : soit ils renaissent comme en Russie, soit c’est le pays qui s’étiole.

    Le judaïsme a toujours été très minoritaire. Ses textes fondamentaux, ceux de l’Ancien Testament, ne sont pas moins féroces pour certains que le Coran, mais la religion juive n’a jamais revendiqué que la terre de Canaan où Israël est revenu. L’islam, qui prêche également la destruction des ennemis avec l’aide de Dieu, revendique le monde. C’est une sacrée différence. Le protestantisme aurait pu l’emporter militairement, mais aurait eu beaucoup de mal à s’imposer à un peuple très majoritairement catholique. La guerre entre les deux religions était aussi la porte ouverte à la domination de l’étranger, espagnol auprès des catholiques, anglais à côté des protestants. L’unité s’est refaite par la conversion du roi, et la fin du séparatisme calviniste, mais Louis XIV  a été trop loin en voulant extirper le protestantisme, qui minoritaire et fidèle au roi était pour le coup une “richesse” pour la France. L’islam n’est en rien comparable à ces deux précédents : une population importante en croissance rapide, provenant de pays où il est majoritaire et intolérant, gardant avec eux des liens puissants, alors qu’ils professent parfois à l’encontre de la France un ressentiment virulent. Nier cette différence en pensant la lisser par quelques idées creuses et quelques opérations de police relève de la trahison ou de la folie. C’est la seule question qui demeure.

    Source : https://www.christianvanneste.fr/

  • Aux sources des libertés communales avec Alexis de Tocqueville, par Louis Soubiale.

    Le 150e anniversaire de la Commune nous semble constituer l’occasion de revenir sur ce foyer de l’action politique et administrative qu’est, précisément, la commune. La Commune de Paris représente cette expérience unique, en France, de gouvernement local autonome. Il convient de saisir l’essence philosophique profonde de ce mouvement communal – sinon communaliste – singulier.

    2.pngUne démarche d’autant plus louable, à l’heure où, depuis quelques années, déjà, ce vivier authentique de la démocratie ne cesse d’être affaibli, pris en tenaille entre une euro-régionalisation par le haut et un supra-municipalisme intercommunal par le bas – les deux tendances concourant à l’instauration d’un jacobinisme, déconcentré d’un côté, décentralisé de l’autre.

    L’on doit à Alexis de Tocqueville (1805-1859), alors qu’il parcourait la jeune Amérique nouvellement indépendante, d’avoir tenté de théoriser précisément cette forme si particulière de l’organisation politique qui entretient un rapport étroit avec la liberté, comme son histoire et son étymologie nous l’enseignent. Dès le XIIe siècle, les seigneurs féodaux, par souci de réalisme, devant la montée en puissance, économique et commerciale, de ces entités locales issues autant des municipiums romains que des anciens schwörtag germaniques – ou serments de solidarité unissant les tribus –, leur octroient des chartes de franchise ou, mieux, les établissent en « communes » dotées de prérogatives élargies. C’est dire que le terme, par métonymie, prend rapidement son sens de « ville affranchie » (dont les nombreuses « Villefranche » au sud de la Loire, demeurent les vestiges les plus vivaces). Dans son fameux traité De la démocratie en Amérique (1835-1840), Tocqueville souligne cette ancienneté de la commune qu’il impute presque à un fait de nature : « La commune est la seule association qui soit si bien dans la nature, que partout où il y a des hommes réunis, il se forme de soi-même une commune. » Sur les pas d’Aristote, le Normand insinue donc que la commune serait l’expression la plus complète de la socialité politique de l’homme. Mieux, écrit-il, « la commune paraît sortir directement des mains de Dieu ». Toutefois, «  la liberté communale est chose rare et fragile », en ce sens que, « parmi toutes les libertés, celle des communes, qui s’établit si difficilement, est aussi la plus exposée aux invasions du pouvoir ». Pour obvier à cet obstacle, il est impératif que les institutions communales aient durablement imprimé leur marque dans les « idées et […] les habitudes nationales ». L’apport de Tocqueville, à ce stade, devient précieux en ce qu’il loue, partant de ses observations in situ (il décrit, en l’espèce, la Nouvelle-Angleterre, dont les institutions lui paraissent exercer « une influence prodigieuse sur la société entière »), « l’esprit communal » qui soutient et vivifie le pouvoir local. Ainsi, le citoyen communal « s’attache à sa commune, non pas tant parce qu’il y est né que parce qu’il voit dans cette commune une corporation libre et forte dont il fait partie, et qui mérite la peine qu’on cherche à la diriger ». Proudhon nous aide à expliciter le propos : « vraie base de toute république (…), la commune est, par essence, comme l’homme, comme la famille, comme toute individualité ou collectivité intelligente et morale, un être souverain. » En d’autres termes, la commune, comme organisation politique naturelle, est un corps dont les parties ne peuvent souffrir nulle entrave, sauf à le blesser ontologiquement. Il va même jusqu’à faire de la commune l’allégorie politique et collective de « la vie [qui] ne connaît de limite qu’elle-même ; toute coercition du dehors lui est antipathique et mortelle » (Théorie du mouvement constitutionnel au XIXe siècle, 1870). En dépit des griefs « contractualistes » qu’il adressera au fédéralisme anarchiste du Bisontin, Charles Maurras, en subsidiariste intégral, n’en tiendra pas moins que ce dernier, et à l’instar de Tocqueville, pour les « libertés communales », la commune étant « le seul groupe à la fois naturel, historique et légal » (L’Idée de décentralisation, 1898).

    Mais la lecture de L’Ancien régime et la Révolution (1856), du même Tocqueville, s’avère bien plus instructive sur les motifs de cette ardeur communaliste. En substance, il y est écrit, en effet, que le centralisme de Louis le Grand, renforcé par la Révolution, avait été lui-même « le commencement de cette révolution et son signe ». Si les libertés municipales avaient survécu sur les ruines de la féodalité, l’abolition des chartes, à la fin du XVIIe siècle, introduira le germe de la contestation dans un pays où les peuples étaient enclins à ne respecter aucune loi, sauf, d’abord, celles qu’ils se fussent données à eux-mêmes dans leurs états paroissiaux et communaux. Or, prévient-il, les « menteuses apparences » de la liberté sont, pour le pouvoir, une lourde gageure à relever. Il finit, tôt ou tard, par s’y rompre les reins, jusqu’à choir et déchoir. Une leçon que devraient méditer nos maîtres actuels, en ces temps de tyrannie médicale directement importés de l’île des Morticoles de Léon Daudet.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Macron voulait redonner du sens au commandement de nos Armées ? De quel droit ?, par Christian Vanneste.

    L’outrecuidance de l’homme hypernarcissique que des Français ont cru devoir installer à l’Elysée est décidément sans limite. Le voilà qui ose affirmer sans mesurer le grotesque de la formule qu’il voulait “redonner du sens au commandement des Armées”, en nommant Lecointre  après avoir humilié le Général de Villiers et l’avoir conduit à quitter son poste de Chef d’Etat-Major des Armées. 

    christian vanneste.jpgLors de la présentation de son livre “L’équilibre est un courage”, celui-ci avait dit, quant à lui,  “dans l’armée, on sait pourquoi on peut aller jusqu’au sacrifice suprême”. La comparaison entre les deux phrases disqualifie l’auteur de la première et il faut s’étonner que l’arrogance dénuée de la moindre légitimité de la formule macronienne ne soit pas davantage dénoncée. Voilà un homme qui a évité soigneusement d’effectuer son service national alors que celui-ci n’avait pas encore été suspendu, un homme qui n’a donc jamais été soldat, qui sans beaucoup d’expérience a été propulsé, à la suite d’un coup d’Etat médiatico-judiciaire à la Présidence de la République, un homme qui est ainsi devenu le “Chef” des Armées, un homme qui a fait de la repentance et donc de l’accusation de nos armées le fil rouge de sa politique de l’Algérie au Rwanda, et c’est cet homme qui prétend redonner du sens à leur commandement !

    Le mot “sens” est comme le mot valeur un de ces mots-valises qui n’ont précisément de sens que si on précise leur signification. Quel est ce sens qu’il s’agissait de redonner à nos armées, ce sens dont elles étaient donc dépourvues avant qu’un inspecteur des finances s’empare de la question ? La réponse, c’est le Général de Villiers qui la donne. Et il le fait à la manière de Camus, qui disait que le suicide était la question philosophique la plus importante parce qu’elle soulignait que le sens de la vie, c’est ce qui est capable de remettre celle-ci en jeu, par le suicide lorsque l’existence a perdu toute signification, toute finalité, par le sacrifice lorsque l’on accepte de mourir pour une valeur qui est supérieure à celle qu’on attache à sa propre vie. C’est bien sûr ce sens du sacrifice suprême qui est au coeur du commandement des Armées et qui n’a pas attendu M. Macron pour être vécu par les officiers et leurs hommes sur les théâtres d’opérations où les responsables politiques les déployaient. Faut-il rappeler que la plupart des généraux bardés d’étoiles qui commandent nos armées ont commencé leurs carrières comme sous-lieutenants et ont affronté le terrain et ses risques en obéissant aux ordres des politiques, de ces gens qui, eux, comme M. Macron, ou comme Mme Parly avaient tissé leur toile d’un cabinet à l’autre, ou d’un cabinet à une entreprise, en ayant, très jeunes, un pouvoir réel plus grand que celui des généraux au terme de leur vie militaire. Or, combien de fois, le sacrifice des soldats français a-t-il été gaspillé par les circonvolutions des politiciens ? Comme le rappelle le Général Tauzin, l’armée française aurait pu repousser l’offensive du FPR au Rwanda et éviter la déstabilisation du pays et les massacres qui en ont été la conséquence. Les politiques l’en ont empêchée, et l’ont retirée avant de la faire revenir dans le cadre d’une opération humanitaire trop tardive. Et notre énarque devenu président va reconnaître la responsabilité de la France devant le dictateur et vainqueur, au mépris de l’honneur de notre armée, accusée de complicité dans le “génocide” par Kagamé ! En ce moment même, les Talibans reconquièrent le pouvoir en Afghanistan. 90 soldats français y ont donc laissé leur vie en pure perte, et le pouvoir actuel laisse entrer dans notre pays des Afghans qui prétendent fuir les Talibans, mais cherchent simplement une vie plus facile sans avoir nécessairement abandonné des moeurs incompatibles avec la vie en France. Dans le passé, qu’est allée faire l’Armée française dans l’ex-Yougoslavie, là où s’est illustré le Général Lecointre, contre nos vieux amis serbes ? Que fait-elle encore au Mali, entre la dictature qui y règne et la Libye où les Turcs ont pris pied ? Qu’a-t-elle fait en République Centre-Africaine, où, semble-t-il, les Russes nous remplacent ?

    Les militaires savent parfaitement quel est le sens de leur mission , servir leur pays. Si ce sens est parfois défaillant, ce sont les politiques qui en sont responsables. Aussi, serait-il plus juste que ce soit l’Armée qui exige que les élus, et le premier d’entre eux redonnent du sens à leur politique ! C’est d’ailleurs le message envoyé  par les militaires à travers deux tribunes adressées au président et que celui-ci semble avoir oubliées, tandis que des ministres s’en prenaient aux signataires avec une rare impudence. L’indécence de la formule présidentielle est révélatrice du personnage. Certes il a le droit de parler, mais à propos de l’Armée, il n’en a pas la légitimité morale. La présomption du beau-parleur vire même à l’impudeur lorsque des doutes surgissent sur sa volonté de servir l’intérêt national : son rôle dans la vente d’entreprises françaises essentielles à l’étranger, par exemple. Un liquidateur de l’intérêt national est-il le mieux placé pour “redonner du sens” au commandement de nos Armées.

    Source : https://www.christianvanneste.fr/

  • Michel Onfray: «La messe en latin, un patrimoine liturgique».

    Michel Onfray. JOEL SAGET/AFP

    TRIBUNE - L’écrivain et philosophe*, bien qu’athée, voit dans l’Église catholique et ses rites le pouls de notre civilisation. Il explique pourquoi la décision du pape François de restreindre la messe en latin le consterne.

    Je suis athée, on le sait, mais la vie de l’Église catholique m’intéresse parce qu’elle donne le pouls de notre civilisation judéo-chrétienne bien mal en point. Car si Dieu n’est pas de mon monde, mon monde est celui qu’a rendu possible le Dieu des chrétiens. Quoi qu’en disent ceux qui pensent que la France commence avec la Déclaration des droits de l’homme, ce qui est aussi stupide que de croire que la Russie est née en octobre 1917, le christianisme a façonné une civilisation qui est la mienne et dont j’estime que je peux l’aimer et la défendre sans battre ma coulpe, sans avoir à demander pardon pour ses fautes, sans attendre une rédemption après confession, contrition et agenouillement. C’est fou comme ceux qui répugnent au christianisme en disant qu’il n’a pas eu lieu s’en trouvent imprégnés comme de rhum le baba que l’on sait!

    Benoît XVI fut un pape philosophe formé à l’herméneutique et à la phénoménologie allemande. Il a également lu les auteurs catholiques français dans le texte. Son Jésus de Nazareth (2012) s’inscrit dans l’histoire de l’idéalisme allemand, notamment de l’hégélianisme qu’on dit de droite pour le distinguer de celui qui, dit de gauche, conduit au jeune Marx.

    Le pape François n’est pas de ce niveau théologique, loin s’en faut. Mais il ne manque pas de la rouerie jésuitique qui fait que, venant de la Compagnie de Jésus, il choisit pour nom de souverain pontife celui qui se trouve le plus à l’opposé des intrigues et des antichambres du pouvoir où les jésuites aiment à se trouver, à savoir celui de François d’Assise. Jorge Mario Bergoglio, chimiste de formation, vient du péronisme ; Joseph Ratzinger, théologien de formation, de l’antinazisme.

    À mes yeux, l’acte majeur du pape Benoît XVI a été le discours de Ratisbonne où, le 12 septembre 2006, dans l’université allemande où il a été professeur, il a fait son travail de pape en estimant que le christianisme et l’islam entretiennent par les textes une relation antinomique, notamment sur l’articulation entre foi et raison, mais également sur la question de la violence en général et sur celle du djihad en particulier. Je dis par les textes car c’était ici son souci, il présentait en effet l’exégèse personnelle d’un dialogue situé au début du XV siècle entre l’empereur Byzantin Manuel II Paléologue et un érudit persan. L’invitation à réfléchir sur cette question fut prise pour une insulte planétaire faite à l’islam…

    L’acte majeur du pape François est, toujours selon moi, de s’être fait photographier devant un crucifix sur lequel Jésus porte le gilet de sauvetage orange des migrants. C’est ici l’icône triomphante de Vatican II qui congédie tout sacré et toute transcendance au profit d’une moraline tartinée de façon planétaire comme une gourmandise de scout.

    C’est selon cette logique qu’il faut comprendre la décision du pape François d’abroger, disons-le dans un terme profane, la décision prise par Benoit XVI de permettre la messe en latin, dite messe Tridentine, pour ceux qui le souhaitent. Dans Summorum pontificum, Benoît XVI libéralisait la messe dite de Pie V. Dans Traditionis custodes, François efface cette libéralité. Benoît XVI voulait dépasser le schisme avec les traditionalistes, François va le restaurer en prétextant bien sûr, jésuite un jour, jésuite toujours, qu’il entend de cette façon réunir ce qu’il sépare. Les vocations chutent avec Vatican II. Mais les religieux qui conservent le rite latin ne connaissent pas la désaffection,mieux, ils remplissent les séminaires. Le pape François préfère les églises vides avec ses thèses que pleines avec celles de Benoît XVI.

    Séparer n’est-ce pas la fonction dévolue… au diable ? L’étymologie témoigne. Si j’avais la foi catholique, je ne pourrais m’empêcher de penser à l’Épître de Jean qui dit: «Tout esprit qui divise Jésus-Christ n’est point de Dieu ; et c’est là l’Antéchrist, dont vous avez entendu dire qu’il doit venir ; et il est déjà maintenant dans le monde.» (I.4:3).

    Ce qui se joue dans cette affaire, c’est la suite de Vatican II, autrement dit l’abolition du sacré et de la transcendance. La laïcisation du rite réduit à une liturgie dont La vie est un long fleuve tranquille a montré toute la puissance avec son curé cool qui joue de la guitare et chante bêtassement «Jésus, Jé-é-é-é-sus, reviens». On peut préférer le chant grégorien sans être pour autant un nostalgique de Vichy…

    Or le génie du christianisme, les différents conciles sur la possibilité ou non de figurer le Christ en témoignent, a été de rendre possible une civilisation de l’allégorie, de la symbolique, de la métaphore. Le génie juif se trouve dans l’herméneutique, celui du christianisme dans l’explication des paraboles. Les juifs inventent l’herméneutique pour les plus savants, les rabbins lecteurs de la kabbale ; les chrétiens élaborent l’herméneutique populaire, pour les fidèles à qui l’on raconte des histoires à déchiffrer avec l’histoire sainte. Notre civilisation de l’image, de la raison explicative, de la philosophie séparée de la théologie, procède de ce monde-là.

    La messe en latin est le patrimoine du temps généalogique de notre civilisation. Elle hérite historiquement et spirituellement d’un long lignage sacré de rituels, de célébrations, de prières, le tout cristallisé dans une forme qui offre un spectacle total – un Gesamtkunstwerk, pour utiliser un mot qui relève de l’esthétique romantique allemande.

    Pour ceux qui croient en Dieu, la messe en latin est à la messe du Long fleuve tranquille celle que semble affectionner le pape François, ce qu’est la basilique romaine contemporaine de saint Augustin à une salle polyvalente dans une barre d’immeubles à Aubervilliers: on y chercherait en vain le sacré et la transcendance. Quelle spiritualité dans ces cas-là ?

    Disons-le de façon énigmatique, le pape François fait bien ce pour quoi il est là où il se trouve… Ajoutons d’une façon tout aussi énigmatique, mais pas tant que ça, qu’on se demande pourquoi nous vivons dans une époque avec deux papes.  

    * Précision donnée par Valeurs actuelles : Une statistique confirmée par le magazine catholique La Nef, dans son récent dossier consacré aux « tradis » : l’âge moyen des prêtres diocésains est de 75 ans. Celui des prêtres traditionalistes, 38 ans. De quoi s’interroger sur le risqué pari d’avenir du pape François.

    Source : https://www.lefigaro.fr/vox/

  • Livres • Ernst Jünger et la vie magnifique

     

    Par Rémi Soulié

     

    R. Soulié.jpgLECTURE - Luc-Olivier d'Algange a publié, Le Déchiffrement du monde : La gnose poétique d'Ernst Jünger, aux éditions de l'Hamattan. Rémi Soulié nous invite à découvrir cette méditation sur le Temps, les dieux, les songes et symboles. 

    Les poètes sont de singuliers alchimistes qui tendent moins à transformer en or les métaux vils qu'à montrer (au sens de la monstration) la beauté de l'être derrière le fatras plus ou moins informe des temps. Telle est la vocation de Luc-Olivier d'Algange, qu'il illustre dans ses poèmes, ses essais — qui sont aussi des poèmes — et dans sa vie — qui en est un aussi tant nous la savons contemplative, accordée aux œuvres, aux heures et aux saisons. 

    Ernst Jünger, dont on célébrera en 2018 le vingtième anniversaire de la disparition, compte de longue date au nombre de ses intercesseurs, de ses compagnons de songes et d'exactitudes, lesquels ne sont séparés que par des esprits obtus, ennemis de la nuance et des nuages - le mot est le même -, bref, des esprits modernes oscillant entre fanatisme et relativisme, avers et revers de la pendeloque nihiliste, la pendeloque désignant aussi l'excroissance de peau que les chèvres portent sur l'avant du cou.

    Comme il n'est de voyage qu'initiatique et de pèlerinage que chérubinique, Le Déchiffrement du monde - dont l'alphabet, par définition, est l'invention de Novalis, entre Saïs et Bohême -, publié dans la superbe collection Théôria, dirigée par Pierre-Marie Sigaud aux Éditions L'Harmattan, est une carte où lire la géographie d'un esprit, d'un cœur et d'une âme, non sur le mode universitaire, scientifique et technique, mais sur celui, musical, qui convient aux muses orphiques, celles-là mêmes que Philosophie, hélas, congédie au début de la Consolation de la philosophie de Boèce mais que Métaphysique, dans l'œuvre de d'Algange, réintroduit prestement. Il ne faut pas non plus s'attendre à une lecture politique ou, a fortiori, idéologique de l'œuvre de Jünger : place à une lecture de haute intensité, à un discours de la méthode, à une herméneutique infinie comme le monde fini !

    Le « vaisseau cosmique » dans lequel nous sommes embarqués et dont nous sommes convoie en effet aussi bien les galaxies que les cicindèles, les unes et les autres correspondant analogiquement entre elles en vertu de la loi des gradations elles-mêmes infinies et d'une gnose héraldique où le visible est l'empreinte de l'invisible. Nous sommes parvenus à un point tel de l'involution que très peu, c'est à craindre, reconnaîtront là leur pays.

    Ce livre, comme tous ceux de Luc-Olivier d'Algange, est donc écrit pour les « rares heureux » stendhaliens ou ceux qui forment les pléiades des « fils de roi » chers à Gobineau — fort heureusement, leurs privilèges se transmettent à quiconque (déserteurs gioniens, rebelles et anarques jüngeriens…) échappe au règne titanique et despotique de la quantité. Dans sa Visite à Godenholm, citée par d'Algange, Jünger évoque d'ailleurs ces « petits groupes » qui, dans les déserts, les couvents et les ermitages, rassemblent des irréguliers, stoïciens et gnostiques, autour de philosophes, de prophètes et d'initiés gardant « une conscience, une sapience supérieure à la contrainte et à l'histoire. »

    En dix chapitres — « Ernst Jünger déchiffreur et mémorialiste », « Le nuage, la flamme, la vague », « L'art herméneutique », « Le regard stéréoscopique », « L'œil du cyclone : Jünger et Evola », « Le songe d'Hypérion: Jünger et Hölderlin », « De la philosophie à la gnose », « La science des orées et des seuils », « L'Ermitage aux buissons blancs », « Par-delà la ligne » — d'Algange pulvérise la fallacieuse distinction qui oppose un premier Jünger nationaliste, belliqueux et esthète à un second, contemplateur solitaire et méditatif. Il montre - là encore, au sens de la monstration, contre les démonstrations pesantes et disgracieuses - que Jünger vécut une seule et unique expérience spirituelle dans laquelle la contemplation est action, et inversement, ce qui échappe aux modernes empêtrés dans les diableries des scissions entre le sujet et l'objet, l'un et le multiple, l'immanence et la transcendance, le temps et l'éternité, l'être et le devenir, Dieu et les dieux, etc. Voilà d'ailleurs pourquoi d'Algange n'a jamais écrit qu'un seul livre — mais c'est un chef d'oeuvre : l'art poétique et métaphysique des symboles. « L'éternel devenir de la vérité de l'être, écrit-il, surgit sous les atours de l'intemporel, à la pointe de l'instant, sur la diaprure de l'aile du moucheron, dans l'irisation de la goutte de rosée que le premier soleil abolit, nuance dans la nuance. »

    Le Cœur aventureux, à rebours des assurances bourgeoises, des morales puritaines et utilitaristes, du pathos humanitaire et psychologique, s'est glissé dans les contrées du monde sensible et intelligible armé de la « raison panoramique » qui, à la différence des logiques binaires ou dialectiques, embrasse ainsi la totalité et fait briller la coincidentia oppositorum que nulle analyse ne décompose. La synthèse intuitivement perçue du Tout y resplendit avec ses anges, ses papillons, ses champs de bataille, ses rêves, ses mythes, ses légendes, ses collines et ses rivages, ses formes, ses types et ses figures dont celles du Soldat, du Travailleur, du Rebelle et de l'Anarque. Tout y est subtil comme une chasse, comme une pensée qui est une pesée, « l'étymologie étant, avec les sciences naturelles, l'art héraldique par excellence. » De ce point de vue, Jünger hérite du romantisme allemand et prolonge bien sûr cette « Allemagne secrète » dont Stefan George fut le héraut inspiré.

    Dans cette miniature lumineuse qu'est Le Déchiffrement du monde, la perspective souligne les dimensions de hauteur et de profondeur où se meut naturellement et surnaturellement Jünger. L'approche y est qualitative et courtoise, comme dans un ermitage creusé dans des falaises de marbre où il serait encore possible de lire et d'herboriser — ce qui revient au même — loin des hordes forestières. C'est ainsi qu'Ernst Jünger et Luc-Olivier d'Algange nous initient à « la vie magnifique ». Magnifique, oui, le mot s'impose.  

    Rémi Soulié, écrivain, essayiste, critique littéraire, collaborateur du Figaro Magazine, est, entre autres, l'auteur de Nietzsche ou la sagesse dionysiaque, Pour saluer Pierre Boutang, De la promenade : traité, Le Vieux Rouergue.

    Figarovox du 12.12.2017

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    Pour saluer Pierre Boutang, Rémi Soulié, éd. Pierre-Guillaume de Roux, 140 pages, 21€ 

  • Jean-Michel Vernochet : « Macron s’inscrit dans la suite de Robespierre, le feu et la verve en moins »

     

    Journaliste, écrivain, ancien grand reporter au Figaro Magazine, professeur à l’École supérieure de journalisme (ESJ Paris), Jean-Michel Vernochet sera l’invité du Cercle de Flore vendredi prochain, 16 février 2018. Il a bien voulu répondre d’ores et déjà à quelques-unes des questions du Cercle de Flore.

    627565382.jpgVotre dernier livre, sorti aux éditions Le Retour aux sources, s’intitule La Guerre civile froide – La Théogonie républicaine de Robespierre à Macron. Robespierre et Macron, même combat alors ?

    Il existe une continuité historique non démentie entre les pères de la Révolution française et les agents de l’actuelle révolution mondialiste. Nous sommes passés en deux siècles d’un projet républicain d’abord national à un projet européen – avec l’expansion napoléonienne : la guerre d’Espagne renvoyait en écho aux guerres de Vendée par son caractère “religieux” ; l’Église espagnole combattait par les armes la religion républicaine essentiellement anti-chrétienne. Aujourd’hui, la révolution globaliste (qui ne dit évidemment pas son nom) vise encore et toujours l’instauration d’une république universelle mieux connue du grand public sous le nom de “gouvernance mondiale”. Mais ce sont toujours les mêmes concepts qui sont à l’œuvre et, plus précisément, les mêmes idées directrices que celles qui qui animaient la “révolution mondiale” qu’avaient lancée Lénine et son armée, messianiste et athée, de révolutionnaires professionnels. Macron s’inscrit bien dans la suite de Robespierre, le feu et la verve en moins parce qu’il n’est plus un initiateur mais un simple exécutant, au mieux un syndic de faillite, le liquidateur d’une nation qui n’a plus sa place en tant que telle dans le nouvel ordre mondial… en marche.

    Comment expliquez-vous le triomphe des idées abstraites de « liberté, égalité, fraternité » et du babélisme juridique qui en a découlé ?

    Ces idées ont de quoi enflammer les imaginations et les cœurs. Elles sont le reflet d’un vieux rêve de l’humanité, celui d’un âge d’or à venir ou de son retour après avoir été perdu à l’instar de l’Éden originel. L’homme ne serait plus alors « un loup pour l’homme », la paix éternelle régnerait et le carnivore cohabiterait en bonne entente avec l’herbivore. Manque de chance, pour atteindre ce but sublime, il faut généralement exterminer tous ceux qui y font obstacle ou qui sont soupçonnés de scepticisme ou de simple tiédeur. Les ouvriers et les paysans russes furent, à partir de 1918, les premières victimes de ce mirage sanglant. Ces ennemis désignés du genre humain sont par définition prédestinés à l’échafaud ou au Goulag. Ce qu’il y a d’extraordinaire, c’est qu’aucune tentative d’instaurer une république égalitariste – la Sérénissime République vénitienne n’a vécu dix siècles (697-1797) que parce que ses “valeurs” se situaient aux antipodes des celles des Lumières – n’a vécu ou survécu très longtemps… Pour la simple et bonne raison que les idées qui les dirigent sont non absolument viables. Elles sont frappées d’impossibilité matérielle, parce qu’elles sont ontologiquement un négationnisme du réel. Pour être brutal, disons que le socialisme n’a jamais nulle part fonctionné et que seules des institutions totalitaires voire strictement concentrationnaires (le socialisme de caserne) lui ont donné un semblant d’existence éphémère. Qu’est-ce que les soixante douze ans de l’Union soviétique au regard de la longue durée historique ?

    Alors que triomphe En Marche, vers quel projet politique d’enracinement faudrait-il se tourner ?

    Retour à la tradition, au bon sens, retour au réel comme le prônait Gustave Thibon. Il n’est pourtant pas bien difficile de voir et d’entendre les graves dissonances et discordances du discours officiel toujours imprégné d’utopisme et de graves distorsions de la réalité. Cela pour ne pas pas parler des mensonges éhontés que déversent à longueur de temps et d’antenne les canaux publics d’information… financés par nos propres impôts. Mais remonter la pente sera rude pour toutes sortes de bonnes et de mauvaises raisons. Entre autres parce que les classes économiques dirigeantes se battent “le nez dans le guidon” pour conserver leurs parts de marché. Celles-ci fondent comme neige au soleil sous le feu de la concurrence du Tiers-Monde, de la Chine notamment. Être “compétitif” est devenu le maître-mot quoi qu’il en coûte. Nos champs sont inondés de Roundup parce qu’il faut maintenir la compétitivité ! Plutôt crever que de ne pas s’aligner sur les coûts de production, les barèmes et les prix du Middle Ouest, des pampas argentines reconverties ou des déserts agricoles de l’Amazonie déforestée et dévastée. Ces classes économiques compradores ne voient généralement pas plus loin que leur intérêt à court ou moyen terme, parce qu’en fait elles ont égaré leur boussole morale… et vitale. L’économie ne saurait s’exercer sainement sans rigueur morale. Mais celle-ci a bel et bien disparu depuis que la trahison des clercs est effective, c’est-à-dire depuis que l’Église s’est en grande partie convertie à la religion des droits de l’homme, corollaire du monothéisme du marché. Religion qui porte l’exact contraire d’une éthique et qui n’est en soi qu’un instrument de sidération mentale, un moyen de coercition et de terrorisme intellectuel au service d’une société ouvertement et volontairement suicidaire.  

  • Ralliement

     

    Par Hilaire de Crémiers

     

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    Les Irlandais ont répondu « oui » au référendum qui portait abrogation de l’amendement constitutionnel interdisant l’interruption volontaire de grossesse. 

    À 66,5 % des votants. C’était le vendredi 25 mai. L’avortement sera donc légal jusqu’à trois mois de grossesse et, sur justification médicale, entre trois et six mois. Le Premier ministre Leo Varadkar, d’origine indienne et lui-même homosexuel affiché, s’est félicité de cette « révolution tranquille ». Ce référendum fait suite à celui de 2015 qui avait autorisé le prétendu mariage homosexuel. La catholique Irlande qui, il y a encore vingt ans, se refusait à ce genre d’évolution dite « sociétale », rejoint le troupeau européen des peuples qui se suicident, dans la pratique qui sera généralisée et, sans le dire, quasi obligatoire sous contrainte morale, d’une « culture de mort » qu’avait véhémentement dénoncée en son temps saint Jean-Paul II. En la circonstance, la voix souveraine de l’Église ne s’est pas fait entendre. Et c’est, peut-être, ce qu’il y a de plus grave.

    La lecture des éditoriaux du Monde et de Libération – on n’ose pas avancer d’autres titres ! – donne à comprendre, avec les mêmes arguments continuellement ressassés, quel plan diabolique oriente tout cet ensemble de décisions auquel l’Europe institutionnelle a amené tous les pays d’Europe ou presque ! Au nom des droits de l’Homme, le permis de tuer et de forniquer comme on veut, autant qu’on veut. Avec interdiction d’interdire sous peine de délit et de crime. Et ces lois sont les bases intangibles du nouvel ordre social : Sodome et Gomorrhe, et l’infanticide généralisé ! Exultation des médias : un référendum qui donne envie de référendum, écrit Le Monde. Restent encore cinq pays qui ne sont pas tout à fait alignés, dont la Pologne. C’est donc une évidence pour la haute morale qui guide nos maîtres à penser : il faudra réduire cette opposition. La Pologne est dénoncée ; l’Europe s’en occupe. Chypre devra y passer et il ne faudra pas oublier jusqu’à la petite principauté d’Andorre ! La même loi pour tous ! Et, après, qui osera se plaindre de la dégradation des mœurs, de l’effondrement de la natalité, de l’effroyable abandon moral de la jeunesse ? Et qui osera s’étonner des progrès de l’islam et de l’islamisme ? Il n’est pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir.

    « La France continue dans la même voie. Elle en arrive à la révision de ses lois de bioéthique. Pourquoi cette révision et à quoi sert-elle ? Politique magazine en fait son dossier de ce mois-ci. C’est, évidemment, capital. »

    Toute l’astuce consiste, en se servant de sondages dont on ne sait que trop comment ils sont fabriqués, à invoquer une opinion présentée comme majoritaire pour contourner l’obstacle d’une intelligente, forte, constructive opposition qui, par sa seule existence et la seule vérité de son argument, devrait arrêter toute tentative de passer outre. Eh bien, non ! Le rapport de synthèse du Comité consultatif national d’éthique, remis le mardi 5 juin, laisse la porte ouverte à toutes les transgressions. Notre dossier aide à comprendre le pourquoi et le comment.

    Le 23 mai à l’Élysée, le président Macron recevait en dîner privé différents partenaires des travaux préparatoires. La question portait sur la PMA et la GPA ; les représentants des opposants au changement de loi étaient, comme par hasard, minoritaires. L’Élysée a fait savoir que le président, maintenant, se réservait la question. A été annulé l’évènement national qui devait clore les États généraux de la bioéthique début juillet. Tout est reporté en septembre. La Manif pour tous, de son côté, a déjà envoyé aux autorités son propre rapport de 400 pages. Il est à espérer qu’il sera reçu et lu.

    Vient un moment où la vérité doit être dite. Il n’y a pas de synthèse possible dans un « en même temps » supérieur entre le vrai et le faux, le bien et le mal, le juste et l’injuste, le oui et le non. L’opinion ne fait pas la loi. Une majorité d’opinions favorables ne donne pas raison à une loi en soi criminelle et profondément immorale ; elle ne crée pas un droit de tuer, n’ouvre pas une possibilité de tripatouiller la vie humaine et de livrer au marché ovocytes, spermes, embryons, ventres, enfants et familles. Qu’est-ce que vaut l’opinion en pareil cas ? Ou ce qu’on appelle telle ? Surtout quand elle est manipulée ? Par l’argent et par des puissances plus ou moins cachées qui obéissent à des mots d’ordre ?

    Il faut en finir avec ces ralliements pseudo-démocratiques qui asservissent les uns après les autres tous les peuples chrétiens. Pour le plus grand profit de leurs ennemis ! Il est temps de dire : non licet. Vraiment souverain, c’est-à-dire libre, sera celui qui le dira avec autorité.      

    Hilaire de Crémiers

  • Emmanuel Macron voulait commémorer Mai 68, Éric Zemmour l’a fait… à sa façon !

    Telle fut la Une de l'hebdomadaire de l'Action Française à l'été 68

     

    Par Gabrielle Cluzel

    Une excellente chronique instructive et qu'on ne peut qu'approuver, parue dans Boulevard Voltaire du 7.03. 

    Rappelons pour ceux qui l'ignoreraient que Gabrielle Cluzel a participé - d'ailleurs brillamment - au colloque du Cercle de Flore « Refonder le bien commun », du 13 mai dernier, à Paris (Illustration ci-dessous).  LFAR

     

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    Mai 68 fête ses cinquante ans et je note que nombre de baby-boomers, y compris estampillés « droite dure », peinent à le critiquer. Quand on les interroge, ils haussent les épaules et font la moue, embarrassés : il y a du bon et du mauvais, couçi-couça, ça se discute, faudrait-pas-jeter-le-bébé-avec-l’eau-du-bain… repensant peut-être à quelque taloche mémorable administrée par un père à l’ancienne. Ou parce que c’est leur seule guerre. Puis, condamner en bloc Mai 68 vous donne des airs sévères. Un peu de poudre de riz libertaire et de fard anti-bourgeois siéent mieux au teint.

    Éric Zemmour, lui, n’est pas du genre pusillanime ni démago – ça se saurait – et a l’habitude de porter les vérités disgracieuses, abruptes et ingrates, parce qu’il faut bien que quelqu’un s’y colle. Alors, il y va.

    Dans une synthèse brillante, il fait, dans les colonnes du Figaro, le procès à charge de « la grande désintégration occidentale ». Et il n’oublie rien, détaillant étape par étape le tsunami rigolard mais implacable qui a tout englouti sur son passage – les barrières, les frontières, les limites, l’ordre, les règles, les codes, les usages -, affublant du sceau infamant de « bourgeois » toutes les sédimentations successives – parfois imparfaites, certes, mais rien n’empêchait de les amender sans pour autant les pulvériser – qui, bon an mal an, elles, structuraient notre monde.

    Ils ont prétendu construire une contre-culture, mais la vérité est qu’ils n’ont su qu’ériger une non-culture. Une société décivilisée qui n’apparaît réellement qu’aujourd’hui, un peu comme un arbre qu’on scie à la racine. Au début, les feuilles restent vertes, les fleurs et les fruits, ignorants de leurs sort, continuent de vivoter sur leur lancée, car il reste un peu de sève. Puis tout s’étiole et meurt. Nous en sommes là.

    Et sous des oripeaux marxistes se cachait, analyse Éric Zemmour, le cheval de Troie « du marché » et de la consommation. Et il galope, débridé, s’infiltrant aujourd’hui dans toutes nos vies, y compris dans ses replis les plus intimes que sont la procréation ou la mort. 

    De proche en proche, méthodiquement, comme dans ces circuits fascinants où il suffit d’une chiquenaude pour insuffler la première dynamique pour que les morceaux de sucre s’affaissent les uns derrière les autres, les uns par les autres, tous les repères s’effondrent. Ni Dieu ni maître, scandaient-ils. Toute verticalité a été abolie. Toute hiérarchie, toute autorité. La figure du père a été détruite, celle de la mère aussi et, donc, la notion même de famille. Puis, en tirant le fil, exit cette « famille des familles » qu’est le pays. 

    Comme il fallait jouir sans entraves, les concept de devoir, donc de contrainte et, par voie de conséquence, de toute vie pacifique en société – qui implique par nature de « se gêner » – ont été de même anéantis.

    Bien sûr, il serait de bon goût de trouver quelque chose à sauver : quand même, me souffle-t-on, la libération sexuelle, l’émancipation des femmes, c’était quand même sympa !

    Mais quelle émancipation, quelle libération ? Aujourd’hui, justement, une improbable amende de 90 euros vient d’être instaurée pour sanctionner les outrages sexuels et sexistes, parce que le climat d’agressivité sexuelle serait devenu insupportable pour les femmes : « Montée en puissance d’un néopuritanisme féministe qui, au nom des droits des femmes, remet en cause l’hédonisme libertin des anciens soixante-huitards », décrit Éric Zemmour. Réfléchissons deux minutes : si les femmes se trouvaient épanouies par cet « hédonisme libertin », pourquoi donc voudraient-elles le « remettre en cause » ?

    « Sur les ruines de Mai 68, il faudra un jour reconstruire », conclut Éric Zemmour, faisant mentir ceux qui lui reprochent son côté « no future ». Et il a raison. C’est le côté exaltant quand il ne reste plus qu’un chantier fumant : tout reste à faire.    

    Ecrivain, journaliste

    Son blog