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  • Merveilleux coronavirus (suite et fin), par Antoine de Crémiers.

    La pieuvre totalitaire (retour sur le temps du confinement)

    Et l’Église. C’est un désastre, Dieu s’est incliné devant César. Nous savions depuis longtemps, en lisant la littérature épiscopale, que la laïcité était une valeur chrétienne  ! Les évêques ont été pris à leur propre piège, faisant allégeance à ceux qui nous gouvernent en leur confiant l’intégralité de la gestion de cette crise dans toutes ses dimensions  : politiques, sociales et… religieuses en ce qui concerne l’exercice des cultes. Ils se sont donc engagés à suivre scrupuleusement les consignes sanitaires et à s’adapter.

    antoine de crémiers.jpgC’est ainsi qu’ils ont accepté de fermer leurs églises au culte public, d’interdire les obsèques religieuses dans ces mêmes églises, ils ont privé leurs ouailles des sacrements, laissé mourir de nombreuses personnes âgées en EHPAD dans une détresse psychologique et spirituelle épouvantable. Ils ont donc laissé l’État leur dicter ses volontés au mépris même de l’application de la loi de séparation, comme l’a d’ailleurs reconnu le Conseil d’État qu’ils n’ont pas eu le courage de saisir. Plus extraordinaire encore, après cette décision du conseil d’État, ils ont laissé M. Castaner dicter les conditions dans lesquelles les messes pouvaient être célébrées. Et c’est ainsi qu’à l’entrée des églises dont la moitié des places ne peut être occupée (distanciation sociale oblige) des volontaires, (des Kapos ?) ne vous laissent entrer qu’après lavage de mains obligatoire et port d’un masque que vous devrez conserver pendant toute la durée de la cérémonie. Vous pouvez donc aller au

    restaurant sans porter de masque mais pas dans votre église. Comme le dit un prêtre (frère Maximilien Marie du Sacré-Cœur) « Je suis consterné par l’humiliation infligée à la Sainte Eglise de Dieu au moyen même de ce décret prétendument libérateur sur lequel surenchérissent encore NN.SS. les évêques par des protocoles d’application des normes gouvernementales qui sont de véritables chefs-d’œuvre de grotesque servilité. Mais qu’une épidémie soit l’occasion d’une telle manipulation générale pour abêtir les peuples, pour les réduire en esclavage en se servant d’un clergé imbécile, cela je ne l’eusse jamais pu imaginer. Cette « permission » de reprendre la célébration publique du culte n’est pas une libération elle marque l’asservissement total de l’église. »

    Désormais dans les rues, on ne croise plus un visage, plus un sourire ; tout le monde évolue masqué, marchant comme des rhinocéros avec interdiction de nous serrer la main, de nous embrasser, de nous rapprocher, de nous regarder. C’est sans doute là ce que l’on appelle le vivre-ensemble. Et l’acceptation servile de la suppression de ces libertés, celle de sortir de chez soi, de circuler, de travailler, d’entrer et de sortir à sa guise d’un magasin, de se restaurer, de se distraire, de se promener le nez en l’air, est accepté sans murmure. Si demain on nous ordonne de mettre des muselières, ils le feront. Comme le rappelle un article récent paru dans « Politique Magazine : « Comme dans Matrix, nous serons peu à peu réduits à n’être que des larves productrices d’énergie, vivant confinés dans des poches amniotiques, alimentés et purgés par des flexibles fixés sur le corps, avec des cerveaux innervés par une télévision totale qui simule le réel disparu. » Bref, nous serons heureux comme les éponges de Platon.

    Et dans le cas où vous penseriez reprendre une vie normale, n’y comptez pas ! Les sirènes hurlent en permanence pour maintenir l’état d’alerte et nous convaincre que nous devons désormais apprendre à vivre avec le coronavirus.

    Et pendant ce temps-là, la pieuvre totalitaire allonge ses tentacules :

    – Les écoles sont mobilisées et sommées de développer une pédagogie centrée sur cette maladie en voie de disparition, le ministère ayant mis en place un impressionnant volume de ressources pour expliquer le coronavirus aux enfants ainsi que les principes de sécurité sanitaire. Et l’usine à gaz de l’école de l’ignorance va nous fabriquer des enfants peureux, pusillanimes et hypocondriaques, ce qui est déjà fait pour beaucoup d’adultes.

    – La loi Avia a été votée pour lutter contre la haine dans les réseaux sociaux, qui favorisera bien une culture de la délation, chacun étant invité à dénoncer les propos haineux tenus par les mauvais citoyens grâce à un bouton dédié. Et comme le dit un commentateur : « Ainsi s’éteint la liberté sous une pluie d’applaudissements. La France va bénéficier du très douteux honneur d’être le seul État de droit au monde dont une loi punira un délit au nom d’un concept juridique non défini ».

    – Circulaire Blanquer : L’éducation nationale, par une fiche intitulée coronavirus et risques de replis communautaristes, téléchargeable sur le site de l’éducation nationale et désormais inaccessible, vient instaurer le flicage des élèves qui pourraient tenir des propos inacceptables sur le Covid. Tout système totalitaire passe par le contrôle de l’appareil éducatif et la mise en œuvre d’une police de la pensée. Afin de promouvoir une saine doctrine républicaine, les personnels enseignants sont clairement invités à :

    Etre attentifs aux atteintes à la République qui doivent être identifiées et sanctionnées.

    Mobiliser la vigilance de tous, dont les enseignants en cours, les CPE et assistants d’éducation dans les couloirs et la cour, pour repérer des propos hors de la sphère républicaine ! ! ! en rupture avec les valeurs de l’école et qui s’attaquent à la cohésion sociale.

    Dans le cas où seraient repérés de tels propos, il conviendra d’alerter l’équipe de direction afin qu’elle puisse effectuer un signalement dans l’application « Faits d’établissement » et informer l’IA-DASEN (Inspection académique) en lien avec la cellule départementale des services de l’État dédiée à cette action et mise en place par le préfet.

    Ce texte hallucinant pourrait parfaitement figurer dans Ubu roi.

    – Stop Covid et Traçages…Application sur smartphone, validée par toutes les autorités après vote favorable de l’Assemblée Nationale et du Sénat, qui va permettre le traçage des personnes positives au covid 19 par suivi de leurs contacts. Cette identification s’inscrit dans les normes du dé-confinement, et cet outil de surveillance, non obligatoire pour le moment, ouvre à l’évidence la porte au siphonage des données privées.

    – Offensive LGBT : En Allemagne, pour aider des jeunes à lutter contre des tendances « contre-nature », des thérapies de conversion avaient été mises en place, elles sont désormais interdites. La loi votée le 7 mai déclare illégal tout conseil de parents ou de psychologues donné à des jeunes pour les détourner de l’homosexualité. Au nom de la protection de l’enfance, des tentatives destinées à modifier une orientation de ce type seront passibles de peines pouvant aller jusqu’à 30.000 Euros d’amende et un an de prison. Les enfants sont ainsi soustraits à l’éducation et à l’influence des parents, l’État prenant leur place en définissant les normes éducatives. Il est vrai qu’en Allemagnes, des parents d’élèves qui refusaient d’envoyer leurs enfants aux cours d’éducation sexuelle ont fait de la prison ferme.

    Il n’y a là rien d’étonnant, il fallait faire cesser ce scandale d’une éducation contraire aux standards de l’OMS pour l’éducation sexuelle qui impose, comme bien des organismes internationaux, des normes réputées supérieures aux droits positifs, les lois contraires étant réputées illégitimes. Dans le texte de l’OMS, la religion catholique est clairement désignée avec les autres religions chrétiennes comme source d’oppression. Il encourage l’éducation sexuelle dès le plus jeune âge et l’apprentissage du plaisir dont la masturbation et autres menus plaisirs…

    Il suffit de consulter, pour se convaincre de ce scandaleux formatage des esprits, les programmes scolaires qui exposent, imposent comme normales toutes les pratiques contraceptives, ainsi que l’homosexualité, les théories du genre, l’avortement… Et l’enseignement catholique n’est pas en reste, heureux d’appliquer ces programmes. Et malheur aux parents qui s’indignent et protestent.

    On pourrait énumérer dans une liste sans fin les attaques quotidiennes ou presque qui peu à peu tuent les libertés au premier rang desquelles la liberté de pensée.

    CONCLUSION

    Avec la proclamation de l’état d’urgence sanitaire par l’Organisation Mondiale de la Santé, les gouvernements nationaux ont sévèrement restreint les droits fondamentaux des citoyens sans le moindre état d’âme et, c’est bien là le pire, avec l’approbation des populations concernées

  • Navalny : l’envers du décor, par Frédéric de Natal.

    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

    À analyser les faits et les dits d’Alexeï Navalny, il est légitime de penser que cette figure d’opposant valeureux est surtout une construction médiatique. A-t-on vraiment besoin de ces demi-vérités et de ces héros frelatés pour critiquer le maître du Kremlin ?

    frédéric de natal.jpgEncensé par les médias européens, qui l’ont propulsé au rang d’opposant numéro un au Kremlin, Alexeï Navalny a fini par s’attirer les foudres du président Vladimir Poutine. Arrêté à diverses reprises pour avoir dénoncé la corruption dans son pays, cet avocat natif de l’Oblast de Moscou, exfiltré le 22 août dernier de la Russie vers l’Allemagne, est aujourd’hui entre la vie et la mort. Ses proches affirment qu’il aurait été la victime d’une tentative d’empoisonnement. Mais derrière la personnalité ambitieuse de ce politicien se cache un visage plus polémique et controversé que la presse internationale se garde bien de détailler.

    Alexeï Anatolievitch Navalny a 44 ans. Il est né dans la banlieue de Moscou au sein de la petite bourgeoisie russe. Après des études en économie et en droit, il devient en 2009 conseiller du gouverneur de l’Oblast de Kirov, situé dans le district fédéral de la Volga. Rien ne prédestinait cet homme, qui a connu le régime soviétique, à devenir un opposant au président Vladimir Poutine, au pouvoir depuis 1999. Pourtant, très rapidement, il se met à dénoncer de graves cas de corruption au sein d’entreprises russes, proches du gouvernement. Lorsqu’en février 2011 il accuse Russie Unie, le parti de Poutine, d’être un « mouvement de voleurs et d’escrocs », il est immédiatement sacré opposant numéro un au Kremlin par l’Union européenne. Sans être passé par la case des urnes. La presse internationale lui consacre ses principaux titres, le désigne personnalité de l’année et semble avoir oublié l’existence même du Parti communiste qui reste pourtant le principal parti d’opposition à l’ancien officier du KGB. L’homme est boycotté par la télévision d’État ? Suffisant pour certains journalistes qui affirment sans ambages qu’il est devenu « une menace réelle » pour Poutine.

    L’opposant fascisant

    Mais ses tentatives d’incursions sur le plan électoral sont des désastres. Lorsqu’il est interrogé, Navalny se contente de dénoncer des fraudes, malgré des rapports d’ONG indépendantes qui confirment la régularité des scrutins auxquels il a participé. Il est vrai aussi que les sondages qui sont réalisés quotidiennement dans le pays ne montrent aucun engouement pour l’opposant européaniste malgré le nombre de reportages favorables qui lui sont consacrés, notamment par la télévision française. Ainsi, en octobre 2017, la France fait ses titres sur le « succès sans précédents des manifestations monstres » qu’il a conduites. L’opposition russe parlera, quant à elle, d’échec, avec à peine un millier de manifestants à Moscou ou à Saint-Pétersbourg. Pas de quoi faire trembler, en effet, celui qui loge dans l’ancien palais des Tsars.

    En octobre 2011, un blogueur se cachant derrière le pseudonyme de « Whistleblower » (lanceur d’alerte, en anglais) met en ligne un document d’un millier de pages incriminant Alexeï Navalny dans des affaires de corruption et le présentant comme un ultra-nationaliste, potentiellement manipulé par les Américains. Si le document est rapidement exploité par la presse russe et tout aussi rapidement passé sous silence par les autres médias, qu’en est-il réellement de ces accusations ? Membre du parti libéral Iabloko (« La Pomme », en russe), Navalny a été rapidement exclu de cette formation en 2007 après avoir participé à une manifestation rassemblant des ultra-nationalistes, néo-nazis et monarchistes russes. Le tort de Navalny ? Avoir scandé des slogans xénophobes. D’ailleurs l’homme ne s’en cache pas. « Arrêtons de nourrir le Caucase » déclare-t-il quatre ans plus tard lors d’un autre rassemblement où il accuse publiquement les habitants des anciens États de l’Union soviétique de résider en Russie afin de piller les caisses de l’État et d’être des pourvoyeurs de drogues. Dans une vidéo, que l’on peut consulter sur le réseau social YouTube, il explique en 2018, pistolet à la main, comment faire pour se débarrasser « des cafards, des mouches et des Tchétchènes ». Il confesse même sur son blog ses affinités avec le Front National de Marine Le Pen afin de justifier l’existence et la montée du nationalisme russe, balayant du revers de la main ses propres oppositions. Et tant pis pour ceux qui croiraient qu’il a de l’empathie pour l’Ukraine : « même si j’en avais le pouvoir, je ne rendrai pas la Crimée à ces gens » n’hésite pas à déclarer l’autoproclamé chevalier blanc de Russie, qui souhaite également l’annexion de la Biélorussie voisine. Loin d’être aussi démocrate que l’ancien président Obama, qu’il cite volontiers comme modèle, Alexeï Navalny semble répondre à tous les critères du politique fascisant.

    Le vertueux corrompu

    Le valeureux opposant n’est pas à une polémique près. S’il combat aujourd’hui le système politique en place, il a été moins regardant quand Poutine lui a offert un poste au sein du conseil d’administration d’Aeroflot, la compagnie aérienne russe, en 2012. Un mois plus tard, il est accusé d’avoir détourné des millions de roubles d’une société d’exploitation forestière du temps où il était conseiller du gouverneur de Kirov. De procès en procès, il est finalement reconnu coupable de corruption, ce mal qu’il entend pourtant combattre, et condamné à plusieurs années de prison et à des amendes. L’opposition crie à la manipulation, l’opinion internationale s’émeut (c’est-à-dire que les journalistes étrangers en parlent beaucoup), la Cour européenne intervient avant que Navalny ne soit de nouveau dans le collimateur de la justice en 2017. Les frais de sa campagne électorale pour la présidentielle de 2018, où il est à peine crédité de 2%, attirent l’œil d’une commission d’enquête sur le financement des partis. L’avocat de formation aurait-il touché des valises de la part de mouvements étrangers, notamment des États-Unis comme le révélaient déjà les documents de « Whistleblower », alors que cela est strictement interdit par la loi ? Alexeï Navalny nie totalement les accusations dont il fait l’objet mais ne pourra pas participer à l’élection ; sa candidature sera invalidée, ce qui donnera du grain à moudre à ses partisans qui le victimisent à outrance. Ce n’est pas la seule controverse qui entoure ce bizarre opposant à Poutine. En 2014, lui et son frère Oleg sont condamnés pour avoir détourné des centaines de milliers de roubles de la filiale russe d’Yves Rocher. Navalny n’a curieusement déposé une plainte contre le groupe français que quatre ans après cette affaire.

    À l’article de la mort selon ses soutiens, Alexeï Navalny a-t-il été vraiment victime d’un empoisonnement comme aux meilleurs temps de l’URSS ? La question reste sans réponse avérée, mais il y a été vite répondu par ses partisans qui exploitent l’évènement afin de tenter de renforcer son aura d’opposant et par les atlantistes qui accusent le régime de Vladimir Poutine de tous les maux. Charismatique, Alexeï Navalny l’est assurément. Mais c’est aussi un pur produit de la société politique russe et qui n’est pas si différent que les autres politiciens qu’il combat au quotidien. Pour les Européens, il n’est que l’un des chiffons qu’on agite sous le nez du Kremlin puisqu’il paraît aujourd’hui de bonne politique de vilipender Poutine et d’énerver la Russie sans se préoccuper des intérêts réels de l’Union européenne, et encore moins de ceux de la France.

     

    Illustration : Mélange réussi de Daniel Craig et d’Emmanuel Macron, Alexeï Navalny en train de manifester en faveur des prisonniers politiques, en 2019, deux mois après être sorti de l’hôpital où, déjà, on évoquait un empoisonnement.

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  • Contre le chômage, ni étatisme ni ”laisser-tomber” !, par Jean-Philippe Chauvin.

    La crise sanitaire actuelle ouvre la porte à de nombreuses autres crises, et le cycle infernal dans lequel nos pays semblent entrés sans savoir où se trouve la sortie n’est pas pour rassurer nos concitoyens :

    jean philippe chauvin.jpgselon un sondage publié par l’Unedic jeudi dernier, et que rapporte Le Figaro dans son édition du vendredi 25 septembre, « la quasi-totalité des Français (93%) a le sentiment que le chômage peut toucher tout le monde », donc soi-même, et c’est bien la survenue de la Covid 19 dans le paysage sanitaire qui a aggravé ce sentiment fort et anxiogène : « 73% des Français estiment que la situation s’est dégradée en raison du Covid-19. Un chiffre qui bondit de 27 points par rapport à la première vague de l’enquête réalisée avant le confinement et publiée en avril par l’organisme en charge de l’assurance-chômage. » Cela rompt avec le (relatif) optimisme qui pouvait, au moins dans les milieux gouvernementaux, prévaloir avant janvier dernier : le nombre de chômeurs s’était stabilisé, sans pour autant diminuer de façon assez significative pour indiquer une inversion de tendance véritable. D’autant plus que, ces dernières années, on assiste à la montée inquiétante d’un précariat qui correspond aussi à l’ubérisation de l’économie et de la société, et qui doit nous interroger sur les définitions du travail et de l’emploi.

     

    Aujourd’hui, le chômage atteint des sommets que l’on espérait réservés aux pays lointains ou aux manuels d’histoire relatifs à la dépression des années 30 : le « nombre de demandeurs d’emploi en catégorie A, (est) en progression de plus de 500.000 entre janvier et juillet 2020, et (…) près de 600.000 emplois salariés détruits en l’espace d’un an ». Sans oublier que 8,8 millions de Français ont été ou sont encore concernés par le dispositif de chômage partiel au plus haut de la crise… Quelques articles publiés dans la presse économique dès le mois de mars dernier indiquaient que la Covid 19 risquait de tuer plus d’entreprises et d’activités que de personnes physiques : cette sinistre prédiction s’est largement réalisée, et elle peut parfois faire oublier le risque sanitaire lui-même, alors même qu’il ne faut négliger ni l’un ni l’autre, tout en sachant garder raison, comme le proclame la célèbre formule capétienne.

     

    Mais il ne faut pas oublier aussi que le chômage de masse, en France, n’est pas une réalité récente et qu’il n’est pas certain, contrairement à la formule fataliste du président Mitterrand dans les années 1980, que l’on n’ait tout essayé contre ce qui reste un fléau social de grande ampleur pour nos sociétés. Observons aussi la structure sociologique du chômage : les plus frappés sont les jeunes et les personnes proches de la retraite, principalement dans le secteur industriel, et ces caractéristiques risquent de s’aggraver autant que la courbe du chômage elle-même. Le danger serait que les nouvelles générations débarquant dans la vie active se sentent exclues du monde du travail et de l’insertion sociale, ce qui fragiliserait un peu plus le processus d’intégration à l’ensemble national et pourrait nourrir les séparatismes de toute sorte, et pas seulement religieux ou communautaristes. L’histoire du XXe siècle, pour se contenter d’elle, nous enseigne que le chômage, s’il ne créé pas les totalitarismes ou les idéologies totalitaires, peut les nourrir suffisamment pour les faire advenir et ensanglanter le monde.

    Aussi, le chômage appelle une réponse qui n’est pas qu’économique, mais qui doit être sociale, politique, voire civilisationnelle : redonner du sens au travail, mais aussi à la communauté de travail, c’est renouer des liens sociaux aujourd’hui distendus par l’individualisme et sa traduction politique, le libéralisme. C’est aussi favoriser l’entraide entre les différents acteurs du monde du travail, que cela soit au sein des entreprises, des communes et, bien sûr, de la nation : pour l’heure, la solidarité s’exprime de façon surtout financière mais sans que cela soit expliqué, au risque de susciter de l’agacement à l’égard de ceux qui, chômeurs, reçoivent une aide sous forme d’allocations : « 38% (des Français) considèrent que les demandeurs d’emploi sont des personnes assistées (+5 points), qui perçoivent des allocations chômage trop élevées (36%, +4 points), et qu’une partie d’entre eux fraudent (35%, +4 points). » Bien sûr qu’il y a des fraudeurs et des assistés, mais ils sont une minorité, Dieu merci, et il s’agit justement d’en réduire le nombre pour permettre de mieux aider, et pas forcément financièrement, les autres, les « vrais » chômeurs. La fraude est sans doute plus facile à combattre que l’assistanat qui, lui, est largement suscité et entretenu par le système lui-même, y compris à travers l’Education nationale qui, trop souvent, a cessé de valoriser les valeurs de l’effort et de la joie du travail bien fait, tout comme elle a marginalisé le travail manuel et l’autonomie, individuelle comme familiale : où sont les cours de cuisine ou de jardinage, par exemple, qui permettraient, en particulier aux jeunes citadins éloignés des campagnes, de savoir faire pousser des légumes et de les cuisiner pour s’en nourrir ? Notre société de consommation a coupé les jeunes des racines de la terre et de l’envie de créer pour mieux les asservir au « tout-fait, tout-prêt » marchandisé, et elle a préféré l’assistanat qui n’est, en définitive, qu’une forme à peine subtile d’esclavage social et économique…

     

    Dans cette affaire, le rôle de l’Etat est principalement de mettre en place une stratégie de soutien et d’incitation toujours préférable à l’assistanat et à l’étatisme, mais aussi à la logique du « laisser faire-laisser passer » qui est souvent l’alibi du « laisser tomber », et dont les plus faibles ou les moins habiles sont les principales victimes. La République a tenté sous de Gaulle cette stratégie volontaire et d’équilibre, que l’on pourrait qualifier de néo-colbertisme, mais les successeurs du général ont eu moins de constance et de colonne vertébrale pour soutenir cet effort qui méritait d’être pérennisé et amplifié, et, surtout, le temps court de leur mandat (sept, puis cinq ans depuis M. Chirac) n’a pas permis de déployer sur le long terme une stratégie qui, comme le rappelait le philosophe Michel Serres, aurait mérité au moins un quart de siècle pour être pleinement efficace. « Pour avoir un Colbert, encore faut-il un Louis XIV », et ce dernier n’est possible qu’en Monarchie royale, celle qui apprivoise le temps sans s’en croire le maître absolu… La lutte contre le chômage, dans ce monde et ce temps mondialisés, nécessite « la durée, la mémoire et la volonté » qui sont, qu’on le veuille ou non, l’apanage des monarchies, y compris constitutionnelles, mais qui sont véritablement effectives et efficaces dans cette Monarchie royale « active » que nous appelons de nos vœux, cette monarchie éminemment politique qui ne se contente pas de la douce monotonie des inaugurations et du spectacle symbolique, mais qui assume, effectivement, « le risque politique de dire et de faire ». Non une monarchie qui « dirige tout » mais un régime qui assume son rôle d’arbitre au-dessus des forces (voire des féodalités) financières, économiques et politiques, et fixe le cap, comme un capitaine de navire le fait pour mener le navire à bon port. Une monarchie qui valorise les Richelieu, les Vauban et les Colbert contemporains, pour le plus grand service de la France, de ses peuples comme de ses personnes.

    Source : https://jpchauvin.typepad.fr/jeanphilippe_chauvin/

  • Courage et bas les masques…, par Oli­vier Per­ce­val.

    Les hasards du calen­drier nous offrent par­fois des actua­li­tés qui se bous­culent et dont la proxi­mi­té est riche d’enseignements.

    En cette période de trouille géné­ra­li­sée à cause de la Covid, s’ajoutent l’accusation de racisme de l’Occident, le retour du dji­had sur fond de pro­cès des atten­tats san­glants et une crise éco­no­mique sans pré­cé­dent. Reste à mesu­rer la réac­tion des auto­ri­tés et aus­si celle du peuple fran­çais devant l’accumulation de ces épreuves.

    olivier perceval.jpgDeux atti­tudes pos­sibles : La pre­mière consiste à se cou­cher, s’aplatir, s’agenouiller en signe de sou­mis­sion et de repen­tir en bat­tant notre coulpe sur la poi­trine de nos ancêtres et ne jamais se livrer, selon l’expression consa­crée, au péché d’amalgame.

    Notons que la peur de la vio­lence se tra­dui­sant par une volon­té « paci­fiste » de tout accep­ter venant de l’Islam, y com­pris la vio­lence envers les femmes, et la peur d’être atteint par la pan­dé­mie semblent aller de pair.

    L’autre atti­tude consiste à ouvrir les yeux et oser la luci­di­té. Faire le constat que si tous les musul­mans ne sont pas des ter­ro­ristes, tous les ter­ro­ristes sont musul­mans. Prendre un peu de recul et faire le constat que l’esclavage n’est pas l’apanage des occi­den­taux, mais qu’il était pra­ti­qué d’abord, notam­ment, en Afrique et au moyen Orient, alors qu’il n’avait plus cours depuis long­temps en Europe. Il ne s’agit pas de se dis­cul­per, mais de contes­ter la concen­tra­tion des accu­sa­tions média­tiques et « racia­listes » uni­que­ment à charge contre l’Occident.

    Dès lors que l’on avance ce type d’argumentation on est cata­lo­gué, éti­que­té, rha­billé pour l’hiver, et cou­vert de tous les qua­li­fi­ca­tifs infa­mants, dont la gauche a le secret et qu’une cer­taine droite (dite de gou­ver­ne­ment) approuve pour essayer de res­ter dans la par­tie, La fameuse droite dite répu­bli­caine.

    Peut-être fau­drait-il arrê­ter d’argumenter en jus­ti­fiant de notre bonne foi et en res­tant sur la défen­sive.

    Peut-être, vau­drait-il mieux rap­pe­ler que la France s’est consti­tuée à coup d’épée, que tant qu’elle gran­dis­sait et s’épanouissait, elle s’imposait par son génie, la foi qui l’animait et aus­si, quand c’était néces­saire, par la force des armes. La construc­tion de la France, en par­ti­cu­lier par les capé­tiens, est à la fois patiente et épique. Ce seul sou­ve­nir devrait être un motif d’exaltation et de confiance dans l’avenir. Les péto­chards (mas­qués) don­neurs de leçon, les par­ti­sans de l’abandon de notre his­toire et de nos tra­di­tions, les êtres trem­blants devant la vio­lence et n’envisageant pas une seconde de pro­duire de la vio­lence légi­time en réponse, ceux-là même qui demandent encore plus de mesures res­tric­tives contre le virus, et sur­tout contre les impru­dents irres­pon­sables qui n’observeraient pas scru­pu­leu­se­ment les gestes bar­rières, mais qui acceptent avec bien­veillance l’invasion exo­gène de leur pays, ne méritent pas que l’on s’attarde auprès d’eux en de vaines dis­cus­sions dont nous sommes conti­nuel­le­ment les pré­ve­nus.

    Il est confon­dant d’observer les experts sur les pla­teaux télés, s’interrogeant sur la manière la mieux fon­dée de gérer les « mineurs iso­lés », concept lou­foque inven­té par notre admi­nis­tra­tion pétrie d’idéologie, pour faci­li­ter l’entrée sup­plé­men­taire sur notre sol de clan­des­tins en toute léga­li­té (Au pas­sage, on peut se deman­der pour­quoi un pakis­ta­nais musul­man s’est retrou­vé chez nous comme réfu­gié, car à notre connais­sance, dans ce beau pays du Pakis­tan, se sont plu­tôt les chré­tiens qui sont per­sé­cu­tés.)

    Pour qu’il y ait une volon­té poli­tique réelle dans notre pays de lut­ter contre l’importation de la bar­ba­rie isla­miste, il fau­drait que le peuple fran­çais en grande majo­ri­té, et nous incluons dans « peuple fran­çais », l’ensemble des Fran­çais de souche ou par assi­mi­la­tion, se lève pour mettre un terme défi­ni­tif à la poli­tique d’immigration irres­pon­sable menée par les pou­voirs suc­ces­sifs depuis plus de trente ans.

    Mais une telle réac­tion sup­pose, en plus d’une révi­sion de fond en comble de notre sys­tème poli­tique et d’un affran­chis­se­ment radi­cal de toutes orga­ni­sa­tions supra­na­tio­nales, du cou­rage, et l’épreuve affli­geante du CORONAVIRUS montre que pour l’instant, une impor­tante par­tie de nos com­pa­triotes en manque sin­gu­liè­re­ment. Cela n’est cepen­dant pas irré­mé­diable, Il appar­tient à tout un cha­cun de deve­nir cou­ra­geux. Il faut seule­ment avoir quelque chose de grand à défendre…Quelque chose qui dépasse son petit ego, sa petite indi­vi­dua­li­té, qui est un « nous » et qui est plus grand que soi…

    Mais après tout, si l’on regarde l’Histoire, a‑t-on besoin d’une majo­ri­té pour chan­ger les choses ?

    Source : https://www.actionfrancaise.net/

  • La tempête annoncée !, par Hilaire de Crémiers.

    Même quand tout devient tragique, ils restent les mêmes.

    La phrase fut lâchée à petit bruit en plein milieu du mois de septembre, au cœur de ce qu’on appelle la « rentrée » où chacun, dans la vie civile comme dans la vie politique, réajuste son programme et son discours : Édouard Philippe, pour se rappeler au bon souvenir des Français et, sans doute, du premier d’entre eux, lançait, lui, l’homme froid et décidé, un avis de tempête. Sobriété de ton, violence du propos.

    hilaire de crémiers.jpgTempête économique, précisait-il, tempête sanitaire, tempête sociale, « tempête à tous égards ». Il ajouta à son énumération sèchement descriptive : « peut-être, une tempête politique ». Comme si cette dernière tempête qui devait mettre le comble à toutes les tempêtes si scrupuleusement annoncées, ne pouvait être, sous forme de subtile probabilité, qu’inéluctablement attendue. Donc supputée, donc anticipée, donc évaluée dans les calculs de la navigation politique, donc, afin de faire bouger les flots et tanguer le navire, secrètement espérée. Image parlante ! Venez, venez, orages désirés !

    Qui a « géré » ?

    L’ancien Premier ministre intervenait publiquement dans une réunion électorale, quelques semaines à peine après son départ de Matignon ; et on se souvient que ce retrait, tout en discrétion et gravité, conçu et réalisé avec soin et diligence dans la très opportune circonstance du deuxième tour des élections municipales, lui permit de récupérer aisément l’Hôtel de Ville du Havre qu’il considère comme « sa » ville, autrement dit comme « son » fief. Il avait maintenu sur ce coin de terre ferme son existence politique, tout en se jetant hors du navire gouvernemental. Il le rappelait à qui de droit !

    Ainsi, sans que personne s’en étonnât – sauf, peut-être, le premier cercle de la macronie –, celui qui a dirigé pendant trois ans le gouvernement de la France s’autorisait à énoncer coram populo sur l’état du pays le plus sévère des jugements et le plus terrible des pronostics.

    Or, que l’on sache, c’est l’état dans lequel lui-même l’a laissé à son successeur, Jean Castex, et dont il est nécessairement et évidemment responsable, lui, au premier chef, tout autant que le président qu’il assurait servir loyalement ; car il servait, disait-il, faisant fi fièrement de sa carrière et rompant intelligemment avec son parti ! C’est lui et nul autre qui prétendait sous la présidence macronienne qu’il ralliait, réformer la France malgré les Français, uniformiser le système des retraites malgré les intéressés, contraindre les citoyens jusque dans leur vie quotidienne par ses décisions technocratiques sans l’avis des élus locaux, provoquant la révolte des Gilets jaunes, mettant le pays sous tension permanente, sans régler pour autant aucun des problèmes de fond qui inquiètent les Français : la sécurité, la lutte contre l’immigration, la liberté d’entreprendre, la moralité publique, le redressement éducatif, la perte catastrophique d’indépendance et de substance de notre pays que la crise elle-même révélait cruellement.

    Enfin, c’est lui qui a « géré », comme on dit maintenant, toute la première phase pour le moins chaotique de cette crise sanitaire où le mensonge d’État a couvert l’incurie administrative et la sottise politique ; c’est lui qui, le premier, a cassé la machine économique française, plombé les finances, alourdi la dette, enfermé les Français dans l’alternative morbide, soit du renoncement à toute activité vitale, soit du risque mortifère de la pandémie généralisée. D’où il semble impossible de sortir encore aujourd’hui, tant l’administration omnipotente aux ordres d’un État inepte a pris l’habitude de tout réglementer au nom de la France et des Français, à la grande fureur d’une partie du peuple qui ne demande qu’à vivre et à travailler, tout autant qu’à la folle inquiétude de l’autre partie qui est savamment terrorisée. Si le pays en est là aujourd’hui, c’est donc en grande partie à lui qu’il le doit, comme à Macron qui, au-dessus de son Premier ministre, s’amusait, lui, comme un gosse immature qui se croit surdoué, à jouer au chef de guerre en se prenant pour Clemenceau !

    Et voilà qu’à Angers, chez son ami Christophe Béchu, Édouard Philippe a renouvelé son analyse et ses pronostics – mais à huis clos – devant un petit parterre d’élus choisis soigneusement, tout en faisant connaître que s’il était toujours loyal, ce n’était qu’à l’égard de ses propres convictions, à savoir, comme il l’a précisé, « l’audace, le dépassement politique et l’ambition réformatrice ».

    L’information ainsi divulguée apprend à qui veut bien comprendre, qu’Édouard Philippe est loyal d’abord envers lui-même, ce qui ouvre des perspectives pour sa propre carrière et pour celle de ses amis. Ce généreux sentiment de loyauté – c’est vraiment admirable ! – est conforté par les bons sondages qui le concernent – c’est ainsi en République – et par la difficulté simultanée qu’éprouve Jean Castex à convaincre les Français dans la poursuite d’une politique qui semble aussi vaine que périlleuse pour l’avenir du pays. La voix de Philippe se fait entendre alors que le parti présidentiel LREM traverse une crise existentielle, accumulant les échecs électoraux, multipliant les querelles internes qui se manifestent en départs tonitruants, tel celui, tout dernièrement, de Pierre Person ; alors que le ministre de la Santé, Olivier Véran, dresse le midi provençal contre la dictature parisienne ; que le garde des Sceaux, Dupond-Moretti, impose aux magistrats ses billevesées d’avocat de gauche, allant jusqu’à nommer Nathalie Roret, sa consoeur avocate, à la tête de l’École Nationale de la Magistrature, jusqu’ à vouloir faire filmer les séances judiciaires au mépris de toute réserve et de toute pudeur. La France est gouvernée par une bande de fous qui cherchent tous à se faire valoir, quel que soit leur parti, ancien, nouveau, LREM, EELV, MoDem avec un Bayrou prêt déjà à trahir le président qui, d’une manière insensée, lui a accordé un commissariat au plan dont l’homme compte bien se servir comme d’un instrument de domination. Même le président s’est mis en colère contre sa bande innombrable de ministres et de sous-ministres qui ne cherchent que leur intérêt.

    Imposture républicaine

    Les prétentions d’Édouard Philippe sont du même ordre et de la même qualité. Il était utile de revenir ici sur son cas. Il est caractéristique du régime dont il est l’émanation, comme Macron, et qu’il utilise à ses fins. C’est ce régime qui est la plaie de la France.

    Macron dénonce « le séparatisme », nouvel euphémisme pour dissimuler l’inaptitude radicale des gouvernants à concevoir le mal qui ravage le pays, en essayant d’hypostasier une République qui ne justifie en fait que leur envie de s’en emparer. Et, dans le même temps, la France apprend que l’auteur du dernier attentat était un faux mineur qui vivait au frais du contribuable, comme tant d’autres, par milliers et qui coûtent des milliards, et qu’il avait son droit de séjour, prêt ainsi à faire venir au titre du regroupement familial d’autres membres de sa tribu.

    En France, aujourd’hui, tout est fraude, tout est absurde. La fraude sociale atteint des sommets comme l’a montré Charles Prats dans son livre Cartel des fraudes, paru chez Ring. Édouard Philippe a couvert de sa prétendue rigueur cet ensemble de monstrueuses politiques. Premier ministre, n’avait-il pas monté un plan d’action pour le département le plus désolé de France, la Seine-Saint-Denis afin de remédier à « ses difficultés hors normes », en accordant, entre autres, 10 000 euros de prime à tout fonctionnaire qui accepterait d’y tenir un poste ? Oh, la bonne République ! Eh bien, le décret d’application n’est même pas signé et les élus locaux sont furieux, comme il se doit. Ce qui n’empêche pas Édouard Philippe de pointer son nez dès maintenant, au cas où la barre du navire serait à nouveau à prendre. Et combien comme lui ? Peut-être même Hidalgo ! Eh oui, c’est possible ! Cependant que tous les comptes publics sont à la dérive et que personne ne sait où en sera la France dans un an !

    Au fond l’institution républicaine ne tient que par l’appétit du pouvoir qu’elle suscite chez ses protagonistes et qui fait que le jeu recommence indéfiniment. Des discours, des discours, des discours ! Words, words, words !

    Macron, Philippe, Véran, Dupond-Moretti, tous quels qu’ils soient, ressemblent à ce préfet de police des Histoires extraordinaires d’Edgar Poe qui, dans sa suffisance, s’imaginant tout savoir et croyant tout comprendre, passait son temps « à nier ce qui est et à expliquer longuement ce qui n’est pas ».

     

    Illustration : Ah ! si une bonne tempête pouvait me faire revenir au pouvoir.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • En Français s'il vous plaît !

    Aujourd'hui, dans l'excellente rubrique "Dire... , Ne pas dire..." du site de l'Académie française  : un petit historique, à propos des anglicismes...

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    (chronique publiée les lundis, mercredis et vendredis; suggestions et commentaires de lecteurs bienvenus !...)

    Anglicismes et autres emprunts (sommaire)

    Il est excessif de parler d’une invasion de la langue française par les mots anglais. Les emprunts à l’anglais sont un phénomène ancien. Pour en donner quelques exemples :

    — avant 1700 : ajourner, boulingrin, contredanse, gentleman, gentry, groom, lord, lord-maire, paquebot, yard, yeoman ;

    — entre 1700 et 1800 : anesthésie, balbuzard, bas-bleu, gin, méthodisme, pickpocket, stick ;

    — entre 1800 et 1850 : autobiographie, bifteck, cold-cream, job, mess, pickles, silicium, sinécure, speech, steamer ;

    — entre 1850 et 1900 : base-ball, building, dribbleur, goal, lift, lunch, spinnaker, visualiser ;

    — entre 1900 et 1920 : autocar, chewing-gum, crawl, vamp, vitamine ;

    — entre 1920 et 1940 : break, bulldozer, chips, covalence, dévaluer, holding, ionosphère, mescaline, méson, oscar, show, technicolor ;

    — entre 1940 et 1960 : baffle, diariste, jet, marketing, offshore, pergélisol, permafrost, pop, sexy, station service ;

    — après 1960 : audit, codon, cutter, jogging, kart, patch, patchwork, permissif, pesticide.

    Aux emprunts proprement dits, il convient d’ajouter les emprunts sémantiques (qui consistent à donner une nouvelle acception, anglaise en l’occurrence, à des mots français existants comme conventionnel ou négocier), les réintroductions de termes anciennement empruntés au français par l’anglais (comme chalenge, coach), et les calques (traductions terme à terme de l’anglais comme guerre froide, cols blancs et cols bleus, homme de la rue...).

    Cette extension des emprunts à l’anglais, qui a connu une accélération depuis une cinquantaine d’années, tient au fait que l’anglais est aussi la langue de la première puissance économique, politique et militaire, et l’instrument de communication de larges domaines spécialisés des sciences et des techniques, de l’économie et des finances, du sport, etc. À cela s’ajoute que l’on concède généralement à l’anglais une concision expressive et imagée qui, si elle peut nuire parfois à la précision (surtout dans l’anglo-américain très pauvre qui sert ordinairement de langue internationale commune), s’accorde au rythme précipité de la vie moderne. Langue mondiale d’usage pratique, l’anglais (principalement l’anglo-américain) exerce une forte pression sur toutes les autres langues. Si Étiemble a popularisé, dans son livre Parlez-vous franglais ? paru en 1964, le terme qu’il avait créé en 1959, on rencontre à la même époque japlish « mélange de japonais et d’anglais », puis spanglish « espagnol et anglais », gerglish « allemand et anglais », russglish, chinglish, etc. Dans tous les pays, des inquiétudes se sont manifestées, parfois avec véhémence, des voix ont proclamé que la langue nationale était en danger. Qu’en est-il vraiment ?

    Un Dictionnaire des anglicismes de 1990 en enregistre moins de 3000, dont près de la moitié sont d’ores et déjà vieillis. Les anglicismes d’usage, donc, représenteraient environ 2,5 % du vocabulaire courant qui comprend 60 000 mots. Un Dictionnaire des mots anglais du français de 1998, plus vaste, évalue les emprunts de l’anglais à 4 ou 5 % du lexique français courant. Si l’on considère les fréquences d’emploi de ces anglicismes, on constate que beaucoup appartiennent à des domaines spécialisés ou semi-spécialisés et sont donc assez peu fréquents dans la langue courante. Quant aux termes purement techniques d’origine anglaise en usage en France, leur pourcentage est du même ordre.

    Dans l’édition en cours du Dictionnaire de l’Académie française, sur un total actuel de 38897 mots répertoriés, 686 sont d’origine anglaise (soit 1,76 %), dont 51 anglo-américains seulement. À titre de comparaisons, on trouve 753 mots d’origine italienne (soit 1,93 %), 253 mots venus de l’espagnol (0,65 %) et 224 de l’arabe (0,58 %). Pour affiner encore les statistiques, disons que 48 mots proviennent du russe, 87 du néerlandais, 41 du persan, 26 du japonais et 31 du tupi-guarani ! Sur l’ensemble des mots d’origine étrangère répertoriés dans le Dictionnaire de l’Académie, l’anglais ne représente donc que 25,18 % des importations, et est devancé par l’italien, qui vient en tête avec 27,42 %.

    Il est en outre à noter que l’on ne considère ordinairement que le lexique pour parler d’une « invasion » de l’anglais. Mais il convient également de veiller à ce que ne soient touchés ni le système phonologique, ni la morphologie, ni la syntaxe, ce à quoi s’emploie l’Académie française. Ainsi suit-elle attentivement l’évolution de certains abus tels que la propension à multiplier les tournures passives, les constructions en apposition et les nominalisations.

    Comment se comporter vis-à-vis des emprunts ? La question n’est pas neuve : au XVIe siècle, déjà, certains s’inquiétaient des italianismes — quelques centaines de mots italiens introduits en français.

    Certains emprunts contribuent à la vie de la langue, quand le français n’a pas d’équivalent tout prêt ni les moyens d’en fabriquer un qui soit commode, quand ils répondent à un besoin, et quand leur sens est tout à fait clair. C’est ainsi que Nodier, cité par Littré, remarquait que « Confortable est un anglicisme très-intelligible et très-nécessaire à notre langue, où il n’a pas d’équivalent. »

    D’autres sont nuisibles, quand ils sont dus à une recherche de la facilité qui ne fait qu’introduire la confusion : on emploie un anglicisme vague pour ne pas se donner la peine de chercher le terme français existant parmi plusieurs synonymes ou quasi-synonymes. C’est le cas, entre autres, de finaliser, performant, collaboratif, dédié à (dans le sens de « consacré à ») ou, pire encore, de cool, speed, fun, etc.

    D’autres enfin sont inutiles ou évitables, comme la plupart de ceux qui relèvent d’une mode, ceux par exemple qui ont été introduits au XIXe siècle par les « snobs » et les « sportsmen » ou ceux qui, aujourd’hui, sont proposés par des personnes férues de « high tech » ou qui se veulent très « hype » : emprunts « de luxe » en quelque sorte, qui permettent de se distinguer, de paraître très au fait, alors que le français dispose déjà de termes équivalents. Ainsi feedback pour retourspeech pour discourscustomiser pour personnaliser ou news pour informations. On remarquera qu’il en va heureusement de ces anglicismes comme de toutes les modes, et qu’ils n’ont parfois qu’une vie éphémère : plus personne ne dit speaker (à la radio), lift (pour ascenseur), ou starter, tea gown, etc., plus récemment des termes comme pitch ou soirées afterwork, un temps très en vogue, semblent passer de mode. De même, on ne dit plus computer mais ordinateursoftware mais logiciel, et on opte pour la vidéo à la demande, l’accès sans fil à l’internet, le biocarburant, le voyagiste, le covoiturage, le monospace, la navette, le passe, etc. ; cette évolution a été permise grâce au travail de terminologie et de néologie mené par le dispositif de terminologie et de néologie auquel participe l’Académie française.

    Il y a donc un tri à opérer. L’Académie française s’y consacre, par son Dictionnaire et ses mises en garde, et par le rôle qu’elle tient dans les commissions officielles de terminologie et de néologie des différents ministères et au sein de la Commission générale (voir l’article Terminologie). Elle contribue à la publication régulière d’équivalents français, répertoriés dans la base de données France Terme, accessible aux professionnels et au grand public.

  • Du nouveau monde à la préhistoire ou la revanche de la nature et le déroulement d'une catastrophe annoncée, par Yves Mor

    L’état désastreux du monde et de notre pays n’est pas la conséquence d’un hasard aveugle mais d’une série de dérèglements anthropologiques et d’aveuglements politiques.

    2020 restera dans les mémoires comme une année maudite, ce que les Romains appelaient annus ater ou annus horribilis, et ce dans le monde entier. La Covid-19, partie de Chine, s’est répandue sur toute la planète, semant la souffrance, la mort, le chagrin et la ruine, et faisant, à ce jour, près de 50 millions de victimes et environ 1 300 000 décès. Et ses ravages humains, économiques et sociaux sont très loin d’être terminés.

    Un état d’exception sans précédent depuis longtemps

    Cette pandémie a totalement bouleversé notre économie, notre vie sociale et professionnelle, notre vie personnelle, notre vie politique, et jusqu’au fonctionnement même de nos institutions. 1 543 321 de nos compatriotes ont été atteints par la Covid-19, et 38 614 d’entre eux en sont morts. Et bien des pays (États-Unis, Inde, Brésil, Russie, Belgique, Espagne, entre autres) connaissent une situation pire que la nôtre. Chacun de nous est en danger de contamination, et donc de mort. Nous vivons désormais en état de siège. Nos libertés individuelles ont, par la force des choses, subi un recul sans précédent depuis l’Occupation de 1940-44. Il nous est désormais interdit de sortir sans avoir une bonne raison de le faire, indiquée sur une feuille d’ « attestation de déplacement » exigée des forces de police, et dont l’absence vaut à l’imprévoyant (ou au contrevenant volontaire) une amende de 135 euros. Les déplacements ne peuvent d’ailleurs excéder une centaine de kilomètres depuis son domicile. On ne peut circuler dans l’espace public sans porter un masque, là encore sous peine de contredanse. La plupart des commerçants ne peuvent plus travailler et prennent le chemin du dépôt de bilan. Le télétravail est imposé partout où il est possible, c’est-à-dire dans toutes les activités professionnelles autres que manuelles. Les lieux de culte, de culture et de spectacles sont fermés, et toute manifestation à caractère cultuel, culturel ou festif est interdite. L’État et le gouvernement décident de tout, sans opposition et sans contrôle, même du Parlement ; et, du coup, la vie politique devient inexistante.

    Une situation aussi dramatique qu’inextricable qui suspend le cours de toute vie normale

    Nos dirigeants agissent suivant les recommandations (on devrait dire les directives) d’un « conseil scientifique » qui transforme notre régime en « médicocratie ». De surcroît, la situation comporte d’inextricables dilemmes : le confinement produit des faillites en cascades, une recrudescence du chômage, l’élévation vertigineuse du montant de la dette publique, la chute abyssale du PIB ; mais son assouplissement ou sa suppression permet à l’épidémie de poursuivre sa galopade effrénée, et provoque l’engorgement de nos hôpitaux et l’impossibilité, pour nos personnels soignants, surchargés et trop peu nombreux, de faire face à l’afflux continu des malades ; de plus, le même confinement et les autres contraintes se révèlent indispensables pour avoir une chance de reprendre le contrôle de la pandémie, mais sont de plus en plus mal supportés par la population, désespérée de voir s’éterniser une situation d’exception et doutant de l’efficacité des mesures prises et des sacrifices consentis ou imposés, suivant les cas, et en vient à se demander si le mal sera vaincu un jour et si elle pourra retrouver des conditions de vie normales. Bien des Français vont passer seuls la fête de Noël et le réveillon du Nouvel An, sans leurs parents, leurs grands-parents, leurs frères ou sœurs, puisque le confinement leur interdira de les rejoindre ou d’être rejoints par eux. Beaucoup vivront ces fêtes sur un lit d’hôpital ou en ayant un parent ou un enfant hospitalisé. Beaucoup n’auront guère le cœur à se réjouir en raison de la menace pesant sur leur emploi ou leur entreprise. La lutte contre l’épidémie de Covid-19, depuis les mesures de prévention jusqu’à la lente et difficile élaboration d’un vaccin, en passant par les tests de dépistage et le traitement médical des malades, est devenue la préoccupation majeure, voire unique, exclusive, de toute l’activité gouvernementale, la condition impérieuse du retour à une vie personnelle, sociale, économique et politique normale. Tout lui est subordonné, et le cours normal de la vie politique, avec ses débats, ses grandes questions, ses affrontements classiques, est suspendu sine die. Nécessité fait loi.

    Une pluralité de fléaux mondiaux propres à rendre notre monde invivable

    Certes, nous n’avons pas le choix. L’implacable réalité nous écrase. Mais, si nous n’avons plus le choix aujourd’hui, nous l’avons eu – et nous l’avons fait – en d’autres temps. Car, il faut en avoir une claire conscience, l’actuelle pandémie de Covid-19 n’est pas et ne sera pas le seul mal à s’abattre sur nous et la population mondiale.

    En premier lieu, nous devons nous souvenir qu’elle n’est pas le seul fléau microbien qui nous a affectés. Rappelons-nous des épidémies de SRAS (2002-2004) et de grippe A (2009-2010), d’ailleurs annonciatrices de la présente pandémie de Covid-19, sans oublier le SIDA, apparu au début des années 1980, qui fit des ravages, et demeure une menace permanente nous obligeant à une prévention contraignante.

    Par ailleurs, nous sommes confrontés aux redoutables problèmes de la pollution, de la destruction des écosystèmes régulateurs de la vie sur terre et du réchauffement climatique. Sur ce dernier point, nous savons que, même si tous les pays du monde s’accordaient pour une action concertée et énergique (ce qui n’est pas présentement le cas), nous ne parviendrions à arrêter le réchauffement qu’autour de 2050, après des hausses inévitables de température jusqu’à cette date approximative. Notre planète devient donc à la fois un cloaque et un chaudron.

    Notre civilisation libérale dominée par la loi du marché nous a amenés à ne rien tenter pour conjurer des risques connus depuis longtemps

    Pourtant, cet avenir dramatique aurait pu être évité. Depuis longtemps, en effet, nous savons que les mouvements continus et déplacements incessants de quantités d’individus dans le monde, l’urbanisation et les concentrations de populations massives, engendrent la mutation et la prolifération des virus parmi les hommes (lesquels ne sont pas naturellement immunisés contre leur action), et que nos manipulations microbiologiques douteuses en laboratoire peuvent avoir des conséquences dangereuses. Par ailleurs, l’aggravation continue de toutes les formes de pollution, la destruction graduelle des écosystèmes et de tout l’équilibre de la vie sur terre, l’accentuation continue du réchauffement climatique, sont connus depuis au moins le milieu des années 1960. Depuis plus de quarante-cinq ans, les biologistes, zoologues, botanistes, ingénieurs écologues, géographes et climatologues, n’ont cessé de tirer la sonnette d’alarme et de nous démontrer, preuves à l’appui, que notre modèle économique ultralibéral, étendu au monde entier, hyper-connecté, ignorant les frontières et les distances, uniforme, dominé par la loi du profit et de la Bourse, caractérisé par la course effrénée aux bénéfices, une urbanisation démentielle, une industrialisation sans contrôle et des migrations sauvages, provoquait le gaspillage et l’épuisement des ressources, la destruction des espaces naturels et de leur équilibre, la perturbation du climat et une pollution en progrès constants et dangereuse, transformant ainsi peu à peu notre planète en enfer. Leurs avertissements n’ont servi à rien, ou presque. En 1989 encore, René Dumont expliquait que si, dans les dix ans à venir, aucune politique environnementale sérieuse n’était entreprise au niveau mondial, nous nous engagerions dans une spirale catastrophique irréversible pour plusieurs décennies, et dont nous aurions le plus grand mal à sortir, sans pouvoir éviter des désastres écologiques et climatiques importants et irrémissibles. Ce pronostic effarant est devenu réalité, une réalité dans laquelle nous vivons quotidiennement et qui s’aggrave chaque jour davantage.

    Le nouveau monde accouche d’une nouvelle préhistoire

    Nous inaugurons une mutation décisive de l’histoire de l’humanité en général et des nations en particulier. Jusqu’à présent les hommes vivaient une histoire marquée par les les guerres, les crises économiques, les oppositions de classes, les révoltes et révolutions suscitées par les inégalités sociales, les carences politiques et institutionnelles, les dictatures, etc. De nos jours, tout cela est passé au second plan, et les hommes sont confrontés non plus à leurs semblables et à leur système politique, économique et social, mais à des dangers et des désastres d’ordre épidémiologique, environnemental et climatique. Nous sommes revenus en des temps où les hommes avaient à lutter principalement contre la nature en général et contre les animaux en particulier pour survivre le plus longtemps et le moins mal possible. Notre civilisation exclusivement urbaine, démentiellement industrielle et technicienne, matérialiste, dominée par la loi du marché, nous a placés dans une situation préhistorique d’affrontement entre l’homme et la nature. Le nouveau monde, cher à notre président de la République, ressemble à une manière de néolithique. La nature prend sa revanche sur l’homme trop orgueilleux, qui se prenait pour Dieu. Elle nous inflige une terrible leçon. Vraisemblablement, la malédiction caractérisera non seulement l’année 2020, mais le XXIe siècle tout entier.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Alain de Benoist : « Immigration, comment le pape François nous trompe… ».

    Le moins qu’on puisse dire est que Tutti fratelli, la dernière encyclique du , n’a pas fait l’unanimité dans le monde catholique. Surtout quand il affirme s’être senti encouragé par le grand imam Ahmed el Tayyeb, rencontré à Abou Dabi. Votre sentiment ?

    Venant après Lumen fidei et Laudato si’, la troisième encyclique du pape François se présente comme une interminable admonestation politique qui appelle à « penser à une autre humanité », où chacun aurait le droit de « se réaliser intégralement comme personne ». Cela impliquerait, notamment, le droit des immigrés à s’installer où ils veulent, quand ils veulent et en aussi grand nombre que cela leur convient. C’est ainsi qu’on jetterait les bases de la « fraternité universelle ». Le pape a apparemment oublié que l’histoire de la fraternité commence mal, en l’occurrence avec le meurtre d’Abel par son frère Caïn (Gn 4, 8).

    Cela dit, le pape François a des arguments théologiques à faire valoir. Dans le monothéisme, le Dieu unique est le « Père » de tous les hommes, puisque tous les hommes sont appelés à l’adorer. Tous les fils de ce Père peuvent donc être considérés comme des frères. C’est le fondement de l’universalisme chrétien : le peuple de Dieu ne connaît pas de frontières. Les différences d’appartenance, d’origine ou de sexe sont insignifiantes aux yeux de Dieu : « Il n’y a ni Juif ni grec, il n’y a ni homme ni femme, car tous vous ne faites qu’un dans le Christ » (Ga 3, 28). L’homme appartient à l’humanité de façon immédiate, et non plus, comme on le considérait dans l’Antiquité, de façon médiate, par l’intermédiaire d’un peuple ou d’une culture (pour le pape, le peuple est une « catégorie mythique »).

    Quand on déclare considérer quelqu’un « comme un frère », la référence est évidemment le frère réel, le frère de sang. Rien de tel chez François qui peut, ici, se réclamer de l’exemple de Jésus dans l’un des plus célèbres épisodes des Évangiles. La famille de Jésus se rend auprès de l’endroit où il prêche afin de se saisir de lui, considérant qu’il « a perdu le sens (elegon gar oti exestè) » : « Il y avait une foule assise autour de lui et on lui dit : “Voilà que ta mère et tes frères et tes sœurs sont là dehors qui te cherchent”. Il leur répond : “Qui est ma mère ? Et [qui] mes frères ?” Et, promenant son regard sur ceux qui étaient assis en rond autour de lui, il dit : “Voici ma mère et mes frères. Quiconque fait la volonté de Dieu, celui-là m’est un frère et une sœur et une mère” » (Mc 3, 20-35). La supériorité de la fraternité spirituelle sur la fraternité biologique est très clairement affirmée. Destitution du charnel au profit du spirituel, de la nature au nom de la culture, du sang au profit de l’esprit.

    C’est dans cet esprit que le pape François ne veut, dans l’immigration, que considérer l’intérêt des migrants. Il l’avait déjà dit auparavant : pour lui, « la sécurité des migrants doit toujours passer systématiquement avant la sécurité nationale ». La sécurité des populations d’accueil passe après. François met, ici, ses pas dans l’Épître à Diognète, lettre d’un chrétien anonyme de la fin du IIe siècle : « Les chrétiens ne se distinguent des autres hommes ni par le pays, ni par le langage, ni par les coutumes […] Toute terre étrangère leur est une patrie, et toute patrie leur est une terre étrangère. »

    Mais quel sens exact faut-il donner au mot « fraternité » ?

    Dans la devise républicaine, la « fraternité » est une valeur morale, pas un principe politique. Si on veut l’utiliser comme principe politique, on va au-devant de tous les contresens. Il y a quelques mois, des juristes n’ont pas hésité à se référer au principe de « fraternité » pour légitimer l’action des passeurs qui font traverser nos frontières à des immigrés clandestins. C’est évidemment une perversion des textes.

    Le ressort de la fraternité, pour le pape François, réside dans l’agapè, qui est la forme chrétienne de l’amour. Sa traduction latine par caritas (« charité ») n’en exprime pas tout le sens. L’agapè est avant tout une disposition d’esprit qui doit entretenir l’ouverture à l’Autre quel que soit cet Autre. C’est un amour universel, sans destinataire singulier, un amour pour tout homme au seul motif qu’il est un homme, un amour inconditionnel aussi, qui n’attend rien en retour.

    En proclamant que « nous sommes tous frères », François se rallie à une conception totalement irréaliste des rapports sociaux. Il croit qu’il n’y aura plus de guerres quand tous les hommes regarderont « tout être humain comme un frère ou une sœur ». Il croit que la politique se ramène à la morale, qui se ramène elle-même à l’« amour ». Il confond la morale publique et la morale privée, qui ne se situent nullement sur le même plan : accorder mon hospitalité personnelle à un étranger est une chose, en faire venir des millions dans un pays au point d’en altérer l’identité en est une autre. En conclusion, il n’hésite pas à plaider pour une « organisation mondiale dotée d’autorité » qui supprimerait toutes les frontières et toutes les souverainetés nationales.

    Cette encyclique est aussi, pour le pape, une nouvelle occasion de critiquer notre système marchand, tout en appelant de ses vœux un « monde ouvert ». N’est-ce pas une contradiction majeure, quand ce n’est pas un appel à la déferlante migratoire ?

    C’est, bien sûr, une totale inconséquence, puisque le capitalisme libéral, que le pape François stigmatise par ailleurs – et à juste titre –, ne cesse de réclamer la libre circulation des hommes et des marchandises (« laissez faire, laissez passer »). En bonne logique libérale, rien n’est plus « ouvert » qu’un marché ! Affirmer que les migrants ont droit de s’installer où bon leur semble – Benoît XVI proclamait déjà le « droit humain fondamental de chacun de s’établir là où il l’estime le plus opportun » –, c’est très exactement reprendre un mot d’ordre libéral.

    Le pape se contredit encore quand il appelle à abattre les murs, en oubliant que leur fonction première n’est pas d’exclure mais de protéger. En prenant position pour une solidarité sans frontières qui existerait à l’état potentiel chez tous les hommes au seul motif qu’ils sont humains, il montre qu’il ne comprend pas qu’il n’y a de fraternité possible, au sens de la philia aristotélicienne (l’amitié politique et sociale), qu’à la condition qu’elle soit circonscrite dans des limites bien définies. De même le « bien commun universel » n’est-il qu’une illusion : il n’y a pas de bien commun pensable que limité à ceux qui partagent concrètement ce commun, à savoir les communautés politiquement et culturellement présentes à elles-mêmes.

    Le pape présente l’humanité unifiée comme un but à atteindre (« rêvons en tant qu’une seule et même humanité »), la cité cosmopolitique comme une rédemption, comme si la division du monde en nations, en cultures et en peuples était un accident historique qu’il serait possible d’effacer. Sa « fraternité universelle » n’est, en fait, qu’un vœu pieux dénué de sens, sous-tendu par l’obsession de l’unique, de la fusion, de la disparition de tout ce qui sépare et donc distingue. Compte tenu de ce que sont les hommes réels, autant prôner la « fraternité » de la gazelle et du lion ! Jean-Baptiste Carrier, en 1793, disait massacrer les Vendéens « par principe d’humanité ». Carl Schmitt, citant Proudhon, ajoutait : « Qui dit humanité, veut tromper. » François trompe énormément.

     

    Alain de Benoist

    Intellectuel, philosophe et politologue
     
  • Le tragique bilan terroriste d’octobre commence à lever le voile sur l’ampleur de la faillite de la politique migratoire

    © Bernard BARRON / AFP
     
    Avec Les Arvernes

    Peu de commentateurs se sont étonnés de la circulaire de fin septembre, donnant instruction aux préfets de se mobiliser pour reconduire à la frontière les étrangers en situation irrégulière fauteurs de troubles à l’ordre public.

    Il est pourtant surprenant que le Ministre de l’Intérieur, dans un pays frappé depuis plusieurs années par une menace terroriste très élevée, se croit obligé de rappeler un telle évidence aux grands commis de l’État. Cette circulaire signe en réalité un double aveu.

    D’abord, elle souligne que l’État se trouve aujourd’hui dans l’incapacité d’éloigner la plupart des étrangers en situation irrégulière et constituant pourtant une menace pour l’ordre public. Ensuite, cette circulaire est intéressante pour ce qu’elle révèle en creux, à savoir l’inaction quasi assumée de l’État à l’égard des autres étrangers en situation irrégulière, ceux qui n’ont pas été condamnés pour des actes délictuels. L’État n’arrivant pas même à s’occuper des premiers, il est somme toute logique qu’il se désintéresse des seconds...

    Suite à l’attentat abject dont a été victime Samuel Paty, un cran supplémentaire a été décidé par Gérald Darmanin, qui a donné injonction aux préfets « d’expulser les étrangers expulsables », forgeant ainsi une nouvelle formule représentative de l’impuissance de l’État en la matière, puisque par définition elle écarte tous les étrangers constituant une menace pour l’ordre public mais ne pouvant pas être expulsés, compte tenu de leur ancienneté en France, de leur lien avec des ressortissants français...

    Dans la foulée, les préfets ont été sommés de placer en centre de rétention administrative les étrangers fichés comme radicalisés, en particulier ceux de nationalités signalées, les Tchétchènes du fait de l’attentat de Conflans Sainte-Honorine, les Turcs compte tenu des tensions avec Erdogan, nécessitant de « faire de la place » en relâchant d’autres étrangers placés en rétention mais ne présentant pas, dans l’immédiat, la même dangerosité. Ce qui ne pouvait évidemment pas nous prémunir contre un nouvel attentat, qui fut cette fois le fait d'un Tunisien à Nice.

    Tout ceci porte la marque d’une réaction désordonnée inspirée par l’actualité. Cette faillite ne date bien évidemment pas du gouvernement en place et dépasse les raisons conjoncturelles liées à la situation sanitaire qui limite les possibilités de reconduite dans de nombreux pays. Les causes en sont à la fois juridiques et matérielles.

    Sur le plan juridique, les faiblesses de l’État sont de mieux en mieux connues ; nul domaine n’est plus marqué par la tension entre démocratie et Etat de droit que celui de l’immigration. Depuis plusieurs décennies, les cours suprêmes, confortées par les négociations européennes, ont systématiquement privilégié la protection des droits individuels sur l’application du souhait majoritaire de voir s’appliquer une maîtrise des migrations notamment familiales et économiques, surtout celles qui conduisent à des faits de délinquance.

     

    Il convient sans doute de faire une place à part en la matière à l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme, accordant à chacun « un droit à une vie familiale normale ». Cet article, sous l’impulsion des juges, est devenu le fondement de la régularisation de milliers d’étrangers non seulement en situation irrégulière mais souvent également auteurs de divers délits, sous prétexte d’avoir un parent sur le sol français ; tel étranger qui a un enfant en France, dont la garde est pourtant confiée à la mère séparée et quoique ledit père soit déjà souvent, par ailleurs, père de plusieurs autres enfants dans son pays d’origine, mais cela ne compte pas, bien-sûr. Tel autre étranger a un frère, une mère, en France… Cette vision généreuse de la famille suffit à rendre inopérant toute tentative de reconduite à la frontière d’étrangers manifestement non intégrés, auteurs de délits à répétition, défiant les lois de la République comme les forces de l’ordre, mais n’ayant apparemment pas suffisamment de famille au pays pour s’y sentir bien et pouvoir y être reconduits.

    Est-il admissible que des étrangers en situation irrégulière depuis plusieurs années dans notre pays, ayant pu faire valoir leurs droits devant les tribunaux, et s’étant vus opposés une obligation de quitter le territoire, se voient néanmoins délivrer, quelques années plus tard, un titre de séjour ? Tous les jours, les préfets signent ce type de régularisations, alors même que ces parcours sont trop souvent agrémentés de faits délictuels plus ou moins graves et anciens. Sur le fondement de la jurisprudence de la cour européenne des droits de l’homme, l’autorité administrative se voit contrainte de délivrer un titre faute d'éléments suffisamment lourds pour justifier une expulsion pour menace de troubles à l’ordre public.

    Sans aller jusqu’à la régularisation, qui nécessite un temps de présence de plusieurs années sur le territoire, dans de nombreux autres cas de figure les étrangers en situation irrégulière peuvent se maintenir en France en s’abritant derrière notre droit qui a rendu notre système totalement impuissant. Depuis 2016, avec la directive européenne mal nommée « retour », bien souvent un étranger contrôlé dans la rue, non pas par hasard mais pour un motif autre que sa nationalité, souvent du fait d’un délit tel qu’un vol, une conduite sans permis, des faits de violence… ne sera pas placé en centre de rétention administrative, mais seulement « assigné à résidence », c’est-à-dire laissé libre tout en ayant l’obligation de pointer au commissariat. Ce principe de non-enfermement rend pour le moins aléatoire la possibilité de retrouver ensuite la personne pour la reconduire effectivement dans son pays. Du moins jusqu’à une prochaine interpellation, qui pourra, cette fois, se traduire par un placement en rétention, mais bien souvent susceptible d’être cassé par le juge des libertés et de la détention, du fait d’une coquille procédurale ou de l’absence de « perspective rapide d’éloignement », notamment si l’autorité administrative a du mal à établir la véritable identité de la personne ou ne parvient pas à obtenir les laisser-passer consulaires du pays d’origine, ce qui est fréquent pour un certain nombre de pays. Il est aussi possible qu’entre les deux interpellations un temps suffisant ce soit passé pour que la personne puisse solliciter une régularisation.

    On insiste beaucoup sur les contraintes du droit, qui sont réelles et croissantes depuis plusieurs décennies, rendant l’action des forces de l’ordre et des services de préfecture de plus en plus difficile, lente et coûteuse. Mais on s’intéresse sans doute insuffisamment aux contraintes matérielles, qui sont tout aussi prégnantes aujourd’hui : le faible nombre de place en centre de rétention administrative oblige l’ensemble de la chaîne d’application des lois en matière d’immigration irrégulière à faire des choix permanents sur les personnes à placer en retenue, un sur dix environ pouvant y être admis.

    Chaque semaine, même lorsque les conditions strictes d’un placement en centre de rétention sont réunies, des étrangers auteurs d’infractions, déjà titulaires d’une obligation de quitter le territoire et d’une interdiction de retour en France, sont seulement assignés à résidence faute de place en rétention. Priorité étant donnée aux étrangers en situation irrégulière sortant de prison notamment. Pour pallier le manque de place localement, il n’est pas rare qu’une préfecture ordonne à la police de conduire sous escorte à l’autre bout de la France un étranger en situation irrégulière, pour bénéficier ainsi d’un placement en rétention, tant la denrée est rare.

    Devant la succession d’attentats terroristes commis par des étrangers, devant les faits de délinquance imputables à des étrangers, devant aussi la remise en cause, par certains étrangers et certaines communautés, des principes et fondements de la République et de la France, l’opinion publique et la classe politique elle-même sont à un point de bascule. Le gouvernement donne, de plus en plus, le sentiment de vouloir s’emparer à la racine de ces problèmes, en agissant de manière plus énergique que d’ordinaire sur le plan diplomatique, ce qui est incontestablement positif. Avec une mobilisation inédite au plus haut niveau de l’État, on va, peut-être, parvenir à faire à peu près le minimum, c’est-à-dire reconduire ou expulser une partie des étrangers dangereux présents en France. Reste tous les autres, qui, il faut le rappeler, n'en déplaise aux défenseurs des migrants, sont, au regard du droit voté par la représentation nationale, en situation irrégulière. Si beaucoup réclament, souvent à juste titre, de desserrer le corset juridique, notamment international, dans lequel nous nous sommes inconsidérément placés, l'application des simples textes existants, en y consacrant les moyens matériels nécessaires, est une première étape essentielle que les Pouvoirs publics peuvent mettre en oeuvre dès maintenant.

    Source : https://www.atlantico.fr/

  • Alain de Benoist : « L’OTAN n’est pas en état de mort cérébrale. C’est l’Europe qui l’est ! ».

    Nous avons déjà eu l’occasion de parler de l’OTAN, organisation qui aurait dû logiquement être dissoute en même temps que le pacte de Varsovie, puisqu’elle avait été créée à seule fin de résister à l’Union soviétique, aujourd’hui disparue. Mais il n’en a rien été, puisqu’elle s’est muée en une vaste organisation de « défense globale » qui intervient désormais dans le monde entier. Quelles sont, aujourd’hui, ses priorités ?

    Tout le monde le sait, ses ennemis désignés sont aujourd’hui la Fédération de en premier lieu, la en second. Le fait nouveau est qu’avec l’élection de Joseph (« Joe ») Robinette Biden, le parti de la guerre est de retour. Les États-Unis ont déjà recommencé à bombarder la , Poutine se fait traiter de « tueur » par Biden et de nouvelles sanctions viennent d’être adoptées contre la Chine. Parallèlement, une vaste offensive de propagande est en cours pour « cimenter la centralité du lien transatlantique », c’est-à-dire pour faire croire aux Européens que les ennemis des Américains sont nécessairement les leurs. On en revient au chantage à la protection de l’époque de la guerre froide : les Européens sont sommés de s’aligner sur les positions de Washington en échange de la protection américaine, et donc de faire allégeance au commandant suprême des forces alliées en qui est, comme toujours, un général américain. En clair : protectorat contre vassalisation.

    C’est aussi ce que dit la tribune publiée tout récemment dans le mensuel Capital, qui a été signée par plusieurs hauts gradés militaires. Le moins qu’on puisse dire est que ses signataires ne mâchent pas leurs mots, puisqu’ils disent que la souveraineté de la France est directement menacée par les projets de l’OTAN…

    La lettre ouverte adressée à Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’OTAN, par les membres du Cercle de réflexion interarmées est en effet un véritable réquisitoire contre le projet « OTAN 2030 », qui définit les missions de l’Organisation pour les dix prochaines années. Ce projet est qualifié de « monument de paisible mauvaise foi », ce qui a le mérite d’être clair. Mais il faut aller plus loin si l’on veut comprendre ce qui est en jeu.

    Le fait important est que la doctrine de l’OTAN n’a cessé d’évoluer, ces dernières années, vers l’intégration du combat nucléaire à toutes les étapes de la bataille. En 2008, l’OTAN avait déjà refusé de signer le Pacte européen de sécurité proposé par Moscou. En 2010, au sommet de Lisbonne, la défense anti-missiles balistiques américaine mise en place en Europe avait pris un caractère clairement dirigé contre « l’ennemi russe ». À partir de 2015, les premiers missiles antimissiles américains en packs de 24 lanceurs Mk 41, implantés tout autour de la Russie, n’ont plus été conçus comme permettant seulement des tirs défensifs, mais aussi des tirs offensifs. En 2019, les États-Unis ont déchiré le traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI) qui avait été signé en 1987 par Gorbatchev et Reagan. Tout récemment encore, un groupe de dix experts nommé par Stoltenberg s’est prononcé, dans son livre OTAN 2030: United for a New Era, pour le déploiement en Europe de nouveaux missiles nucléaires à moyenne portée équipés de bombes nucléaires B61-12. On en revient, ainsi, au concept de « bataille nucléaire de l’avant ». Cela signifie que le concept de frappe nucléaire tactique de théâtre est à nouveau scénarisé et que l’OTAN considère désormais l’Europe comme son futur champ de bataille, les États-Unis restant bien entendu seuls maîtres de l’engrenage vers l’option nucléaire.

    En déclarant, il y a deux ans, que l’OTAN était « en état de mort cérébrale », Emmanuel Macron avait fait sensation, cette déclaration ayant été interprétée comme un appel lancé aux Européens pour qu’ils se dotent d’une défense commune qui leur soit propre. Apparemment, ça n’a pas été le cas.

    Dans l’entretien auquel vous faites allusion, Macron disait aussi que « si nous acceptons que d’autres grandes puissances, y compris alliées, y compris amies, se mettent en situation de décider pour nous, notre diplomatie, notre sécurité, alors nous ne sommes plus souverains ». Le chef de l’État parlait d’or. Mais hélas ! il s’est contenté de jouer du pipeau, puisque le sursaut attendu n’a pas eu lieu. Quand, en 2009, Nicolas Sarkozy avait décidé de réintégrer la structure militaire de l’OTAN, il avait également claironné qu’il levait ainsi un obstacle à la mise en place d’une Défense européenne. C’était tout aussi illusoire. Ou tout aussi mensonger.

    Plus significatif encore : après les déclarations de Donald Trump laissant planer le spectre d’un désengagement de Washington, on aurait pu penser que les Européens se seraient souciés plus sérieusement de pourvoir par eux-mêmes à leur sécurité. C’est le contraire qui s’est passé. Tous les gouvernements européens ont, au contraire, rivalisé en gestes d’allégeance dans l’espoir d’infléchir la position des États-Unis. Tous ont fait assaut de surenchère atlantiste sur des sujets comme la désignation de la Chine et de la Russie comme nouveaux ennemis communs, l’inclusion de l’espace parmi les théâtres d’opérations de l’OTAN ou l’accès des États-Unis aux programmes d’armement européens. La France elle-même s’est finalement alignée sur les positions américaines et ne fait plus entendre une voix originale sur aucun sujet. Si tel n’était pas le cas, elle commencerait par se désolidariser des sanctions contre la Russie et rétablirait ses relations diplomatiques avec la Syrie !

    Une Défense européenne n’est pas près de voir le jour pour la simple raison que la majorité des États européens, à commencer par l’Allemagne, n’en veulent pas, non seulement parce qu’ils trouvent que cela coûte trop cher et qu’ils s’imaginent que les bons sentiments suffisent à régler les rapports de force, mais aussi parce qu’ils savent très bien qu’il est impossible de défendre l’Europe sans prendre la place de l’OTAN, dont c’est la gardée. Comme le dit le général Vincent Desportes, « plus le parapluie américain est une chimère, plus les Européens s’y accrochent ». Alors que les États-Unis disposent d’un budget militaire de près 750 milliards de dollars (contre moins de 70 milliards pour la Russie), les budgets militaires de la plupart des pays européens sont indigents, ces mêmes pays préférant de surcroît acquérir des avions de guerre et des systèmes balistiques américains plutôt qu’européens pour complaire au complexe militaro-industriel américain.

    Macron a eu grand tort de parler de «  cérébrale » à propos de l’OTAN. L’OTAN n’est nullement en état de mort cérébrale. C’est l’Europe qui l’est, puisqu’elle refuse de se doter des moyens de la puissance. Le général Vincent Desportes le dit également sans ambages : « L’OTAN est une menace pour l’Europe », avant d’ajouter que « l’avenir de l’Europe est eurasiatique, pas euro-atlantique ». Une évidence que personne ne veut apparemment reconnaître. Le réveil sera terrible.

    Entretien réalisé par Nicolas Gauthier

     

    Alain de Benoist

    Intellectuel, philosophe et politologue
     
  • Un blasphème signé Picasso, par Jean Charpentier.

    Quand Staline meurt, Picasso dessine son portrait sans respecter les canons du réalisme soviétique. C'est un crime de lèse-socialisme, un pur blasphème aux yeux des communistes de base. Maurice Thorez réussira à transformer l'indignation en “procès de Moscou” à la parisienne, pour consolider son pouvoir et affirmer son stalinisme.

    Il y a bien longtemps qu’en France le blasphème n’est plus poursuivi en justice. Tout au plus trouverons nous une loi sur le sacrilège sous la Restauration, vite abrogée sous la Monarchie de Juillet. Il a fallu la publication de caricatures de Mahomet dans une gazette danoise, repris par un journal français au satirisme fatigué, pour que le feu de l’indignation reprenne. Il y eut des morts. Un visage dessiné sur du papier et c’est le monde qui s’embrase. Avait-on jamais vu cela sous nos contrées pétries de modernisme et de tolérance ? Les plus anciens d’entre nous pourraient toutefois se souvenir d’un épisode, moins sanglant, certes (les morts furent politiques), mais qui en dit long sur le seuil de tolérance en matière de portrait peu orthodoxe dans certains milieux.

     

    La contre-société communiste ne supporte aucune déviance.

     

    Le 5 mars 1953, le monde retient son souffle. La radio de Moscou annonce officiellement le décès de Joseph Staline. L’univers communiste vacille. À Paris, dans la banlieue rouge, l’émotion est à son comble. Le « petit père des peuples », « le guide génial de la révolution » n’est plus. Véritable dieu vivant, le culte de Staline avait atteint des sommets lors de la célébration de son soixante-dixième anniversaire en 1949. Des milliers de cadeaux, des plus modestes aux plus coûteux, avaient été envoyés par les camarades français. Poèmes, louanges, messages d’adoration avaient accompagné les vœux des 700 000 membres du Parti. Le parti français est stalinien. Il le revendique bien haut. Son « patron », Maurice Thorez, sait en tirer la leçon politique quand il écrit en 1950 : « Nous ne sommes pas un parti comme les autres […] Retenez l’enseignement de Staline : le Parti est un corps vivant, et comme tout corps vivant il renouvelle sa substance. » Voilà une transsubstantiation qui sonne comme un avertissement, le métabolisme politique sait éliminer ses mauvaises cellules. Avec un tel corps, une doctrine d’airain, un dieu vivant, les certitudes des communistes français sont bien plantées dans cette « contre société » qui ne supporte aucune déviance, de quelques natures qu’elles soient. La même année, Paul Éluard publie ces vers :

    Staline dans le cœur des hommes
    Sous sa forme mortelle avec des cheveux gris
    Brûlant d’un feu sanguin dans la vigne des hommes
    Staline récompense les meilleurs des hommes
    Et rend à leurs travaux la vertu du plaisir
    Car travailler pour vivre est agir sur la vie
    Car la vie et les hommes ont élu Staline
    Pour figurer sur terre leurs espoirs sans bornes.

    Pablo commet l’irréparable

    Le 5 mars 1953, au carrefour de Châteaudun à Paris, la façade du siège du Parti est recouverte d’un portrait géant crêpé de noir. L’Humanité et toute la presse communiste est au diapason du deuil. Louis Aragon, figure tutélaire du communisme de plume, vient de prendre la direction des Lettres françaises revue qui réunit depuis la Résistance les écrivains les plus proches du Parti. Sans être une revue « officielle », elle est un maillon du dispositif de presse destiné à occuper le terrain intellectuel. Pour saluer le grand disparu, Aragon fait appel à Pablo Picasso pour illustrer d’un portrait la une de la revue. Picasso, artiste mondialement célèbre, ne fait pas mystère de sa proximité d’idée avec l’URSS. Il apporte son soutien au Mouvement pour la Paix destiné à réunir les artistes et les intellectuels occidentaux autour de l’Union soviétique. L’artiste dessine pour l’occasion sa désormais célèbre colombe de la Paix qui illustre les affiches de propagande. À l’appel d’Aragon, Picasso s’exécute et, le jour dit, un portrait de Staline orne les Lettres françaises. C’est la catastrophe. Le dessin de Picasso n’a rien des portraits officiels du guide de la révolution. Tous les canons du réalisme socialiste prônés six ans plus tôt par Jdanov sont brisés. À la place du visage impassible du maréchal de l’URSS, les lecteurs voient une sorte de dessin rapide représentant un Staline jeune, aux traits noirs et gris, la face barrée d’une grosse moustache sombre et coiffée d’une couronne de cheveux clairs. Un esprit chagrin pourrait voir là une caricature ; le maître se serait-il laissé aller à une fantaisie picturale ? le blasphème est bien là ! Les courriers de protestation affluent tant à la rédaction qu’au bureau politique. La condamnation du portrait est unanime et sans appel. Aragon doit faire son autocritique publique. Pour ce grand bourgeois du communisme, l’humiliation est rude. La vengeance ne sera que plus redoutable.

    Fougeron, victime expiatoire

    L’affaire aurait pu en rester là. Mais c’est méconnaître les rouages complexes du pouvoir au sein du système communiste. Depuis trois ans, Maurice Thorez est absent. Il est en convalescence en URSS. C’est Auguste Lecœur qui dirige le parti. Celui-ci n’aime guère Aragon. Il avait étrillé la saga du maître intitulée Les Communistes : « Il paraît qu’il est très difficile d’écrire un livre comme celui d’Aragon. Je ne le pense pas ». À Saint-Germain-des-Prés, on n’avait guère apprécié l’avis de ce malotru venu des mines du Nord. Lors de la publication du portrait, nul doute que Lecœur avait encouragé les militants et les sympathisants à manifester leur colère et leur indignation. Mais voilà, Maurice Thorez rentre de Moscou. La mort de Staline lui fait prendre conscience que des guerres de succession vont vite surgir dans tous les partis. L’affaire du portrait lui donne l’occasion de se débarrasser de la jeune garde formée dans la Résistance qui lui reproche son long séjour dans l’Oural, loin de tout front. Thorez fait avancer Aragon en première ligne. Celui-ci s’en prend à l’artiste Fougeron, chef de file du réalisme socialiste français auquel le secrétariat du Parti avait demandé une critique du fameux portrait. Or Fougeron, d’origine modeste, est un proche de Lecœur. Dans une tactique bien éprouvée, les attaques contre l’un rebondissent contre l’autre qui est la cible principale. Aragon, sur les injonctions de Thorez accuse André Fougeron de « tendances ouvriéristes » (un comble !) puis élargit l’accusation à toute la ligne culturelle suivie par le PC depuis l’intérim d’Auguste Lecœur. Fougeron est écarté de toutes les revues du Parti. Marginalisé, le peintre connaîtra une reconnaissance locale dans les années 1960. De son côté, Picasso est très vite « réhabilité » par l’Humanité qui publie une photographie titrée « Picasso rend visite à Maurice Thorez » en une de son numéro du 23 mars 1953.

    Entre-temps, Lecœur est convoqué à Moscou en juillet avec tous les dirigeants communistes pour entendre, dans le plus grand secret, les premières critiques à l’encontre du « culte de la personnalité » de Staline. Le vent tourne à Moscou. De retour, il reste évasif sur l’objet de la rencontre moscovite. Thorez sait que la « déstalinisation » serait la fin de son règne. C’est à ce moment que le secrétariat du bureau commande à Aragon, le 7 décembre 1953, une série d’articles contre Lecœur et sa politique culturelle « ouvriériste ». Par un tir croisé, Gaston Plissonnier, désigné par le clan Thorez, lance les accusations politiques. Trois mois plus tard Lecœur est mis sur la sellette par le comité central, une campagne de presse fait le reste. Il est définitivement exclu en 1955. Entre-temps, la purge a commencé au sein du parti. Thorez a repris les rênes qu’il ne lâchera pas quand intervient le XXe congrès du PCUS où est entendu à huis-clos le fameux « rapport Krouchtchev. » Le parti français restera stalinien.

     

    Illustration : L’immonde dessin sacrilège, œuvre d’un artiste dégénéré, prétendu compagnon des communistes.

    Ci-dessous, le vrai visage du Petit Père des Peuples.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Délinquance et insécurité: les Français voient-ils juste ou sont-ils aveuglés par les faits divers?, par Adrien Peltier.

    © AFP 2021 PIERRE ANDRIEU

    Le dernier sondage IFOP sur la délinquance vient de paraître. Près des trois quarts des Français estimeraient ainsi qu’elle augmente. La majorité d’entre eux semblent de surcroît insatisfaits des politiques de sécurité actuelles. Leur perception est-elle tronquée par l’omniprésence de la question, ou est-elle conforme au réel? Décryptage.

    À écouter les Français, la délinquance n’en finirait pas d’augmenter. Cette année, ils seraient ainsi 71% à observer une hausse de l’insécurité, selon l’IFOP. Une inquiétude généralisée qui, selon Laurent Lemasson, docteur en droit public et responsable des publications de l’Institut pour la justice, reflète «correctement» la réalité:

     

    «La sécurité est dans le top 5 des préoccupations des Français depuis bien longtemps et leur perception correspond évidemment à une réalité», avance-t-il avant de préciser: «L’insécurité n’est pas toujours visible dans les chiffres qui ne montrent qu’une partie du phénomène, celui-ci n’étant pas toujours quantifiable.»

     

    A contrario, pour Véronique Le Goaziou, sociologue spécialisée dans les questions liées à la délinquance et chercheuse au CNRS, bien qu’existante, l’insécurité subit un effet de surexposition qui la rend omniprésente dans les esprits.

     

    «Le discours ambiant donne souvent l’impression d’être dans un pays à feu et à sang. Il y a eu quelques événements traumatisants cette année, toutes les rivalités entre bandes, l’histoire de cette fille tuée par ses camarades de classe,… dès lors que ces histoires tournent en boucle, elles contribuent à l’aggravation ou à l’éclosion du sentiment d’insécurité, c’est assez classique», observe-t-elle.

     

    Un avis identique à celui du garde des Sceaux, lequel affirmait en septembre: «L’insécurité, il faut la combattre, le sentiment d'insécurité, c'est plus difficile, car c'est de l'ordre du fantasme». Un sentiment nourri selon lui par «les difficultés économiques», «le Covid» et «certains médias» comme les «chaînes d'infos continues».

    La confiance en la justice entachée

    Le sondage pointe pourtant une réponse insuffisante des pouvoirs publics, qui serait même le cœur du problème de l’insécurité.

    Réalisée pour CNews et Sud Radio auprès d’un échantillon représentatif de 1.013 personnes, l’enquête s’intéresse en effet aux exigences des Français en matière de sécurité et de lutte contre la délinquance.

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    Y transparaît la volonté nette d’un système judiciaire plus strict. À la question «parmi les actions ou mesures suivantes, quelles sont celles qui vous sembleraient les plus efficaces pour lutter contre la délinquance?», les réponses les plus données concernent l’instauration de mesures plus radicales. Près de la moitié des sondés se sont ainsi montrés favorables à la suppression des aides (logement, allocations, etc.) pour les familles de mineurs délinquants multirécidivistes, ainsi qu’à l’expulsion des délinquants étrangers après avoir purgé leur peine.

    Question peines, ils sont aussi 44% à demander l’application systématique des peines d’emprisonnement. Des velléités qui suggèrent le sentiment d’une justice incomplète, ou incapable d’appliquer ses préceptes.

    L’efficacité des forces de l’ordre semble également remise en cause, avec seulement 8% des sondés réclamant avant tout l’augmentation des effectifs de police sur le terrain.

     

    «Le problème est en effet majoritairement du côté de la justice, et l’État en est directement responsable», tacle Laurent Lemasson avant d’asséner: «On observe chez une partie de la magistrature, chez les gardes des Sceaux, notamment depuis Taubira, une préoccupation pour la défense des délinquants. Quand vous entendez leurs déclarations, que vous observez leur politique carcérale, vous avez le sentiment que l’on n’a pas forcément envie de vous protéger.»

     

    Pour Véronique Le Goaziou, ces «poncifs classiques» ne sauraient refléter la réalité: «La justice traine avec elle cette étiquette de laxisme depuis plusieurs années maintenant, mais elle n’est pas une machine qui, dès lors que l’action est commise, va actionner la peine», entend nuancer la sociologue. Aussi, affirme-t-elle que les attentes du public face à la violence correspondent souvent aux propositions politiques du moment, voire aux idées en vogue: «La suppression des aides, par exemple c’est en pleine actualité, ça vient d’être voté au Sénat dans le cadre de la loi séparatisme». L’impression d’une hausse de la délinquance serait donc en partie contextuelle.

    Et dans les faits?

    Il en reste tout de même que, pour 71% des Français sondés par l’IFOP cette année, la violence continuerait de croître. Pourtant, celle-ci a bel et bien diminué, à en croire les chiffres du ministère de l’Intérieur… même si le phénomène s’explique.

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    En effet, en raison de la pandémie et des mesures restrictives, «la plupart des indicateurs de la délinquance enregistrée par les services de police et de gendarmerie reculent fortement en 2020», rapporte la place Beauveau. Seule exception, les viols (+11%) et les violences intrafamiliales (+9%) qui ont augmenté pour la troisième année consécutive. L’apparente accalmie de la violence serait donc à prendre avec nuance.

    Quoi qu’il en soit, la peur des citoyens n’est pas pour autant irrationnelle, notamment en raison de la médiatisation de faits divers parfois très violents, note Véronique Le Goaziou.

     

    «La délinquance et le sentiment d’insécurité peuvent être décorrélés. Les statistiques dont on dispose peuvent mettre en évidence une délinquance qui n’augmente pas, mais, en raison d’un malaise, une explosion de la violence peut être ressentie. Et puis celle-ci a toujours eu un côté spectaculaire qui marque.»

     

    Laurent Lemasson reconnaît, lui aussi, un écart entre les statistiques et le sentiment majoritaire des Français sur la question. En insistant toutefois sur l’incapacité des statistiques à refléter la réalité. Aussi, des faits pas si divers, aux incidences minimes dans les chiffres de la délinquance, nourrissent-ils selon lui durablement un sentiment d’insécurité parfaitement justifié, jusqu’à modifier les comportements de la population: «Il suffit d’un fait, le chauffeur de bus battu à mort à Bayonne pour avoir réclamé le port du masque à des jeunes par exemple, pour que les gens en déduisent qu’il vaut mieux ne pas s’exposer aux mêmes risques. Dans les faits, cela ne se verra pas, il y aura eu un seul mort, mais l’impact est réel». Ainsi, les Français en viennent-ils par exemple à adopter des «procédures d’évitement» des zones dangereuses.

     

    «Trois choses nourrissent le sentiment d’insécurité», explique Laurent Lemasson: «Il y a d’abord tous ces non-respects des règles de la vie commune et qui marquent une perte de confiance chez les citoyens. Deuxièmement, les violences urbaines, dont on trouve des cas tous les jours dans les journaux, tout comme le fait d’être exposé à certaines "zones de non droit". Enfin, la perception que les autorités ne répondent pas à cette demande de justice et de sécurité.»

     

    Si la délinquance est loin d’être la seule cause d’inquiétude des Français, elle risque néanmoins de peser lourdement dans la campagne présidentielle qui se prépare. Chiffre significatif, la politique sécuritaire d’Emmanuel Macron n’est jugée positive que par 26% des sondés de l’IFOP (contre 41% en avril 2018). Un pourcentage qui accrédite davantage l’idée d’une perte de confiance en la justice.

    Pour la présidentielle 2022, 55% se déclarent même prêts à renoncer à voter pour un candidat proche de leur sensibilité politique mais n’accordant pas assez d’importance à la lutte contre l’insécurité. Là non plus, rien de nouveau selon Véronique Le Goaziou, le débat sur l’insécurité étant «une thématique qui tire à elle tout le débat public et politique depuis les années 70-80». A-t-elle seulement été suffisamment prise au sérieux par les dirigeants? Pour la sociologue, aucun doute, la question a été «maximisée plutôt que minimisée, cette question étant même en tête de leurs préoccupations». Peut-être pas assez au goût des Français alors.

    Source : https://fr.sputniknews.com/

  • À quelle vitesse redémarrera l’activité économique ?, par François Schwerer.

    Les prévisions se suivent, les estimations s'enchaînent, l'optimisme mesuré est de rigueur, mais la France, durablement touchée dans tous ses secteurs, est incapable de prévenir le prochain contre-coup de la crise.

    La Banque de France a publié un avis pour expliquer que l’activité économique du pays allait se redresser dès le deuxième semestre de 2021 et s’accélérer fortement en 2022.

    12.jpgBref, tout va bien et la crise de la COVID-19 n’aura été qu’une parenthèse dans un mouvement de croissance économique continu. Pour asseoir sa confiance, la Banque de France mise sur trois éléments principaux : la progression de la vaccination qui permettra de recouvrer un peu de liberté, l’accroissement de la consommation des ménages qui dilapideront leur épargne dans l’euphorie retrouvée et enfin la hausse de la productivité par tête. Grâce à tout cela, la croissance sera de 5,5 % en 2021 et encore de 4 % en 2022. Cette prévision est-elle réaliste ?

    L’activité économique du secteur public

    Dans le domaine public, l’Administration ayant été envahie par une bureaucratie tentaculaire, le niveau de l’activité n’a pas beaucoup baissé pendant la crise puisqu’une bonne partie des tâches pouvait être accomplies dans le cadre du télétravail imposé. Quant aux tâches qui nécessitaient la présence des agents, elles ne se sont pas non plus véritablement interrompues puisque les besoins de la police, des armées ou des hôpitaux ne se sont pas effondrés. Ajoutons à cela qu’avec la suppression de la taxe d’habitation, les communautés territoriales auront du mal à accroître demain leurs investissements. L’activité publique a donc peu de marge pour participer à un redémarrage significatif.

    Bien plus, Jean-Loup Bonnamy s’inquiète dans La Nef des effets de la crise en s’intéressant plus particulièrement au cas des hôpitaux : « C’est l’activité économique qui, grâce à des impôts et à des cotisations, finance notre système hospitalier. Si l’on contracte l’activité, il y aura moins de rentrées fiscales et sociales et donc moins d’hôpitaux, moins de lits, moins de respirateurs avec des soignants moins nombreux et moins bien payés ! » Pour sortir de ce cercle vicieux, il faudrait donc avoir les moyens de récupérer les cotisations et les moins-values fiscales enregistrées depuis un an. On comprend que le gouvernement veuille relancer rapidement la réforme des retraites, malgré les risques sociaux qu’elle pourrait à nouveau engendrer.

    Depuis le début de la crise sanitaire qui a mis l’activité économique en panne, le gouvernement a multiplié les aides avec de l’argent qu’il n’avait pas et qu’il a donc emprunté. Si, pendant cette période difficile, la Banque centrale européenne a accepté de mettre entre parenthèses les fondements de sa doctrine monétaire, il n’est pas évident que, si la croissance revient, des pays comme l’Allemagne ou les Pays-Bas acceptent que les « cigales » du sud ne reviennent pas rapidement à ce qu’ils considèrent comme l’orthodoxie monétaire. Dès lors, le risque d’une crise de l’euro n’est pas à exclure, pas plus que l’apparition de tensions inflationnistes. Dans ces conditions, la Banque de France pourrait être amenée à revoir ses prévisions. Mais, sans aller jusqu’à ces anticipations pessimistes, il faut voir quelles sont les difficultés auxquelles l’activité économique du secteur économique privé va être confrontée.

    L’activité économique du secteur privé

    Sur ce point, faut-il vraiment partager l’optimisme de la Banque de France sur l’augmentation de la productivité par tête ? En effet, dans les secteurs où l’activité se fait obligatoirement « en présentiel », toute période de chômage, surtout si elle dure un certain temps, fait perdre en savoir-faire et interrompt tous les automatismes facteurs de productivité. Il faudra bien un certain temps pour les retrouver. De plus, une partie des revenus des entreprises ne sera pas réinjectée immédiatement dans l’investissement productif car elle servira à rembourser les prêts garantis par l’État généreusement distribués pendant la crise.

    Un autre point semble pouvoir être discuté : c’est l’effet de la crise sur les habitudes des consommateurs. Le ministre de l’Economie lorgne fortement sur l’épargne accumulée par les ménages pour la récupérer au profit du secteur productif tandis que la Banque de France espère, pour sa part, que les Français vont les dépenser rapidement dans une consommation effrénée. Tout d’abord il est trop tôt pour que les Français dépensent ces sommes en loisirs et distractions ; et qu’en sera-t-il demain si ces activités sont réservées aux vaccinés porteurs d’un « passeport vert » ou d’un « pass sanitaire » ? Bonne nouvelle cependant, le « Travel pass », qui a pour but d’attirer les touristes étrangers à condition cependant que les restaurants et les bars soient à nouveau autorisés à les accueillir ; il pourrait aussi dissuader certains « Gaulois réfractaires » de se rendre à l’étranger et les conduire à faire du tourisme en France.

    L’analyse sur laquelle reposent les prévisions de la Banque de France est issue de modèles mathématiques – scientifiques, diraient les hauts-fonctionnaires qui ont envahi la sphère politique – et a du mal à quantifier les réactions psychosociologiques de la population. Or, on peut se demander si les nécessités issues du confinement ne vont pas laisser des traces sur le comportement des consommateurs. Ceux qui ont pris l’habitude de faire des courses par Internet, de recourir à l’e-commerce y compris pour leurs courses alimentaires, reprendront-ils, comme avant, le chemin des boutiques ? D’ailleurs, les commerces de quartier pourront-ils rouvrir compte tenu du manque à gagner déjà enregistré et de l’accroissement de leurs dettes ?

    En ce qui concerne les possibles évolutions du comportement, difficiles à évaluer a priori et dont les conséquences économiques peuvent cependant s’avérer importantes, il faut faire une place au télétravail. Est-ce que les personnes qui ont pris l’habitude de travailler chez elles vont facilement reprendre le chemin d’un bureau plus ou moins éloigné du domicile ? Est-ce que les entreprises qui ont goûté aux locaux désertés ne vont pas faire pression pour que tout le personnel ne soit pas présent sur site en même temps ? Ne va-t-on pas chercher à développer au moins les bureaux partagés entre plusieurs personnes qui s’y succèderaient comme cela est déjà le cas dans nombre de cabinets de conseil internationaux ? Cela pourrait donc peser sur l’immobilier de bureau tout comme les faillites annoncées de nombreux petits commerces pourraient aussi affecter les locaux commerciaux. Quelles seront donc les conséquences sur le marché de l’immobilier de bureau et sur la trésorerie des investisseurs immobiliers ? Cela ne risque-t-il pas de peser aussi sur la reprise économique ?

    Certaines activités perdues ne se retrouveront pas et ne redémarreront pas facilement. L’Union Sport & Cycle qui regroupe les entreprises du secteur des loisirs et du sport, considère en particulier que l’arrêt des remontées mécaniques a fait perdre au secteur plus de 73 % de l’activité. Et comme, pour l’instant, personne ne sait quand les Français retrouveront leur liberté, les intermédiaires du secteur ne se pressent pas pour passer des commandes aux fabricants qui ne sont pas près de remettre les chaînes de production en route. De même toute l’activité perdue par le secteur des transports ne se retrouvera pas… Autrement dit, même s’il y a une relance de la consommation, elle ne permettra pas aux industriels et aux commerçants de retrouver très vite un niveau de revenu qui leur permette d’investir et d’embaucher.

    Les conséquences financières

    Une relance de la consommation, plus rapide que celle de la production, aura aussi nécessairement des conséquences financières et monétaires. Soit elle entraînera une tension sur les prix – avec à la clé un risque d’inflation –, soit elle conduira à une augmentation des importations et pèsera directement sur la balance des paiements. En 2020, les exportations chinoises ont déjà augmenté de 18 %, essentiellement grâce au matériel sanitaire et au matériel électronique. D’autres pays n’ont pas arrêté de la même façon leur activité économique et pourraient donc avoir une opportunité de développer leurs ventes en France. Ce n’est pas sans conséquence que le PIB de la France ait reculé de 8,3 % en 2020 contre seulement 5 % pour l’Allemagne et 7,3 % pour la moyenne des pays européens. Cela est d’autant plus grave que la France a un secteur industriel et artisanal (qui nécessite une activité « en présentiel ») moins développé, ayant depuis de nombreuses années tout misé sur un secteur tertiaire dans lequel le télétravail est possible.

    Dans un tel contexte, la dette totale du pays va continuer à croître. Il paraît que cela ne pose pas de problème, depuis que l’on a découvert la « théorie monétaire moderne ». Mais, comme l’a confié au Point du 11 mars dernier celle qui s’en veut la grande prêtresse et qui conseille désormais le président américain Joe Biden, Stephanie Kelton, « il n’existe quasi aucune limite à l’endettement pour les États qui maîtrisent leur monnaie. […] Seule condition : que l’argent public injecté ne réveille pas le monstre de l’inflation ». Or, le gouvernement français ne maîtrise pas « sa » monnaie et il n’est pas sûr que les autres membres de la zone euro le laissent suivre une politique indépendante. Quant au phénomène d’inflation, il n’est pas aisément maîtrisable par les Pouvoirs publics car c’est autant un phénomène psychologique et sociologique qu’un phénomène monétaire et financier.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Le bal des prétendants, par Christophe Boutin.

    Ils sont nombreux, ils sont plein d’idées, ils ont un slogan, ils font un petit tour, les médias les testent, l’Élysée les toise, ils repartiront.

    L’une après l’autre, les mêmes unes sur papier glacé ornent les devantures des derniers kiosques à journaux parisiens, les rayons des Relay des gares et les façades des tabacs de province.

    3.jpgL’une après l’autre se succèdent les mêmes photographies d’hommes et de femmes, prises de trois-quarts en plan américain, dans cette belle lumière qui leur donne l’air de penseurs – celle-là même avec laquelle Yann-Arthus Bertrand a si bien su mettre en valeur les bœufs charolais. L’une après l’autre elles sont ornées de titres agençant sous des formes diverses les trois mêmes éléments, Candidat, Droite et 2022 qui forment la basse soutenue de cet ostinato politique.

    Feuilletons un instant l’album de cette famille rassemblée malgré elle. Il y a François Baroin, gendre idéal sur lequel l’âge ne semble pas avoir de prise, que l’on presse d’être candidat mais qui s’y refuse encore, sans que l’on comprenne bien si c’est parce que sa compagne ne supporte pas la décoration de l’Élysée revue par Brigitte Macron ou parce qu’il n’a pas envie de prendre des coups. Il y a le Vendéen, Bruno Retailleau, qui entend bien être en 2022 ce que n’a pas pu être François Fillon en 2017, l’homme qui récupère les électeurs enfuis chez Marine Le Pen sans pour autant faire peur à ceux du centre. Il y a le président des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, annonçant à qui veut l’entendre qu’il est le seul, grâce à ses réseaux, à pouvoir sauver la France de l’extrême gauche de Jean-Luc Mélenchon et de l’extrême droite de Marine Le Pen. Il y a Valérie Pécresse qui, dirigeant l’Île-de-France, se sent d’autant plus naturellement des ambitions nationales que certains prophètes évoquent l’arrivée d’une femme au pouvoir suprême. Il y a Laurent Wauquiez, qui a dû laisser la direction du parti sous la pression et semble s’être décidé à abandonner sa parka rouge pour relancer sa carrière. Il y a Michel Barnier, toujours persuadé qu’il méritait la présidence de la commission européenne, et qui accepterait celle de la République française comme lot de consolation. Il y a François-Xavier Bellamy, Versaillais chimiquement pur, qui croit pouvoir faire bouger les choses au Parlement européen. Il y a les petits nouveaux révélés par la crise sanitaire, le pragmatique maire de Cannes David Lisnard, le parisien Philippe Juvin, qui se dit que la droite aurait bien besoin de ses compétences d’anesthésiste-réanimateur. Il y toujours quelque part dans l’ombre Nicolas Sarkozy, juridiquement mort le soir, en pleine santé politique le lendemain, l’homme du karcher dont certains craignent le ralliement à Emmanuel Macron. Et puis il y a les autres, tous les autres, les nouveaux, les « hors-système », dont on teste les noms, au cas où. Il y a le brav’ général de Villiers, ancien chef d’état-major des armées qui tente de faire croire qu’il peut remettre de l’ordre dans les banlieues parce qu’il a connu le temps du service national. Il y a Éric Zemmour, le polémiste et écrivain talentueux à qui certains ne pardonnent pas de faire s’envoler les ventes et les taux d’audience, et qu’ils aimeraient bien entraîner sur le terrain politique pour qu’il connaisse enfin une défaite.

    Mais à quoi ça sert ?

    Une semaine, rarement plus, telle semble être la durée du quart d’heure warholien accordé par les médias à ces potentiels futurs opposants de la « droite républicaine » – l’expression totalement démonétisée ressort parfois sous la plume de pigistes fatigués – qui pourraient menacer le jupitérien hôte de l’Élysée en 2022. Pourquoi ces incessants changements, pourquoi ce kaléidoscope mêlant les seconds couteaux de toujours à d’improbables nouveaux venus ? À cela, il y a sans doute plusieurs explications.

    La première, et peut-être la plus évidente, est qu’il n’y a pas de candidat de droite désigné… et qu’on ne sait même pas comment le désigner. Christian Jacob, qui dirige le parti, croit dur comme fer à l’émergence de « candidats naturels » s’imposant comme des évidences, mais on est loin encore de De Gaulle ou Jeanne d’Arc. Pas question pour lui en tout cas de ces machines à perdre que seraient les primaires, ce à quoi souscrit pleinement un Xavier Bertrand qui veut croire que sa victoire aux régionales traduira l’attente de tout un peuple. Mais Gérard Larcher ou Bruno Retailleau considèrent, eux, que sans primaires une multiplication des candidatures serait catastrophique pour passer l’obstacle du premier tour. Des primaires, donc, mais lesquelles ? Internes à LR, comme pour Retailleau, qui n’a pas oublié comment François Fillon a bénéficié de l’écart entre les vœux des caciques du parti et ceux des militants ? Ouvertes au centre, et plus si affinités, comme pour Valérie Pécresse, qui se souvient elle aussi très bien de 2016 mais prétend juste anticiper ainsi les ralliements du second tour ?

    Primaires ou pas, il semble clair en tout cas que la personnalité de l’intéressé comptera au moins autant que son programme tant ces derniers se ressemblent. Tous sont en effet composés de trois éléments : un tiers régalien d’abord (sécurité et défense), pour tenter de faire revenir les électeurs partis depuis longtemps chez Marine Le Pen et de rassurer les indispensables résidents des Ehpad qui constituent une part non négligeable de cet électorat ; un tiers sociétal ensuite (vivre-ensemble et création artistique), pour que les centristes et quelques socialistes acceptent de venir voter LR lors d’un éventuel second tour ; un tiers économique enfin (Union européenne et mondialisation heureuse), pour confirmer qu’il n’y aura pas de changement en la matière aux pouvoirs qui soutiendront leur candidature.

    Car ce qu’ont sans doute compris la plupart de ces politiques, c’est la nouvelle donne pour arriver au pouvoir suprême. Il fallait autrefois mettre la main sur un parti, contrôler ses militants et, surtout, ses finances, mais le candidat désigné n’était pas toujours celui espéré – on se souviendra de l’échec inattendu du « meilleur d’entre nous » qui devait quitter Bordeaux pour l’Élysée. Mais en 2017 l’« écurie présidentielle » ne dépendait plus du contrôle d’un parti mais du soutien direct à un candidat. Emmanuel Macron l’a amplement démontré, être élu suppose maintenant de réussir un recueil de fonds à l’américaine pour sa campagne et de bénéficier de l’appui de médias qui veillent à promouvoir l’Élu et à détruire en vol ceux qui pourraient contrarier son arrivée au pouvoir. On comprend dès lors que soient présentés aussi facilement aux Français ces multiples candidats « en rupture de partis » ou « indépendants ».

    Mais pourquoi on en parle ?

    Mais d’où vient que ces candidatures d’opposants à l’actuel hôte de l’Élysée soient si facilement évoquées ? En dehors de la nécessité affichée de préserver le pluralisme démocratique, cela relève d’abord de la simple prudence : un accident démocratique est vite arrivé, les Français pouvant avoir envie de changer d’air après les années de confinement, et Emmanuel Macron, comme François Hollande, pourrait ne pas se représenter, ou, comme Lionel Jospin, ne pas être présent au second tour. Cela permet ensuite d’évaluer l’impact de ces candidats sur l’opinion, non pas tant, on l’a dit, celui de leur programme que celui de leur image, comme pour n’importe quel produit. Cela permet enfin de favoriser leur compréhension des enjeux : en les amenant au crash-test des sondages où ils restent dix points derrière Emmanuel Macron et Marine le Pen, on leur fait clairement comprendre qu’ils ne sont rien par eux-mêmes, et à qui ils devront être redevables s’ils sont retenus après ce casting.

    Quant à l’ouverture dudit casting, elle résulte de la nécessité de disposer d’un panel suffisant de profils différents pour pouvoir répondre dans l’urgence aux besoins du moment. Certes, cette situation de remplacement de l’hôte élyséen supposerait sans doute de jouer sur le « dépassement des clivages », surfant sur l’idée d’une Union nationale nécessaire pour sortir de la crise – une thématique effectivement plus difficile à défendre pour le maître des horloges qui aura été au cœur du réacteur en surchauffe. Mais une telle thématique peut avoir à s’adapter à des évènements plus ou moins prévisibles (troubles intérieurs, rapports à l’Union européenne, crise financière…), supposant alors pour prétendre y répondre des acteurs différents, dont l’image, résumée à un slogan (la proximité, l’autorité, la compétence, l’ouverture…), permettra d’oublier la trop évidente similitude des décisions qu’ils prendront avec celles de leurs prédécesseurs. Car c’est ainsi que la démocratie est grande.

     

    Illustration : Xavier Bertrand contemple avec inquiétude les sondages que lui présente un de ses partisans. Non seulement il est loin derrière Macron et Le Pen, mais en plus il ne réunit que les plus bourgeois.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Êtes-vous FLoCés ?, par Laurent Gayard.

    En plus des différentes applications développées au fil des ans, qui permettent à leur écosystème informatique et économique de s’étendre sans cesse, les créateurs de Google sont aussi de grands amateurs de poissons d'avril. Le tout premier fut Mentalplex, mis en ligne le 1er avril 2000.[1]

    3.jpgMentalplex était supposé offrir un service révolutionnaire basé sur la lecture des ondes cérébrales des utilisateurs afin de suggérer les résultats de recherche les plus pertinents. Pour cela, Mentalplex demandait à l’internaute de « retirer chapeau et lunettes » et de fixer intensément un cercle concentrique tourbillonnant situé à gauche de l’écran afin de « projeter l’image mentale de ce que vous désirez obtenir », l’image devant apparaître au bout de quelques secondes dans le cercle permettant à l’utilisateur de cliquer dessus pour accéder aux résultats de recherche. Le poisson d’avril proposait même une page d’aide expliquant que Mentalplex était même capable d’anticiper les requêtes avant qu’elles ne se forment dans l’esprit de l’internaute en faisant usage d’« 1,3 milliards de variables » parmi lesquelles « les cinq sites que vous avez visités avant d’arriver sur Google », « la pression de l’air, l’humidité et le taux d’ozone », « la configuration astrologique au moment de la visite », « la rapidité et l’angle des mouvements de la souris », « l’aura personnelle et l’activité cérébrale ». À la question « Mentalplex viole-t-il votre vie privée ? », les auteurs du poisson d’avril répondaient avec amabilité que « tandis que Mentalplex a la capacité de connaître vos secrets et désirs les plus intimes, ces informations sont uniquement utilisées à des fins statistiques et rarement vendues à des publicitaires à moins que ceux-ci le demandent très très gentiment. » En 2002, Sergueï Brin et Larry Page prétendirent aussi révéler le secret qui se cachait derrière le succès de leur algorithme de recherche PageRank, en réalité un principe révolutionnaire, PigeonRank[2], censé utiliser des milliers de pigeons chargés de reconnaître sur un écran les résultats de recherche les plus pertinents en tapant avec leur bec sur une touche du clavier. Ces bonnes blagues font moins rire vingt ans plus tard, alors que l’omniprésente entreprise est accusée de faire usage de tous les moyens à sa disposition pour s’emparer des données personnelles de ses utilisateurs afin de les revendre à ses partenaires ou de les utiliser à son profit pour améliorer la rentabilité de son service de régie publicitaire, Google AdSense, et concevoir des campagnes de publicités ciblées toujours plus efficaces.

    Empreinte numérique

    Comme le révèle aujourd’hui l’Electronic Frontier Foundation, ONG internationale de protection des libertés sur Internet basée à San Francisco et fondée en 1990, Google teste actuellement un nouvel outil baptisé du joli nom de FLoC, pour « Federated Learning of Cohorts ». D’après Google, l’expérimentation concerne 0,5% des utilisateurs du célèbre moteur de recherche en Australie, au Brésil, au Canada, en Inde, en Indonésie, au Japon, au Mexique, en Nouvelle-Zélande, aux Philippines et aux États-Unis mais elle a vocation à s’étendre à un plus grand nombre de pays[3]. FLoC est un nouveau type d’application, un algorithme intégré au navigateur qui passe en revue l’historique. À partir de l’ensemble des informations récupérées, FLoC détermine des catégories d’utilisateurs, rassemblant des profils similaires, auxquels sont attribués un label – dénommé FLoC ID – permettant de les identifier plus facilement lors de leur pérégrinations sur Internet. Jusqu’à présent, le traçage des utilisateurs est opéré différemment. Les sites visités archivent sur votre navigateur des informations (adresse du site, titre du site, etc.) qui vous permettent de vous connecter plus rapidement la fois suivante. C’est ce que l’on appelle des cookies. Mais ces cookies peuvent être récupérés facilement dans un but commercial afin notamment de vous adresser des publicités ciblées. Les logiciels utilisés pour tracer l’activité des utilisateurs d’Internet peuvent même aller plus loin. Quand vous effectuez une requête sur un moteur de recherche ou que vous visitez un site web, cette requête est enregistrée, archivée et répercutée auprès d’autres intervenants et tierce-parties liées au site que vous visitez, qui utilise des logiciels de traçage web pour en apprendre beaucoup plus sur vous : adresse IP, localisation géographique, le système d’exploitation que vous utilisez et même la configuration de votre machine. C’est ce qu’on appelle une « empreinte numérique » qui peut être utilisée à de multiples fins mais principalement pour vous noyer sous les spams et la publicité. L’usage intensif des cookies et logiciels de traque publicitaire au cours des dernières décennies pose évidemment quelques soucis légaux, en ce qui concerne en particulier la protection de la vie privée.

    Contourner le RGPD

    Pour passer outre cette épineuse questions et les désagréables critiques qu’elle suscite vis-à-vis de la firme de Mountain View, Google a théorisé avec FLoC une nouvelle manière d’identifier les profils utilisateurs sans se voir accusée de s’introduire avec indiscrétion dans leur historique de navigation. En clair, ce ne sont plus des logiciels tiers qui vont discrètement – et illégalement – explorer l’historique de votre navigateur mais votre navigateur qui se charge d’établir tout seul lui-même, comme un grand, votre profil utilisateur, en fonction des sites visités, et qui peut partager ce profil avec des tierces-parties. La proposition est résumée par ses concepteurs sous le joli nom de Turtledove, « tourterelle », en anglais, à croire qu’on entretient chez Google une fascination particulière pour les colombiformes… « L’initiative TURTLEDOVE consiste à offrir un nouveau protocole [publicitaire] qui offre des garanties vis-à-vis du respect de la vie privée. Le navigateur, et non le publicitaire, détient les informations concernant les centres d’intérêt de l’utilisateur. »[4] C’est pratique à plus d’un titre. Puisque le navigateur lui-même établit le profil de l’utilisateur et l’intègre à un groupe correspondant à un profil publicitaire “choisi”, cela donne à l’utilisateur l’illusion d’être protégé contre les intrusions non désirées et l’usage non voulu de son historique ou de ses cookies. Cela prémunit surtout Google contre le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données), mis en place par la pénible Union Européenne, et qui punit en théorie la captation et la rétention de données de navigation et de données privées sans l’accord de l’internaute. Plus de collecte ni de rétention non autorisées des données, désormais c’est le logiciel de navigation lui-même qui pourra partager avec les sites et partenaires publicitaires choisis des informations telles que : « Hey ! Les gars ! Mon utilisateur aime les chatons et les céréales riches en fibre ! » Problème réglé.

    Le traçage volontaire

    Avec le projet FLoC et ses tourterelles de la publicités ciblées, Google entend donc inaugurer une nouvelle ère : celle du traçage volontairement consenti par l’utilisateur et même facilité par les applications qu’il aura librement choisi d’installer sur son téléphone ou son ordinateur. Car Google aurait tort de se priver. Pour une grande partie de l’opinion, tout ceci reste une abstraction numérique, peu dérangeante en regard des services proposés. Bien sûr, il est toujours possible d’utiliser un VPN pour s’assurer d’une navigation confidentielle. Bien sûr on peut utiliser Firefox, Brave ou Opera au lieu de Chrome pour naviguer sur Internet, et Protonmail au lieu de Gmail[5]. Et pourtant 95% des recherche par mots-clés sont effectuées chaque jour dans le monde sur Google. La majorité des utilisateurs font usage de Chrome et Gmail compte 1,5 milliards d’abonnés. Depuis les débuts de son existence, Google, avec ses poissons d’avril, dit à ses utilisateurs les choses telles qu’elles sont. Mais comme ceux-ci ne semblent pas dérangés qu’on les prenne pour des pigeons, il n’y a pas vraiment de raison pour que cela cesse.

     

     

    [1] Archives Google Mentalplex : https://archive.google.com/mentalplex/

    [2] https://archive.google.com/pigeonrank/

    [3] Pour savoir si vous êtes déjà « flocé », rendez-vous sur le site de l’EFF : https://amifloced.org/

    [4] Description de TURTLEDOVE publiée par Michael Kleber sur le site de développement github le 12 mai 2021. https://github.com/WICG/turtledove

    [5] Quelques conseils utiles : https://coveryourtracks.eff.org/learn

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/