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Rechercher : Rémi Hugues. histoire & action française. Rétrospective : 2018 année Maurras

  • Histoire de l’Égypte, par Jean Viansson-Ponté.

    Bernard Lugan déroule sur cinq millénaires (15 000 ans si l’on inclut les premières pages qui évoquent la période prédynastique ) cette Histoire de l’Égypte des origines à nos jours, chronologie d’un espace majeur du monde méditerranéen. Les facteurs climatiques, théologiques, politiques, sociaux, économiques, géographiques, militaires se combinent dans un récit captivant et éclairant.

    2.jpgÉnoncer la méthode ne résume pas ce livre simple et magistral qui donne aux lecteurs des clés de compréhension ô combien actuelles. Au long de cette vallée du Nil, un ordre originel se dégage qui intègre les hommes, la terre et les dieux. Les luttes et les rapports de force se fondent dans une vision du monde structurante en phase avec les cycles naturels et « immuables » – le fleuve, le soleil, les astres – qui prélude à une autre Révélation dont les racines s’ancrent aussi dans cette terre. Christiane Desroches-Noblecourt l’avait discerné, notamment dans sa biographie de Ramsès II. C’est d’Égypte que Moïse est parti, c’est là que la Sainte Famille s’est réfugiée lorsque sa survie était compromise.

    La succession des dynasties pharaoniques connut des ruptures, avec, un temps, une domination libyenne, puis assyrienne, jusqu’à l’arrivée d’Alexandre le Grand, puis la domination tardive de Rome. Le théâtre est vaste, les acteurs viendront jouer leur partie dans ce creuset depuis le Maghreb jusqu’à l’Arabie, depuis l’actuelle Turquie jusqu’au Soudan, longtemps terre chrétienne.

    Mais qui se souvient que la conquête arabe, au début du Xe siècle, fit éclore en Égypte un califat fatimide, chiite, originaire de Kabylie, s’opposant aux Abassides de Bagdad ? Puis vinrent les Berbères fatimides, qui régnèrent sur tout le Maghreb et s’étendirent jusqu’au Sinaï. Qui se souvient que les chrétiens, partie intégrante du paysage, furent acteurs intégrés au départ avant de devenir, par étapes, portion congrue, peu à peu écartés puis au final quasi éliminés, hormis les coptes en Égypte ?

    Ensuite pendant cinq siècles, de 1250 jusqu’à l’expédition française de 1898, le sultanat Mamelouk s’installa durablement. Classe d’esclaves guerriers « exclusivement blancs », razziés en Asie Centrale, en Russie et au Caucase, les Mamelouks formaient une aristocratie non héréditaire sélectionnée sur des critères guerriers. Arbitres lors du choix des sultans, souvent par la violence, ils contribuèrent à l’extension de l’Islam. Il est surprenant de relever que deux entités d’origine extra-orientale, les Mamelouks en Égypte et les Janissaires dans l’empire Ottoman, furent les bras armés de la conquête islamique.

    Nous revisitons ensuite l’expédition de Bonaparte, qui mit fin au sultanat mamelouk, se solda par un glorieux échec stratégique, mais entraîna une redécouverte de l’Égypte et, par la mise en œuvre de sciences et techniques appliquées à la gestion du territoire, amena l’éveil d’élites locales, voie d’entrée du pays dans une dynamique contemporaine. Le pays s’émancipe vraiment après la Première Guerre mondiale, puis l’échec de la tutelle britannique. Rôle du canal de Suez, naissance des frères musulmans, seconde guerre mondiale, logiques pétrolières, rôle de Nasser et des « officiers libres », le panorama des évolutions de la région se déroule, faisant ressortir les permanences de « noyaux durs » : certains persistent depuis les temps antiques, comme la dualité Cyrénaïque/Tripolitaine en Libye… La mémoire longue est bien une condition de la lecture pertinente de l’histoire !

    Ce livre se lit comme un roman, rendant moins exotique et moins hermétique « l’Orient compliqué ». Loin des jugements et des polémiques, il suffit de suivre le « fil bleu » allant du delta aux sources du Nil, pour mieux comprendre l’histoire d’un grand pays dont les péripéties ne nous sont pas aussi étrangères qu’on pourrait le penser.

    Bernard Lugan, Histoire de l’Égypte. Des origines à nos jours. Le Rocher, 216 p., 22,50 €.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Histoire & Actualité • Les commémorations ont encore de la gueule dans certains pays

     

    blue-wallpaper-continuing-background-wallpapers-bigest-images - Copie.jpgLes célébrations de la Victoire commencent à Moscou par le défilé militaire sur la place Rouge. Cela mérite d'être regardé, n'est-ce pas ? Avec un rien de regret et d'envie ... Superbe ! 

     

     

    Le commentaire de RT France

    Ce 9 mai, la Russie célèbre le 74e anniversaire de la victoire sur l'Allemagne nazie. L'URSS, dont la Russie est l'héritière, a subi les plus grosses pertes humaines de la Seconde Guerre mondiale avec plus de 27 millions de victimes.

    La Russie commémore ce 9 mai le 74e anniversaire de la victoire sur l'Allemagne nazie. Des défilés ont lieu dans plusieurs villes du pays afin de rendre hommage aux nombreuses victimes soviétiques du conflit qui a fait 27 millions de morts en URSS.

    Comme de coutume, un grand défilé est organisée sur la place Rouge à Moscou. Des centaines de véhicules militaires, soldats et officiers traversent chaque année la célèbre place moscovite depuis 1965, date du 20e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, connue comme la «Grande Guerre patriotique» en Russie. Après l'effondrement de l’URSS, cette tradition avait été brièvement interrompue, avant de reprendre en 1995.  

  • Café Histoire de Toulon, ce mercredi 20 décembre avec Alain Vignal

     

    En clôture de sa seconde année d'activités culturelles, le Café Histoire de Toulon rappelle la causerie du 20 décembre 2017 par Alain Vignal, sur le thème : Comprendre les fête calendales et illustrée par Dominique Struyve à partir d'un texte de Frédéric Mistral.

    Noel arrive ! Connaissez-vous les fêtes calendales ? Savez vous que les provençaux appellent Royaume (Lou Reiaume) la galette des rois ? Dans notre société en perte d'identité, vous êtes curieux de mieux comprendre les racines de la Provence. Alors venez écouter Alain Vignal, membre de l'Académie de Toulon, qui vous expliquera les racines chrétiennes des fêtes calendales tandis que notre fidèle amie Dominique Struyve vous fera découvrir un extrait des très belles mémoires de Mistral. Alors vous pourrez reprendre notre vieux chant de Joie :

    De buon matin, ai rescountra lou trin,
    De très grand rèi qu'anavoun en vouiage...
     

    Le Grall, Pub associatif des missionnaires de la Miséricorde (adhésion 1 €)
    377 avenue de la République , 83000 Toulon
    La soirée pourra se poursuivre autour d’une pizza (Participation aux frais)
    Contact : cafehistoiredetoulon@gmail.com

  • Histoire de l'Afrique (2e édition), par Bernard Lugan.

    3834054413.71.jpgSource : http://bernardlugan.blogspot.com/

    Aboutissement de plus de quarante années de recherches à travers le continent africain, ce livre n’a aucun équivalent, tant dans le monde francophone qu’anglophone.

    Pour la première fois, une histoire globale faite par un seul auteur, ce qui lui donne son homogénéité, rassemble les Afriques nord et sud-saharienne, déroulant la longue durée du continent, de – 10 000 ans à 2020.

    bernard lugan.jpgChangements climatiques déterminant la mise en place des populations et la naissance des sociétés étatiques, au premier rang desquelles l’Égypte des pharaons ; conquête arabo-musulmane ; empires et royaumes précoloniaux ; grandes découvertes ; traites esclavagistes, européenne et musulmane ; colonisation ; décolonisation ; guerre froide ; démocratisation ; réveil de la tectonique ethnique… L’histoire des peuples africains est une succession de chocs violents entre des modèles extérieurs et des constantes identitaires locales qui ont su résister au temps, telle l’opposition entre pasteurs et agriculteurs qui explique nombre de conflits actuels.

    Inscrites dans la longue durée, les crises de la bande saharo-sahélienne, de la Libye, de l’Afrique du Sud, de la Somalie, de la région du Kivu et de l’Ituri, etc., deviennent enfin intelligibles au lecteur, lequel s’élèvera ici bien au-dessus des stéréotypes idéologiques ressassés par tant d’africanistes francophones contemporains pour accéder à la vérité profonde de l’Afrique.

    Cette re-édition est refondue en profondeur pour tenir compte des nouvelles découvertes, tant dans le domaine des origines de l'homme que dans celui des grandes évolutions de l'historiographie et des évènements  intervenus depuis la première édition de 2008.

    - 1160 pages, 
    - 200 cartes et planches dont une quarantaine de cartes en couleur.

    Disponible en librairie et sur Amazon.

    Disponible à l'Afrique Réelle avec envoi par colissimo.

  • Histoire & Actualité • Black M: ça dé-rappe pas mal à Verdun

     

    par Slobodan Despot

    Ce Dimanche 29 mai, le Président François Hollande et la chancelière Angela Merkel commémoreront les 100 ans de la bataille de Verdun. 

    La mémoire otage de la polémique : Pour rendre l’hommage que les morts méritent, il faut des gestes absolument solennels, absolument simples, absolument impartiaux. De la musique classique, par exemple, mais certainement pas du rap. C'est ce que Slobodan Despot expose ici - assez longuement - [Causeur 25.05] en termes très justes, stimulants et nobles ; et quand il écrit : « Les morts de Verdun et des autres golgothas de la Grande Guerre demeurent l’unique trait d’union entre tous les vivants de la France moderne, nation profondément divisée. Tragiquement, obstinément divisée par sa Révolution, maladie qu’elle a exportée vers le reste du monde, et dont tout le monde cherche à se remettre… sauf son foyer originel » c’est bien intéressant. Nous sommes attentifs. Approbatifs ...  LFAR

     

    Il n’y a pas de hasard, même quand on s’appelle Samuel Hazard, qu’on est maire de Verdun et qu’on a l’idée loufoque de convier un rappeur pour fêter — pardon : commémorer — le centenaire de la plus funeste bataille de tous les temps.

    Il n’y pas de hasard chez Hazard, mais il y a du danger (hazard en anglais). Un danger dont M. Hazard et ceux de sa coterie dirigeante n’avaient peut-être pas conscience et qui a abouti à l’annulation de leur happening.

    Petit préalable linguistique

    Les réseaux sociaux sont entrés en ébullition sur leur aile droite sitôt l’annonce du concert de Black M. Comment pouvait-on placer, hurlaient-ils, un tel événement sous le patronage d’un « rappeur antifrançais » ? Je déteste les pléonasmes. Un « rappeur antifrançais », c’est comme un « arrosoir mouillant ». Le rap est afrançais dans le meilleur des cas, étant importé sans sous-titres des ghettos de New York. Quoi ? On me dit qu’ils « râpent » en français ? Voyons ! L’accentuation d’une langue est son premier signe distinctif, et celle du rap dit français véhicule la phonétique d’une langue étrangère. Heureusement, cela a pour vertu d’entraver la compréhension des textes.

    Pour ma part je m’arrête là. Que ces MM. Casquette-à-l’envers soient antifrançais tombe sous le sens, même quand tout sens leur est étranger. Le caractère culturellement hostile du genre est peut-être difficile à capter pour la troisième génération de Français abreuvée de musiquettes anglosaxonnes hâtivement traduites. Si les grands-pères ont pu avaler le trémoussement écervelé des yéyés, comment reprocher aux petits-fils de gutturaliser leur parler ordinaire et de systématiquement mettre l’accent sur la première syllabe à la manière de Cabrel ?

    Dilemmes musicaux

    Les patriotes français n’auraient pas dû s’emporter contre M. Hazard, ni l’abreuver d’insultes jusqu’à lui faire annuler son spectacle. Cette campagne prouve leur manque de discernement. Ils auraient dû au contraire lui être reconnaissants. Black M n’est « représentatif » de la France d’aujourd’hui qu’aux yeux des propagandistes du melting pot global et de quelques communautés bien définies. Il ne risquait en aucun cas de « détourner » ou de « brouiller », ni même de « salir » la mémoire de Verdun. Au contraire, les indignations qu’il soulevait allaient bien au-delà du camp qui vote FN. Chaque famille française, qu’elle soit de droite ou de gauche, a laissé des ancêtres dans ce charnier et la simple idée de chanter sur leurs sépultures doit révulser plus de cœurs qu’on n’ose se l’avouer. En obtenant son bannissement, on l’a mis, lui et ses soutiens, dans la position enviable de victimes.

    Ce qui étonne, dans cette affaire, c’est la parfaite incongruité de l’ensemble. Avec un peu d’habileté, la mairie de Verdun aurait pu rassembler plutôt que diviser. Mais était-ce son but ?

    Il existait jusqu’il y a peu, et il existe encore dans certains pays, une musique taillée sur mesure pour les événements de ce genre. Cela s’appelle le classique. C’est vieillot, mais approprié. A Verdun, le Requiem de Fauré s’imposerait de lui-même. Sur les ruines de Palmyre, Assad et Poutine ont dépêché un grand orchestre symphonique, non le chanteur pop à la mode qui aurait « rallié les jeunes ». Mais la France n’est ni la Russie ni la Syrie. Au pays de festivus festivus, on enterre les morts aux sons des Rita Mitsouko « parce que le défunt les aimait bien et qu’il aurait voulu qu’on s’éclate plutôt que de faire la gueule ». Au pays de festivus festivus, la musique solennelle et l’état d’âme qui y correspond sont du dernier ringard. Le choix qui s’offrait à M. Hazard était donc, somme toute, assez restreint.

    Mais on aurait pu monter par exemple un opéra rock sur Les héros de Verdun avec Johnny dans le rôle de Joffre et Nina Hagen dans celui de von Falkenhayn, version trans. Un spectacle bling-bling-consensuel qui aurait été au patriotisme ce que les Enfoirés sont à la solidarité sociale. Avec une bonne orchestration et des paroles débordantes de pathos, on aurait « fait vibrer » toute la France frivole, c’est-à-dire beaucoup de monde. Mme Hollande et M. Merkel auraient pu monter sur scène sous les ovations, et les détracteurs de ce kitsch tudesque eussent passé pour de vils ronchons. Esbroufe, émotion, confusion : « Certes, c’est démago ! Mais quels beaux airs ! Quels interprètes ! »

    Or il n’en est rien. M. Hazard n’a rien trouvé de mieux que de convoquer l’antidote parfait à toute tentative de consensus national, le répulsif absolu. Offrant du même coup la mémoire de Verdun, malmenée mais intacte, tout entière aux forces de la réaction. Sur un plateau ! Comme on leur a offert Jeanne d’Arc. Comme s’il préparait secrètement son passage au FN…

    Un succès continu dans l’échec

    A tout bien prendre, il est surprenant qu’un pouvoir démonétisé n’ait pas su plus habilement exploiter une telle commémoration. Les morts de la Grande Guerre sont l’un des rares sujets sur lesquels les Français, en gros, peuvent tomber d’accord. Une de leurs dernières valeurs sacrées, également. Or que fait-on ? On s’empresse de les bafouer en invitant, littéralement, des rappeurs à danser sur leurs tombes.

    La symbolique de ce geste absurde est multiple et, à chaque fois, hautement significative.

    Tout d’abord, elle s’inscrit dans une course à l’abîme engagée de longue date. Pour tomber aussi bas dans l’estime de ses sujets — pardon : de ses concitoyens —, le pouvoir français n’a pas seulement failli sur les indices matériels de la gouvernance : chômage, sécurité, niveau de vie, prestige international. Il a aussi, et surtout, multiplié les provocations symboliques comme s’il avait voulu s’aliéner des franges de plus en plus vastes de l’électorat.

    Quelle urgence y avait-il à mobiliser la crédibilité et les ressources de l’État autour du Mariage pour tous, qui ne concerne, en tout état de cause, qu’une part très mince de la population ? A-t-on songé que l’électeur de base, fût-il socialiste, qui peine à boucler les fins de mois, pouvait avoir sur cette urgence une opinion très différente de celle de l’« intelligentsia créative » du Marais et de la Rive gauche ? Seule conséquence à portée historique : l’émergence par contrecoup de la Manif pour tous, embryon d’une Tea Party à la française.

    Quel besoin avait-on d’imposer des vulves conceptuelles à Versailles et des arbres de Noël en forme de plug anal sur des places où se promènent les familles ? D’inventer des ministres de la Culture qui ne lisent rien, pas même le prix Nobel français ?

    Qu’avait-on à soutenir diplomatiquement, au Moyen-Orient, des terroristes sanguinaires que les structures de sécurité du même État français considèrent comme une menace de premier plan ?

    Quel goût étrange, enfin, suggérait-il de perturber la paix des morts qui ont défendu la patrie avec des spectacles qui martèlent à grands coups de décibels le triomphe de l’étranger ? Voulait-on donner raison à Renaud Camus en attestant que les ex-colonies, sous tutelle anglo-saxonne, avaient déjà accaparé le pouvoir culturel en France, faute d’avoir physiquement remplacé sa population ?

    On observe dans les régimes à la dérive ce besoin de scandaliser leur propre population, comme s’ils voulaient inlassablement se donner des garanties de leur toute-puissance. Nous reviennent en mémoire l’élévation du cheval de Caligula au rang de sénateur, les palais blancs de Ceausescu dans une Roumanie crevant de faim, l’ostentation Duvalier et les mille carnavals africains.

    Le pouvoir des symboles

    Ceci nous conduit à un rapprochement hautement symbolique. Le projet de rap à Verdun survient au moment même où la France est gouvernée par diktat. Le recours à l’article 49.3 pour faire passer une loi sur le travail sans doute nécessaire revient à assommer le malade pour lui administrer un vaccin. Il achèvera de discréditer l’économie libre et de conforter dans son assistanat une nation dont les conditions de travail sont parmi les plus socialisées et les plus protégées en Europe. Encore un contrecoup (non) désiré ? La France serait-elle gouvernée à coups d’oxymores ?

    A ce point, un autre parallèle s’impose. Au moment même où les manifestations se multiplient en France, la Russie fête le jour de la victoire sur le nazisme, goujatement boudée par les Occidentaux. Au moment où le chef de l’État français, d’une impopularité jamais vue dans l’histoire, s’entoure de robocops, le chef de l’État russe assiste au défilé militaire au ras du sol, à hauteur d’homme, et non du haut de la fameuse tribune des apparatchiks. A l’heure où le pouvoir français délègue aux rappeurs le soin de commémorer ses combattants, le chef de l’État russe prend la tête du Régiment immortel en brandissant la photographie de son père, combattant et blessé de guerre. Ces symboles, qui ont dû impliquer un effort de sécurité colossal, sont d’une puissance historique.

    Changer de paradigme

    Mais il serait faux de réduire cet abîme à une affaire de personnel. Verdun est un symbole trop lourd et trop vaste pour la France actuelle, quels qu’en soient les dirigeants.

    Les morts de Verdun et des autres golgothas de la Grande Guerre demeurent l’unique trait d’union entre tous les vivants de la France moderne, nation profondément divisée. Tragiquement, obstinément divisée par sa Révolution, maladie qu’elle a exportée vers le reste du monde, et dont tout le monde cherche à se remettre… sauf son foyer originel.

    Pour leur rendre l’hommage que ces morts méritent, pour parachever le service qu’ils ont rendu à la nation, il faut des gestes absolument solennels, absolument simples, absolument impartiaux. Il s’agit de réintégrer dans un même corps les deux moitiés d’une âme déchirée sans qu’aucune ne s’y sente humiliée. Aucune idéologie ne peut accomplir cela à elle seule. C’est pourquoi la Russie a restauré sa foi sans renier son passé soviétique. C’est pourquoi son armée qui n’a pas changé ses insignes rouges défile derrière le signe de croix de son ministre de la Défense… lui-même bouddhiste. Les Russes, renaissant après quatre générations de cauchemar communiste, ont compris cette simple vérité encore totalement inaccessible aux élites françaises : que l’idéologie, c’est la division.

    Pour accomplir sa réunification, la France n’a pas besoin de héros. Mais elle a besoin de gens humbles, sans idéologie et impartiaux. Ce qui est peut-être encore plus rare.

    La tactique du Diable

    Mais les polémiques créées autour de Verdun vont masquer encore un autre aspect de cet héritage, peut-être le plus important à l’échelle de l’humanité. Le message Verdun dépasse les frontières de la France et les bornes de 14-18. Il est époqual : il nous fait entrer, tous, dans une autre époque.

    Dans le pays où je suis né, en Serbie, on a connu aux côtés des Français le versant héroïque de la Grande Guerre : les Dardanelles, le front de Salonique. D’où cette fraternité d’armes qui s’est transformée en fraternité tout court entre nos nations. Mais Verdun, la Somme, c’est son aspect purement mécanique. Aucune fraternité ne s’en dégage, juste le sentiment de l’absurde et du dégoût. Verdun annonce la sortie de l’Histoire du mâle européen. Dada, le surréalisme, le nazisme y prennent leur source. La massification, l’écrasement de l’humain par les moyens dont il s’est doté, y trouvent leur expression parfaite. Notre transformation rapide dans le ratorium puis la grande fourmilière des visions de Zinoviev, c’est là qu’elle commence.

    Je possède chez moi l’intégrale de l’Illustration, couvrant la période 1914-1919. Pour une grande part, c’est un catalogue d’armements. J’ai passé des heures à y survoler un défilement monotone de chiffres et de rodomontades technologiques. A chaque numéro, nous avions l’arme décisive qui allait permettre de les exterminer comme des blattes. Notre canon de 75, nos fusils supérieurs… On y voit déjà l’esquisse des « bombes intelligentes » et des « bombardements chirurg

  • Histoire • Rois de France, de Balzac : Louis XVIII [V]

     

    C'est en 1837 que Balzac publia Rois de France, un ouvrage concis fort intéressant, consacré aux six derniers « Louis » rois de France, de Louis XIII à Louis XVIII. Malheureusement peu réédité par la suite, cet ouvrage était devenu, de ce fait, indisponible, depuis 1950.

    Notre confrère Péroncel-Hugoz a pris l'heureuse initiative de faire rééditer Rois de France, au Maroc, par les Editions Afrique Orient. Nos lecteurs peuvent d’ailleurs lire Péroncel-Hugoz ici-même, régulièrement, puisqu’il nous fait l’amitié de sa participation – très appréciée – à Lafautearousseau.

    Nous donnerons quatre extraits de Rois de France - des « bonnes feuilles » - dans nos parutions du week-end. L'extrait qui suit termine la série.  LFAR 

     

    415470906.jpgExtrait 4 - Louis XVIII (pages 102 à 105)

    Le 21 juin 1791, Monsieur partit de Paris, et plus heureux que le roi son frère, il parvint à franchir la frontière. Son premier soin fut de provoquer l'intervention des puissances du continent européen. Il avertit Louis XVI du résultat favorable de ses efforts, et l'engagea à refuser son adhésion à la Constitution nouvelle, protestant en son nom, comme en celui de tous les princes, contre tout ce qui avait été fait et tout ce qu'on pouvait faire d'attentatoire aux lois et aux traditions du Royaume. Le 11 septembre 1792, ce prince, à la tête des émigrés français rassemblés en corps, rentra en France par Verdun, et rejoignit l'armée prussienne, qui y avait déjà pénétré. Il eut bientôt la douleur de se voir forcé, par la retraite des troupes coalisées, de renoncer à délivrer le roi son frère. Le 13 novembre 1792, l'armée des Princes fut licenciée. Le comte de Provence apprit au château de Ham la mort de Louis XVI. Par une déclaration datée du 28 janvier 1793, il reconnut Louis XVII pour roi de France, et prit le titre de régent du Royaume.

    Le comte d'Artois reçut de lui le titre de lieutenant-général. Après la mort du roi son neveu, Monsieur se proclama lui-même roi de France. Une déclaration adressée aux Français promit le pardon à tous ceux qui reconnaîtraient l'autorité du roi.

    Louis XVIII, par cette déclaration, voulait établir hautement les droits qu'il tenait de sa naissance et sa résolution de les maintenir ; mais il ne pouvait attendre qu'elle eût un résultat immédiat. Bien différent de la plupart des rois sans royaume, pour qui l'exil est aussi une abdication, Louis XVIII conserva toujours sa dignité présente et ne négligea jamais l'occasion de se montrer royalement. Les vingt ans qu'il passa à errer de rivage en rivage furent une longue et puissante protestation. Obligé par le gouvernement vénitien de quitter Vérone à l'approche de l'armée française, il se fit apporter le Livre d'or, registre de la noblesse vénitienne, y effaça de sa main son nom et celui des rois ses prédécesseurs qui s'y trouvaient inscrits, et redemanda l'armure dont Henri IV, son aïeul, avait fait présent à la République de Venise, alors libre et redoutée, et maintenant servile et déchue. A Dilingen, lorsque la balle d'un assassin fit couler le sang de son front, ses premiers mots furent ceux-ci : « Quelques lignes plus bas, et le roi de France s'appelait Charles X ». Enfin, lorsque Bonaparte, victorieux partout et maître de la France, lui fit proposer à Varsovie, dans les termes les plus respectueux, de renoncer au trône de France et d'exiger la même renonciation de tous les princes de la maison de Bourbon, lui promettant pour lui et pour sa famille des indemnités magnifiques (car il fut même question de la couronne de Pologne), Louis XVIII attendit pour répondre qu'un mois fût écoulé, afin qu'il fut manifeste que son refus partait d'une résolution profonde et inébranlable, et aussi pour laisser aux princes qui résidaient loin de lui le temps de lui faire parvenir leur déclaration. 

    C'est le 23 février 1803 que l'envoyé du Premier consul avait été admis chez le roi et le 28 mars il lui fut remis la lettre suivante : « Je ne confonds point monsieur Bonaparte avec ceux qui l'ont précédé ; j'estime sa valeur, ses talents militaires ; je lui sais gré de plusieurs actes d'administration, car le bien qu'on fera à mon peuple me sera toujours cher. Mais il se trompe s’il croit m'engager à transiger sur mes droits : loin de là, il les établirait lui-même, s'ils pouvaient être litigieux, par la démarche qu'il fait en ce moment. J'ignore quels sont les desseins de Dieu sur ma race et sur moi ; mais je connais les obligations qu'il m'a imposées par le rang où il lui a plu de me faire naître. Chrétien, je remplirai ces obligations jusqu'à mon dernier soupir ; Fils de Saint Louis, je saurai, à son exemple, me respecter jusque dans les fers ; successeur de François 1er, je veux du moins pouvoir dire comme lui : « Nous avons tout perdu, fors l’honneur ». Suivaient les adhésions du frère et des neveux de Louis XVIII... »   

     

    A lire dans Lafautearousseau … 

    Histoire • Rois de France, de Balzac : L’infanticide perpétré à l'encontre du petit roi Louis XVII [IV]

    Histoire • Rois de France, de Balzac : Les erreurs de Louis XVI face à la Révolution [III]

    Histoire • Rois de France, de Balzac : La « secte » des Encyclopédistes, la décomposition morale - élites et société - au XVIIIe siècle [II]

    Histoire • Rois de France, de Balzac, republié par Péroncel-Hugoz : Présentation [I]

    Sortie au Maroc de « ROIS DE FRANCE suivi de NAPOLEON » , essai de Balzac paru en 1837 et indisponible depuis 1950

  • Enseignement de l'Histoire : pour aller plus loin, avec Laurent Wetzel...

    Sous le titre "Misère, misères...", Royaliste - dans son numéro 1026, du 7 au 20 janvier - publie un très intéressant entretien avec Laurent Wetzel, qui répond aux questions de Pascal Beaucher. Tout récemment, le samedi 12 décembre 2012, Laurent Wetzel animait le troisième volet de notre Enquête sur la République : Ils ont tué l'Histoire-Géo. Qui et pourquoi ?

    Nous donnons ci-dessous le texte de cet entretien, qui mérite d'être lu, et nous le faisons suivre de la vidéo de notre Café politique de décembre, ce qui donnera une vision d'ensemble assez complète à ceux qui sont intéressés par ce sujet, fondamental, mais qui ne connaissent pas toujours les tenants et les aboutissants...

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    laurent wetzel.jpg143 pages, 18 euros

    Présentation de l'éditeur

    L'enseignement de l'histoire-géo va mal. Depuis des années, sous des gouvernements de gauche comme de droite, les réformes se sont succédé mais n'ont fait qu'aggraver la situation. Qui sont les responsables de ce fiasco et que faire ? Professeur d'histoire-géo et ancien inspecteur d'académie, Laurent Wetzel dénonce avec virulence les erreurs et les aberrations contenues dans les textes ministériels, le charabia des hauts fonctionnaires ainsi que l'incompétence de nombreux responsables de l'Education nationale. Mais tout n'est pas perdu. Aujourd'hui une vraie réforme est possible si l'on s'appuie sur ceux qui croient encore à l'importance de ces deux matières : les professeurs et les parents. Un livre réquisitoire sur un sujet qui nous concerne tous.

    Biographie de l'auteur

    Laurent Wetzel, ancien élève de l'Ecole normale supérieure de la rue d'Ulm, est agrégé d'histoire. Il a été professeur d'histoire, de géographie et d'éducation civique dans plusieurs collèges et lycées franciliens, avant de devenir inspecteur d'académie-inspecteur pédagogique régional d'histoire-géographie. Retraité depuis peu, il n'est plus astreint au "devoir de réserve".  

    Pour « aller encore plus loin »… :

    1. : http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2012/08/24/01016-...

    2. : http://aggiornamento.hypotheses.org/1002 

  • Les femmes à travers l'histoire..., par Frédéric Winkler.

    "J'entends dire que la religion catholique est misogyne. Ce n'est pas sérieux ! Une religion qui agenouille les hommes devant une femme couronnée manifeste une misogynie suspecte." A.MALRAUX
    Droit de vote
    On retrouve les votes des femmes aux États Généraux de Tours en 1308. « On doit considérer les droits essentiels dont bénéficie la femme au Moyen Age. Dans les assemblées urbaines ou les communes rurales, les femmes, lorsqu'elles sont chefs de famille, possèdent le droit de vote. » (Jean Sévilla) Après la révolution de 1789, censée apporter la Liberté, il faudra attendre 1945 pour voir le droit de vote reconnu à la femme...

    frédéric winkler.jpgL’amour courtois
    «_les femmes étant l'origine et la cause de tout bien, et Dieu leur ayant donné une si grande prérogative, il faut bien qu'elles se montrent telles que la vertu de ceux qui font le bien incite les autres à en faire autant; si leur lumière n'éclaire personne, elle sera comme la bougie dans les ténèbres (éteinte), qui ne chasse ni n'attire personne. Ainsi il est manifeste que chacun doit s'efforcer de servir les dames afin qu'il puisse être illuminé de leur grâce; et elles doivent faire de leur mieux pour conserver les cœurs des bons dans les bonnes actions et honorer les bons pour leur mérite. Parce que tout le bien que font les êtres vivants est fait par l'amour des femmes, pour être loué par elles, et pouvoir se vanter des dons qu'elles font, sans lesquels rien n'est fait dans cette vie qui soit digne d'éloge ».
    « Cette pétition de principe est lancée dans un ouvrage bien connu, reflétant parfaitement la mentalité du XIIe siècle, le Traité de l'amour d'André le Chapelain: ouvrage savant, rédigé en latin par un clerc attaché à la comtesse Marie de Champagne, fille d'Aliénor d'Aquitaine et de son premier époux, le roi de France Louis VII… Seules les femmes qui entrent dans l'ordre de la chevalerie d'amour sont jugées dignes d'éloges par les hommes et pour leur probité sont renommées dans toutes les cours. Tout ce qu'on voit s'accomplir de grand dans le siècle est inconcevable s'il ne tire son origine de l'amour...» (R.Pernoud)
    « Qu'est-ce que la courtoisie ? Que doit-on faire pour être courtois et répondre aux exigences de l'étrange doctrine à travers laquelle s'expriment les cœurs et les coutumes de toute une société ?
    _Une première fois – et c'est tout à fait significatif – une noble dame explique à un homme du peuple, donc de condition inférieure à elle, ce qu'il doit faire, quelle conduite tenir s'il veut mériter son amour. Ici se révèle pleinement la dame éducatrice de l'Occident, et sous un jour inattendu puisque dans la société féodale, qu'on sait par ailleurs très hiérarchisée, le premier énoncé des règles de la courtoisie se trouve précisément combler la distance entre la "haute dame" et « l’homme du commun ». La première des 'œuvres de courtoisie', c'est ce que la dame appelle la largesse (la générosité):
    _Qui veut être jugé digne de militer dans l'armée d'amour, il doit d'abord n'avoir aucune trace d'avarice, mais de répandre en largesses et autant que possible étendre cette largesse à tous". Entendons, bien sûr, générosité morale autant que matérielle: celui qui veut être un amant véritable selon les règles de courtoisie doit révérer son seigneur, ne jamais blasphémer Dieu ni les saints, être humble envers tous et servir tout le monde, ne dire du mal de personne (les médisants sont exclus des châteaux de courtoisie), ne pas mentir, ne se moquer de personne, surtout pas des malheureux, éviter les querelles, et faire son possible pour réconcilier ceux qui se disputent. On lui concède, en fait de distractions, le jeu de dés, mais avec modération: qu'il lise plutôt, qu'il étudie ou se fasse raconter les hauts faits des anciens. Il lui faut aussi être courageux, hardi, ingénieux. Il ne doit pas être l'amant de plusieurs femmes, mais le serviteur dévoué d'une seule. Il doit se vêtir et se parer de façon raisonnable, être sage, aimable et doux envers tout le monde… Il est aussi question de l'avarice, de ce qu'on ne peut aimer une personne qu'on ne pourrait épouser, que celui qui aime doit en garder le secret, qu'un amour facile est méprisable, que la difficulté en augmente le prix, que "Amour ne peut rien refuser à l'amour"…
    … Il ne manque pas d'insister sur un aspect de l'amour courtois: à savoir que la noblesse véritable est celle des mœurs et des manières, et qu'elle vaut infiniment plus en courtoisie que celle de la naissance: celui ou celle qui est prié d'amour ne doit pas demander si celui qui l'aime est noble ou non de naissance, mais s'il l'emporte sur les autres en bonnes mœurs et en "probité". Ce terme qui revient maintes fois, s'applique à celui ou celle qui a fait la preuve de sa valeur. A plusieurs reprises cette noblesse de courtoisie reviendra dans les dialogues imaginaires du Traité de l'amour. C'est l'un des thèmes fondamentaux de la courtoisie que l'amour vrai affine l'homme et la femme et que les obstacles rencontrés ne font qu'exalter leur noblesse et leur valeur. Il est bien clair aux yeux du Chapelain "qu'il convient mieux à qui est noble dans ses mœurs de se choisir un amant de mœurs nobles que de chercher quelqu'un de haut placé, mais "inculte" et à l'inverse, il s'indigne contre les femmes qui se donnent le nom de dame, de demoiselle "seulement parce qu'elles sont d'origine noble ou épouses d'un gentilhomme; mais ajoute-t-il, la seule sagesse et la noblesse des mœurs rendent la femme digne d'un tel titre". Ainsi, née dans les cours, c'est-à-dire au château, la courtoisie n'est pourtant pas seulement affaire de naissance; bien plutôt de manières, d'éducation, d'une finesse acquise et que l'amour développe parce que c'est essentiellement l'amour qui l'a suscitée… A parcourir les lettres du temps, on trouve, sous les formes les plus variées, de la poésie la plus haute aux simples divertissements, le témoignage de ce qui oriente toute une société, lui donne sa teinte originale, la marque comme un sceau. C'est encore et toujours la courtoisie, ou si l'on préfère la chevalerie, qui s'exprime dans les cours d'amour.»
    Faudrait-il rappeler les consultations auprès du petit peuple pratiqué par Saint Louis, pour connaître les problèmes. Les règlements rapides de certains, évitant les attentes pénibles et la monstrueuse apathie administrative qui nous étouffe aujourd'hui. Devons-nous rappeler le droit de vote qu'elles exerçaient dans les réunions locales, sans compter les nombreuses professions qui leur étaient accessibles... En 1095, les hommes ne pouvaient partir en croisade qu'après avoir consulté leur épouse. Une certitude perdure c’est la différence en France des zones de droit romain, où la femme est en état d’infériorité à l’homme et celles de vieilles traditions celtiques, franques ou normandes, où celle-ci peut être considéré comme égale. D’autre part pour la femme, la période idéale dans son autonomie fut sans conteste du Xe siècle à 1350 selon David Herlihi (Etude sur le travail des femmes dans le textile dans l’Europe médiévale). Partant du « Livre des métiers » d’Etienne Boileau : « dans la fabrication du textile comme dans beaucoup d’autres activités, les femmes et les hommes travaillaient ensemble sans rivalité apparente. Le Moyen Âge central reste une période de libre entreprise et d’accès ouvert à l’emploi des deux sexes ». A Nantes la profession de pêcheur est autorisé aux deux sexes, faisant de celles-ci une majorité dans la profession. En 1475 le statut des tissutiers de Paris stipule : « Que les femmes ouvrant et qui besognent dudit métier de présent en ladite ville de Paris seront maîtresses audit métier si être le veulent, en payant pour leur nouvelle maîtrise et entrée 12 sols parisis, comme dit est ci-dessus des hommes [...] Les apprentisses pourront être reçues maîtresses en faisant chef-d’œuvre et en payant telle somme à appliquer en la manière comme est dit ci-dessus…Et que en effet et substance tous les points et articles ci-dessus contenus seront communs et s’étendront et appliqueront tant aux femmes que aux hommes, soit qu’il touche la maîtrise ou les ouvrages ou autre chose dudit métier »
    « L'une des fonctions du seigneur était de rendre la justice; c'était même sa fonction essentielle après la défense du domaine et de "ses hommes", ceux qui lui étaient attachés par un lien personnel. Aussi a-t-on imaginé la dame exerçant, à l'image du seigneur, une sorte de fonction judiciaire en ce domaine, attirant entre tous, de la relation amoureuse. Le jugement d'amour, la cour d'amour, sont les compléments et équivalents de la fidélité, de l'hommage vassalique, tels que les exprime aussi la poésie des troubadours; que ces jugements soient rendus par des femmes montre seulement à quel point la transformation de la femme en suzeraine était familière à la mentalité du temps.» (R.Pernoud) Dans les familles paysannes, les jeunes filles devenaient éventuellement domestiques avant le mariage où elles prenaient en main la ferme. En ville c’était l’apprentissage chez une maîtresse avant peut être de devenir ouvrière, maîtresse si elle épousait un maître. Les femmes peuvent obtenir la maîtrise, être commerçantes, considéré comme un métier dit libre. On ne peut généraliser lorsque l’on parle de l’Ancien régime, car tout pouvait être différent d’un « pays » à l’autre, métier ou province. Les professions de boucher, boulanger, passementier-boutonnier, chandelier étaient tenues principalement par les femmes à Saint Malo. La femme quelquefois « femme de maître » pouvait aussi exercer en plus le métier de blanchisseuse (beaucoup à Rennes au XVIIIe siècle), alors même qu’elle était au sein de son foyer, une mère se chargeant de l’intendance et de l’éducation. Les veuves de maître pouvaient exercer le rôle du maître défunt au sein du métier. Bernard Gallinato, parlant des femmes dans leur rôle sur les corporations pour la transmission des maîtrises : " l’élément coordinateur de deux générations d’hommes, elles assurent la permanence de dynasties d’artisans ".…
    « Il y a l'amour conjugal, un lien stable, et auquel – Marie de Champagne y insiste – ni l'un ni l'autre des époux ne doit se dérober, et il y a cette autre forme d'amour dont il est dit expressément que rien ne lui nuit plus que la volupté, et qui se somme courtoisie. En ce domaine, la femme règne, commande, exige; elle porte des ordonnances et des jugements; les uns et les autres supposent de la part de ceux qui l'entourent une forme de soumission, une observance amoureuse sans défaut, mais encore un raffinement, dans les mœurs et l'expression, qui incite à se dépasser continuellement; la courtoisie est comme un état second de l'amour; elle implique en tout cas que l'on distingue ce qui mérite le nom d'amour de ce qui, dans l'état de mariage ou dans les relations extra-conjugales, est uniquement sexualité. Car tel est le trait essentiel de la poésie courtoise: née dans la société féodale, elle en est l'émanation. L'essence même du lien féodal, liant seigneur et vassal, était un engagement de fidélité réciproque, l'un offrant son ide, l'autre sa protection. Et c'est une semblable promesse qui unit le poète à la dame. Celle-ci est pour lui "le seigneur"; il lui voue fidélité; toute sa vie, tous ses actes, tous ses poèmes lui seront offerts en hommage. Le terme "hommage" est aussi celui qui désigne le geste du vassal s'agenouillant devant le seigneur pour en recevoir le baiser qui symbolise la paix, et constitue un engagement d'amour mutuel. La dame est donc pour lui la suzeraine; il s'abandonne à sa volonté et trouvera toute sa joie à l'accomplir, dût-il en souffrir…. Cette dame si haut placée dans l'esprit du poète inspire naturellement le respect. Mieux encore: une sorte de crainte révérencielle. Elle est inaccessible; le poète s'humilie toujours devant elle, soit qu'il s'agisse effectivement d'une dame de haute noblesse. »(R.Pernoud)
    Rappelons au passage qu'Aliénor d'Aquitaine, femme politique en plein douzième siècle fut aussi mère de dix enfants. "Alix, femme de Thibaut de Blois, et Marie, femme d'Henri Ier de Champagne, étaient l'une et l'autre, filles d'Aliénor d'Aquitaine; de leur mère elles avaient hérité le goût des lettres, et c'est toute une vie culturelle qui s'épanouit avec elles… Elles diffusèrent dans les régions septentrionales la poésie courtoise et le roman courtois. Marie, la fille aînée d'Aliénor aurait emmené avec elle son poète, Chrétien de Troyes. » Dit Régine Pernoud dans Aliénor d'Aquitaine. Les femmes dans leurs actes, montraient cette liberté dont elles jouissaient : éducation, responsabilités, suivre le mari en croisade, étudier et donner des cours, ouvrir boutique : "...Au Moyen Age, la femme travaille à peu près autant que l'homme, mais non dans les mêmes opérations. D'après les comptes de drapiers, on s'aperçoit que, par exemple, sur quarante et un ouvriers nommés, il y a vingt femmes pour vingt et un hommes…Ce que l'on interdit, ce sont les métiers jugés trop fatigants pour elles. Ainsi du tissage: tant qu'il a été pratiqué de façon artisanale, il a été œuvre de femme, notamment dans l'Antiquité; au moyen Age, il est ouvrage d'homme. De même, dans la tapisserie, défendait-on aux femmes la tapisserie de haute lisse, jugée trop fatigante pour elles puisqu'elle oblige à tenir les bras étendus. Les règlements précisent qu'elles doivent être munies d'un tablier de cuir, cela afin de protéger leurs vêtements et de garantir aussi la netteté de leur travail. » (Georges et Régine Pernoud, Le tour de France médiévale, L'histoire buissonnière, Stock, Évreux 1982, p. 278). Nous pourrions citer encore de nombreux exemples : « Chez les paysans, les artisans ou les commerçants, il n'est pas rare que la femme dirige l'exploitation, l'atelier ou la boutique. A la fin du XIIIe siècle, à Paris, on trouve des femmes médecins, maîtresses d'école, apothicaires, teinturières ou religieuses » (Jean Sévillia). « D'Héloïse à Hildegarde de Bingen, on ne compte pas les hautes figures féminines de la chrétienté médiévale. Au XIIe siècle, la première abbesse de Fontevraud, Pétronille de Chemillé, nommée à vingt-deux ans, commande un monastère regroupant une communauté d'hommes et une communauté de femmes. Les moines ne se sont jamais plaints d'être dirigés par une femme... On se rappellera la réplique du roi Saint Louis prisonnier des Musulmans en Egypte lui demandant combien il voudrait donner d'argent au sultan pour sa libération: Le roi répondit que si le sultan voulait prendre de lui une somme raisonnable de deniers, il demanderait à la reine qu'elle les payât pour leur délivrance.
    _Et ils dirent: "Pourquoi ne voulez-vous pas vous y engager ? Le roi leur répondit qu'il ne savait si la reine (Marguerite de Provence) le voudrait faire, parce qu'elle était la maîtresse.» (R.Pernoud)
    Que Blanche de Castille gouverna le royaume pendant 25 ans. Jeanne D'Arc entraînant le peuple de France, les armées et les grands Seigneurs, pourtant si rudes en ces temps : « De même chez Jeanne d'Arc trouve-t-on, en même temps que l'élan au combat, la tendresse de la femme quand elle se penche sur un Anglais blessé, et un bon sens quasi maternel devant une armée qui se bat depuis l'aube: "Reposez-vous, mangez et buvez"; après quoi, ce 7 mai 1429, ses compagnons enlèvent la bastille des Tourelles, objet de leurs assauts. Plus subtilement, c'est toute une atmosphère correspondant à la vie courtoise qui entoure ces comtesses, ces reines dont l'action politique a été si prudente, si tenace parfois. Elles ne sacrifient rien de ce qui fait l'originalité de la femme. La personne d'Aliénor d'Aquitaine suffirait à le prouver, mais, les exemples abondent en ce domaine…» (R.Pernoud). L'éducation des enfants était affaire de famille et on vivait souvent nombreux sous le toit d'une maison, il n'était pas alors question de se débarrasser d'eux ? On n’aurait même pas imaginé envoyer des vieux dans des mouroirs, dont les chambres aux murs si blancs ne résonnent plus aux rythmes de la vie passée. « Blanche de Castille arrivant au siège du château de Bellême en 1229 et constatant que l'armée est littéralement paralysée par le froid; elle fait aussitôt tailler du bois dans les forêts alentour, et réchauffe ses gens qui retrouvent du même coup leur ardeur pour terminer un siège traînant depuis plusieurs semaines. »(R.Pernoud)
    Les femmes n’étaient donc pas cantonnées au foyer. Nous pourrions indéfiniment citer des exemples de femmes illustres qui marquèrent leur époque, malheureusement souvent inconnues de nos manuels d'histoire. Ecoutons l’historien Henri Hauser, montrant l’importance des femmes dans la vie économique d’alors : «C’est une opinion assez généralement répandue que l’emploi des femmes dans l’industrie est une invention des temps modernes. On se figure volontiers que les siècles passés ont laissé exclusivement la femme à son rôle d’épouse et de mère. [...] Mais l’historien constate qu’elle n’est en accord ni avec les faits, ni avec les textes. [...] la femme apparaît déjà dans l’industrie du XIIIe siècle ; elle joue un rôle considérable dans l’industrie du XVe et du XVIe siècle »
    Sous l'Ancien Régime, les rapports humains avaient beaucoup plus d'importance que dans notre monde matérialisé. Le peuple bénéficiait de privilèges comme les nobles. Rappelons à la mémoire, les dames de la Halle qui pouvaient rencontrer le roi ou ses ministres n'importe quand. A la Saint-Louis la représentante était embrassée par le roi. L'enfant royal est malade et elles accourent à son chevet pour le couvrir de baisers et d'affections, une naissance et voilà les fêtes et festins où l'on banquète tous ensemble.
    L'histoire continua ainsi, Henri IV était leur compère et compagnon, Louis XV sera leur "Bien-aimé". En 1725, au mariage du prince, elles accoururent au-devant du couple royal, devant une foule en liesse, car les événements royaux étaient vécus comme des fêtes de famille, à la reine, Marie Leszczynska "Madame, j'apportons nos plus belles truffes à Votre Majesté. Mangez-en beaucoup et faites-en manger au roi ; cela est fort bon pour la génération. Nous vous souhaitons une bonne santé et j'espérons que vous nous rendrez tous heureux."
    Il serait trop long d'exprimer ici toutes les marques d'affections réciproques entre peuple et roi. Il suffit juste de qualifier ce régime de Monarchie populaire tant les rapports sont familiers et cela jusqu'à la Révolution. Les reines étaient couronnées comme les rois et possédaient aussi le pouvoir pour seconder ceux-ci en cas d'absence comme les croisades ou divers autres raisons, comme la mort du roi...
    Nous sommes à des lieux de la représentation présidentielle ou ministérielle. Les charges étaient souvent assumées par les femmes lors d'une défaillance maritale, celles-ci se retrouvent donc gouverneurs de places for

  • Histoire & Civilisation • Le « peuple-roi » est nu, les Français déshabillés ?

    Exécution de Louis XVI : Gravure allemande de 1793

     

    par Dominique Struyve*

    Causerie faite le 30 novembre 2016 au Café Histoire de Toulon. Une réflexion originale - du moins pour la plupart d'entre nous - remarquable et profonde et qui rejoint in fine notre actualité la plus immédiate et la plus angoissante.   LFAR

     

    Cafe Histoire de Toulon 9 Dominique  Struyve 2.jpgLe « peuple-roi » [1] est nu, les Français déshabillés

    Pour vous donner l’illusion de causer avec vous, je vous ferai entendre la voix de la « France, mère des arts, des armes et des lois » [2] , la voix des poètes, juristes et théologiens qui ont animé son corps tout entier. Leur voix éveillera en vous de nombreuses images contemporaines, votre réponse !

    Madame, je serois ou du plomb ou du bois,
    Si moy que la nature a fait naistre François
    Aux siecles advenir je ne contois la peine,
    Et l ’extreme malheur dont nostre Fran ce est pleine.
    Je veux maugré les ans au monde publier,
    D’une plume de fer sur un papier d’acier,
    Que ses propres enfans l ’ont prise & devestue,
    Et jusques à la mort vilainement batue.
    Elle semble au marchant helas! qui par malheur
    En faisant son chemin rencontre le volleur,
    Qui contre l ’estomacq luy tend la main armee
    D’avarice cruelle & de sang affamee:
    Il n’est pas seulement content de luy piller
    La bource & le cheval, il le fait despouiller,
    Le bat & le tourmente, & d’une dague essaye
    De luy chasser du corps l ’ame par une playe:
    Puis en le voyant mort il se rit de ses coups,
    Et le laisse manger aux matins & aux loups.
    Si est-ce qu’à la fin la divine puissance
    Court apres le meurtrier, & en prend la vengeance,
    Et dessus une rouë (apres mille travaux)
    Sert aux hommes d’exemple, & de proye aux corbeaux.
    Mais ces nouveaux Tyrans qui la France ont pillee,
    Vollee, assassinee, à force despouillee,
    Et de cent mille coups le corps luy ont batu, 
    (Comme si brigandage estoit une vertu)
    Vivent sans chastiment, & à les ouir dire,
    C’est Dieu qui les conduit, & ne s’en font que rire

    Bien qu’il s’adresse à Catherine de Médicis, en 1562, Ronsard nous émeut profondément dans la Continuation du discours des misères de ce temps. La polémique qui l’oppose aux protestants lui inspire une allégorie tragique, celle de la France « dévêtue », « à force dépouillée », extrêmement proche des images qui nous hantent tous. Aujourd’hui, en effet, le « peuple-roi » est nu, les Français déshabillés.

    Comment rendre aux Français leur habit politique ? Comment faire en sorte qu’ils recouvrent leur force ? 

    J’expliquerai, d’abord, la métaphore de l’habit et vous ferai entendre la voix d’un théologien. Nous étudierons, ensuite, comment remédier aux déchirements de l’habit politique, grâce au droit, et nous écouterons la voix d’un juriste nîmois. Nous découvrirons, enfin, comment remédier à l’arrachement de notre habit politique, par la pratique d’une méthode, et nous laisserons résonner la voix d’un poète provençal.

    Les origines morales de l’habit politique

    Quand il conseille Charles IX, âgé de douze ans, le prince des poètes reprend la métaphore de l’habit dans une maxime qui achève sa conception de « l’âme royale » : L’habillement des rois est la seule vertu [3].

    Dans le miroir du prince, Ronsard transmet au souverain l’éthique de Saint Thomas d’Aquin dont la vision de l’homme est essentiellement dynamique, comme le prouve l’emploi constant de potestas, vis, virtus, dynamis. Vertu, en particulier, signifie force. Comment revêtir son âme de force ? Par un habit ! L’habit, « c’est l’ajustement intermédiaire entre celui qui a un vêtement et le vêtement qu’il a » [4] . Saint Thomas reprend la définition d’Aristote que l’on peut expliquer ainsi : de même qu’à chaque sport correspond un sous-vêtement technique parfaitement adapté au corps, de même, à chaque mouvement de l’âme, correspond un habit.

    J’ai cherché à faire voir le rayonnement d’une « âme royale » dans un calligramme, La buse de chalumeau. Vous voyez ainsi que l’homme a le pouvoir de vouloir, de connaître, de se souvenir, d’imaginer, d’attaquer ou de tempérer. Toutes ces forces sont disposées par l’intermédiaire de qualités distinctes, les habits. L’homme entre en pleine possession de toutes ses puissances, la volonté, l’intelligence, la mémoire, l’imagination, les passions, par les habits qui les déterminent à l’action de façon stable. L’homme qui jouit ainsi de l’empire de lui-même agit rapidement et communique aisément.

    Cafe Histoire de Toulon 9 Dominique  Struyve.jpg

    Cliquer pour agrandir

    La buse de chalumeau nous a permis de contempler la vision dynamique de l’âme que nous a transmise Saint Thomas et que Ronsard a conservée. La force lumineuse du roi vient de la vertu. La faiblesse du royaume provient d’une déchirure de l’habit politique. Comment y remédier ?

    La riposte de Jean de Terrevermeille [5] aux rebelles

    Jean de Terrevermeille [6] est le contemporain exact d’une crise d’une exceptionnelle gravité pour la royauté, le témoin direct de l’anarchie qui se développe sous le règne de Charles VI, si bien que la trilogie des Tractatus qui débute en 1419 répond à un casus historique : « le Dauphin a-t-il un titre irréfutable à administrer le royaume durant l’incapacité de son père, Charles VI ?» 

    Bien que Jean de Terrevermeille écrive une œuvre polémique contre les rebelles, dont le Duc de Bourgogne est le chef, il recherche avant tout la paix qui peut seule rendre au corps du royaume son unité. Il en étudie les conditions juridiques conçues comme veritas vitae. On touche, là, la manière dont la Bible modèle les esprits à la fin du Moyen Âge. Il s’agit, pour le juriste nîmois, d’appréhender une vérité concrète, à la fois vivante et vitale, de telle sorte que la métaphore du corps s’impose à son esprit comme une évidence englobant toute la réalité politique.

    La métaphore du corps, et de la tête, appartenait déjà à la pensée médiévale toute imprégnée des Lettres de Saint Paul. Dans le Tractatius Tertius, Jean de Terrevermeille reprend une expression du XIIe siècle qui permet aux juristes de désigner le corps ecclésial, l’Eglise visible, corpus mysticum. Même si tous les groupes sociaux sont nommés, par extension, corpora mystica, il définit le royaume, pour la première fois de son histoire, comme corpus mysticum regni.

    Si le Roi est la tête et le royaume le corps, chaque Français est un membre mystique du corpus regni. L’unité vitale du corps dépend de la tête qui veut [7] mais aussi de chaque membre qui aime [8] . Le jus fidelitatis marque la suprématie du caput mais chaque membre mystique revêt l’habit de la fidélité et agit dans l’élan que donne l’influx vivifiant de la tête.

    L’habit politique est une qualité, une disposition dont le siège est dans la volonté et l’intelligence [9] . Il confère à l’homme, au membre mystique, une facilité à agir.

    L’unité du corps mystique dépend, par conséquent, de la vivacité de l’habit de la fidélité qui porte chaque membre à une activité précise et réglée dans la société, en fonction de sa place.

    Jean de Terrevermeille a posé les fondements de la monarchie moderne, telle qu’elle s’est épanouie au XVIIe siècle. C’est ainsi que la voix de Bossuet retentit au Louvre, le Vendredi 10 mars 1662 : « Mais il nous importe peu, Chrétiens, de connaître par quelle sagesse nous sommes régis, si nous n’apprenons aussi à nous conformer à l’ordre de ses conseils. S’il y a de l’art à gouverner, il y en a aussi à bien obéir. Dieu donne son esprit de sagesse aux princes pour savoir conduire les peuples, et il donne aux peuples l’intelligence pour être capables d’être dirigés par ordre ; c’est-à-dire qu’outre la science [10] maîtresse par laquelle le prince commande, il y a une autre science subalterne qui enseigne aussi aux sujets à se rendre dignes instruments de la conduite supérieure ; et c’est le rapport de ces deux sciences [11] qui entretient le corps d’un État par la correspondance du chef et des membres. » [12]

    La guillotine a mis fin

  • Livres & Histoire • Deux rois sans couronne : Louis XVII et Louis XIX

     

    Par Anne Bernet

     

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    « Si qua fata aspera rumpas… » comme chantait Virgile. Rien n’est plus désolant que les destins princiers anéantis. 

    Cousins germains, tour à tour héritiers présomptifs du trône de France, Louis Antoine, duc d’Angoulême, et Louis Charles, duc de Normandie, devaient, en effet, ceindre un jour la couronne, mais ne jamais régner. Autant l’un a suscité, en raison de son destin tragique, une surabondante historiographie, autant l’autre a sombré dans l’oubli. À tort.

    Dernier des petits-fils de Louis XV à convoler, le jeune comte d’Artois épouse en 1773, à seize ans, la princesse Marie-Thérèse de Savoie, sœur de la comtesse de Provence. Si la jeune mariée est à peine moins laide que son aînée, de sorte qu’elle ne tardera pas à voir le beau Charles Philippe, pris « d’une indigestion de gâteau de Savoie » se détourner d’elle au profit de nombreuses maîtresses, il ne lui en aura pas moins fait trois enfants en trois ans : deux fils, titrés duc d’Angoulême et duc de Berry, et une fille, Sophie, qui mourra en bas âge.

    Angoulême, toujours en second

    Lorsque Angoulême naît à Versailles, le 6 août 1775, la stérilité persistante du couple royal et celle du mauvais ménage Provence fait de lui, au grand dam de Marie-Antoinette, le seul prince de la nouvelle génération et un futur roi potentiel. Il le restera jusqu’en 1780 et la naissance du premier dauphin, Louis Joseph. Penché sur le berceau du nouveau-né, Angoulême aurait dit à son père : « Qu’il est donc petit, mon cousin ! » ; à quoi Artois, dépité, aurait répliqué : « Mon fils, un jour viendra où vous le trouverez bien assez grand … » Ce jour ne vint jamais et Angoulême, finalement, retrouva le premier rang dans la succession royale.

    Tout, pourtant, s’est ligué, pendant sa vie, afin de réduire ce prince, qui ne manquait pas de qualités ni de vertus, à jouer les seconds rôles sous les regards désapprobateurs, méprisants ou apitoyés de contemporains dont il ne sut pas se faire apprécier. Était-il pour autant aussi nul que la postérité le prétendra sans nuance ? C’est à cette question que tente de répondre, dans une biographie, la première publiée depuis longtemps, François de Coustin. En l’intitulant Louis XIX, l’auteur affiche son intention de rendre son rôle politique à celui qui fut roi de France quelques secondes, le temps, à Rambouillet, de signer, avant son père, le 3 août 1830, sa renonciation à la couronne au profit de son neveu, le petit duc de Bordeaux.

    Au lendemain de la prise de la Bastille, à la demande instante du Roi, qui craint pour sa vie, Artois a quitté la France avec sa famille. Louis Antoine a quatorze ans et, avec une maturité précoce, il pressent que cet exil va durer. En effet, il ne reverra la France qu’un quart de siècle plus tard.

    Dans l’intervalle, l’emprisonnement de la Famille royale, la mort de Louis XVI, puis celle du petit Louis XVII au Temple auront refait de lui l’espoir de la branche aînée des Bourbons. « Spes », l’espoir, tel est d’ailleurs le nom que, dans sa correspondance codée, lui attribue son oncle Louis XVIII.

    Très vite, inquiet des positions politiques et des choix du comte d’Artois, Louis XVIII s’évertue à prendre sous sa tutelle ce neveu qu’il désire former à son futur métier de roi selon ses vues. Comme le souligne Coustin, vivre pris entre un père qu’il aime et auquel il doit obéissance, et un oncle qui est son souverain, incapables d’être d’accord sur rien, sera pour Angoulême cause d’un perpétuel malaise. Son mariage avec sa cousine, Madame Royale, ne fera que rendre sa position plus délicate.

    Prêtant à Louis XVI et Marie-Antoinette des intentions qu’ils n’avaient pas, Louis XVIII affirmera, au lendemain de la libération de leur fille, que leur plus cher désir avait toujours été de marier les deux cousins. En fait, en 1789, Louis Antoine était officiellement fiancé à une autre de ses parentes, la princesse Adélaïde d’Orléans. Cette union devenue impossible, lui faire épouser « l’orpheline du Temple » s’avérait, stratégiquement, le meilleur choix. D’abord parce qu’il interdisait aux Autrichiens de concrétiser leur projet de marier Marie-Thérèse à un archiduc et, après avoir aboli la loi salique, d’imposer un souverain Habsbourg à la France, ensuite parce que la gloire douloureuse de la princesse conférerait à son époux une légitimité nouvelle.

    12 mars 1814. Louis-Antoine de Bourbon, duc d’Angoulême, entre à Bordeaux après l’abdication de Napoléon. 

    Un prince de qualité

    photo-histoire3-1.jpgCoustin s’intéresse peu aux sentiments de son héros ; il est vrai qu’en ce domaine, celui-ci fut toujours d’une discrétion exemplaire et qu’au nom de la charité chrétienne, peu avant sa mort, en 1844, il détruisit son journal intime car il y avait porté sur autrui des jugements peu amènes. Il serait donc difficile de percer le secret de cette union politique muée en authentique histoire d’amour, la duchesse d’Angoulême portant, pour son mari, ce surnom révélateur « Gioia mia », ma joie, si, en 1815, Napoléon n’avait eu l’inélégance de publier la correspondance, interceptée, que le prince, dans le Midi, adressait à sa femme à Bordeaux.

    Jusqu’à la première Restauration, malgré les nombreuses tentatives d’Angoulême pour servir en première ligne, on aura eu soin de préserver sa vie trop précieuse à la dynastie. Lors des Cent-Jours, les circonstances feront cependant qu’il se retrouvera exposé comme jamais. Coustin souligne l’attitude exemplaire du prince pendant cette campagne malheureuse dans le Midi, qui se soldera, car il aura refusé d’abandonner ses maigres troupes, par son arrestation. On affirmera que Napoléon, vengeur, aurait envisagé de le faire fusiller mais qu’il y renonça, sous la pression de son entourage. Le fait est, en tout cas, que les bonapartistes devaient rendre hommage à l’incontestable courage du prince, qu’il démontrera de nouveau lors de la campagne d’Espagne, par ailleurs si décriée, en 1823.

    Peu rancunier, Angoulême sera néanmoins l’un des plus chauds partisans de la politique de réconciliation nationale prônée par Louis XVIII, ce contre les vœux de sa femme et de son père. Charles X le lui fit-il durement payer, comme le pense le biographe, en 1830, en interdisant à ce fils qui ne partageait pas ses vues ultra de régner, serait-ce quelque minutes, pour l’excellente raison que, roi, Louis XIX, aussitôt, eût tenté d’imposer sa ligne politique, fort proche, sans doute, de celle par nécessité, choisie par Louis-Philippe ? Peut-être … Dès lors, ne reste qu’à rêver à ce qui aurait pu être …

    Et Louis XVII ?

    photo-histoire-4.jpgCharles X et la duchesse d’Angoulême n’étaient pas seuls à déplorer les positions trop libérales du prince. C’est parce que Louis XVIII et Angoulême déçoivent les espérances de royalistes au demeurant d’un dévouement incontestable, que ceux-ci se prennent à espérer une impossible survie de Louis XVII. D’emblée, Hélène Becquet qui, après avoir consacré un essai à Madame Royale en publie un sur son frère Louis XVII, l’assène : Louis XVII ne saurait être, pour un universitaire, objet d’histoire. Comme elle l’a déjà fait pour la fille de Louis XVI, elle ne s’intéresse donc pas à la personne que recouvre le titre, mais à l’image politique qui découle de la naissance et de la fonction.

    Dans cette étude, il n’est guère question de l’enfant martyr et beaucoup de ce qu’il incarna. Fils cadet que la mort prématurée de son frère aîné fait dauphin à l’instant où débute la Révolution, puis prince royal, puis fils Capet et « louveteau » issu d’une « race criminelle » vouée à l’extermination, Louis Charles réunit sur sa tête de sept ans toute la haine des uns et toute la ferveur des autres. Qu’en a-t-il compris ? À cette question, l’historienne ne répond pas. Tel n’est pas son propos. Louis XVII peut être terrifié par les événements, arraché à sa mère, maltraité par des éducateurs improvisés et brutaux, transformé sans le comprendre en accusateur de la reine et de Madame Élisabeth, souffrir des mois durant seul dans une chambre murée, et finalement agoniser interminablement de tuberculose presque sans aucun réconfort, puis mourir à dix ans, cela n’est pas son propos. Il n’est à ses yeux qu’un symbole. En quoi il se peut qu’elle se trompe.

    Lorsque, en février 1795, Charette, à La Jaunais, accepta une paix que d’aucuns jugèrent déshonorante, ce ne fut pas pour une image que le général du Roi s’exposa aux rumeurs honteuses de trahison, mais pour une personne vivante, un enfant de chair et de sang, qui souffrait et que les Conventionnels avaient promis de lui remettre. La monarchie française est incarnée. C’est sa force. Si la République n’est qu’une idée, le Roi, lui, est une personne.   

    Louis XIX, François de Coustin, Perrin. 470 p. 25 €.

    Louis XVII, Hélène Becquet, Perrin, mai 2017, 304 pages, 20,90 €

  • Chirac condamné : sa vraie condamnation, elle est devant l'Histoire....

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            Ainsi, pour la première fois un Président de la République est condamné. Ils ont eu tous raison, hier, les commentateurs : d'une part, c'est "trop tard" - expression quasi unanime; d'autre part, c'est trop peu, mais c'est aussi trop puisque, maintenant, cela touche un homme affaibli, qui a commencé sa longue descente vers... au cours de laquelle les idoles du "Temple" qu'il a défendu durant sa vie politique, celles de sa religion républicaine, ne lui seront d'aucun secours, car, comme il est dit dans les Écritures, faites de main d'homme, elles ont des oreilles, mais qui n'entendent pas; des yeux, mais qui ne voient pas; des bouches, mais qui ne parlent pas....

            Philippe Bilger a raison de dire qu'il doit démissionner de toutes ses fonctions (il pense par exemple au Conseil Constitutionnel, puisque l'affaiblissemnt physique et mental de la maladie ne se divise pas, et donc, s'il n'a plus la force - selon ses propres termes - pour faire appel et se défendre, il n'a plus la force, non plus, pour rien faire d'autre...  Le Pen aussi a raison : "pendant des années, nous avons été gouvernés par un délinquant".

            Pourtant, pour nous, cette condamnation d'hier n'est aps ce qui compte : après tout, un bon tiers, voire une bonne moitié du Pays Légal est corrompu. Et ce ne sont pas les emplois fictifs de la Mairie de Paris qui condamnent Chirac, au fond.

            Ce qui le condamne au fond, pour nous, devant la France et devant l'Histoire, ce sont ses Décrets sur le regroupement familial, avec leur danger de dilution du peuple français qu'il induit- à l'image du morceau de sucre, maintes fois reprise par maints commentateurs.... Changer le peuple, par un "processus de substitution démographique", comme l'a dit entre autres Michèle Tribalat, voilà qui est bien pire que l'escroquerie - ou les escroqueries... - faites à la Mairie de Paris.

            C'est cela, la faute fondamentale de Chirac : cette disparition programmée d'un vieux peuple historique, au fond démographique fondamentalement stable pendant mille cinq cents ans, et assimilant régulièrement, normalement et positivement les apports extérieurs. Toujours ouvert et accueillant à d'autres populations venues des quatre coins de l'Europe, ce vieux peuple qui assimilait naturellement s'est trouvé soudain noyé, en trente cinq ans, par un flot déferlant de populations qui, pour plusieurs raisons, ne sont pas en situation d'être assimilées dans ces conditions. A cause de la politique initiée par Chirac, Premier ministre, que son Président de l'époque, Giscard d'Estaing, a laissé faire....

            Ce qu'a fait Chirac à la Mairie de Paris est grave, mais c'est une peccadille au regard de l'atteinte à l'intégrité du Peuple français, et à la menace - pas forcément irréversible mais bien réelle - de désintégration du Peuple français, tel qu'on l'a connu jusqu'à 1976....    

  • CULTURE & HISTOIRE • Le Puy du Fou preuve spectaculaire que la France est en vie

     

    Par Charles Rouvier, étudiant

    552537.jpgLa bonne nouvelle de l’été est le succès constant et toujours plus grand du Puy du Fou, et parallèlement l’appauvrissement des autres grands parcs d’attractions débilitants comme Disneyland. Phillipe de Villiers sera peut-être plus connu pour avoir créé, fait prospérer et même exporté (en Russie) l’année dernière Le Puy du Fou, que pour sa carrière politique… et c’est bien mieux. Car c’est une belle œuvre, que le Puy du Fou, un « opus bonum » qui plaît à Dieu.

    Ils doivent être bien malheureux, ceux qui nous gouvernent. Les gens ne vont plus faire des pirouettes sur des trains ni trembler dans des maisons hantées, et pourtant la mine comme la maison sont à deux pas de chez eux, près des grandes agglomérations, bien desservies par le RER. Les infrastructures sont modernes et un maximum d’amusement y est garanti pour les grands et les petits, notamment grâce aux subventions du département, de la région, de l’État, de l’Europe, peut-être même de l’ONU. Sans compter les 50 partenaires officiels, le Qatar ou les entreprises de sodas qui écoulent alors plus de sucre en un an que la Compagnie des Indes ne le le fit en trois siècles.

    Non, au lieu de cela, les gens font des heures de trajet en voiture pour s’enfoncer dans la campagne vendéenne, au milieu des chemin creux et des sous-bois. Ils vont voir un parc où l’on raconte l’histoire de ce bout de terre, qui devient vite l’histoire de leur pays, puis de leur civilisation. Ils y voient les préfets romains donnant les chrétiens à manger aux lions, les Vikings se faisant baptiser, un seigneur égayant ses gens avec un spectacle d’oiseaux et, lorsque la nuit tombe, une reconstitution grandeur nature des batailles, des grands événements et, bien sûr, des guerres de Vendée. Ils en repartent tout émus et édifiés, fiers de leurs ancêtres et d’eux-mêmes. 

    Le Puy du Fou est la preuve la plus spectaculaire (au propre comme au figuré) que la France est en vie. Pas la République avec ses drapeaux, ses guillotines, ses grèves, ses instituteurs, ses Gay Pride et plugs anaux en tous genres, mais la France, ce pays glorieux dont le roi guérissait les malades, où chaque heure qui passe est saluée par un clocher millénaire, à qui l’homme offrit le roman, à qui la terre offre le vin et le blé, à qui le ciel offrit les cathédrales. Cette France, bien qu’ensevelie sous les cendres de la propagande, de la répression, de l’argent infini de ses ennemis, brûle encore et n’attend qu’un souffle d’air sur ses braises pour briller à nouveau. Et nous, qu’attendons-nous ?   •

     

     - Boulevard Voltaire

     

  • L'Histoire est-elle vouée à se répéter ?

     

    En deux mots.jpgCe n'est pas seulement l'Histoire qu'il faut connaître, c'est aussi la géographie. A ceux qui veulent comprendre le présent, l’actualité, nous conseillerons en vérité de s'intéresser à l'une et à l'autre. Combien sont ceux qui débattent de sujets géopolitiques, d'événements en train de se dérouler, parfois tragiques, sans avoir seulement regardé les cartes, ignorant l'environnement, les réalités locales et sans rien connaître des antécédents des pays, peuples, régions du monde dont il est question ! Certes, ce qui nous préoccupe ce doit être le présent, l'actuel, et si possible l'avenir. Mais nous n'analyserons pas correctement le présent, nous prévoirons malaisément ses développements, si nous n'avons pas une connaissance minimale du passé comme des réalités physiques et humaines des régions dont nous avons à traiter. 

    Ainsi qui comprendrait ce qui se passe en ce moment en Catalogne et plus généralement en Espagne, sans en connaître l'Histoire et la géographie ? 

    Les événements d'Espagne sont, pour qui justement connaît un peu l'Histoire et le pays, une reprise à peine différenciée de ce qui s'y est passé entre 1931 et 1936  - ou 1939 si l'on y inclut les années de guerre civile, jusqu'à ce qu'après un million de morts, l'ordre y eût été restauré ... 

    Le nationalisme catalan dressé contre l'Espagne, Barcelone contre Madrid, la Castille répressive, la Catalogne opprimée, le gouvernement national contre la Généralité, Rajoy contre Puigdemont, les proclamations d'indépendance de la capitale catalane, les répliques de Madrid ... Et les juridismes croisés, subtils, patients, byzantins, irréalistes, idéalistes, de bonne ou de mauvaise foi, les droits historiques invoqués, les peuples, les parlements, les traditions opposés, et, au bout du compte, la tyrannie de la haine entre gens qui vivaient pourtant ensemble depuis bien longtemps : ce que nous évoquons là a déjà été vécu. 

    Pas plus qu'hier la déraison n'est absente de la modernité. La déraison et le tragique.  

    Tant de paroles et d'arguties ont un terme, s'épuisent, lassent, et finissent un jour, dans l'Histoire, par déboucher sur l'usage réciproque de la force et de la violence. Manquent sans-doute aujourd'hui aux bobos idéologues et aux braves gens de Barcelone simplement attachés à leurs traditions, comme aux démocrates de Madrid ou aux purs patriotes qui défendent l’Espagne, l'héroïsme et l'esprit de sacrifice de leurs aïeux du siècle dernier. Là se situe peut-être pour envisager la suite des événements sans que l’Histoire doive nécessairement se répéter, la marge d'incertitude.  

    Retrouvez l'ensemble de ces chroniques en cliquant sur le lien ci-dessous

    En deux mots, réflexion sur l'actualité

  • En politique comme en géopolitique, l’histoire doit être notre maîtresse, par Jean-Philippe Chauvin.

    (Cet article a été écrit quelques semaines à peine avant la chute de Kaboul, survenue le 15 août)

    Dans quelques semaines, les dernières troupes états-uniennes auront quitté l’Afghanistan, mis à part quelques instructeurs et conseillers de l’armée afghane, et les Afghans seront livrés à leur destin qui pourrait bien prendre les couleurs, plutôt sinistres, des talibans déjà maîtres de la majeure partie du pays. 

    jean philippe chauvin.jpgCette « déroute de l’Occident », comme l’évoque l’hebdomadaire Le Point cette semaine, ne doit pas être négligée et elle doit même servir de leçon, même si les Démocraties semblent avoir perdu le sens de la durée et, peut-être, le sens des choses, préférant le mol oreiller de l’indifférence et de la « bonne conscience » (sic !), plus pratique pour étouffer les réalités qui dérangent.

    La principale leçon à tirer (ou à retirer) est que la politique des bons sentiments n’est pas une politique en tant que telle, et que la morale (ou l’émotion ? L’intervention occidentale était censée répondre aux attentats du 11 septembre aux Etats-Unis), si elle peut « légitimer » (mais est-ce le bon verbe ?) une opération militaire, ne peut fonder un nouveau régime politique. Dans Le Point, le diplomate Gérard Araud explique « pourquoi la démocratie ne peut jamais s’imposer, ni s’improviser », et cela nous rappelle aussi que nos révolutionnaires de 1789 avaient utilisé les plus grandes violences (jusqu’à la terreur la plus extrême des années 1793-94, et l’extermination de populations récalcitrantes) pour imposer « leur » conception de la Nation (avec majuscule obligatoire) et « leur » République qui, au demeurant, n’était pas forcément celle du voisin… « Des guerres occidentales pour une vision occidentale du monde se sont heurtées aux dures réalités de sociétés qui sont capables de gagner les premières et de refuser la seconde. » C’est donc « l’échec d’une force occidentale supérieure par la technologie, l’armement, l’entraînement des soldats et la faillite d’une politique aux bonnes intentions, qui visait à instaurer dans ces trois pays (ndlr : Irak, Afghanistan, Mali) une démocratie respectueuse des droits de l’homme et de l’égalité des sexes ». Pourtant, les Etats-Unis et leurs alliés pensaient pouvoir reproduire sans trop de difficultés le schéma de la Seconde guerre mondiale et, surtout, de sa « réussite démocratique » en Allemagne (de l’Ouest) et au Japon après 1945, oubliant qu’il y avait là, déjà, des Etats politiques constitués et un sentiment national que les guerres et les défaites avaient, somme toute, renforcés. Ce n’était pas exactement le même cas de figure dans ces pays du Sud dont l’unité tenait parfois à un « sacré » local ou historique que l’Occident n’a pas su apprécier et savamment utiliser… Ainsi, le refus définitif des Etats-Unis de restaurer comme chef d’Etat celui qui avait été, quarante ans durant, le roi d’Afghanistan (Zaher Shah, décédé en 2007) et qui était respecté par les clans et les populations afghanes au-delà de leurs différences ethniques, voire religieuses, a sans doute largement contribué à l’échec final des tentatives de pacification occidentales : quand un conquérant ou un « envahisseur » (selon les points de vue, fort tranchés sur cette question) oublie l’histoire pour ne privilégier qu’une conception morale de la politique ou son seul intérêt « égo-politique » (plus encore que géopolitique), la réussite est fort douteuse et rentre même dans le domaine de l’utopie, c’est-à-dire de la construction d’un cadre politique et d’une société rêvée sur les sables mouvants d’une réalité qui, en fait, se dérobe… C’est ce qu’avait d’ailleurs compris le président états-unien Truman en 1945 en laissant l’empereur Hiro-Hito sur le trône du Japon tout en faisant condamner à mort ses principaux ministres et généraux accusés de crimes de guerre sur la période 1928-1945. George W. Bush et ses « faucons », perdus dans leur croyance en une irrémédiable « fin de l’histoire » qui aurait été favorable au modèle politique et de société états-unien, n’ont pas eu l’intelligence de leur prédécesseur, successeur légal et malin de Roosevelt.

    Pourtant, au début des années 2000, l’illusion était belle : « Il était néanmoins légitime d’espérer, à Washington, à Bruxelles ou à Paris, qu’Irakiens, Afghans et Maliens se joindraient aux forces venues les libérer de l’oppresseur et leur apporter les bienfaits de la démocratie ; ils auraient pu tirer parti des élections pour se doter d’institutions solides et de dirigeants intègres. S’ils ne l’ont pas fait, c’est parce qu’ils n’étaient pas préparés à passer sans transition d’une société autoritaire et patriarcale à une démocratie. » L’un des problèmes réside aussi dans la définition même de « démocratie » qui, en fait, ne peut être la même partout au risque de se renier elle-même si elle est définie, par exemple, par un modèle institutionnel fonctionnant sur la règle majoritaire à intervalles réguliers (les élections) ; si elle est comprise comme un mode de vie social privilégiant l’individu et sa liberté personnelle au détriment de ce qui, dans le pays considéré, « fait corps et sens », elle apparaît aussi en contradiction avec la démocratie politique qui fait de la majorité exprimée du corps électoral (à un moment donné, majorité qui n’est pas forcément confirmée par le moment suivant) la source des lois et des contraintes légales, au-delà des enjeux proprement religieux. Ces difficultés n’ont pas été réglées par des interventions militaires qui se voulaient « démocratiques » mais paraissaient, dans le même temps, violer le principe même d’une politique souveraine des Etats considérés et envahis : les discours des Etats occidentaux n’étaient pas forcément illégitimes mais ils n’étaient pas non plus forcément compréhensibles par des populations locales qui oubliaient vite le bien accompli par les forces occidentales (la libération de leurs villages jusque-là occupés par des groupes armés belliqueux à leur égard, par exemple, et la mise à distance du péril des extrémistes islamistes ; etc.) pour n’en considérer que les côtés moins heureux, à tort ou à raison d’ailleurs.

    « Les Occidentaux ont fait comme s’il suffisait d’édicter une Constitution et d’organiser des élections honnêtes pour voir fonctionner une démocratie. Il a fallu deux siècles aux Européens pour y parvenir tant bien que mal », et notre propre histoire nationale nous rappelle cet impératif du temps long pour enraciner des institutions ou des habitudes politiques qui « apaisent » les tensions toujours sensibles (et la période actuelle n’en est pas exempte, loin de là !) : ce n’est pas la Révolution qui a ancré la démocratie représentative (1) en France, mais bien plutôt les Monarchies qui l’ont suivie, avec la Charte et l’établissement d’assemblées (deux, au niveau national) qui « font les lois » (à défaut de toujours les inspirer) quand l’Etat les fait appliquer après les avoir promulguées et, souvent, « appelées » et préparées. Et les régimes suivants ont poursuivi ce long travail de « parlementarisation » de la vie politique, au risque parfois de faire basculer cette dernière dans un parlementarisme excessif et de mauvais aloi dont le général de Gaulle voudra, à son heure, libérer le pays par la Constitution de la Cinquième République. S’il n’est pas complètement assuré que la démocratie soit forcément « arrivée à bon port » (2), il n’est pas interdit de considérer que certains de ses acquis sont bénéfiques quand d’autres appellent la pratique d’une tradition critique, mais dans le cadre préexistant d’un pluralisme politique qu’il convient de préserver et, même, d’abonder, à rebours des tendances globalitaires des courants « d’effacement » contemporains…

    Aurait-il fallu, au regard de nos traditions politiques et de leurs fortes contradictions d’avec les principes de vie de pays comme l’Afghanistan, l’Irak ou le Mali (entre autres), s’abstenir d’aller « mourir pour Kaboul » ou « pour Tombouctou » et, donc, préserver la vie de nos propres soldats, la France ayant payé un tribut très lourd ces dernières décennies dans les opérations extérieures et dans les actes terroristes frappant notre pays en son cœur (particulièrement en 2015-16) ? La tentation d’un désengagement complet de notre pays des affaires du monde pour se replier sur le pré carré français ou la construction européenne est forte et elle satisfait ceux qui ne voient plus dans les Etats que de simples gendarmes de la société de consommation et de distraction contemporaine (la fameuse « société distractionnaire » moquée par Philippe Muray) ; mais elle n’est pas, en fait, satisfaisante pour qui pense en termes de temps long et de pérennité d’un modèle de civilisation qui, pour imparfait qu’il soit, nous donne des raisons de vivre et nourrit encore les espérances d’une grande part de nos compatriotes qui ne limitent pas leur appartenance au pays à une simple question digestive… De plus, ces combats lointains s’inscrivent aussi dans la préservation de nos frontières, aussi éloignées soient-elles, et nous parlons, là, de la France : des frontières qui ne sont pas, d’ailleurs, que physiques mais symboliques, intellectuelles, civilisationnelles. « Le monde a besoin de la France », s’exclamait Georges Bernanos. Le général de Gaulle, son lecteur fidèle, le pensait aussi, maintenant ou relevant (malgré le déclin des décennies précédant son « règne ») le rang de la France dans le grand concert des nations, et cela malgré une stratégie qui, en Algérie, aurait sans doute pu être différente.

    En fait, il me semble de plus en plus que l’erreur originelle est d’avoir trop « occidentalisé » les interventions extérieures, dans une logique états-unienne de « colonialisme démocratique » (qui, en temps de paix, porte le nom de « Développement », comme l’a justement signalé depuis fort longtemps le décroissant Serge Latouche), et cela au lieu de jouer la carte qui fut celle du militaire français Lyautey en son temps au Maroc, celle que l’on pourrait baptiser « l’adaptation conviviale » : s’appuyer sur les populations locales et sur leurs traditions pour les mener, peu à peu (même si le plus tôt serait le mieux), sur le chemin d’un « minimum politique » (en attendant et en espérant mieux, même si le calendrier peut être long dans certains pays et pour certaines populations avant d’atteindre les canons « universels » d’une vie politique pluraliste et apaisée souhaitable). Comme le souligne avec raison Gérard Araud : « on n’instaure une démocratie ni avec un marteau ni avec des baïonnettes, comme ont essayé de le faire en vain Américains et Français. On ne l’impose pas ; elle doit répondre aux besoins des populations même si elle ne correspond pas aux normes américaines et européennes ». Cela ne doit pas nous empêcher de prôner quelques uns des éléments (voire des fondements) de notre civilisation (en politique comme dans la vie sociale), mais sans les confondre avec la société de consommation qui oublie l’esprit ni avec la démocratie parlementaire et oligarchique qui ne correspond pas forcément à ce que les peuples locaux veulent faire de leur destin ; ce destin qui doit rester le leur, tant qu’il n’atteint pas le nôtre en cherchant à le subvertir ou à le détruire pour installer « leur » ordre, politique ou religieux, qui n’est pas et ne peut être le nôtre… C’est parce que la France sera sûre d’elle-même (et capable de défendre, y compris militairement, sa particularité historique et civilisationnelle) qu’elle pourra, non seulement vivre et « sur-vivre » face aux risques du monde, et qu’elle pourra entraîner des nations et des peuples, non à lui ressembler, mais à s’inspirer d’elle. Et confirmer ainsi son éternité nécessaire…

     


    Notes : (1) : Il s’agit là de la démocratie électorale dite représentative (même si elle peut accepter, rarement, des formes de démocratie plus directe comme le référendum), au sens d’une participation indirecte des citoyens aux affaires d’un Etat pourtant – ou par conséquent ? – de plus en plus intrusif au cours de ces deux derniers siècles, ce que relevait, avec une certaine inquiétude, Bertrand de Jouvenel dans « Du Pouvoir » dès les années 1940.

    (2) : Il faut bien se rappeler que la démocratie telle que nous la connaissons n’est sans doute pas « définitive », ne serait-ce que parce que l’histoire institutionnelle n’est jamais figée même si elle peut paraître fixée, et que le rapport aux pouvoirs des communautés et des personnes peut nécessiter d’autres formes d’institutions et de préjugés politiques pour satisfaire le corps civique en ses différentes acceptions.

    Illustration : l’ancien roi d’Afghanistan, Zaher Chah.

    Source : http://www.actionroyaliste.fr/

  • Martigues, 11 janvier : Olivier Dard chez Charles Maurras...

    LʼASSOCIATION LES AMIS DE LA MAISON DU CHEMIN DE PARADIS

    a le plaisir de vous annoncer la conférence que donnera le PROFESSEUR OLIVIER DARD le samedi 11 janvier 2014, à 17H30, à MARTIGUES, dans les salons de la VILLA KHARIESSA autour de son ouvrage CHARLES MAURRAS Le maître et lʼaction (Ed. Armand Colin 2013).

    MAURRAS MAISON FENETRE OUVERTE.jpgElle sera précédée à 15 HEURES de la visite du jardin et dʼune partie de la Maison de Charles Maurras, Chemin de Paradis quartier de Ferrières à Martigues.

    Un buffet dînatoire clôturera cette manifestation, Villa Khariessa, Avenue Charles de Gaulle, 13692 Martigues (au bord de lʼétang de Berre).

    Depuis Marignane, Aix et Marseille, par lʼA 55 : sortir en direction de Martigues Centre, 1er portail à droite (Parking).

    Participation aux frais : 32 euros. Tout réglement doit être libellé à lʼordre de lʼAAMCP et adressé 97 boulevard Malesherbes 75008 PARIS

    RÉSERVATION OBLIGATOIRE. PLACES LIMITÉES 

    PAR OLIVIER DARD.jpg