La dernière Saint Philippe d'avant-guerre...
C'est parce que le duc d'Orléans s'appelait Philippe, et qu'il aurait été Philippe VIII, "le grand roi qui a manqué à la France", comme disait Maurras, que l'on célébrait chaque année, avec faste, la "Saint Philippe".
Celle à laquelle a participé Léon Daudet à Barbentane, le dimanche 7 juin 1914, est racontée par lui en première page de L'Action française le jeudi suivant, 11 juin, sous le titre sobre "La Saint Philippe".
De "Vers le Roi", pages 265/266/267 :
"...En juin, enfin, eut lieu à Barbentane la fête conjointe de la Saint-Philippe et de Jeanne d'Arc. Cet admirable village provençal, ses rues pittoresques, son église étaient remplies de drapeaux qui frémissaient, chatoyaient, resplendissaient aux zones de soleil, puis brillaient doucement dans la fraîche pénombre.
Un banquet de 600 couverts, suivi de quelques harangues, fut servi dans la salle de verdure du vieux domaine des marquis de Barbentane.
Arnavielle, notre cher "Arabi" entonna au dessert "le chant de la coupe", qui nous mit à tous les larmes aux yeux, car le grand Mistral venait de disparaître (le 25 mars 1914, ndlr), emportant avec lui un des plus beaux mouvements épique et lyrique que la France et le monde aient connus : celui du premier essor félibréen.
Fasse le ciel qu'il y en ait un second, puis un troisème de la même envergure, et que la Mère Provence en effet, comme dit le refrain de "La Respelido", n'ait pas encore crevé la peau de son tambour !
De tous nos vaillants amis réunis dans ce commun amour du Roi, de l'héroïne et du poète par excellence, combien, oh ! combien allaient tomber, dans les mois qui suivirent, pour la préservation de la grande, de la petite Patrie, de la langue française et de cette langue d'oc qui fait frémir (trefouli) tout véritable méditerranéen !
Je ne sais ce qui me prit, ni quel sombre pressentiment se saisit de ma parole, quand, au lieu de célébrer le saint signal fait sur la Tour-Magne, ainsi que j'en avais l'intention, j'annonçai, sans ménagements, la guerre imminente, une effroyable consommation d'hommes et d'efforts, par la faute de l'imprévoyante démocratie.
Ce fut une déchirure noire dans le beau ciel, et la communion poétique; je distinguais, au pied de la tribune, des visages de femmes, de ces incomparables filles du Rhône et de la lumière, déjà assombris et inquiets sous leurs coiffes...
Nous remontâmes vers le village, par les ruelles dorées, au son de la flûte et du tambourin..."
(Voir la suite immédiate de ce texte dans le document suivant, concernant le vote de la " Loi des 3 ans", voulue et appuyée entre autres, par l'Action française...).