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L'aventure France racontée par les cartes...

De Phocée à Marseille...

De Phocée à Marseille...

Prôtis et ses 150 compagnons partirent sur un "pentécontore" (50 rameurs) de plus de cent pieds. Ces grands bateaux, très légers et agiles à la manœuvre, pouvaient filer 10 nœuds et étaient tirés à terre chaque soir.
Phocée (dont l'emblème est le Phoque, car on en trouvait à l'époque dans la baie, d'où le nom de la ville) est une ancienne cité grecque sur la côte Est de la mer Égée, aujourd'hui en territoire turc.
Elle a été fondée entre le 10e siècle et le 8e siècle avant J-C (il y a donc environ 3000 ans) par des Grecs venus de Grèce continentale.

La ville antique est implantée dans la région qui jouit "du meilleur climat du monde", selon Hérodote, adossée à des collines au bord d'une vaste baie bien protégée. Cela n'est pas sans rappeler Marseille....

Mais le lien entre Phocée et Marseille est beaucoup plus essentiel qu'une simple convergence de paysages.
Au 6e siècle avant J-C, Phocée devint la "métropole" (la cité-mère) de la colonisation grecque en Méditerranée occidentale.
Pour les cités grecques d'Europe et d'Asie mineure, il était courant à l'époque de recourir à cette forme de colonisation "pacifique". Il s'agissait pour elles de faire face aux difficultés d'une économie souvent fragilisée par les poussées démographiques, les disettes et le manque de terres à partager...

En 546 avant J-C, Phocée est prise par les Perses et détruite. Les riches familles de la métropole auront juste le temps de fuir et de venir se réfugier dans leurs colonies, contribuant ainsi à leur développement.

Marseille est donc la digne héritière de cette cité antique….

Voici six extraits d'auteurs antiques, parlant de la cité... :

* Les chefs de la flotte furent Simos et Prôtis (Duces classis Simos et Protis fuere). Ils allèrent trouver le roi des Ségobriges, nommé Nannus, sur le territoire duquel ils désiraient fonder une ville, et lui demandèrent son amitié. Justement ce jour-là le roi était occupé à préparer les noces de sa fille Gyptis, que, selon la coutume de la nation, il se disposait à donner en mariage au gendre choisi pendant le festin. Tous les prétendants avaient été invités au banquet; le roi y convia aussi ses hôtes grecs. On introduisit la jeune fille et son père lui dit d'offrir l'eau à celui qu'elle choisissait pour mari. Alors, laissant de côté tous les autres, elle se tourne vers les Grecs et présente l'eau à Prôtis (tunc omissis omnibus, ad Graecos conversa, aquam Proti porrigit), qui, d'hôte devenu gendre, reçut de son beau-père un emplacement pour y fonder une ville.
Justin, Abrégé des Histoires Philippiques de Trogue Pompée, (Livre XLIII, chap. III, 8-11)

* Cette cité perdue au bout du monde (in ultimis terris), environnée de barbares gaulois (cincta Gallorum gentibus). Cicéron (Pro Flacco, XXVI, 63).

* Ainsi elle fut élevée, non loin de l'embouchure du Rhône, dans un golfe écarté, comme dans un coin de mer. Mais les Ligures, jaloux des progrès de sa puissance, harcelèrent les Grecs par des guerres continuelles. Ceux-ci repoussèrent leurs attaques avec des succès si brillants qu'après avoir vaincu leurs ennemis, ils établirent un grand nombre de colonies sur les territoires qu'ils avaient enlevés. Justin (Livre XLIII, chap. III, 12-13)

* De même qu'Athènes fut l'école de la Grèce, "Marseille fut l'école des barbares". Strabon (Géographie, V.4,1,5).

* Sous l'influence des Phocéens, les Gaulois adoucirent et quittèrent leur barbarie et apprirent à mener une vie plus douce, à cultiver la terre et à entourer les villes de remparts. Ils s'habituèrent à vivre sous l'empire des lois plutôt que sous celui des armes, à tailler la vigne et à planter l'olivier, et le progrès des hommes et des choses fut si brillant qu'il semblait, non pas que la Grèce eût émigré en Gaule, mais que la Gaule eût passé dans la Grèce.
Justin (chap. IV,1-2)

* Alors que les Phocéens partaient de leur patrie, un oracle, dit-on, leur fut rendu qui disait de prendre pour chef de leur navigation un guide reçu d'Artémis d'Ephèse : ils cherchèrent à savoir de quelle façon ils obtiendraient de la déesse ce qui leur avait été ordonné. Or la déesse parut en rêve à Aristarché, une des femmes les plus estimées, et lui ordonna de partir avec les Phocéens, en emportant une image consacrée du culte. Ceci ayant été fait et la colonie enfin fondée, ils érigèrent le temple et ils honorèrent particulièrement Aristarché, en la désignant comme prêtresse. Et dans toutes les colonies, on vénère cette déesse en tout premier lieu, et on observe à l'égard de son idole la même attitude et les mêmes autres coutumes qui sont en usage dans la métropole.Strabon (Géographie,IV.I,4)