"De Strasbourg à Cologne..." : II (a), Rhénanie...
Cologne, Bonn, Aix-la-Chapelle... et Zulpich, le nom actuel de Tolbiac...
L'autonomisme rhénan était possible, après la victoire de 1918, et tout d'abord, pour une raison bien simple : parce qu'il y avait des autonomistes rhénans...
Mais, qui étaient-ils ?
Là aussi, laissons parler l'observateur (on lira "à l'envers", en commençant par une note de 1930, quand tout est perdu, et en finissant par une note de 1923, quand tout était possible...) :
* de Jacques Bainville, Journal Tome III, pages 100/101 (note du 6 juillet 1930) :
"On pille, on moleste les séparatistes ou autonomistes de Rhénanie. Il y en avait donc ? Et pourtant on avait nié si longtemps keur existence ! On en avait ri et même ricané....
Des autonomistes ? Fantaisie, illusion, tous des boches, de simples boches. Et les républicains de Dorten n'étaient que de ridicules figurants, des aventuriers de la pègre, des malheureux embauchés pour quarante sous par jours. Combien de fois n'avons-nous pas entendu l'antienne, débitée avec un air de supériorité et de déain.
Pourtant, il y a des homme qui sont morts pour la cause de l'indépendance rhénane, toutes les causes ne peuvent pas en dire autant. Celles qui ont ce privilège peuvent être vaincues, mais leur existence ne peut être niée. Matthez et d'autres ont été assassinés. Il y a eu le massacre de Pirmasens, page inglorieuse de notre histoire. Quant à la pègre dont on nous avait parlé, en oubliant que Dorten était un très honorable bourgeois de Wiesbaden, voici qu'on nomme aujourd'hui le docteur Roth et sa femme, qui se sont empoisonnés pour échapper à la Sainte Vehme et qu'on publie une liste de notables commerçants dont les magasins ont été saccagés par vengeance et qui, personnellement, n'ont pas tous échappés aux sévices.
Aujourd'hui la rive gauche du Rhin est évacuée. On a laissé passer l'heure. Alors on évoque les souvenirs de là-bas, les amitiés françaises qui s'y étaient nouées, les yeux embués au départ de nos soldats. On regrette comme toujours ce qui aurait pu être. Il ne se passera pas longtemps avant qu'on aprle du général Mangin comme de Hoche et de Marceau, de M. Tirard comme du préfet Lezay-Marnésin. Trop tard ! Il ne restera plsu qu'à dire : "Et maintenant tout est fini. Si j'avais su!".....
* de Jacques Bainville, Journal Tome II, pages 175/1076/177 (note du 11 avril 1923) :
"Le docteur Dorten est en ce moment à Paris et l'on dit que les personnages officiels craignent de le recevoir.
Voilà tout de même un état d'esprit bien surprenant. On parle d'un Etat rhénan, d'une République rhénane. Cette conception politique, naguère écartée, repoussée comme dangereuse ou chimériquen, fait des progrès. Mais avec quoi veut-on réaliser une Rhénanie, si ce n'est avec les hommes qui en ont conçu les premiers l'idée et qui, pour cette idée, ont couru des risques ? Pour faire un civet, prenez un lièvre. Pour faire une Rhénanie, ne commencez pas par dégoûter les Rhénans.
Le mouvement a commencé à être pris au sérieux quand on a vu que les Prussiens le prenaient au tragique. La tentative d'assassinat commise sur Smeets a ouvert bien des yeux. "Tout de même, s'est-on dit, il faut que ces hommes-là soient convaincus pour que leur conviction les expose à être tués. Nous serions impardonnables de négliger ou de gâcher cela."
Il est fâcheux seulement que la France ait l'air de ne s'intéresser à ce mouvement qu'après des incidents violents, quand il y a eu délit ou crime. Et encore !
Que nosu amnque-t-il sur la rive gauche du Rhin ? Disons-le mot ; la confiance : les Rhénans craignent la Prusse plus qu'ils n'espèrent en nous. Le prestige de la Prusse est plus grand que le nôtre. De là, nos diffficultés, nos déceptions, et celles qui pourront se produire encore. Mais pourquoi, à Coblence, M. Tirard est-il éclipsé par le prince de Hatzfeldt ? Pourquoi le Commissaire de l'Empire et de l'Etat Prussien est-il somptueusement installé, entouré d'un appareil Imposant de 4 ou 500 fonctionnaires ? Il faudrait au moins que M. Tirard parût un plus grand seigneur que le prince de Hatzfeldt; qu'il eût plus d'argent et de personnel que lui.
Du temps où le général Mangin commandait et administrait, c'est un fait que notre occupation avait une autre allure. On a cassé le général Mangin, le premier général français que les Rhénans eussent vus depuis Napoléon. L'effet n'a pas été bon pour notre prestige.
Et tant de choses se ramènent à une question de prestige. On s'étonne que les cheminots des provinces rhénanes aient obéi à l'ordre de grève venu de Berlin. Mais, pardon : quand les Alliés ont-ils dit que les ordres de Berlin ne devaient pas être obéis ? Nos soldats sont là-bas les gendarmes qui font respecter les lois prussiennes. Alors de quoi se plaint-on ? Il faudrait au moins commencer par affirmer sur de belles affiches blanches que l'autorité de la France est supérieure à celle de la Prusse et que ce sont les ordres français qui doivent être obéis et non els ordres prussiens....
Tout cela est élémentaire. C'est la nécessité d'avoir un lièvre pour la confection du civet. Nous avons eu, nous avons peut-être encore, le lièvre rhénan entre les mains. Qu'on prenne garde de le laisser courir."
(suite et fin document suivant).