Les rats quittent le navire, par Louis-Joseph Delanglade
En annonçant le 23 janvier dernier la tenue d’un référendum sur le maintien de son pays dans l’Union Européenne, M. David Cameron a peut-être signé l’arrêt de mort de ce que les européistes appellent « Europe ». Déjà l’eurosceptique Danemark s’interroge et, en France même, les réactions sont vives et partagées.
La Grande-Bretagne avait réussi, suite à la levée du veto français (prix à payer pour le ralliement centriste à M. Pompidou), à intégrer la C.E.E. en 1973. Elle le voulait pour des raisons commerciales (briser ce nouveau blocus continental que représentait pour elle la C.E.E.) et politiques (garder la main sur toute évolution postérieure de cette même C.E.E.). Pendant quarante ans, elle a toujours refusé ce qui lui semblait menacer son indépendance (comme l’espace Schengen et la monnaie unique). Aujourd’hui que l’« Europe » n’est décidément plus que ce qu’elle souhaitait qu’elle fût – un marché ouvert à tous les vents – et que ses intérêts commerciaux sont ailleurs (son commerce avec le reste du monde est supérieur à son commerce avec l’U.E.), elle envisage la sortie. Belle leçon de réalisme politique.
En fait, l’attitude de la Grande-Bretagne souligne cruellement la vacuité de l’« Europe ». Celle-ci n’est effectivement qu’un grand marché libre et sans protection aucune, avec comme corollaire une immigration massive, mal contrôlée et dévastatrice. Cette « Europe » amnésique et aboulique, cheval de Troie d’une mondialisation qui nous ruine et nous détruit, libéraux et sociaux-démocrates l’ont voulue ensemble. M. Montebourg a donc parfaitement raison de défendre (France 2, « Des paroles et des Actes », jeudi 24 janvier) le protectionnisme contre le libre-échangisme de M. Minc, exemples probants à l’appui (comme celui d’Apple, taxé par le Brésil, et même les Etats-Unis, et donc contraint de se relocaliser dans ces deux pays).
Croire encore au prétendu et salvateur modèle allemand serait, par ailleurs, se faire beaucoup d’illusions. L’Allemagne est elle aussi victime de la mondialisation et de l’impuissance de l’« Europe », même si elle donne l’impression d’une sorte de prospérité décalée. La vérité est que l’industrie allemande a exploité la Mitteleuropa, y délocalisant une grande partie de sa production industrielle, se contentant de rajouter une griffe finale garante de la « deutsche qualität », avec comme résultat une baisse des coûts sociaux lui permettant de réaliser 80% de ses excédents au détriment de…ses propres partenaires européens – mais pour combien de temps encore ?
On doit donc remercier M. Cameron. Son initiative pourrait être à l’origine d’une prise de conscience permettant de dépasser le clivage stérile nationalisme~européisme. Dans la perspective de ce débat d’idées, la seule certitude est que l’Europe que nous pourrions appeler de nos vœux n’aurait rien de commun avec celle qu’on nous a concoctée et imposée - et qui est un véritable fiasco.