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philippe auguste - Page 2

  • Une impressionnante évocation : Bouvines, 27 juillet 1214, par Pierre de Meuse (1)

    Il s'agit, en vérité, de bien davantage qu'un récit - quoique tout y soit décrit par le menu - et de bien davantage que d'une évocation. Mais, outre tout cela, d'une étude politique, militaire, historiographique de la bataille de Bouvines, dont la France commémore les 800 ans. Compte-tenu de son importance, nous publierons cette étude en trois parties, dont voici la première. Signalons encore que ce texte est repris du numéro 36 de La nouvelle revue universelle (avril-mai-juin) - que nous recommandons de lire en totalité *.  

     

    AG DREUX 026.JPGLa France capétienne a bénéficié tout au long de son histoire, d'un avantage considérable : celui d'être le pays le plus peuplé d'Europe. Cette supériorité démographique, notre pays la conservera jusqu'au XIXème siècle, au cours duquel l'Angleterre et l'Allemagne la dépasseront lorsque les règles fiscales issues de la Révolution viendront briser le dynamisme familial issu de l'Ancien régime. Il est donc logique que les concurrents de la France n'aient pu envisager de la vaincre, lorsqu'elle était unie, que par une coalition. Il arrive que ces coalitions triomphent, comme à Waterloo, ou qu'elles échouent, comme à Denain. Dans tous les cas, c'est un grave danger pour la nation française. Il y a huit cents ans cette année que la première de ces grandes coalitions européennes fut formée, et qu'elle vint se disloquer à Bouvines. Voilà un anniversaire plein de sens, puisque depuis quelques années l'héritage français se trouve menacé de submersion. Il convient donc de se remémorer les circonstances de cet évènement capital, qui est la deuxième grande bataille livrée par les rois depuis la fondation de la dynastie.

    À l'origine de ce conflit, il y a, comme ce fut souvent le cas au cours des âges, l'hostilité de l'Angleterre et de Jean sans -Terre, son roi. Les motifs de cette hostilité sont patents : Philippe Auguste, roi intelligent et calculateur, a habilement su récupérer dans son Domaine royal la plus grande partie de ce que son père Louis VII (1120-1180) avait perdu à cause de la répudiation de son épouse Aliénor d'Aquitaine : pratiquement toute la partie ouest de la France, c'est-à-dire la moitié du royaume.  Normandie, Bretagne, Maine, Saintonge, Angoumois, etc... Philippe s'est appuyé avec diplomatie sur les dissensions familiales de la dynastie anglaise. D'abord entre Henri II Plantagenet et son fils cadet, Jean sans Terre, puis entre les deux frères Richard Cœur de Lion et le même Jean sans Terre, enfin sur les révoltes causées par la paillardise et le manque de qualités guerrières de ce roi Jean après la mort de Richard, tué au siège de Châlus en 1199. Jean, qui a succédé à son frère mort sans postérité légitime, décide donc de reconquérir ses territoires perdus. Il noue alors une coalition avec tous les ennemis potentiels du roi de France, le comte de Flandre Ferrand (qui est en fait portugais) et celui de Boulogne, le duc de Brabant ainsi que le titulaire du Saint Empire Romain Germanique, Otton IV de Brunswick, tous unis dans un désir commun d'en finir avec la puissance de la monarchie capétienne. Chacun reproche au roi de France, soit de lui avoir pris des villes ou des territoires, soit de soutenir ses ennemis. Il y a aussi la forte dépendance entre l'économie drapière flamande et l'Angleterre. Il faut préciser que Philippe soutient le pape Innocent III qui vient d'excommunier Otton, et ils soutiennent tous deux le petit-fils de Barberousse, Frédéric de Souabe, un Hohenstaufen, alors qu'Otton est un représentant de la dynastie concurrente des Welfes. L’excommunication est à l'époque un procédé de pouvoir, et n'a rien de doctrinal : les seuls conflits que le pape sanctionne sont des questions de fiefs non cédés, d'indemnité non réglées ou de dîmes arriérées.

     

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  • Royauté, évolutions, Révolution...

              On ne forcerait pas beaucoup le trait en affirmant que Louis XVI n'aurait peut être pas été renversé, et encore moins assassiné, s'il avait agi comme les Rois d'Angleterre face à leurs opposants: à partir de 1215, lorsque leurs barons se soulèvent contre eux et leur arrachent la Grande Charte ils ont peu à peu cédé la réalité du pouvoir, en échange de quoi ils ont gardé leur place, et les honneurs qui s'y rattachaient...; Louis XVI n'aurait peut être pas été renversé, non plus, s'il s'était agi seulement d'un simple transfert de pouvoirs politiques; l'immense majorité des Français étaient royalistes en 1789, comme la plupart des penseurs et des élites (Montesquieu, Voltaire, Mirabeau...), et le Roi avait d'ailleurs accepté un important partage des pouvoirs, ouvrant la porte à la représentation nationale, devenue indispensable comme -en son temps- la représentation communale: en plein Moyen Âge féodal, la Royauté, une première fois, avait déjà su parfaitement s'adapter au mouvement communal, véritable révolte anti féodale, véritable "révolution" dans les esprits, les moeurs et le partage concret des pouvoirs.

              Il faut bien se souvenir qu'à l'époque les villes étaient soumises à des seigneurs, féodaux et ecclésiastiques; lorsque les bourgeois, enrichis par le commerce, se sentirent assez forts, ils ont tout naturellement souhaité acquérir leur autonomie politique, judiciaire, fiscale et économique; ils ont tout naturellement souhaité être représentés en tant que tels, et participer, à leur niveau, aux décisions; le monde féodal, bien sûr, fit tout ce qu'il pût pour écraser ce nouveau pouvoir et l'empêcher de s'installer définitivement: le chroniqueur Guibert de Nogent est resté célèbre pour son apostrophe "Commune, nom nouveau, nom détestable !"...; il y eut, ici et là, quelques violences, mais ce qui fut bel et bien une "révolution" se passa finalement sans trop de problèmes, entre les règnes de Louis VI et celui de Philippe Auguste (en gros entre 1100 et 1200), en grande partie parce que les Rois de France eurent la sagesse, et l'intelligence politique, de s'allier à ce mouvement communal, de l'épouser, ce qui lui permettait d'affaiblir les féodaux et de consolider sa propre légitimité, en renforçant son pouvoir face à celui des féodaux, abaissés. La Royauté pouvait donc parfaitement, une deuxième fois, et à sept siècles de distance,  s'allier à un mouvement visant, cette fois, à représenter l'ensemble de la Nation....  

                 Pourquoi donc ce qui s'est passé en plein Moyen Âge, à savoir cette rencontre, cette "amitié", cette alliance entre pouvoir royal et représentation populaire (à l'échelle des communes) n'a-t-il pas pu se reproduire en 1789, lorsque les temps furent mûrs pour que, cette fois à l'échelon national, le peuple français formât une Assemblée, avec l'accord et le soutien de la Royauté, nous évitant ainsi cette catastrophe (nationale et internationale) que fut la Révolution ? (1). A cause de l'irruption d'un petit groupe d'idéologues froids, durs petits esprits, arrogants vaniteux sûrs de détenir la vérité sur tout -et surtout "La" Vérité!-; prétentieux emplis de leurs certitudes qui leur venaient de cette intense préparation des esprits qu'a été le soi disant et auto proclamé, siècle des Lumières (quelle vanité, quelle suffisance, quel Orgueil délirant! oser s'appeler soi même "siècle des Lumières", c'est donc tenir pour rien Pascal, l'Humanisme, Sénèque, Aristote ou Platon?....);

              Dans la société raffinée, policée, civilisée d'alors, le pays étant riche et puissant, fortement peuplé, bien éduqué et instruit, il était facile de vouloir tout réorganiser, tout améliorer, tout rationaliser, et tout de suite: nous aimerions les voir, comme le disait Jacques Bainville, dans le monde qu'ils nous ont légué!: le résultat le plus clair de leur action fut de mettre la violence, la brutalité, la barbarie au service de l'abstraction...; il y eut ainsi -à partir d'une évolution nécessaire, souhaitable et positive, voulue par le Peuple- une véritable captation d'héritage, un détournement d'intention, un "placage" de préoccupations idéologiques totalement étrangères au plus grand nombre des Français; lesquels se soulevèrent d'ailleurs en masse contre cette folie, et ne furent "convaincus" que par la Terreur au sens propre, c'est à dire l'extermination...

              Il n'y a donc rien à conserver de la révolution de 1789; François Furet l'a très bien analysé, avec son immense honnêteté intellectuelle qui lui a permis, même s'il ne nous a jamais rejoint, de sortir de ses premières certitudes idéologiques, et d'effectuer un remarquable travail pour démystifier et démythifier la révolution: toutes les horreurs qui allaient suivre étaient en germe dans les premiers débordements: dès 1789 et les premières têtes fixées à des piques, la Terreur est en gestation! en même temps il y a tout à garder dans "le grand mouvement de 1789", que souhaitait le Peuple français et sur lequel les révolutionnaires ont plaqué de force leur idéologie, mais pour le dénaturer, en changer le sens profond, lui faire prendre une direction qui n'était nullement celle que souhaitait l'opinion; il faut agir un peu comme avec ces films plastiques qui recouvrent un appareil : on enlève le film, on garde l'objet...; on se débarrasse ainsi de la stérilité de la révolution, tout en retrouvant la fertilité du mouvement voulu par l'opinion; on retrouve l'intuition des origines, débarrassée des scories nuisibles de la désastreuse idéologie révolutionnaire...

    (1): voir la note "26 millions de royalistes" dans la Catégorie "Révolution et république dans l'Histoire" (article d'Alain Decaux).