Feuilleton : "Qui n 'a pas lutté n'a pas vécu"... : Léon Daudet ! (157)
(retrouvez l'intégralité des textes et documents de ce sujet, sous sa forme de Feuilleton ou bien sous sa forme d'Album)
Aujourd'hui : Éloge de Georges Mandel...
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ndlr : ce sujet a été réalisé à partir d'extraits tirés des dix livres de souvenirs suivants de Léon Daudet : Paris vécu (rive droite), Paris vécu (rive gauche), Député de Paris, Fantômes et vivants, Devant la douleur, Au temps de Judas, l'Entre-deux guerres, Salons et Journaux, La pluie de sang, Vers le Roi...
Ce n'est pas seulement avec Léon Daudet, comme on va le voir dans les passages suivants, que Georges Mandel entretenait les meilleures relations. C'est aussi avec Jacques Bainville, et avec toute l'Action française.
• Dans son ouvrage L'Action française racontée par elle-même, Albert Marty rapporte l'anecdote suivante, bien révélatrice (page 468) :
"...Une nuit, à l'imprimerie, le téléphone retentit :
- Allo ! l'Action française ?... Monsieur Pierre Héricourt est-il là ?
- Non, monsieur, il vient de partir.
Un moment d'hésitation, puis :
- Ici, Georges Mandel. Qui est à l'appareil ?
- Un secrétaire de rédaction, monsieur le Ministre.
- Très bien !... Je suis intervenu ce soir à la Chambre. J'ai cherché M. Héricourt après la séance. Je ne l'ai pas trouvé. Je voudrais savoir s'il a bien saisi le sens de mon intervention...
Nous avions une épreuve du compte-rendu de la séance. Nous lûmes à Georges Mandel le passage le concernant. Il nous répondit, satisfait :
- C'est tout à fait cela ! C'est parfait !
Que de personnalités politiques, comme Georges Mandel, ou du monde littéraire, tenaient à l'opinion de l'Action française !..."
• Quant à Jacques Bainville, on peut comparer les lignes qui vont suivre au bel éloge qu'il a consacré à "Monsieur Georges Mandel" dans La Revue universelle du 1er décembre 1920 (Tome IV, n° 21).
Cet article est consultable dans notre catégorie "Lire Jacques Bainville", dont il constitue (coupé en deux parties, vu sa longueur) les textes XXXVII et XXXVIII. Et il est reporté également dans notre Album "Maîtres et témoins, II : Jacques Bainville";
Tout ceci est à rappeler - et à dédier - aux ignares qui se contentent de répéter, sans jamais vérifier, les mensonges de la "vérité officielle" sur l'antisémitisme de l'Action française, qui fut tout sauf un "antisémitisme de peau", rejeté, dénoncé et combattu en tant que tel, comme l'expliquait sans équivoque Charles Maurras :
"L'antisémitisme est un mal si l'on entend par là cet antisémitisme de "peau" qui aboutit au pogrom et qui refuse de considérer dans le Juif une créature humaine pétrie de bien et de mal, dans laquelle le bien peut dominer. On ne me fera pas démordre d'une amitié naturelle pour les Juifs bien nés."
Dans Député de Paris, Daudet donne ces précisions :
• (page 29) : "...Dès le début, quatre de mes collègues républicains attirèrent sérieusement mon attention et ma sympathie : André Lefevre, qui fut ministre de la Guerre succédant à Clemenceau dans le Cabinet Millerand (1920), Georges Mandel, ancien chef de cabinet du Père la Victoire, Ignace, ancien sous-secrétaire d'Etat du même à la Justice et Le Provost de Launay..."
• (page 31) : "...Georges Mandel est une forte personnalité, une des plus fortes que j'aie rencontrées. A travers Clemenceau, il a été, en 1918, le maître de l'administration du pays. Sa lucidité, son implacabilité, son érudition politique, son vouloir ont permis à son grandiose patron de veiller au grain en première ligne, cependant que lui, Mandel, assurait savamment l'arrière. Son physique, anguleux, mince et bref, sa parole nette, scandée, d'apparence stérile, de fond subtil, sa vision, elle aussi linéaire, ont joué un rôle essentiel dans le refoulement de l'ennemi au dedans, donc dans sa déroute à la périphérie. Sa vaste culture est égale à sa compréhension immédiate et à son cran. Un député du Nord, censé socialiste, le harcelait dans un moment où il avait besoin, à la tribune, de tous ses moyens : "Monsieur, mon cher collègue - Mandel est toujours courtois - répliqua-t-il vous étiez moins faraud quand vous veniez, en 1918, chaque semaine à la Présidence du Conseil, réclamer votre prébende". Chez cet implacable, aucun orgueil, aucune vanité, aucune pompe. Mais - c'est sa force - ceux qui ont été ou sont avec lui savent pouvoir compter sur lui. De tempérament opposé au sien, j'ai toujours aimé son âme sévère, ses yeux froids, son dévouement passionné à la chose publique, son honnêteté sans faste..."
1. Dans "La pluie de sang" (page 237), Daudet écrit :
"...On ne peut pas affirmer de Clémenceau qu'il ne connût pas les hommes, car il eut comme chef de cabinet et lança politiquement M. Georges Mandel, qui est une intelligence politique de premier plan, la première du Parlement, et de beaucoup..."
2. De Paris Vécu, 2ème Série, Rive gauche, pages 157/158 :
"...Mandel, sous une apparence frêle, est d'âme ferme et même intrépide. Il fut le véritable maître de la politique intérieure, du 16 novembre 1917 au 10 novembre 1919, faisant trembler les archevêques, les présidents de Cour, les généraux, les politiciens, surveillant et administrant à la place de Clemenceau qui, tout aux armées, ne s'occupait guère de ces vétilles.
Homme d'un intégrité rigide, il est ami quand il est ami et ennemi quand il est ennemi. Ce qui fait que son regard aigu change du tout au tout, selon son interlocuteur.
C'est un genre de nature qui me plaît beaucoup, et Mangin, qui avait eu avec lui plusieurs attrapades, l'estimait aussi à sa valeur, qui est grande.
Mandel n'aime pas à se mettre en avant. La réalité, non l'apparence des choses l'intéresse, et la vedette, les honneurs, les hautes fonctions sont pour lui fantasmes inexistants. Il a vu les hommes de trop près, et dans des circonstances trop rudes, pour ne pas les juger à leur aune.
Je le considère comme fort supérieur à Tardieu qui a des côtés séduisants, peu d'élévation morale et une ambition limitée.
Pour tout résumer, Mandel est un homme de gouvernement et c'est vraisemblablement le seul parmi les républicains. Il connaît le personnel à fond... je dis à fond.
C'est aussi un grand lecteur, s'intéressant à tout et, sur certains point, un érudit. Si nous l'avions eu à la présidence du Conseil, au lieu de Millerand, de Briand, de Poincaré, d'Herriot, de Painlevé, de tous ces hommes de second plan, depuis 1919, les affaires de la France auraient certes pris un tout autre tour et nous ne serions pas, de nouveau, à la veille d'une catastrophe.
Il fallait voir Mandel hausser les épaules, sans un mot, quand Briand énonçait une de ces âneries favorites, du creux profond dont il est coutumier.
Il fallait le voir aussi écouter attentivement tel ou tel, quand le thème devenait sérieux, demander la parole, rétablir les faits en quelques mots.
La puissance sur soi en impose malgré tout, et les plus turbulents parmi ses adversaires faisaient silence..."
3. De Député de Paris (page 130) :
"... Car c'est un homme infiniment poli que l'ex-lieutenant de Clémenceau, au dur tournant de 1918. C'est aussi un politique (et non pas seulement un politicien) d'une valeur extraordinaire et d'une froide énergie bien rare.
Il n'a peur de rien, ni de personne.
Aux uns, il est antipathique à l'extrême, aux autres tout à fait sympathique. Je suis de la seconde catégorie.
Georges Mandel est une des personnalités attachantes et singulières que j'ai rencontrées dans ma vie.
Il a de l'esprit, et il est sérieux. Il est dur et il peut être compatissant. Bref, en un mot comme en cent, c'est un homme; et cette virilité métallique (d'où la spiritualité est absente, autant que j'ai pu en juger, car l'au-delà ne le préoccupe point) fait un contraste remarquable avec la gracilité du sujet..."