Feuilleton : "Qui n 'a pas lutté n'a pas vécu"... : Léon Daudet ! (106)
(retrouvez l'intégralité des textes et documents de ce sujet, sous sa forme de Feuilleton ou bien sous sa forme d'Album)
Septième partie : L'avant-guerre (I), les débuts du journal...
Aujourd'hui : Ce que recouvrait en réalité "l'Affaire"...(I)
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ndlr : ce sujet a été réalisé à partir d'extraits tirés des dix livres de souvenirs suivants de Léon Daudet : Paris vécu (rive droite), Paris vécu (rive gauche), Député de Paris, Fantômes et vivants, Devant la douleur, Au temps de Judas, l'Entre-deux guerres, Salons et Journaux, La pluie de sang, Vers le Roi...
Le Kaiser, Guillaume II, et, en retrait, derrière lui, Charles premier, l'empereur d'Autriche...
Le Préambule de "Au temps de Judas" est très original.
Dédié "À Marthe Daudet, À mon soutien dans la lutte politique, À la clairvoyante royaliste, À ma chère femme, L.D.", il est extrêmement court (une page seulement) et se présente sous forme d'un dialogue entre Daudet et son lecteur.
De ce texte très court, voici un extrait non moins court :
" - ... De 1897 à 1906 la France a été profondément troublée par une querelle intérieure, dont l'Allemagne avait les clés, que l'Allemagne attisait...
- Je vous vois venir : l'Affaire a été surtout, selon vous, un effort préalable de l'ennemi héréditaire, pour nous dissocier par la guerre intestine, avant de nous anéantir par les armes.
- C'est la vérité !"
Voilà qui est extrêmement clair. Prenons donc un peu de recul historique, afin de mettre et remettre les choses en perspective....
Bismarck et Guillaume 1er, puis Guillaume II, voulaient la guerre contre la France, pour achever définitivement l'oeuvre de l'unification allemande, et tirer définitivement les bénéfices de leur victoire de 1870.
L'une des meilleures preuves en est que, cette fois, c'est l'Allemagne qui déclara la guerre, en 14, alors qu'en 70 - et en 39 !... - ce fut la France qui, par deux fois, commit la même folie de déclarer une guerre pour laquelle elle n'était pas prête, ni dans un cas, ni dans l'autre...
Or, dès le lendemain du désastre de 70, la France se mit à se relever. Trop vite, trop fort, selon le goût des dirigeants allemands, qui savaient pertinemment que les Français ne rêvaient que d'une chose : la Revanche, et la récupération des "provinces perdues".
D'où, une série de provocations allemandes (débarquement de l'empereur à Tanger, à l'origine du "Kiel et Tanger" de Maurras), "coup d'Agadir" et, surtout, renvoi de Delcassé sur injonction allemande (voir les deux documents suivants sur Delcassé, tirés de l'Album "Maîtres et témoins (II) : Jacques Bainville").
Et, parallèlement, le désir allemand, et son action, pour "casser" les services de renseignements français, et, à travers eux, l'armée française et le moral de la nation qu'ils se préparaient à attaquer.
C'est aussi simple que cela, au départ, évidemment.
On verra, plus bas, à l'aide de documents que produit Jacques Bainville, comment Zola et les pacifistes ont transformé la chose en une "Affaire Dreyfus", une affaire de "personne", ce qu'elle n'aurait jamais dû devenir, et qu'elle n'était pas, dans "le fond".
À noter, au passage, que les opinions personnelles du capitaine Dreyfus le rangeaient du côté d'une droite modérée...
1. De "Au temps de Judas", pages 10 et 11 :
"...Nous sommes en 1894, vingt-quatre ans après nos terribles défaites et la perte de l'Alsace-Lorraine.
Pendant vingt-quatre ans, la démocratie parlementaire, prenant la suite de la démocratie plébiscitaire napoléonienne, a continué à désorganiser la nation la plus cohésive et (en dépit de nos révolutions imbéciles) la plus facile à gouverner de l'univers.
Vaincu dans la personne du général Boulanger, sept ans auparavant, le patriotisme somnole dans la politique, dans la presse, dans les salons.
Il est demeuré vivace et ombrageux chez un certain nombre de journalistes, d'écrivains.
Il est complètement mort chez beaucoup d'autres.
Il est actif, mais menacé du dehors, au sein de l'État-Major français, qui prépare silencieusement, laborieusement, la résistance victorieuse à une nouvelle agression allemande, toujours à l'horizon depuis 1875.
Car l'Allemagne de Guillaume II, comme celle de Guillaume 1er, use alternativement, vis-à-vis de nous, du sucre et du fouet, et ne cesse d'exploiter notre faiblesse politique et administrative.
Devant elle, deux obstacles à ses projets : cet Etat-Major où travaillent, les oreilles fermées aux bruits extérieurs, des chefs de haute valeur.
À côté de lui, l'avertissant, un service de Renseignements, supérieurement organisé.
Il s'agit, pour l'ennemi héréditaire, de détruire le premier et de supprimer le second.
Ce plan, c'est toute l'Affaire Dreyfus..."