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Feuilleton : Chateaubriand, "l'enchanteur" royaliste... (21)

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Anne-Louis Girodet, Portrait de Chateaubriand,
Saint-Malo, musée d’Histoire de la Ville et du Pays Malouin.

(retrouvez l'intégralité des textes et documents de cette visite, sous sa forme de Feuilleton ou bien sous sa forme d'Album)

Aujourd'hui : la désastreuse Campagne de Russie...

1. 22 Juin 1812 : Napoléon déclare la guerre à la Russie

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 Il ordonne le franchissement du Niemen : nul ne le sait - ou ne le croit... - encore, mais c'est, en réalité, le coup de trop, et le commencement de la fin... Ci-dessus, le Niemen près de Kaunas, en Lituanie, d'où tant de jeunes français ne reviendront pas, tombant sur des terres gelées, où ce qu'il reste de leurs dépouilles demeure enseveli, à jamais...

 

"Lorsque Bonaparte franchit le Niémen, quatre vingt cinq millions cinq cent mille âmes reconnaissaient sa domination ou celle de sa famille; la moitié de la population de la chrétienté lui obéissait; ses ordres étaient exécutés dans un espace qui comprenait dix-neuf degrés de latitude et trente degrés de longitude. Jamais expédition plus gigantesque ne s'était vu, ne se reverra.

Le 22 juin, à son quartier général de Wilkowiski, Napoléon proclame le guerre : "Soldats, la seconde guerre de Pologne est commencée; la première s'est terminée à Tilsitt; la Russie est entraînée par la fatalité : ses destins doivent s'accomplir."

Moscou répond à cette voix jeune encore par la bouche de son métropolitain, âgé de cent-dix ans : "La ville de Moscou reçoit Alexandre, son Christ, comme une mère dans les bras de ses fils zélés, et chante Hosanna ! Béni soit celui qui arrive !" Bonaparte s'adressait au destin, Alexandre à la Providence..." (Mémoires d'Outre-Tombe, pages 787/788)

 

2. La bataille de la Moskowa (le 7 septembre), que les Russes appellent "de Borodino...

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"...Arrivé sur les hauteurs de Borodino, Bonaparte voit enfin l’armée russe arrêtée et formidablement retranchée. Elle comptait cent vingt mille hommes et six cents pièces de canon ; du côté des Français, égale force. La gauche des Russes examinée, le maréchal Davout propose à Napoléon de tourner l’ennemi : "Cela me ferait perdre trop de temps", répond l’empereur. Davout insiste; il s’engage à avoir accompli sa manœuvre avant six heures du matin; Napoléon l’interrompt brusquement : "Ah ! vous êtes toujours pour tourner l’ennemi."

On avait remarqué un grand mouvement dans le camp moscovite : les troupes étaient sous les armes; Kutuzof, entouré des popes et des archimandrites, précédé des emblèmes de la religion et d’une image sacrée sauvée des ruines de Smolensk, parle à ses soldats du ciel et de la patrie : il nomme Napoléon le despote universel.

Au milieu de ces chants de guerre, de ces chœurs de triomphe mêlés à des cris de douleur, on entend aussi dans le camp français une voix chrétienne; elle se distingue de toutes les autres; c’est l’hymne saint qui monte seul sous les voûtes du temple. Le soldat dont la voix tranquille, et pourtant émue, retentit la dernière, est l’aide de camp du maréchal qui commandait la cavalerie de la garde. Cet aide de camp s’est mêlé à tous les combats de la campagne de Russie; il parle de Napoléon comme ses plus grands admirateurs; mais il lui reconnaît des infirmités; il redresse des récits menteurs et déclare que les fautes commises sont venues de l’orgueil du chef et de l’oubli de Dieu dans les capitaines. "Dans le camp russe", dit le lieutenant-colonel de Baudus, "on sanctifia cette vigile d’un jour qui devait être le dernier pour tant de braves. Le spectacle offert à mes yeux par la piété de l’ennemi, ainsi que les plaisanteries qu’il dicta à un trop grand nombre d’officiers placés dans nos rangs, me rappela que le plus grand de nos rois, Charlemagne, se disposa, lui aussi à commencer la plus périlleuse de ses entreprises par des cérémonies religieuses."
Ah ! sans doute, parmi ces chrétiens égarés, il s’en trouva un grand nombre dont la bonne foi sanctifia les prières; car si les Russes furent vaincus à la Moskowa, notre entier anéantissement, dont ils ne peuvent se glorifier en aucune façon, puisqu’il fut l’œuvre manifeste de la Providence, vint prouver quelques mois plus tard que leur demande n’avait été que trop favorablement écoutée..." (Mémoires d'Outre-Tombe, Garnier,  (Tome 3, pages 255-386)

 

3. l'entrée dans la capitale des Tsars, l'incendie de Moscou...

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15 septembre 1812 : l'incendie de Moscou

"...L'incendie de Moscou restera une résolution héroïque qui sauva l'indépendance d'un peuple et contribua à la délivrance de plusieurs autres... Où en seraient les nations si Bonaparte, du haut du Kremlin, eût couvert le monde de son despotisme comme d'un drap mortuaire ?...
...La nuit descend : des émissaires vont frapper mystérieusement aux portes, annoncent qu'il faut partir et que Ninive est condamnée. Des matières inflammables sont introduites dans les édifices publics et les bazars, dans les boutiques et les maisons particulières; les pompes sont enlevées. Alors Rostotpchine ordonne d'ouvrir les prisons... les autres malfaiteurs relâchés reçoivent, avec leur grâce, les instructions pour procéder à l'incendie, quand le moment sera venu. Rostopchine sort le dernier de Moscou, comme un capitaine de vaisseau quitte le dernier son bord dans un naufrage...
Lorsque la ville était encore debout, Napoléon en marchant vers elle s'écriait : "La voilà donc cette ville fameuse !" et il regardait : Moscou délaissée ressemblait à la cité pleurée dans les Lamentations. Déjà Eugène et Poniatowski ont débordé les murailles; quelques uns de nos officiers pénètrent dans la ville; ils reviennent et disent à Napoléon : "Moscou est déserte ! - Moscou est déserte ? c'est invraisemblable. Qu'on m'amène les boyards." Point de boyards, il n'est resté que des pauvres qui se cachent. Rues abandonnées, fenêtres fermées : aucune fumée ne s'élève des foyers d'où s'en échapperont bientôt des torrents. Pas le plus léger bruit. Bonaparte hausse les épaules...
Bonaparte apprit bientôt avec certitude que la ville était menacée de quelque évènement. À deux heures du matin on lui vient dire que le feu commence. Le vainqueur quitte le faubourg de Dorogomilow et vient s'abriter au Kremlin. C'était dans la matinée du 15. Il éprouva un moment de joie en pénétrant dans le palais de Pierre le Grand; son orgueil satisfait écrivit quelques mots à Alexandre, à la réverbération du bazar qui commençait à brûler, comme autrefois Alexandre vaincu lui écrivait un billet du champ d'Austerlitz.
Dans le bazar, on voyait de longues rangées de boutiques toutes fermées. On contient d'abord l'incendie; mais dans la seconde nuit il éclate de toutes parts; des globes lancés par des artifices crèvent, retombent en gerbes lumineuses sur les palais et les églises. Une bise violente pousse les étincelles et lance les flammèches sur le Kremlin : il renfermait un magasin à poudre; un parc d'artillerie avait été laissé sous les fenêtres mêmes de Bonaparte. De quartier en quartier nos soldats sont chassés par les effluves du volcan. Des Gorgones et des Méduses, la torche à la main, parcourent les carrefours livides de cet enfer; d'autres attisent le feu avec des lances de bois goudronné. Bonaparte, dans les salles du nouveau Pergame, se précipite aux croisées, s'écrie : "Quelle résolution extraordinaire ! quels hommes ! ce sont des scythes !"
Le bruit se répand que le Kremlin est miné : des serviteurs se trouvent mal, des militaires se résignent. Les bouches des divers brasiers en dehors s'élargissent, se rapprochent, se touchent : la tour de l'Arsenal, comme un haut cierge, brûle au milieu d'un sanctuaire embrasé. Le Kremlin n'est plus qu'une île noire contre laquelle se brise une mer ondoyante de feu. Le ciel, reflétant l'illumination, est comme traversé des clartés mobiles d'une aurore boréale.
La troisième nuit descendait; on respirait à peine dans une vapeur suffocante : deux fois des mèches ont été attachées au bâtiment qu'occupait Napoléon. Comment fuir ? les flammes attroupées bloquent les portes de la citadelle. En cherchant de tous les côtés, on découvre une poterne, qui donnait sur la Moscowa. Le vainqueur avec sa garde se dérobe par ce guichet de salut. Autour de lui dans la ville, des voûtes se fondent en mugissant, des clochers d'où découlaient des torrents de métal liquéfié se penchent, se détachent et tombent. Des charpentes, des poutres, des toits craquant, pétillant, croulant, s'abiment dans un Phlégéton dont ils font rejaillir la flamme ardente et des millions de paillettes d'or. Bonaparte ne s'échappe que sur les charbons refroidis d'un quartier déjà réduit en cendres : il gagne Petrovski, ville du czar...
Du rivage de Sainte-Hélène, Napoléon revoyait brûler la ville des scythes : "Jamais" dit-il, "en dépit de la poésie, toutes les fictions de l'incendie de Troie n'égaleront la réalité de celui de Moscou." (Mémoires d'Outre-Tombe, La Pléiade, tome I, pages 802 à 807)

Le 19 octobre, Napoléon ordonne la retraite. Dans très peu de jours ce sera, à tous les sens du terme, "la Bérésina" !...

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