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Histoire intime et politique de la famille COLLOMB – de GOMBERT après 1789 : Deux siècles au cœur de la Contre-Révolution (4).

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Chapitre 4, partie 1 : Du 6 février 34 à la Guerre - Chevalier des temps modernes et chevalier millénaire...L’alliance COLLOMB de GOMBERT

Chapitre 4, partie 2 : Entre Francis Jammes et Georges Bernanos, hommage à Briasc, le château de mon enfance...

Durant toute leur vie, mes arrière-grands-parents se consacrèrent aux bonnes œuvres de la ville de Grasse : Des terrains furent cédés pour que la ville puisse créer des équipements sportifs (notamment un terrain de football !), d’importants soutiens furent apportés à la Croix Rouge, que ce soit par l’action concrète avec les
bénévoles ou l’organisation de soirées de gala. Dans la famille, c’était l’une des conséquences directes de convictions solidement ancrées. Pratiquer la charité auprès d’œuvres de bienfaisance fut une constante familiale : Elle est d’abord le devoir du Chrétien, elle est aussi celui du Chevalier. Dans cette période charnière  que fut la transition entre le XIXème et le XXème siècle, la doctrine sociale de l’Eglise prend ses racines dans l’Encyclique Rerum Novarum de Léon XIII (1891) puis dans celle de Pie XI, Quadragesimo Anno (1931). Mais outre cette lame de fond que nous pouvons observer sur le plan de la doctrine catholique, il convient de
préciser que le royalisme français avait déjà développé sa propre doctrine sociale, précisément inspiré de concepts tirés de la théologie catholique. Ce développement s’est fait par l’œuvre de philosophie politique de feu Henri V de France, le comte de Chambord. La Loi Montalembert du 22 mars 1841 interdisant le travail des enfants de moins de huit ans et en limite la durée fut par exemple votée à l’initiative du groupe parlementaire des royalistes légitimistes, même chose pour l’Inspection du Travail, créée en 1874 à l’initiative d’Ambroise Joubert, député issu du même groupe parlementaire. L’un des plus grands penseurs de cette doctrine légitimiste sociale était incontestablement René de La Tour du Pin, dont les vieilles éditions de ses oeuvres trônent fièrement dans la bibliothèque familiale. Auteur de Vers l’Ordre Social Chrétien, soutien indéfectible du comte de Chambord, légitimiste, René de La Tour du Pin reporta sa fidélité à la mort de Henri V au prince Philippe d’Orléans, comte de Paris. Quelques années plus tard, il fit la rencontre de Charles Maurras et apporta très rapidement son concours à l’Action française. De leur fructueuse collaboration, de leur amitié, le Maître de Martigues eut cet aphorisme tellement révélateur : « Ce n’est pas La Tour du Pin qui est d’Action française, c’est l’Action française qui est de La Tour du Pin ! ».


Lafautearousseau a rendu hommage à la pensée légitimiste comme aux légitimistes, dans son éphéméride du 1er avril, citant Michel Mourre et son excellent Dictionnaire Encyclopédique d’Histoire, que je souhaite (re) partager avec vous...En espérant que cette nouvelle lecture puisse montrer dans son entièreté, avec justice et vérité, ce qu’est la pensée légitimiste : « Ce serait faire une caricature que de représenter tous les légitimistes comme des nostalgiques du passé, fermés aux problèmes de leur temps ; bien au contraire, ils furent les premiers, avec les socialistes, à dénoncer les méfaits du capitalisme sauvage. Villeneuve-Bargemon, dans son Traité d’économie politique chrétienne (1834) et Villermé, dans sa grande enquête de 1840 sur la condition ouvrière, furent les précurseurs du catholicisme social. Bénéficiant de la confiance d’une grande partie des masses rurales, les légitimistes firent campagne, souvent en liaison avec les républicains, contre le régime électoral censitaire de la Monarchie de Juillet. Leur force électorale se manifesta après la Révolution de 1848, avec 100 élus à l’Assemblée constituante (avril 1848) et 200 à l’Assemblée législative (mai 1849). Cédant à l’affolement suscité par l’émeute socialiste de juin 1848, la plupart des députés légitimistes se réunirent avec les orléanistes dans le "parti de l’Ordre". Fermement hostiles au coup d’Etat du 2 décembre et au Second Empire, ils apparurent, après les défaites de 1870, comme les hommes de l’ordre et de la paix et eurent de nouveau près de 200 élus à l’Assemblée nationale élue en février 1871. Ils incarnaient toujours la vieille France rurale, mais, avec Albert de Mun et La Tour du Pin, ils continuaient aussi à affirmer leurs préoccupations sociales et leur souci de défendre les ouvriers contre les abus du capitalisme... » (1).

De son union avec Marie-Louise Henriette Marcy, mon arrière-grand-père eut quatre filles, toutes nées à Grasse : Marie Antoinette Léonie Philippine, née le 9 juillet 1902 à Grasse, mariée à M. Xavier d’Azambuja (2), agrégé d’Histoire et de Géographie, décédée sans postérité le 9 octobre 1995 à Sisteron (3) ; Yvonne Marie Henriette Amélie, née le 15 février 1904, décédée sans alliance et sans postérité le 22 janvier 1933 d’une maladie foudroyante à Grasse (4) ; Renée Olivie Charlotte Marie, née le 11 juin 1906, mariée à M. Auguste Marcy, Officier de Marine, Officier de la Légion d’Honneur, décédée sans postérité le 29 mars 1996 à
Malijai (5) ; Gabrielle Marie Joséphine Françoise, née le 23 novembre 1907 (6), mariée à M. Germain Collomb, Avocat au Barreau de Grasse, Camelot du Roi et Ligueur d’Action française (section de Marseille), dont postérité, décédée le 11 février 1993 à Antibes (7).


Mon arrière-grand-père fut sans doute le plus aimant, le plus affectueux des pères. Dieu n’avait pas voulu lui donner de fils, il fut comblé par l’amour de quatre filles, assez turbulentes, mais très unies. Elles ne tardèrent pas à se faire connaître dans la bonne société grassoise qui les appela « Les quatre filles du Docteur March ». Bien que déçu, il eut encore un autre mot d’humour pour résumer sa situation : « Une fille, c’est la joie ! Deux filles, c’est le désappointement. Trois filles, c’est la catastrophe...Et quatre filles, c’est le suicide ! ».


Il maria ma grand-tante au très élégant Xavier Marie Joseph d’Azambuja. Agrégé d’Histoire et de Géographie, ancien élève des Pères Jésuites, il enseigna toute sa vie dans les établissements placés sous la tutelle de la Compagnie de Jésus, notamment à Marseille au Collège-Lycée de Provence où je fis d’ailleurs toute ma scolarité secondaire, conformément aux volontés de mon père lui-même ancien élève des Pères Jésuites, avant d’y avoir enseigné pendant quelques mois pour pallier à l’absence d’une professeur ayant demandé sa mise en disponibilité pour préparer son agrégation. Ces quelques mois passèrent à la vitesse de l’éclair et nouèrent des relations de confiance solides entre certains élèves de l’époque, leurs parents, qui aujourd’hui encore m’ont conservé leur confiance et leur estime. La boucle était bouclée, je maintenais la tradition familiale et vins remplir une mission auprès de la Compagnie de Jésus et de Provence.


Le mariage entre M. d’Azambuja et ma Tante Marie ne porta pas de fruits, Marie en fut fort attristée, amère...Tandis que l’Oncle Xavier prit ça avec philosophie et humour ; Le marquis de Gombert ayant choisi un gendre avec autant d’humour que lui...Yvonne mourut fort jeune et laissa un immense vide dans la maison comme dans les cœurs. Je revois encore les correspondances de ma grand-mère et de mes grand-tantes parlant encore de « notre malheureuse Yvonne » plus de 40 ans après son décès...


Le marquis de Gombert n’avait sans doute pas imaginé que quelques années avant sa mort, sa lignée serait assurée. Sa petite dernière, Gabrielle (appelée affectueusement « Gabie » par ses grandes sœurs) tomba folle amoureuse d’un « grand gaillard du Dauphiné aussi sec que ses montagnes, un Camelot du Roi ! » selon le mot de son Bâtonnier, mon arrière-grand-père...Le premier réflexe de mon bisaïeul lorsque celui qui allait devenir mon grand-père lui expliqua son parcours (Briançon, Marseille, Grasse), fut de lui demander s’il ne s’était pas perdu en route...Le marquis de Gombert fut impressionné par ce Camelot du Roi qui avait prêté le serment des Ligueurs d’Action française d’aller jusqu’à sacrifier sa vie pour la cause. Courageux, solide, excellent avocat, dont les principes allaient même jusqu’à consacrer l’exercice de « son art » à la défense des plus humbles (qui le payaient en cuissots, fruits, légumes, poulardes...), Germain Collomb avait un seul
défaut : Il était trop sérieux...Le marquis de Gombert refusa nombre de prétendants, notamment de la noblesse, sa fille avait choisi ce « chevalier des temps modernes » venu de Briançon.

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Mon grand-père, Germain Collomb (1899-1978), Avocat au Barreau de Grasse,
Camelot du Roi, Ligueur d’Action française (section de Marseille).

Source : Archives familiales. La présente photo issue des archives privées de la famille a été enregistrée dans les archives de la « Restauration Nationale Centre Royaliste d’Action Française »

 

Le mariage fut célébrée le 8 juin 1934, à Grasse, soit 4 mois après les évènements du 6 février...« Germain Jean-Baptiste Collomb et Gabrielle Marie Joséphine Françoise de Gombert ont déclaré l’un après l’autre vouloir se prendre pour époux, et nous avons prononcé au nom de la Loi qu’ils sont unis par le mariage. » (8).

Je ne reviendrai sur les événements du 6 février 1934, nous les connaissons tous...Je laisserai simplement le lecteur méditer sur ces quelques mots de Lucien Rebatet qui me font souvent penser à mon « Bon Papa », ainsi que nous l’avons toujours appelé en famille : « Il faut avoir connu de près ces garçons des faubourgs et du Quartier Latin, défendant leur fleur de lys à deux contre quinze rouges, risquant joyeusement la prison, l'hôpital, le cimetière, leur enthousiasme à la veille du 6 février...Ces gamins qui, dans la nuit de la Concorde, sous les sifflements des balles, à trente pas de mousquetons, lançaient posément des cailloux sur les casques des gardes mobiles. ».


De cette union naquirent trois enfants : Germaine, née le 8 avril 1935 à Antibes, décédée sans alliance et sans postérité le 22 novembre 2019 ; Jean, mon père, né le 17 septembre 1936 à Antibes, Consultant en Droit de l’assurance construction dont il fut l’un des pionniers, décédé à Marseille le 15 septembre 1996 ; Pierre, né le 28 août 1942 à Antibes, professeur émérite de Droit privé à l’Université de Nice Sophia Antipolis, décédé le 5 décembre 2020, qui laissa une fille.


Par décret du 13 février 1936, la Ligue d’Action française fut dissoute9, ce qui n’emportait évidemment pas interdiction du journal ainsi que des autres organisations mais seulement de la Ligue ! (Etait-il besoin de le préciser ? Manifestement oui, les petits esprits étant légion...). Le marquis de Gombert, fidèle à son humour légendaire, lança à mon grand-père ce mémorable trait d’esprit : « Ah, mon gendre ! Je constate avec soulagement qu’ils ne vous ont pas dissout ! Cela aurait fait désordre...Incidemment, cela prouve que l’on ne dissout ni une Nation, ni un foyer. ».


Peu de temps après, ma grand-mère donnait naissance à mon père, Jean Marie Pierre (prénom d’usage Jean). En apprenant sa naissance, mon arrière-grand-père s’exclama : « Enfin, nous sommes sauvés ! Vous avouerez que Dieu est humour... ». Bien qu’il ne vécut pas assez longtemps pour vivre tous les moments qu’il aurait
voulu passer avec mon père, le marquis de Gombert exigea que mon père passât le plus de temps possible à Grasse auprès de lui. L’explication était simple : Son héritier était né, la vieillesse le rattrapant à grands pas, la nécessité de transmettre autant que possible à cet enfant que Dieu avait donné à sa lignée était devenue impérieuse. Les desseins de Dieu sont impénétrables répète-t-on souvent, le marquis de Gombert reçut comme un magnifique cadeau que son petit-fils hérita des yeux de sa chère et tendre épouse, Marie-Louise.


Lorsque la Deuxième Guerre Mondiale éclata, mon arrière-grand-père, vieillissant et sentant sa fin proche, se retira purement et simplement des affaires publiques. Il remit, de la façon la plus simple du monde, son sceau, son épée et ses preuves de noblesse à mon père ; les dits attributs se trouvant sous la garde de sa mère, Gabrielle de Gombert épouse Collomb, jusqu’à sa majorité. Lorsque mon père ne fut plus de ce monde, en 1996, ils passèrent sous la garde de ma mère.


Le marquis de Gombert demanda à mon grand-père, en ces temps de guerre, de veiller avant toute chose sur sa famille qui était l’avenir de sa lignée, ne connaissant que trop bien l’anti-germanisme virulent des Camelots du Roi et de son gendre.


La guerre terminée, mes grands-parents partagèrent leur vie entre Briançon, Marseille, Grasse et Antibes. Fidèle aux volontés du marquis de Gombert, mon arrière-grand-mère garda mon père auprès d’elle pendant les « vacances scolaires », dans une de ses propriétés à Bouc-Bel-Air. Marie-Louise Henriette Marcy,
marquise de Gombert, décéda en 1950 à Marseille, dans la joie de retrouver son époux et dans la paix, le sentiment du devoir accompli. Elle prit soin de mon père tant que Dieu lui prêta vie et arrangea les fiançailles de Renée. Ma grand-tante, Renée, d’un tempérament de feu comme son Papa, ne tenait pas vraiment à se marier, c’était un doux euphémisme...Néanmoins, sa mère, la marquise de Gombert, réussît à la convaincre de se marier pour assurer son avenir. Le choix se porta sur un de ses cousins, brillant officier de Marine : Auguste Marcy. Après de (très) longues fiançailles, Renée se décida et le mariage fut célébré en 1955.

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Mon grand-oncle, le Commandant Auguste Marcy, au château de Briasc.
Source : Archives familiales.

Engagé volontaire en 1893, Auguste Marcy est d’abord élève à l’école navale de Brest et en sort Aspirant le 5 octobre 1896 ayant été formé à bord du Croiseur-Ecole « L’Iphigénie ». Le 1er janvier 1897, il officie sur le cuirassé « Dévastation » (sous le commandement de Jean Bellue) avant d’être promu Enseigne de Vaisseau le 5 octobre 1898. Le 1er janvier 1900, Auguste commence le nouveau siècle en s’engageant sur le cuirassé « Brennus » (sous le commandement d’Augustin Boué de Lapeyrère). Un an plus tard, il devient élève à l’Ecole des Officiers Torpilleurs dont il sort breveté. Se succèdent de 1902 à 1906 inclus des missions sur le contre-torpilleur « Condor » (sous le commandement d’Ernest Gervais), sur le cuirassé « Bouvet » (sous le commandement d’Alphonse Guillou), sur le cuirassé « Magenta » (sous le commandement de Joseph Mallet) puis sur le « Calédonien » (sous le commandement d’Adrien Le Troter).

Le 2 août 1906, Auguste Marcy est promu au grade de Lieutenant de Vaisseau. Entre 1907 et 1908, il obtient un détachement en congé sans solde et hors cadre pour apporter son expertise auprès de la Société des Forges et Chantiers de la Méditerranée basée à Marseille.


Après cette mission auprès de la Société des Forges, Auguste Marcy reprend du service dans la Marine devenant instructeur des torpilleurs à Rochefort. Le 25 mai 1913, il est nommé à la défense fixe de Toulon. Pendant la Grande Guerre, en 1915, il est chargé des fonctions de gestion des personnels et des matériels avant de rejoindre en qualité d’aide de camp l’état-major général de la Marine et de devenir Capitaine de Corvette.


D’un tempérament doux, apaisé, bienveillant avec ses hommes, ses supérieurs voient en lui un officier intelligent, un travailleur rigoureux. En 1920, il est reversé dans le cadre de la réserve et revient à Toulon. C’est à l’occasion de sa « retraite d’active » qu’Auguste Marcy, fait Chevalier de la Légion d’Honneur en 1912, est élevé à la dignité d’Officier, eu égard à ses remarquables états de services. Travailleur infatigable, amoureux de son pays, Auguste y officiera jusqu’en 1934, toujours à Toulon, notamment dans la formation des jeunes officiers, avant de prendre sa retraite... (10)


Il partagea sa vie à partir de sa retraite entre le Var et le Château de Briasc (11), à Entrepierres, non loin de Sisteron. C’était le château de mon enfance...Le domaine de Briasc fut, bien souvent, au centre des convoitises, poussant parfois jusqu’à de sombres bassesses mêlant encore une fois l’histoire intime...Et politique.

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Représentation du Château de Briasc durant l’été 1993, plus précisément de la terrasse du Nord depuis l’entrée du parc, réalisée par un ami de la famille.
Source : Archives familiales.

Connaissant la bienveillance de mon grand-oncle Auguste comme ses idées (il était effectivement sympathisant d’Action française), le Père Dominicain Raymond Léopold Bruckberger demanda à Auguste, se trouvant alors dans le Var, d’ouvrir le Château de Briasc pour y loger...Georges Bernanos. Mon grand-oncle accepta immédiatement la requête du Père Bruckberger, ne pouvant refuser d’aider un écrivain engagé et lui aussi amoureux de son pays. Au nom de principes comme « l’amitié d’Action française », en dépit des dissensions et de la rupture entre Bernanos et Maurras, de principes comme « l’honneur de la France et d’être Français », soucieux de continuer d’être un exemple, Auguste permît de loger sans aucune contrepartie Bernanos et toute sa famille. L’histoire aurait pu être belle sans ces correspondances de Bernanos qui, sans sourciller, raconta et écrivît à tous ses amis, connaissances, relations que mon grand-oncle s’était vu dépossédé du château après avoir été victime de l’épuration, l’accusant ainsi d’être un zélé collaborateur : « Pourquoi ne venez-vous pas nous voir ? J’habite une maison de richard-collaborateur. Pour une fois, je suis bien logé, ce serait tout de même idiot de ne recevoir personne ! ».

Ses allégations se heurtent toutefois à la réalité : Propriétaire du château de 1943 (il en hérita de son frère aîné Jules, décédé sans postérité) jusqu’à son décès en 1960, Auguste Marcy n’occupe pas Briasc à la Libération, c’est pourquoi la bâtisse est louée. Pendant la 2ème Guerre Mondiale, Auguste Marcy réside à Brignoles où, en qualité de membre de la Croix Rouge, il organise un service de colis pour les prisonniers de guerre en Allemagne. Il est adhérent à la Légion Brignolaise, section locale de la Légion Française, union civique initiée par le Régime de Vichy tendant à unifier les associations d’anciens combattants puis à réunir les sympathisants et militants de la Révolution Nationale du Maréchal Pétain. A la Libération, la LF est dissoute, mais la plupart de ses membres, simples anciens combattants, ne sont pas visés ou inquiétés par l’épuration judiciaire, ayant été intégrés dans la LF du fait de leur appartenance à des associations d’anciens combattants. Ni collaborateur, ni délateur, Auguste Marcy ne fut ni inquiété, ni accusé et encore moins condamné. A cette époque
« Commandant Marcy » continue d’apporter son soutien sans faille à la Croix Rouge dont il prend la présidence de la section locale peu de temps après la Libération (12).

Briasc constitua néanmoins une véritable source d’inspiration pour Bernanos. C’est à Briasc qu’il termine la relecture de son fameux Journal d’un curé de campagne et qu’il y reçoit sa version brésilienne. C’est aussi à Briasc qu’il commença à écrire dans « Les Cahiers du Sud », alors dirigés par Jean Ballard... (13)


Toutefois, Briasc ne fut pas seulement le théâtre de sombres convoitises, je devrai hélas y revenir, mais fut aussi une vraie retraite d’hommes de lettres qui inspira Georges Bernanos, nous venons de le voir, mais également Francis Jammes (1868-1938). Ce que l’on ignore souvent, c’est que la mère de Francis Jammes, Anna Bellot, est née sisteronnaise ! Anna était une amie intime d’Amélie Marcy (née Laplane), la mère de mon grand-oncle Auguste. Pour nous, dans la mémoire familiale, c’était « Tante Amélie ». Voici le récit et les extraits de l’œuvre de Francis Jammes inspiré par Sisteron, Entrepierres, le domaine de Briasc, Saint-Geniez, Dromon et sa vallée, magnifiquement retranscrit par mon ami Philippe Nucho...


« ‘Ma mère et moi avions formé depuis longtemps le projet, elle d’aller revoir, et moi d’aller connaître, ces Basses-Alpes où elle était née, mais qu’elle avait quittées à vingt ans. Nous entreprîmes ce voyage au déclin de l’été 1899. Rien n’émut les cordes de ma sensibilité jusqu’à Marseille que je reconnus. Sa splendeur m’avait ébloui pour la première fois, au printemps de l’été 1896, lorsque le bateau virant où j’étais embarqué, Notre Dame de La Garde, toute d’or, bougea sur la mer d’un goudron bleu. Il n’est point de cité plus grandiose. Le ridicule dont on la couvre ne saurait la tuer.’.

Ils poursuivent leur quête provençale et l’écrivain décrit avec profondeur le caractère de notre pays : ‘Sisteron apparut. Sisteron, la ville natale de la vieille femme qui m’a donné le jour. Là vécut donc, jadis, une toute petite fille qui allait en classe dans la neige. On m’avait raconté des histoires qui, dans l’âme d’un fils, ne peuvent point pâlir, mais rayonner de plus en plus comme sur ces pages. Il y avait, dis-je, une petite fille, une grande maison sombre, une maman soucieuse parce qu’on n’était pas riche, un vieillard à qui on lisait la vie des Saints, et qui avait vu passer Bonaparte. Il y avait un père qui jouait du violon, une servante qui s’appelait Madelon. Et, loin de la ville, un château délabré, le château de Miravail où l’on se rendait en guimbarde, et où l’on passait les grandes vacances. Là, dans un paysage amer et nu, coulait le torrent du Jabron. Et la petite fille et son père allaient y pêcher des truites sans nombres qui connaissaient à peine la ruse de l’homme. Et moi qui descends d’eux, moi, leur petit-fils et fils, j’écoute le tourbillon d’argent qui parle à cette roche à moitié submergée dans la solitude, et j’entends une rumeur divine, au-delà de moi-même, dans le torrent qui continue.

Nous fûmes d’abord accueillis par une amie d’enfance de ma mère, Mme Amélie Marcy, au château de Briasc, devant lequel se déployaient les Alpes d’un pourpre bleuâtre, tels que d’oursins à marée basse dans leurs cuvettes rocheuses. Nous fîmes des excursions à Saint-Geniez et à Ribiers, distraits par l’incessant bavardage
de ruisseaux que parfois longeait une voie romaine en corniche, toute rouge des fruits du sorbier-des-oiseaux. L’eau en était si pure dans les creux des combes que je ne résistais pas à son attrait. Je profitais de quelque halte pour m’éloigner de ma compagnie et me baigner. Je ne pouvais craindre d’être surpris dans le costume
que j’adoptais, car la solitude était complète. L’eau était si claire qu’on n’en soupçonnait le niveau que par un liséré autour du rocher, liséré qui la séparait de l’air. Je me rhabillais sans m’éponger. Un criquet, pareil à un éclat de marne, teint en dessous du ciel bleu et de lavande en fleurs, faisait en s’envolant un bruit de mince crécelle. C’est là que, pour la première fois, je ressentis que j’étais dans ce royaume de Lamartine que circonscrivirent le Rhône, la Saône et la Durance. Une certaine vivacité de l’air alpestre, inconnue d’ailleurs en France, et même aux Pyrénées, y circule. Le souffle léger de Laurence endormie portait jusqu’ici, dont la
neige se confond avec l’espace. Nul doute que les colombes de Jocelyn n’aient bu, un jour ou l’autre, dans ces vasques de la Haute-Provence qui confine à la Savoie, et que leurs roucoulements n’en aient imité l’harmonie. Nous poussâmes jusqu’à Combe-Beluze, nom ensoleillé d’une propriété située près de la Sylve, où nous attendaient Mme et M. Paix. Si leur terre fut fertile en amitié, en attentions de toutes sortes, elle ne m’a paru produire par ailleurs que d’innombrables cailloux et du vent...’

Francis Jammes reviendra sur son passage en Haute-Provence dans l’un de ces recueils de poèmes dialogués publiés en 1920 dont voici un extrait qui pourrait bien se passer à Entrepierres :

‘Le poète marche dans une gorge alpestre. Sur sa tête d’azur est comme un ruisseau étroit dont les rochers sont les bords. Et ces rochers plissés, feuilletés, écailleux, suent de l’argent sur du noir. On entend une goutte taper de haut le sol. Parmi les graviers secs, les buis, les lavandes, des sauterelles sautent comme des éclats de marne. A droite, dans la combe, au-dessous, il y a un torrent à l’eau creuse et verte. C’est aride, mais on pressent au-delà des sapinières, sur les cimes, des pelouses d’une douceur épaisse et verte où sommeille le gibier. Le poète chemine sur le sentier sec, aux cailloux aigus. Il est deux heure après-midi. Il chante : J’ai quitté le village où sous le blanc soleil les géraniums se rouillent ; où sa feuille rude et velue, la citrouille, s’endort sous l’ombre bleue aux siestes de la treille. Ceci est le pays pauvre et beau de ma mère où la terre calleuse offre l’olive amère au loriot et à la grive... » (14).


A son décès intervenu en 1960, Auguste Marcy laissa le château de Briasc à son épouse, ma grand-tante Renée de Gombert, et ses armes de famille à Germaine, Jean et Pierre, c’est-à-dire à ma tante, mon père et mon oncle. La branche grassoise des Marcy s’étant prolongée dans la postérité de mes arrière-grands-parents, celle de Sisteron prise en la personne d’Auguste et de ses deux frères n’ayant pas eu d’enfant, il ne restait plus que la postérité Collomb de Gombert. Le château fut la propriété de ma grand-tante jusqu’en 1973, année durant laquelle Renée le vendit à ma tante, mon père et mon oncle. En 1992, un acte de partage attribua la pleine propriété du domaine de Briasc à mon père (15), en même temps qu’il attribuait à Germaine et à Pierre le bien familial de leur choix sur lequel ils s’étaient investis et avaient choisi de s’installer. A Germaine, le domaine de Briançon, à Pierre celui de Valensole.

Pendant de nombreuses années, mon père fit front et résista toute sa vie aux tensions, aux pressions, aux menaces, actes d’intimidation, de vandalisme venant de groupes crapuleux agissant par pur appât du gain ou venant de groupe sectaire sévissant dans les Alpes de Haute Provence connu par le passé sous le nom de « Mandarom » et agissant aujourd’hui sous le nom d’« Aumisme ». Alors que je n’étais qu’un enfant, nous passions environ six mois par an au château, nous arrivions fréquemment attendus par la Gendarmerie Nationale qui constatait un énième cambriolage. Au fil des années, les tapisseries, tableaux, meubles de valeur disparurent ainsi que certains marbres. Les cambriolages étaient toujours accompagnés de vandalisme, toujours plus violents, afin de persuader mon père de vendre le domaine à vil prix. Inacceptable pour mon père, fervent catholique fidèle à Monseigneur Lefebvre, à la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, d’être l’objet d’un chantage par un groupe sectaire.

Lorsque mon père décéda en 1996, je fus la cible de ce groupe, ayant fait savoir, dès que je fus reçu la première fois par celui qui devint mon avocat, que je désirai garder la propriété. J’avais 10 ans. S’ensuivirent, là aussi, des pressions, des menaces de mort, des agressions, ainsi que des « avertissements amicaux » ayant pour objet de me « raisonner » en m’expliquant « que les accidents ça arrive vite, que ce serait dommage qu’on en arrive là... ». Il y eut aussi les vexations, les humiliations consistant à me faire prendre conscience que la « fin de race » que j’étais serait « chassée ».


Il y a là d’ailleurs une étrange constante sur la haine à laquelle je fus confrontée, haine déployée, déchaînée pour ce qu’il convient d’appeler un « délit de naissance », j’y reviendrai.


Cette haine et cette violence étaient également décuplées dans la mesure où la sœur et le frère de mon père exigèrent que « les héritiers de Jean Collomb », c’est-à-dire mon demi-frère, ma mère et moi abandonnions nos droits sur certains biens de famille ou que nous les cédions à vil prix en échange de l’officialisation de l’acte de partage de 1992 donnant la pleine propriété de Briasc à mon père. Dans mon esprit, revenir sur un accord pleinement accepté par tous, dans lequel chacun prenait la propriété qu’il souhaitait, accord visé et avalisé par des experts judiciaires, des notaires, des hommes de loi de haut niveau qu’étaient mon père et son frère sachant parfaitement ce qu’ils faisaient, n’était pas quelque chose de juste. Très vite, la « discussion
juridique » (qui n’en était pas une, lorsque la convoitise s’invite, le Droit disparaît et la tyrannie prend sa place) s’effaça de mon esprit pour laisser place à un combat pour mon défunt papa. Je fis savoir que jamais je n’accepterais de transiger, de négocier ou de marchander sur la volonté de mon père, que j’étais prêt à me battre jusqu’à épuisement et jusqu’à la tombe. Je fus entendu, mes adversaires m’obligèrent à livrer bataille pendant 13 ans, de 2005 à 2018...13 longues années pour 2 procès, 6 décisions de justice...Et autant de victoires aux allures de triomphe (16).

 

1 Voir l’Ephéméride du 1er avril de « LFAR » :
http://lafautearousseau.hautetfort.com/archive/2009/02/26/ephemeride-du-1er avril.html?fbclid=IwAR32MuUHnE7MTsl1CkTr2JYcUmCbbsRGdulKkuFkzcWU1zvdEfKM9p-DF68

2 Son acte de naissance est disponible à l’état-civil de Grasse pour l’année 1902, Mairie de Grasse. Il indique en mentions marginales : « 1/ Mariée à Grasse le dix juillet 1932 à Xavier Marie Joseph Aimé d’Azambuja. 2/ Décédée à Sisteron (Alpes de Haute Provence) le 9 octobre 1995. »

3 Son acte de décès est disponible à l’état-civil de Sisteron pour l’année 1995, Mairie de Sisteron.

4 Son acte de naissance est disponible à l’état-civil de Grasse pour l’année 1904, Mairie de Grasse. Son acte de décès est également disponible à l’état-civil de Grasse pour l’année 1933, Mairie de Grasse.

5 Son acte de naissance est disponible à l’état-civil de Grasse pour l’année 1906, Mairie de Grasse. Il indique, entre autres mentions marginales suivantes, la chose suivante : « 1/ Mariée à Grasse, le 7 septembre 1955, avec Auguste Jean Eugène Marcy... ». Son acte de décès est disponible à l’état-civil de Malijai pour l’année 1996, Mairie de Malijai.

6 Son acte de naissance est disponible à l’état-civil de Grasse pour l’année 1907, Mairie de Grasse. L’acte de naissance présente les mentions marginales suivantes, à savoir : « 1/ Mariée à Grasse (Alpes-Maritimes) le huint juin mille neuf cent trente quatre, avec Germain Jean-Baptiste Collomb 2/ Décédée à Antibes (AM) le 11 février 1993. »

7 Son acte de décès est disponible à l’état-civil d’Antibes pour l’année 1993, Mairie d’Antibes.

8 Mairie de Grasse, état-civil de Grasse, 1934.

9 Voir en ce sens J.O.R.F. du 14 février 1936, p. 1882. Se reporter également à C.E., Ass., 4 avril 1936, Sieurs de Lassus, Pujo et Real del Sarte, n° 52.834, 52.835, 52.836, Rec. 455. Conclusions de M. Andrieux, Recueil Sirey, 1936.3.42 (Rejet).

10 Archives familiales. Pour une synthèse sur sa vie, sa carrière, voir en ce sens NUCHO-TROPLENT, Philippe, La vallée du Vançon Ce pays silencieux qui bruisse, op. cit., Tome 1 « Des origines à la fin de l’Ancien Régime », pp. 273-276.

11 Pour une étude approfondie sur l’histoire du domaine, voir NUCHO-TROPLENT, Philippe, La vallée du Vançon Ce pays silencieux qui bruisse, op. cit., Tome 1 « Des origines à la fin de l’Ancien Régime », pp. 233-279.

12 NUCHO-TROPLENT, Philippe, La vallée du Vançon Ce pays silencieux qui bruisse, Tome 2 « De la Révolution à nos jours », op. cit., pp. 232-233.

13 Idem.

14 NUCHO-TROPLENT, Philippe, La vallée du Vançon Ce pays silencieux qui bruisse, Tome 2 « De la Révolution à nos jours », op. cit., pp. 227-230.

15 NUCHO-TROPLENT, Philippe, La Vallée du Vançon Ce pays silencieux qui bruisse, Tome 1 « Des origines à la fin de l’Ancien Régime », op. cit., pp. 277-279.

16 Voir en ce sens pour la procédure de référés, Tribunal de Grande Instance (T.G.I.) de Grasse, juridiction de référés, 21 février 2007 et Cour d’Appel (C.A.) d’Aix-en-Provence, juridiction de référés, 23 mai 2009. Pour la procédure au fond, se reporter à T.G.I. de Grasse, 1ère chambre civile, Section A, 2 novembre 2010, RG n°07/02146, décision 10/822 ; C.A. d’Aix-en-Provence, 1ère chambre A, 29 novembre 2011, Rôle n°10/22230 ; Cour de Cassation (C. Cass.), 2ème chambre civile (2ème civ.), 12 juillet 2012, pourvoi n° E 12-14220, Arrêt n° 1492 F-D, Question Prioritaire de Constitutionnalité, Non-lieu à renvoi au Conseil Constitutionnel ; C. Cass., 1ère civ., 25 septembre 2013, pourvoi n° E 12-14220, décision n° 10446 F, Non admission du pourvoi. Les procès terminés, les droits de mon père sur le domaine de Briasc furent sauvés. Resta la succession de ma grand-mère, Gabrielle de Gombert veuve Collomb, qui fut réglée par acte notarié du 20 juin 2018, non sans avoir été l’objet de rudes affrontements, puisqu’ayant nécessité, faute d’accord entre les héritiers, un nouveau jugement du T.G.I. de Grasse, Jugement de vente sur licitation par adjudication du 15 juin 2017, pris en exécution du jugement du 2 novembre 2010 précité.

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