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La France et l’Europe à la croisée des chemins : le statut post-Brexit des langues de travail des institutions UE sera fatidique.

French President General Charles de Gaulle (C) and German Chancellor Dr Konrad Adenauer (L) sign the French-German cooperation treaty at the Elysee Palace on January 22, 1963 in Paris, as French Foreign minister, Maurice Couve de Murville (D) and French Prime minister Georges Pompidou (2nd R) look on.

Par Albert Salon, ancien ambas­sa­deur, secré­taire géné­ral du Haut Conseil, fon­da­teur en 1992 et main­te­nant pré­sident d’honneur d’Ave­nir de la Langue fran­çaise (ALF).

La construc­tion euro­péenne hésite tou­jours entre deux concep­tions oppo­sées : la conti­nen­tale qui a une longue tra­di­tion, très liée au droit romain-ger­ma­nique, et l’atlantique récente, plus liée à la « Com­mon law » bri­tan­nique.

3.jpgLa ques­tion lin­guis­tique reste le fléau de la balance. Le Trai­té de Rome de 1957 fut sui­vi en 1958 du règle­ment euro­péen n° 1 qui régla le sta­tut des langues offi­cielles et de tra­vail. Il fut Adap­té depuis lors aux élar­gis­se­ments suc­ces­sifs de l’UE.

La ges­ta­tion et les débuts de l’UE ont été mar­qués par une sorte d’équilibre entre la concep­tion des États-Unis post-guerre et Plan Mar­shall et une concep­tion conti­nen­tale euro­péenne, fran­çaise pour l’essentiel. Jean Mon­net, Mau­rice Schu­mann et Wal­ter Hall­stein, lar­ge­ment gui­dés et finan­cés par Washing­ton et la CIA (cf. le livre de Phi­lippe de Vil­liers), ont défen­du la pre­mière concep­tion. Le résul­tat fut un com­pro­mis assez satis­fai­sant pour que le Géné­ral élu en juin 1958 pût l’entériner et le pour­suivre : une Europe des nations, mais dont cha­cune res­tait –France incluse – liée aux États-Unis. Mais la langue fran­çaise domi­nait de fait à Bruxelles.

Lorsque le Pré­sident fran­çais et le Chan­ce­lier Ade­nauer signèrent le trai­té fran­co-alle­mand du 22 jan­vier 1963, sa por­tée, poten­tiel­le­ment consi­dé­rable, fut tôt réduite par la dépen­dance stra­té­gique de l’Allemagne à l’égard des États-Unis, qui se tra­dui­sit par un blo­cage du Par­le­ment de Bonn. Entre autres consé­quences, le fran­çais ne put jamais être choi­si en pre­mière langue comme l’anglais dans les écoles des Län­der. L’Allemagne devint presque bilingue alle­mand-anglais, avec un fort effet d’entraînement sur ses voi­sins au nord et à l’est.

L’admission de la Grande Bre­tagne en 1973, puis d’autres entrants, se tra­dui­sit par une inexo­rable mon­tée en puis­sance de l’anglais dans les ins­ti­tu­tions. Jusqu’à réduire consi­dé­ra­ble­ment, ces der­nières décen­nies, l’utilisation des autres langues de tra­vail (alle­mand et fran­çais), et jusqu’à oser impo­ser aux admi­nis­tra­tions des pays membres de tra­vailler sur des docu­ments de Bruxelles non tra­duits, puis d’y répondre uni­que­ment en anglais. Tout cela à la faveur d’un mélange d’incurie, lâche­té, com­pli­ci­té, des gou­ver­ne­ments fran­çais. Le fléau a donc pen­ché du côté d’une langue unique de fait : l’anglo-américain.

Le Brexit devait logi­que­ment conduire, sinon à rayer l’anglais de la liste des offi­cielles, (du fait de l’Irlande qui l’avait décla­ré à côté du gaë­lique), du moins à mettre fin à son hégé­mo­nie. Ain­si le com­prit le Pré­sident de la Com­mis­sion, Jean-Claude Jun­ker, qui mar­qua son hos­ti­li­té au Brexit en s’exprimant davan­tage en fran­çais et en alle­mand. Cela ne dura pas ; il partit…

Car l’empire réagit vite et fort. Il n’était pour ses sup­pôts, y com­pris fran­çais, pas ques­tion de perdre cet ins­tru­ment pri­vi­lé­gié de son hégé­mo­nie. Un fort mou­ve­ment gagna la plu­part des diri­geants euro­péens, et mut d’excessifs fédé­ra­listes en faveur du main­tien de l’anglais, non pas de droit à la mode conti­nen­tale, mais de fait à la mode « Com­mon law ». Il fal­lait contour­ner le règle­ment n°1, pour évi­ter débats et vote à l’unanimité en Conseil euro­péen. Un consen­sus s’installa pour uti­li­ser l’anglo-américain comme « langue com­mune », unique langue de tra­vail de fait. En invo­quant l’habitude bien prise, la com­mo­di­té, les éco­no­mies de tra­duc­teurs et inter­prètes, et sur­tout l’argument nou­veau, cyni­que­ment abu­sif, selon lequel l’anglais post-Brexit serait deve­nu, à Bruxelles, une sorte de langue neutre, un volapük com­mode et inof­fen­sif, comme s’il n’était pas la langue domi­nante et hégé­mo­nique, sur­tout sur le conti­nent européen.

Telle est donc la pra­tique à Bruxelles, en faits accom­plis que l’on bap­tise juris­pru­dence. Ain­si, la pré­si­dente de la Com­mis­sion, Mme Ursu­la von der Leyen, pour­tant à la fois alle­mande et bonne fran­co­phone, n’y parle plus guère qu’anglais. L’Europe devient atlan­tique de langue, en appli­ca­tion de la « Com­mon law for the com­mon language ».

Nos asso­cia­tions durent agir par deux voies : poli­tique et juridictionnelle.

Voie poli­tique :

Créé le 18 juin 2020 par Ave­nir de la Langue fran­çaise (ALF) et 23 autres asso­cia­tions, le Haut Conseil inter­na­tio­nal de la langue fran­çaise et de la Fran­co­pho­nie (HCILFF)envoya à l’Élysée les lettres ouvertes du 14 sep­tembre 2020, puis du 1er février 2021. Peut-être à leur suite, les Secré­taires d’État C. Beaune et J- Lemoyne annon­cèrent que M. Macron pren­drait des mesures impor­tantes lors de la pré­si­dence fran­çaise du Conseil euro­péen (chefs d’État de l’UE) au 1er semestre 2022, asso­ciées à l’inauguration de la Cité inter­na­tio­nale de la Fran­co­pho­nie à Vil­lers-Cot­te­rêts, pro­jet d’ALF lan­cé sur place le 9/10/2001, enfin repris par l’Élysée dès 2017.

En atten­dant, les media ont enfin mieux réagi : articles dans Le Monde (Mme Mushi­ki­wa­bo de l’OIF), L’Ex­press, Libé­ra­tion (Qua­tre­mer), Marianne (P‑Y. Bour­na­zel, dépu­té), jusqu’à 3 entre­tiens télé­vi­sés d’A. Salon et sur­tout 2 d’É. Zem­mour. Des articles dans Cau­seur le 23 mars 2021, sous « Langue fran­çaise : la France n’est pas une région de l’Union euro­péenne ! ».

Deuxième action poli­tique : Pro­po­si­tion aux par­le­men­taires fran­çais de créer enfin un inter­groupe Sénat-Assem­blée sur la Fran­co­pho­nie. Pre­miers sai­sis : le séna­teur A. Val­li­ni, ancien ministre de la Fran­co­pho­nie, et le dépu­té J. Kra­bal (Aisne) membre du Haut Conseil.

Troi­sième grande action poli­tique : en liai­son avec M. J. Kra­bal et son Assem­blée par­le­men­taire de la Fran­co­pho­nie (APF) et le pré­sident du col­lec­tif Langue fran­çaise de Suisse romande,nous avons sai­si en février-mars 2021, dans les langues des pays les plus grands, des dépu­tés de tous par­tis et pays membres du Par­le­ment euro­péen afin d’y obte­nir le vote d’une réso­lu­tion contre l’imposition de la « langue com­mune » Dans le même but, M. Sas­so­li, Pré­sident du Par­le­ment euro­péen, et le Média­teur euro­péen, ont été sai­sis par nos soins.

Voie juri­dic­tion­nelle : Le HCILFF – simple réseau sans per­son­na­li­té juri­dique – a sou­te­nu l’association habi­li­tée ALF. Celle-cia sai­si le 18 mai en recours gra­cieux la Com­mis­sion et le Par­quet euro­péen. Elle a ensuite, par son avo­cat, dépo­sé le 3 août en Tri­bu­nal euro­péen (pour la CJUE) un recours en annu­la­tion de la déci­sion (du 9 juin) de rejet du recours gra­cieux par Mme Ursu­la von der Leyen, Mme Lau­ra Köve­si étant aus­si men­tion­née dans le texte du recours.

Nos asso­cia­tions ont bien avan­cé sur les deux voies. Mais nous atten­dons deux évè­ne­ments fati­diques pour l’avenir de la France et de l’Europe : la concré­ti­sa­tion des inten­tions pré­si­den­tielles fran­çaises ; le juge­ment du Tri­bu­nal euro­péen ! Toutes ins­ti­tu­tions, asso­cia­tions, per­son­na­li­tés, en mesure de peser sur ces déci­sions sont cha­leu­reu­se­ment invi­tées à agir par toutes voies et tous moyens à leur disposition.

Source : https://www.actionfrancaise.net/

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