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Climat : on se réveille ou on attend de cuire… ou de se noyer ?, par Natacha Polony.

"Quiconque regarde autour de lui comprend que les alertes se multiplient, et que les bouleversements sont plus rapides que ne l’anticipaient les experts".
© Hannah Assouline

Dans la campagne électorale qui s’ouvre, il appartient aux médias d’enfin mettre au pied du mur ceux qui prétendent présider aux destinées de la France en les forçant à parler aménagement du territoire, relocalisation de l’économie – en particulier d’une industrie propre – utilisation de la commande publique pour favoriser la production locale ou refus de toute nouvelle artificialisation des sols sans compensation. 

Si le débat en reste une fois de plus à quelques poncifs sur la décroissance, ce « retour à la bougie », nous aurons tout perdu.

Il n’y a plus de saisons ! Les Français qui pestent contre ces trombes d’eau déversées sur leurs vacances ont-ils le cœur à se réjouir d’échapper à une canicule telle qu’ils en ont vécu ces dernières années ? Songent-ils à ces quelque cent personnes mortes au Canada sous ce que nous avons appris à nommer un « dôme de chaleur » ? 49,6 °C… À cette température, les végétaux des zones tempérées meurent aussi sûrement que les humains. Et, pendant ce temps, en Chine, en Allemagne, en Belgique, d’autres êtres humains sont emportés par les flots déchaînés.

Les phénomènes météorologiques extrêmes sont-ils le signe visible, et parfois paradoxal, du dérèglement climatique ? Il suffit en général de quelques jours de gel en hiver ou d’un été pourri pour que les professionnels du déni entonnent le refrain de café du commerce sur l’air de « qu’on ne vienne pas nous parler de réchauffement climatique ». Mais, en dehors des parades de plateau télé, quiconque regarde autour de lui comprend que les alertes se multiplient, et que les bouleversements sont plus rapides que ne l’anticipaient les experts. Déjà, certaines zones du monde ne sont plus habitables : dans le golfe Persique, au Pakistan, des endroits où la chaleur humide – impossible à supporter pour le corps humain, contrairement à la chaleur sèche – atteint des niveaux jamais constatés.

« Nous devons réinventer nos sociétés pour anticiper les changements pour anticiper les changements à venir autant que pour tenter de les limiter. »

On peut être allergique à cette forme de jouissance malsaine des annonciateurs d’apocalypse (du même ordre que celle que nous percevons depuis un an et demi dans les discours nous promettant des centaines de milliers de morts et des « vagues » à répétition si nous ne nous enfermions pas ad vitam) sans pour autant nier l’évidence : nous devons réinventer nos sociétés pour anticiper les changements à venir autant que pour tenter de les limiter. Ceux qui nous expliquent que la seule échelle d’action est internationale et que les questions écologiques signent le dépassement de l’État-nation nous proposent donc d’attendre l’hypothétique moment où des dirigeants mondiaux devenus philanthropes décideront par miracle de changer de modèle. En général, les mêmes s’entendent pour culpabiliser – et taxer – les petites gens qui ont le mauvais goût d’utiliser leur voiture.

Prenons donc les choses dans l’autre sens. La seule échelle sur laquelle nous avons prise est celle où s’exerce la démocratie. Donc l’État-nation. Même l’Union européenne, enfin lancée dans son « Green Deal » grandiloquent, a besoin de se faire tordre le bras pour enfin taxer les produits venus de pays où aucune norme environnementale n’est imposée (le dumping social, lui, ne pose aucun problème, puisqu’il enrichit les multinationales en même temps qu’il ruine les classes populaires occidentales). « Ne croyons plus aux lendemains qui chantent, changeons la vie ici et maintenant ! » proclamait l’hymne du programme commun de la gauche en 1977, quand des socialistes existaient encore ; eh bien, chiche !

Débattons de notre modèle de développement

Dans la campagne électorale qui s’ouvre, il appartient aux médias d’enfin mettre au pied du mur ceux qui prétendent présider aux destinées de la France en les forçant à parler aménagement du territoire, relocalisation de l’économie – en particulier d’une industrie propre – dans les villes moyennes pour désengorger les métropoles, normes de construction et modèles d’urbanisme, utilisation de la commande publique pour favoriser la production locale, refus de toute nouvelle artificialisation des sols sans compensation par la destruction de structures existantes, sanctuarisation des terres arables, aides à la conversion des agriculteurs, agroécologie, TVA sociale couplée avec des baisses de charges pour rendre de la compétitivité aux produits fabriqués en France, mais aussi investissement dans la recherche et, bien sûr, choix énergétiques. Si le débat en reste une fois de plus à quelques poncifs sur la décroissance, ce « retour à la bougie » nous aurons tout perdu.

Mais, plus que tout, c’est notre modèle de développement et de loisir qui doit être débattu collectivement. Que Dubaï, avec ses tours géantes climatisées et son univers artificiel soit devenue, selon la presse, la destination de vacances « qui fait rêver les Français » devrait nous consterner… Nous voilà donc pris en étau entre des Verts qui prétendent remodeler l’imaginaire des enfants et une organisation économique qui, par la publicité et les médias de masse, formate celui des adultes pour leur vendre un faux luxe fait de piscines bleu turquoise et de populations exploitées.

Il y a bien longtemps que plus aucun de nos gouvernants ne lit Montesquieu. Ils gagneraient pourtant à se pencher sur la théorie des climats. L’organisation de nos sociétés, notre façon d’être au monde, de concevoir la vie humaine, sont liées à cette bénédiction de vivre en climat tempéré, dans une nature bercée par quatre saisons distinctes, et non cette alternance brutale que vivent d’autres continents entre saison sèche et saison des pluies. La civilisation française est le produit de sa géographie. Déjà, la Provence perd ses roseraies, assoiffées et brûlées par les canicules. Les rivières verdoyantes qui font la beauté de nos paysages doivent-elles devenir des ruisseaux étiques pour que nous comprenions que, certes, l’humanité s’est toujours adaptée aux changements, mais que ce que nous y perdrons risque de sérieusement nous manquer ?

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