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Tournée de Macron 2022 : il connaît la France mais connaît-il les Français ?, par Natacha Polony.

Il se murmure qu’Emmanuel Macron préparerait pour 2022 un positionnement « républicain » et « libéral », entre laïcité et réforme des retraites. Mais sans, hélas, le minimum de réflexion sur ce qui morcelle réellement la France et atomise le lien social…

Longtemps, la géographie fut méprisée des élites. Les présidents brillaient par leur rapport à l’histoire. Emmanuel Macron n’échappait pas à ce tropisme – à ce snobisme ? –, lui qui fit grand bruit en évoquant, un été 2016, le « vide émotionnel » qu’aurait laissé en France la mort du roi. Pour beaucoup, la géographie allait de soi. On était de quelque part, on le devenait en s’y faisant élire. Emmanuel Macron, visiblement, préfère l’écrit. Pas certain que cela suffise à convaincre ces Français qui ne voient en lui que le jeune homme pétri d’ambition vantant la dérégulation radieuse et la mobilité triomphante.

L’interview d’Emmanuel Macron dans Zadig est un double exercice de campagne. Elle précède une promenade dans ces territoires qui – hasard pur – sont disputés par LREM pour les élections régionales et prépare une montée en puissance pour l’année présidentielle. Et se dessine l’axe de cette campagne à venir : désindustrialisation et classes moyennes.

« J’ai vu », nous répète le président des terroirs et de la diversité française (« j’ai vu », c’est un vieux truc de com, ça veut dire je suis enraciné, j’étais parmi vous et j’ai compris avant tout le monde). Il a vu la désindustrialisation, il a vu le retrait des services publics, l’abandon des centres-villes, le sentiment de déclassement de ceux qui voyaient la prospérité s’éloigner. Vraiment ? Mais si tel est réellement le cas, le programme de 2017 et son éloge de tous les mécanismes qui ont provoqué cette métropolisation sont encore plus coupables…

Cynisme

L’homme qui, en visite à La Souterraine, trouve qu’après tout il y a du travail à Ussel, à 200 km de là, et qu’il faut être sacrément enkysté pour ne pas prendre tranquillement sa voiture pour postuler là-bas a peu de chances de faire croire qu’il connaît les territoires autrement qu’avec la préciosité du bourgeois lettré.

« Macron fait-il plus que croiser des artisans, des commerçants, des employés et des petits patrons lors de ces visites de sites "Potemkine" que lui organisent ses équipes ? »

Il y a même quelque chose d’indécent à voir cet homme décrypter avec lucidité le mécanisme qui a rendu ces gens dépendants de la voiture, victimes du phénomène de métropolisation, et dénoncer le fait qu’on ait voulu les taxer en leur expliquant qu’ils étaient coupables du réchauffement climatique. « Les gens, forcément, deviennent fous ! », s’indigne-t-il. Et l’on est pris d’un vertige devant tant de cynisme. Qui a voulu les taxer ? Qui était au pouvoir ? Et croit-il que le « grand débat », rebaptisé modestement sous sa plume « pèlerinage laïque à travers chaque géographie » a pu réparer ce qui se brisait ?

Emmanuel Macron veut nous persuader qu’il connaît la France. Sans doute. Mais connaît-il les Français ? Lui, comme ces autres brillants représentants d’une technocratie gorgée de certitudes, fait-il plus que croiser des artisans, des commerçants, des employés et des petits patrons lors de ces visites de sites « Potemkine » que lui organisent ses équipes ?

Comme un fait exprès, au moment même où le président veut nous convaincre de son attachement à la diversité française, un conflit déchire sa majorité et le met au pied du mur. Le pataquès sur l’enseignement immersif des langues régionales – on devrait dire langues historiques, tant il est vrai que certaines ont largement précédé le français – révèle l’incapacité d’une partie de la majorité, et plus globalement d’une part des élites, à comprendre ce qui se joue autour de la question de l’enracinement et du patrimoine.

La révolution démocratique attendra

La prise de parole d’Emmanuel Macron pour recadrer un ministre de l’Éducation nationale prompt à voir dans les promoteurs de ces écoles des séparatistes détestant la nation et dans les parents d’élèves des bobos rêvant de contourner la sectorisation ne suffira pas à éteindre l’incendie imprudemment allumé par le Conseil constitutionnel. Le système d’enseignement en immersion, que vient de fragiliser l’avis du Conseil, fonctionnait depuis des décennies et fabriquait de parfaits Français, riches d’une compréhension intime du récit national (accessoirement, le bilinguisme permet une plasticité du cerveau qui facilite l’apprentissage de la grammaire française). Le président, craignant un mouvement de colère, a clamé son amour des langues comme il clame son amour des territoires. Avec quelques accents lyriques.

À ceci près que la loi a été promulguée au Journal officiel et qu’elle ne peut désormais plus être modifiée. De sorte que la seule solution pour préserver un enseignement que le Conseil juge inconstitutionnel risque d’être une modification de l’article II, ajouté en 1992 pour protéger le français de l’anglais, et qu’un courant jacobin un peu raide veut utiliser contre les langues régionales en les traitant comme des langues étrangères. La langue de la République est le français, sans préjudice pour les langues historiques de la France. Telle devrait être une position respectueuse de l’histoire et de la réalité du pays.

Il se murmure qu’Emmanuel Macron préparerait pour 2022 un positionnement « républicain » et « libéral », entre laïcité et réforme des retraites. Un positionnement de droite classique. Sans le minimum de réflexion sur ce qui morcelle réellement la France et atomise le lien social. Pour la révolution démocratique, on repassera.

Source : https://www.marianne.net/

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