Jean d'Orléans: «La France a besoin de commémorer le bicentenaire de la mort de Napoléon».
Jean d'Orléans. Fabien Clairefond
Le comte de Paris, descendant direct du roi Louis-Philippe, qui a fait revenir la dépouille de Napoléon de Sainte-Hélène aux Invalides en 1840, explique pourquoi le président de la République doit s’incliner sur la tombe du vainqueur d’Austerlitz le 5 mai.
Napoléon Bonaparte meurt le 5 mai 1821. Quoi qu’on pense de lui, il est une des grandes figures de notre histoire. Nous sommes ses héritiers, pour le meilleur et pour le pire ; nous le sommes de nos cinq Républiques comme de la Révolution française, des quarante rois qui ont fait la France et de la Gaule romaine.
Napoléon, c’est aussi l’un des noms français les plus connus dans le monde avec celui de Victor Hugo ou de Jeanne d’Arc, un nom dont la puissance nous aide encore à rayonner malgré notre déclin relatif. C’est aussi un nom admiré par les peuples mêmes qui l’ont vaincu. Le commémorer, c’est s’unir. Lui rendre honneur, c’est rendre honneur au peuple français, se rendre honneur à soi-même.
Le roi Louis-Philippe ne s’y trompe pas lorsqu’il décide et obtient de la Grande-Bretagne le retour des cendres de l’Empereur. Il charge le prince de Joinville, celui de ses fils qui s’illustra dans la marine, d’aller chercher sa dépouille à Sainte-Hélène et de l’escorter jusqu’à Paris.
La France traverse une période de doutes, de difficultés sociales et matérielles.
En 1840, 25 ans après la défaite de Waterloo et la Restauration, c’était une décision audacieuse, d’une grande intelligence politique et d’une modernité étonnante ; quand tant de grognards ou fils de grognards étaient encore en vie comme les opposants à l’Empire, des jacobins aux ultras en passant par les libéraux. Quelle émotion, quel risque aussi de rallumer nos querelles intestines! Et pourtant, ce retour des cendres, l’ensevelissement de l’Empereur aux Invalides, «au bord de la Seine, au milieu du peuple français que j’ai tant aimé» (Napoléon Bonaparte), forme l’un des actes marquants de notre conscience nationale.
C’est d’ailleurs dans ce même esprit que Louis-Philippe entreprend la sauvegarde du château de Versailles et dédicace son musée «à toutes les gloires de la France».
Cette largeur de vue doit nous inspirer aujourd’hui. La France traverse une période de doutes, de difficultés sociales et matérielles. Elle ne croit plus en la force de son destin. Des territoires entiers sont abandonnés. Nous ne savons plus intégrer les nouvelles générations de ceux qui sont venus chercher sur notre sol une vie meilleure.
Ce n’est pas la première fois que notre pays doit affronter des épreuves. Pour construire l’avenir, retrouvons le temps long et puisons dans nos propres fondements.
L’unité du pays ne peut se maintenir sans l’attachement à cet héritage millénaire qui nous apprend à regarder vers l’avenir en le façonnant pas à pas, dans un esprit de civilisation et avec un sens profond de l’homme.
Si le génie de la France est de tendre à l’universel, comme le veut notre pacte national, alors célébrons avec nos différences la fierté et la joie d’être français, et donnons à nos enfants le goût de la vie et la foi en l’avenir.
Oui, nous devons commémorer Napoléon. Oui, le chef de l’État, chef des armées, doit aller s’incliner sur la tombe du vainqueur d’Austerlitz.
C’est le descendant d’un combattant de Jemappes qui vous le dit, mais aussi de Bouvines et de bien d’autres batailles. La première bataille que doit livrer notre France aujourd’hui est un combat sur elle-même, c’est le désir d’ÊTRE.
Source : https://www.lefigaro.fr/vox/