«Immigration, l’heure des conséquences», par Vincent Trémolet de Villers.
Vincent Trémolet de Villers. Le Figaro
C’est une vérité sommaire, brutale, révoltante: si Jamel G. avait été expulsé du territoire national entre 2009 et 2019, Stéphanie aurait passé le week-end avec ses enfants. Le reste – larmes officielles, coups de menton, projet de loi – n’est que du mauvais théâtre.
Que ceux qui se contemplent dans ce qu’ils appellent pompeusement l’État de droit méditent, après ce nouveau drame, devant l’affaissement de l’institution dont ils ont la charge. Si, tout le monde en convient, le risque d’attaque islamiste est permanent, il ne s’agit pas d’une menace sismologique contre laquelle la force publique ne peut rien. Attaque au hachoir devant les locaux de Charlie, décapitation de Samuel Paty, attentat dans la basilique de Nice, et maintenant la lame du djihad dans un commissariat: à chaque fois, le tueur s’était joué de nos frontières poreuses, d’une politique de l’asile dévoyée.
Depuis des décennies, nos cours suprêmes renforcent les droits fondamentaux des étrangers: facilité pour les visas, largesse du droit d’asile, nombre d’expulsions dérisoire, naturalisations complaisantes. L’immigration, forte d’un pouvoir moral quasi religieux, bénéficie (le constitutionnaliste Jean-Éric Schoettl l’a brillamment montré) d’une incroyable immunité juridique.
Le principe de précaution invoqué en toutes circonstances, de prudence sanitaire extrême en délit d’écocide, disparaît en matière migratoire. La frontière aux 10 kilomètres, mais pas aux confins du pays. Ou, plutôt, la précaution est inverse: l’application de la loi apparaît comme une brutalité d’un autre âge, l’évocation même d’une prudence sur le sujet comme l’expression d’un reniement de la conscience.
Quand Frontex se décide timidement à jouer son rôle de douanier, la commissaire européenne Ylva Johansson s’émeut et demande que la dotation de l’agence soit réduite.
Idées généreuses, conséquences tragiques. Notre pays ouvert à tous les vents est désormais traversé de mille microfrontières aussi fragiles que le sas d’un commissariat d’une paisible commune des Yvelines.
Vincent Trémolet de Villers, directeur adjoint de la rédaction.
Sources : https://www.lefigaro.fr/vox/