«Mila agit comme le révélateur de la médiocrité de tous les pouvoirs», par Céline Pina.
«Dimanche, de retour sur Twitter, Mila a été prise en chasse par une meute organisée alors que son post était des plus anodins.» @magicalorrs
Le compte Twitter de la jeune Mila a été brièvemement suspendu à la suite d’une publication qui avait provoqué des commentaires «haineux». Pour l’essayiste Céline Pina, cette censure exercée par le réseau social est une pratique antidémocratique, qui stigmatise une victime et illustre le manque de courage politique des gouvernants, incapables de sanction.
Depuis cette histoire, l’adolescente se terre et l’État peine à lui assurer un cadre protecteur et ne se soucie pas suffisamment de son avenir. Déscolarisée deux fois de suite, la jeune fille semble assez isolée et les réseaux sociaux sont un de ses seuls espaces de liberté, bien qu’elle y soit traquée par des islamistes parfaitement organisés qui ont fait d’elle un symbole et un trophée.
Ainsi dimanche, de retour sur Twitter, Mila a été prise en chasse par une meute organisée alors que son post était des plus anodins. Et bien que croyez-vous que fit le réseau social? Il suspendit Mila, l’accusant de pratiquer ce qu’elle ne cesse de subir et a détruit sa vie: le harcèlement.
On peut se demander à quel jeu joue le réseau social et se poser la question des conséquences de règles de modération qui stigmatisent une victime pour mieux gratifier ses bourreaux.
L’histoire est décourageante. Elle commence pourtant joliment. Mila retrouve un de ses dessins d’enfant et le poste. S’en suivent alors des centaines de messages de haine, lui promettant viols et diverses joyeusetés.
D’après Ouest France, «les commentaires insultants proviennent pour la plupart de comptes anonymes. Mais tous revendiquent leur lien avec un mystérieux utilisateur, nommé FC Sinje.» Ce qui arrive ici est parfaitement connu de tous ceux qui ont une petite ou importante notoriété sur les réseaux: certains groupes organisés les prennent en chasse et se donnent le mot pour fondre en masse sur leur cible en meute. La méthode est connue et renseignée et bien entendu aucun des dirigeants de Twitter ou de Facebook ne l’ignore.
Pourtant, suite à cette campagne de harcèlement organisée, Twitter, s’abritant derrière la logique des algorithmes, a choisi de censurer la victime et a envoyé un message de félicitations à l’un des persécuteurs en ligne. On peut donc réellement se demander à quel jeu joue le réseau social et se poser la question des conséquences de règles de modération qui stigmatisent une victime pour mieux gratifier ses bourreaux.
Twitter a fini par concéder une «erreur de modération», mais ne semble pas avoir agi contre cette bande organisée, ni même contre les comptes qui persécutent Mila. Pourquoi un tel refus d’action?
La question se pose d’autant plus que le réseau, très attaché à son image démocratique, n’a pas hésité à censurer, au nom de la morale, Donald Trump alors qu’il était encore président des États-Unis. Cela signifierait-il que selon Twitter, appeler au viol et à la violence sur une jeune fille de 17 ans, comme organiser des raids virtuels, ne pose aucun problème de «standard à la communauté»?
Cela signifierait-il qu’il aurait exhibé un faux courage consistant à piétiner Donal Trump, alors qu’il était déjà à terre, pour s’offrir une image de courage et de dignité alors qu’en coulisse il laisse harceleurs et haineux mener la danse? En tout cas cela y ressemble beaucoup.
Pour le reste, notre classe politique est toujours aussi peu courageuse, mais Marlène Schiappa et Cédric O ont protesté et demandé des comptes à Twitter. Le problème c’est que même si on peut croire à la sincérité de la réaction des deux ministres, il y a fort à parier que cela ne changera pas grand-chose. Souvent ce gouvernement croit qu’agir, c’est faire un tweet et en reste là. Il n’a même pas le courage d’envisager qu’il puisse exercer des rétorsions contre le réseau américain, ni même d’exiger quoi que ce soit de Twitter.
Mila vient de démontrer que la censure exercée par Twitter à l’égard de Donald Trump n’avait rien de démocratique et qu’aucun principe ne la guidait.
Et pourtant, si ce qui a été fait contre Mila donnait lieu à un démantèlement en règle de la logique des raids en faisant de cette histoire, un exemple, en livrant les identités des harceleurs à la police et en leur demandant des comptes devant les tribunaux, nous commencerions à respirer un peu mieux. Mais il ne faudra probablement compter ni sur le gouvernement, ni sur twitter. Les deux préfèrent la communication à la responsabilité.
Une fois de plus, Mila agit comme le révélateur de la médiocrité du pouvoir, de tous les pouvoirs. Elle vient de démontrer que la censure exercée par Twitter à l’égard de Donald Trump n’avait rien de démocratique et qu’aucun idéal ni principe ne la guidait.
C’était juste un coup pour se donner l’air d’avoir une conscience sans en assumer les frais. Car quand il s’agit de défendre une frêle jeune fille menacée de mort par une idéologie portée par des hommes et des États riches et puissants, relayés par des internautes fanatisés et radicalisés qui agissent en bande, alors là, la violence est acceptée. Le nombre fait la loi, même si l’idéologie des islamistes n’a rien à envier à celle défendue par Hitler, on ne trouve personne pour fermer leurs comptes.
Les dirigeants de Twitter, si scrupuleux quand il s’agit de mener le combat contre QAnon, peuvent même fermer les yeux sur des menaces de mort et de viols pour peu qu’elles soient faites au nom de l’islam ou que les messages invoquent «l’islamophobie présumée»de la victime.
Et là, le puissant Twitter, tout d’un coup, devient incapable de bloquer les comptes. Cette nouvelle affaire n’est pas une affaire Mila, mais une affaire Twitter.
Ancienne élue locale, Céline Pina est essayiste et militante. Elle est la fondatrice de «Viv(r)e la République», elle a également publié Silence coupable (Kero, 2016).
Source : https://www.lefigaro.fr/vox/