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De l’avantage des delphinariums pour éviter les sujets qui fâchent, par Natacha Polony.

"Penser notre rapport avec les animaux nécessite avant tout de sortir du mythe de la pureté animale, qui verrait toute interaction entre hommes et animaux comme une exploitation venant pervertir la « nature ». La lutte contre la souffrance animale doit être un combat économique, politique et culturel, mais surtout la forme la plus aboutie de l’humanisme", rappelle Natacha Polony, directrice de la rédaction de "Marianne".

Il y a dix jours, dans l’indifférence quasi générale, l’Assemblée nationale votait une série de mesures en faveur du bien-être animal. Indifférence due essentiellement à nos angoisses face à un potentiel reconfinement, pourrait-on plaider. Car, à voir les politiques s’y engouffrer, on sent qu’ils y trouvent là l’espoir d’un sujet consensuel, où l’on peut enfin se retrouver à peu de frais en phase avec les citoyens. Enfin, presque.

C’est ce que montrent ces débats sympathiques sur les delphinariums et les animaleries : l’évolution de notre perception des animaux nous permet de nous accorder sur des sujets où chacun peut exprimer sa compassion pour des êtres dont nous nous sommes enfin aperçus qu’ils possédaient une sensibilité. Un tigre promené sur les routes de France dans une cage pour sauter dans un cerceau sous les yeux ébahis des enfants pouvait se concevoir en un temps où c’était pour ces enfants la seule occasion de voir cet animal, pour eux mythique. La télévision, avec ses documentaires, a modifié notre rapport à la nature lointaine. On peut s’en réjouir, tout en considérant que la question du bien-être animal mérite mieux que les amendements empressés pour interdire les ventes de chatons dans les animaleries.

 

La sensiblerie des générations qui ont pleuré devant la mort de la maman de Bambi suffira-t-elle à nous empêcher de transformer des animaux en outils de notre développement économique à coups de production industrielle ou de poursuivre avec ferveur la destruction systématique de tout espace encore un tant soit peu sauvage ?
 

On comprend bien que ce genre de dispositions immédiates est plus confortable qu’une réflexion complexe sur les liens que nous entretenons avec la nature dans toutes ses dimensions, c’est-à-dire avec ce qui rend possible notre vie sur cette Terre. Et quand l’association Peta (People for the Ethical Treatment of Animals) réclame qu’on cesse d’utiliser des expressions comme « poule mouillée » ou « espèce de rat » sous prétexte que « les mots peuvent créer un monde plus inclusif ou perpétuer l’oppression » et que ce langage serait « suprémaciste », on hésite entre le rire et la consternation.

Penser notre rapport avec les animaux

La sensiblerie des générations qui ont pleuré devant la mort de la maman de Bambi suffira-t-elle à nous empêcher de transformer des animaux en outils de notre développement économique à coups de production industrielle ou de poursuivre avec ferveur la destruction systématique de tout espace encore un tant soit peu sauvage ? Certes, interdire à quelques tordus d’exercer leur sadisme sur des animaux ou rappeler à certains qu’un chien n’est pas un jouet qu’on offre à Noël mais un être vivant avec lequel on s’engage dans une relation est salutaire. Mais il n’est pas évident que les bons sentiments résolvent une équation dans laquelle les intérêts en jeu ne sont pas ceux de quelques fourreurs ou de propriétaires d’animalerie.

 

La résurgence de la grippe aviaire dans les élevages du Sud-Ouest devrait jouer comme un avertissement à deux points de vue.
 

Penser notre rapport avec les animaux nécessite avant tout de sortir du mythe de la pureté animale, qui verrait toute interaction entre hommes et animaux comme une exploitation venant pervertir la « nature ». On ne luttera pas contre la souffrance animale en faisant de l’élevage et de la domestication, fruits de dix mille ans de relations, de collaboration, de souffrance parfois, mais aussi de complicité et d’enrichissement, une interprétation pseudo-marxiste. L’agriculture paysanne n’est pas forcément une « exploitation » de l’animal, surtout quand on garde à l’esprit que ledit animal n’existerait pas sans l’invention de l’élevage au néolithique.

En revanche, quand l’élevage devient une industrie, qu’il réifie le vivant pour lui appliquer des impératifs de performance, la souffrance devient systémique, pour reprendre un mot à la mode. Or lutter contre l’industrialisation de l’agriculture passe non seulement par une interdiction de l’élevage intensif, mais encore par une restructuration de l’ensemble de notre système économique pour remettre en cause cette idéologie du low cost appuyée sur le libre-échange, qui permet d’importer à bas coût ce que les normes environnementales et sociales réglementent chez nous.

La forme la plus aboutie de l’humanisme

La résurgence de la grippe aviaire dans les élevages du Sud-Ouest devrait jouer comme un avertissement à deux points de vue. Premièrement, c’est bien la concentration dans des élevages intensifs puis le déplacement massif d’animaux dans des abattoirs ultra-concentrés qui provoque les zoonoses (et les humains élevés en batterie sur une planète de plus en plus petite pour eux doivent se préparer aux successeurs du Covid). Deuxièmement, les industriels obtiennent l’interdiction des petits élevages en plein air, prouvant que le système ne rend jamais les armes, car il a besoin, pour se perpétuer, de détruire la concurrence de ceux qui travaillent respectueusement.

Organiser notre cohabitation sur cette Terre avec les autres espèces vivantes passe par différents défis : poser enfin la question démographique (et pas uniquement en Europe, où le problème ne se pose de toute façon pas), inventer des modes de vie qui nous confrontent à nouveau à la beauté du vivant et à notre intégration dans ses cycles plutôt qu’à l’omniprésence de l’humain dans sa dimension industrielle et consumériste, assumer que ce que nous mettons dans nos assiettes provient d’êtres vivants et nous intéresser à ce que cela implique (comme la déforestation de l’Amazonie pour produire du soja OGM qui nourrira cette vache dont la viande nous coûtera moins cher). La lutte contre la souffrance animale doit être un combat économique, politique et culturel, mais surtout la forme la plus aboutie de l’humanisme.

Source : https://www.marianne.net/

Commentaires

  • Le fait que l élevage ou d autre pratique soient réalisées depuis des milliers d années ne justifient pas forcément leur continuité, les zoonoses ainsi que la multiplication des épidémies dont la plus récente la covid19 montre que notre rapport envers les autres animaux doit changer, évoluer, car à demeurer sur le même registre de l élevage industriel (représentant la quasi globalité de l élevage mondial) et de l élevage dit "traditionnel" la multiplication et l'intensité des épidémies perdureront au détriment de l homo sapiens que nous sommes ... nous devons aller dans une logique de coopération et non de confrontation, si non nous serons les premières victimes de nos modes de consommations (exploitations).

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