Le Rapport Stora (3), par Jean Monneret.
Erreurs d’analyse.
Nous analyserons plus loin diverses recommandations « apaisantes » du Rapport. L’une d’elles parait spécialement saugrenue autant que contre-productive. Pour que les préconisations de B.Stora soient utiles, il faudrait qu’elles constituent un remède au mal qu’elles sont censées traiter.
On nous permettra d’être sceptique, car, son rapport repose sur des analyses fausses.
Evoquant les divergences mémorielles que la Guerre d’Algérie a suscité dans la population française d’aujourd’hui, il en fait une description fort contestable. Certes, un conflit d’une telle envergure, qui a duré 8 ans marque à jamais ceux qui l’ont vécu. Mais, selon Stora, face à l’historicité guerrière des mémoires algériennes, il y aurait en France parmi les harkis, les pieds noirs, une partie des anciens combattants et toutes les victimes de la décolonisation une masse de « gardiens de la mémoire » surtout soucieux de montrer « qu’ils ont eu raison dans le passé. ». Nous sommes là au niveau du café du commerce.
Une autre thèse de Stora, moins farfelue, est qu’il y eut en France, après l’Indépendance, un silence officiel sur la Guerre d’Algérie. Cela est relativement vrai, mais en parallèle, il n’y eut aucun silence médiatique. La télévision n’évita point les débats sur le sujet après 1968. Et que dire du cinéma ! Dans les années 70, de nombreux films apparurent*. Ajoutons que pour l’écrivain Yves Courrière et pour les revues historiques, le conflit algérien fut, très tôt, un filon dûment exploité.
Chercheurs et universitaires restèrent, il est vrai, longtemps discrets. Pour Stora, le monde commence et s’arrête aux frontières de l’Université. C’est donc tout naturellement qu’il pense qu’avant les années 90, on ne parlait pas de l’Algérie. Grâce à lui en partie, __ (il ne l’écrit pas mais semble le croire) __, le silence officiel cessa et l’Histoire reprit ses droits. Or, cette discipline « peut rassembler » alors que la « mémoire divise ». La formule est de Pierre Nora.
Nous sommes là dans l’approximation. La recherche historique sur l’Algérie et la Guerre fut stimulé par deux facteurs : le début d’ouverture des archives militaires et la guerre civile en Algérie qui marquait la faillite sanglante du régime né de l’Indépendance. Beaucoup de gens comprirent alors que ce qui s’était passé trente ans avant était plus compliqué qu’ils ne l’imaginaient. Le succès de Stora, à ce moment- là, vint de ce qu’il proclamait qu’il fallait passer de la Mémoire à l’Histoire. Son film réalisé avec Alfonsi, tombait à point nommé. Beaucoup, ne connaissant rien à l’Algérie, crurent qu’ils passaient des ténèbres à la lumière.
Pour Stora la nostalgie est une maladie. Il stigmatise dans son rapport : « L’Atlantide engloutie de l’Algérie Française, honte des combats qui ne furent pas tous honorables**, images d’une jeunesse perdue et d’une terre natale à laquelle on a été arraché.P.17. » Ailleurs encore, il évoque une littérature de la souffrance soufflant sur les braises de l’Algérie française ?
En réalité, Stora ne comprend pas que pendant 60 ans, nombre des nôtres ont ardemment combattu non pas pour exalter l’Algérie Française mais pour faire reconnaître nos épreuves. Pour faire reconnaître que le conflit avait fait des victimes dans toutes les communautés. On parlait abondamment déjà, dès les années 70 des victimes de Massu, de la Bataille d’Alger (film antihistorique de Pontecorvo, etc…) Mais qui connaissait en France les massacres d’El Halia d’août 1955, ceux d’Oran du 5 juillet 1962 ? Disons simplement que B. Stora ne contribua guère à éclairer l’opinion de ce chef.
Comme de l’autre côté de la Méditerrannée, les Algériens ont construit une mémoire antagoniste avec leur guerre de « libération », Stora est persuadé que 60 ans après la fin des combats, les relations entre les deux pays sont complexes, difficiles, tumultueuses. Ne serait-ce pas plutôt, les relations de nos classes dirigeantes. ? Nous, « rapatriés », avons d’excellentes relations avec nos compatriotes musulmans.
Heureusement, notre spécialiste, a la solution : l’Histoire. Entre les récits fantasmés des victimes de la décolonisation et l’imaginaire guerrier des Algériens, lui, le grand historien, va éclairer ce qui était caché et mettre à bas les mises en scène et les représentations complaisantes. Finies les mémoires parallèles et hermétiques. Finie l’empathie exigée, exclusive, à sens unique. La France, à nouveau, pourra « faire nation ».
Tout cela est caricatural.
(A suivre.)
*Deux de Lakhdar Hamina, un sur La Question, un d’Yves Boisset, celui de Pontecorvo, celui de Michel Drach, Elise ou la vraie vie.
**Appartient-il à un historien revendiqué, mais qui se dit favorable à la violence anticoloniale, de juger de l’honorabilité des combats des uns et des autres ?
Source : https://www.actionfrancaise.net/