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Goldnadel: «Halte aux fantasmes sur les contrôles au faciès».

Gilles-William Goldnadel. JOEL SAGET/AFP

En offrant de larges concessions à l’idéologie progressiste lors de son intervention sur le média «Brut», Emmanuel Macron tente un «en même temps» sur la question sécuritaire qui risque de mécontenter les deux camps, estime l’avocat et chroniqueur Gilles-William Goldnadel.

Où que l’on tourne le regard, l’interview donnée par le chef de l’État au média «Brut», et dans laquelle celui-ci, au grand dam des syndicats policiers, indique qu’il existerait un contrôle au faciès discriminant les non-blancs et que les jeunes de l’immigration incarneraient «une chance», constitue une erreur politique, intellectuelle et morale.

Erreur politique tout d’abord. J’ai écrit dans ma chronique de la semaine passée qu’en instrumentalisant cyniquement et hystériquement un fait divers déplorable, la gauche extrême avait une nouvelle fois gagné la bataille médiatique de l’émotion. Le propre de l’émotion est qu’elle retombe aussi vite qu’elle monte, il convient donc d’attendre imperturbablement. Au lieu de cela, Emmanuel Macron, qui ces derniers temps avait su maîtriser sa parole, a choisi de réagir et de commenter l’événement .

Il a choisi pour ce faire un média «jeune». Sauf que la jeunesse est un état plus qu’une communauté. Il faut mal la connaître pour penser qu’elle se confond, par exemple, avec la bruyante gauche estudiantine ou bobo. Aujourd’hui, une partie d’entre elle, confrontée au réel, ne s’en laisse plus compter par l’idéologie et est moins agitée par les fantasmes de la violence policière que par la réalité de la violence de l’insécurité physique, économique ou culturelle. Raison pourquoi beaucoup de jeunes lorgnent sans préoccupation esthétique ou de mode démodée vers la droite dure ou flexible.

C’était hélas compter, sans son fameux « en même temps » dont j’ai déjà écrit à plusieurs reprises qu’il me troublait quant à la psychologie d’un homme si intelligent 

En conséquence, il ne fallait pas être grand clerc pour prévoir qu’en s’adressant au public de Brut, notre président allait rencontrer une jeunesse particulière et sectorisée qui attendait de lui une reddition sans conditions à la vision convenue d’une police au racisme systémique assortie à l’état qu’elle servirait servilement. C’est dans ces conditions que le président s’est laissé aller à faire des concessions à l’idéologie convenue.

La faute politique est aussi politicienne. Dans le dernier état de l’action présidentielle, chacun avait compris que dans la partie qui l’oppose à sa rivale de droite pour l’élection présidentielle, la captation d’une partie de son électorat était essentielle. Il n’y avait d’ailleurs pas à se forcer, tant l’actualité dramatique lui en donnait de tristes occasions.

Le terrorisme islamiste incarné par une horrible décapitation, l’insécurité provoquée par de nombreux migrants illégaux, les provocations du sultan ottoman constituaient autant de nécessités existentielles de lutter contre le séparatisme, l’immigration de masse incontrôlée et l’islamisme radical tout en rassurant non seulement l’électorat de droite majoritaire mais au-delà une grande partie des Français.

C’était hélas compter sans son fameux «en même temps» dont j’ai déjà écrit à plusieurs reprises qu’il me troublait quant à la psychologie d’un homme si intelligent. Au-delà de mes états d’âme assez subalternes, il n’en demeure pas moins que cet «en même temps» a la faculté de mécontenter en même temps les deux camps.

Non, il n’existe pas un contrôle policier au faciès qui serait établi pour discriminer délibérément les non-blancs 

Erreur intellectuelle ensuite. Non, il n’existe pas un contrôle policier au faciès qui serait établi pour discriminer délibérément les non-blancs. Prétendre le contraire, c’est délibérément souscrire en creux à la thèse aussi monstrueuse qu’erronée d’un racisme policier systémique. On comprend dès lors le grand dépit des représentants professionnels d’une police française déjà plongée dans une profonde dépression.

Si on veut parler sans faux semblants ni cauteleuses précautions, l’immigration non maîtrisée et mal intégrée génère un problème sécuritaire immense. La situation catastrophique dans les banlieues en est l’illustration la plus déplorable. Ce qui explique bien évidemment ceux qui composent la majorité de la population carcérale. Raisons sociologiques, sociales, psychologiques, culturelles, religieuses? Peu importe. Personne de sérieux ne nie plus le constat. Dès lors, comment éviter que la population d’origine immigrée ou étrangère constitue statistiquement la population contrôlée la plus nombreuse sans pour autant y voir une discrimination délibérée aux fins d’humiliation?

Clamer que, dans ce cadre, la jeunesse immigrée serait «une chance» revient à reprendre cette vieille antienne moralement exaspérante autant qu’intellectuellement dérisoire que «l’immigration serait une chance pour la France». Quand on sait que 57 % des jeunes musulmans de ce pays placent la Chari'a avant les lois de la République, l’heure n’est pas à les stigmatiser ni à les idéaliser.

J’en viens enfin à l’erreur morale. Si on veut tenter de comprendre les raisons profondes du séparatisme qui se caractérise en creux par l’aversion d’une minorité pour la majorité de ce pays et le choc en retour qu’elle entraîne, l’essentialisation de la population immigrée est aussi stupide que répugnante. L’explication pour cause religieuse insuffisante.

Macron a alimenté à son corps défendant, tout en indiquant dans d’autres phrases le contraire, cette thèse d’un racisme policier discriminant si à la mode outre-Atlantique. 

La principale cause de cette aversion habite dans le fait qu’on a réussi à persuader une partie de cette population minoritaire que la majorité des Français, en ce compris sa police, était représentée par des beaufs franchouillards racistes. SOS-Racisme s’y est employé avec beaucoup de succès dans les années 80. Sans grand mérite. Rien de plus aisé que de persuader un individu qu’il est une victime. À fortiori quand ceux qui s’évertuent à l’en persuader appartiennent à la famille de ses prétendus tourmenteurs.

Voilà plus de 30 ans que la population immigrée est, effectivement pour le coup, victime de cet exercice de décérébration unique dans l’histoire humaine. Emmanuel Macron, enfant de ce triste siècle, sans doute lui aussi victime inconsciente, à temps partiel ou en même temps, de ce lavage de cerveau, a donc contribué à alimenter la thèse du racisme de la société française et des discriminations qu’elle sécréterait. Il a alimenté à son corps défendant, tout en indiquant dans d’autres phrases le contraire, cette thèse d’un racisme policier discriminant si à la mode outre-Atlantique.

Nul doute que Gérald Darmanin passera une bonne partie de sa semaine à tenter de réparer les dégâts avant d’autres déclarations ou d’autres événements qui alimenteront sans fin les névroses médiatiques et politiques de cette société occidentale psychiquement tourmentée.

La lutte contre le racisme et le séparatisme est une chose trop sérieuse pour la confier aux clichés de l’antiracisme de pacotille.

 

Gilles-William Goldnadel est avocat et essayiste. Chaque semaine, il décrypte l’actualité pour FigaroVox. Son dernier ouvrage Névroses médiatiques. Le monde est devenu une foule déchaînée est paru chez Plon.

Source : https://www.lefigaro.fr/vox/

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