Les mémoires franco-algériennes, par Gérard Leclerc.
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Emmanuel Macron à demandé à une commission d’historiens de contribuer à l’apaisement des mémoires entre la France et l’Algérie. Mais est-ce seulement possible ? L’histoire est tragique et complexe. Et elle se poursuit avec d’autres acteurs, comme Mgr Henri Teissier qui vient de nous quitter.
« L’histoire est tragique », affirmait Raymond Aron, et il savait aussi qu’elle est complexe, qu’elle ne saurait se ramener à des propositions simples et univoques. Il suffit de lire ses mémoires pour comprendre à quel point il était fidèle dans ses jugements, même les plus engagés, à sa philosophie foncièrement prudentielle. Comment aurait-il réagi au projet d’Emmanuel Macron créant une mission pour apaiser les conflits mémoriels de la guerre d’Algérie ? Franchement, je n’en sais rien, et il est toujours téméraire de préjuger de la part des absents des opinions sur les débats actuels, même de nature historique. Aron s’était fortement engagé à propos de ce qu’il appelait « la tragédie algérienne », mais il aurait été le dernier à en simplifier les données. Comment simplifier les données d’une tragédie, sinon en les édulcorant et en les niant ?
C’est pourquoi, personnellement, je ne crois guère à une réconciliation des mémoires. Tout juste puis-je espérer parfois le miracle de certaines retrouvailles individuelles. Ce que j’accorderai à Emmanuel Macron, c’est qu’il est difficile d’envisager un avenir commun entre la France et l’Algérie, les Français et les Algériens, sans une tentative de dépassement des conflits. Mais les mémoires resteront plurielles. Aux historiens d’essayer d’en rendre compte avec le maximum de sens de l’exactitude dans la complexité, encore une fois. Je rendrais volontiers hommage, sur ce point, à mes confrères de La Croix, qui, dans leur édition de mercredi, ont réussi à rendre compte de cette pluralité, en donnant la parole aux uns et aux autres.
Il se trouve que ce recours à la mémoire coïncidait avec l’annonce de la mort de Mgr Henri Tessier, archevêque d’Alger de 1988 à 2008. Il avait affronté une nouvelle page tragique de l’histoire algérienne, avec une guerre civile impitoyable. Il faut le courage et la foi d’un évêque de sa trempe, pour persévérer à construire l’avenir.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 3 décembre 2020.
Sources : https://www.france-catholique.fr/