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Nous feront-ils enfin préférer le train ?, par Natacha Polony.

Source : https://www.marianne.net/

"Il y a quelque chose de tristement comique à voir le nouveau Premier ministre nous promettre des trains de nuit, du fret ferroviaire, et tout ce que les énarques de la SNCF ont consciencieusement massacré depuis quelques années", explique Natacha Polony dans son édito de la semaine.

On pourrait appeler ça le « coup du tramway ».

Pendant des années, on démantèle les réseaux de tramway qui couvrent les grandes villes de France en expliquant à quel point c'est ringard. Puis on s'avise qu'un transport en commun fonctionnant à l'électricité est écologique, pratique et utile aux plus défavorisés, et la France se recouvre de réseaux de tramway, tout le monde s'empressant de célébrer la modernité des maires qui ont ainsi réveillé leur ville…

Trop ringards ?

La dernière liaison Paris-Côte d'Azur par train de nuit, héritière du mythique Train bleu, a fermé voici trois ans dans l'indifférence générale. Des lignes de nuit qui quadrillaient la France, il ne reste que Paris-Briançon et Paris-Rodez, à une fréquence si rare qu'elle décourage les plus entreprenants. Les trains de nuit ont quasi disparu en France, considérés comme ringards par tous ceux pour qui la modernité consiste à aller le plus rapidement possible d'un point à un autre. L'avion low cost a écrasé le marché. Accessoirement, ne pas payer son carburant au véritable prix aide à rester compétitif. Le train de nuit, cette vieillerie pour jeunes appelés en permission, n'a pas survécu aux choix de la SNCF de systématiquement privilégier le TGV.

Quoi de plus rationnel, pourtant, que de gagner deux demi-journées de vacances en voyageant de nuit ? Ceux qui ne l'ont jamais connue peuvent-ils comprendre la magie de s'endormir à Paris, dans une gare fourmillante, et de se réveiller face au bleu intense de la Méditerranée, ou dans les vertes collines du Pays basque ? Trop coûteux, estimait la direction de la SNCF, qui avait tout fait pour vider ces trains, les accusant ensuite de n'être pas rentables. Et puisque ladite SNCF est désormais, non plus un service public, mais une entreprise à but lucratif, la rentabilité est son horizon, sa raison d'être, son credo…

La question du Fret

Il y a quelque chose de tristement comique à voir le nouveau Premier ministre nous promettre des trains de nuit, du fret ferroviaire, et tout ce que les énarques de la SNCF ont consciencieusement massacré depuis quelques années. Le fret ferroviaire a baissé en France de 15 % ces dix dernières années. Il faut dire qu'il coûte 30 % plus cher que le fret routier, ce qui, là encore, s'explique en partie par des exonérations de taxes sur le carburant. Mais surtout, la politique de la SNCF, qui a voulu à toute force pousser le TGV, a été de sacrifier le fret, de lui faire absorber tous les retards, tous les incidents, pour améliorer l'image du train à grande vitesse et satisfaire les clients particuliers au détriment des entreprises, qui ont pourtant besoin d'une précision absolue dans la livraison de leurs marchandises. Résultat, le fret ferroviaire représente en France 9 % du trafic de marchandises, contre 18 % ailleurs en Europe. De même que les trains de nuit restent présents en Autriche, en Italie ou en Espagne, alors que la France les a éradiqués.

On se doute que le bilan ne sera jamais dressé, que la facture ne sera jamais présentée, et qu'on sera prié de passer à la suite, d'« aller de l'avant » plutôt que de « regarder en arrière ». Pendant des années, le très médiatique Guillaume Pepy, qui, bien avant Emmanuel Macron, avait montré combien libéraux de droite et de gauche communient dans la même pensée, a été adulé par les journalistes, soutenu par les politiques et conforté par tous dans ses choix de communicant « moderne ». Se soucier de l'entretien des réseaux et de la desserte des villes moyennes, c'était d'un vulgaire !

La réindustrialisation en filigrane

Toutes ces grandes intelligences s'aperçoivent donc que le train est un moyen de transport écologique - surtout dans un pays qui a fait le choix de l'énergie nucléaire plutôt que des centrales à charbon - et que le maillage du territoire par les lignes ferroviaires a participé, historiquement, au développement équilibré du pays, et donc à l'adhésion de tous à une République qui garantissait dans chaque territoire les services publics et aménagements nécessaires à la vie de ses citoyens. Aujourd'hui, les habitants d'Aurillac (Cantal) ou de Bourbon-l'Archambault (Allier) savent combien l'égalité des chances est une vaine promesse quand la rentabilité et le court terme guident les politiques publiques.

Les belles promesses de Jean Castex sont-elles autre chose qu'un écran de fumée avant 2022, une sympathique esbroufe pour nous vendre un supposé « monde d'après » ? Comme pour la réindustrialisation de la France, le développement du fret ferroviaire ou des lignes secondaires ne se décrète pas. Si, dans un an ou deux, la ligne de fret Perpignan-Rungis, dont on nous promet désormais le maintien, n'a pas conquis de nouveaux clients grâce à un effort de compétitivité, de ponctualité, de qualité de service, de brillants gestionnaires nous expliqueront à nouveau qu'elle n'est pas rentable et qu'il faut la fermer.

L'état de la France et de ses infrastructures n'est pas le fruit de la fatalité mais de l'échec d'élites pétries d'une idéologie délirante, totalement oublieuse des intérêts des citoyens. Le réel, désormais, les rattrape. Mais réparer les dégâts prendra du temps. Encore faudrait-il que ceux qui nous ont envoyés dans le mur avec morgue et certitudes nous vendent autre chose que des postures et des promesses.

Commentaires

  • Bonjour,
    Je voudrais souligner que le plus gros transporteur Français en terme de participation à des entreprises privées, c'est la SNCF.

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