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Pour une convention citoyenne sur la bioéthique, par Natacha Polony.

Source : https://www.marianne.net/

"Dans une démocratie qui ne serait pas malade, ce sont les citoyens qui doivent pouvoir décider collectivement, après un véritable débat qui ne se réduise pas à des slogans et des anathèmes. La convention sur le climat a été applaudie ? Le débat sur notre humanité mérite sans doute autant de temps et d'engagement", estime Natacha Polony.

C'est donc dans l'indifférence générale, au milieu de l'été, dans une Assemblée presque vide, que l'on révise en France les lois de bioéthique. Véritable cas d'école. Le texte contient des dispositions sur la recherche menée sur les cellules embryonnaires, sur la conservation par les femmes de leurs ovocytes et la question de savoir dans quelle condition et par quels organismes - à but lucratif ou non - ils seront conservés… et rien. Ces sujets-là demeureront ignorés de la quasi-totalité des citoyens. Ils n'en retiendront que l'autorisation de la PMA « pour toutes », adoptée là aussi dans une forme d'indifférence. Quelle modification du droit de la filiation, quelles conséquences sur les dons de gamètes, quelles limites à ce « pour toutes » devenu un slogan ? Pendant ce temps, à l'Assemblée, ce sont les députés les plus radicaux qui s'affrontent, les farouches opposants à toute évolution au nom du respect de la « Vie » avec un immense « V » et les promoteurs exaltés de toutes les dérégulations présentées comme « modernes ». Les autres ont déserté. Et comment en serait-il autrement, alors que la crise sanitaire et la crise économique sont là ? Comment en serait-il autrement, alors que le débat est systématiquement escamoté, réduit à sa caricature par des médias qui se gardent d'entrer dans la complexité de peur de ne pas être à la pointe de la tolérance et du progressisme ?

Le temps long du débat

Il en est des lois de bioéthique comme des questions écologiques : elles eussent mérité une convention, le temps long de la plongée dans des sujets qui ne souffrent pas les pétitions de principe et les positions systématiques. « Les Français sont pour ouvrir la PMA aux couples de femmes et aux célibataires », nous répète-t-on. Mais selon quelles modalités ? Le Pr Nisand, invité sur France Inter le lundi 27 juillet, plaidait le remboursement par la sécurité sociale au nom de l'égalité devant la santé… sans que la journaliste qui l'interrogeait ne lui fasse remarquer que, justement, il ne s'agit plus de pallier un dysfonctionnement du corps. Et pourtant, c'est bien un choix de société majeur que de considérer que la sécurité sociale, désormais, doit permettre l'accès gratuit à une technique en dehors de toute raison de santé. Quoi qu'on en pense, il s'agit bien d'un droit à procréer garanti par la collectivité.

Le fait que des dispositions aient été ajoutées en commission des lois par certains députés, à rebours de l'équilibre qu'avait cherché à définir le gouvernement, nous montre combien la juste mesure ne satisfera jamais ceux qui confondent la démocratie avec l'extension des droits individuels. Ainsi de l'extension de la PMA aux « hommes trans », c'est-à-dire à des femmes devenues hommes mais souhaitant enfanter malgré tout. Ainsi de la « Ropa », réception d'ovocytes de la partenaire, qui autoriserait, en cas de stérilité d'une femme lesbienne voulant enfanter, à revenir sur l'anonymat du don d'ovocytes pour lui permettre de porter un enfant issu des gamètes de sa partenaire, faisant des deux femmes la « mère biologique » de l'enfant. « Le sens de l'histoire », plaident les militants sans comprendre qu'ils valident ainsi les préventions de ceux qui craignent qu'il n'y ait en effet aucune limite à l'alliance de la technique et des désirs individuels.

Quelle boussole ?

Comment apporter une réponse républicaine à des problèmes aussi vertigineux ? Républicaine, c'est-à-dire fondé sur l'articulation entre liberté et égalité et débarrassée des références religieuses au « respect de la vie », concept ô combien vague. On entrevoit le piège : nous sommes à ce point incapables de penser l'égalité en même temps que la différence que toute allusion à cette différence - celle, par exemple, entre un couple qui peut potentiellement enfanter naturellement et un qui ne le peut pas - est immédiatement pointée comme une discrimination. Alors, tentons de revenir aux principes. Ceux qui ont prévalu dans l'élaboration d'une doctrine française de la bioéthique, aujourd'hui balayée par la vision anglo-saxonne, sont fondés sur une morale laïque héritée des Lumières et résumés par le fameux « impératif catégorique » de Kant : « Agis de telle sorte que tu uses de l'humanité, en toi-même et en autrui, toujours comme d'une fin et jamais comme d'un moyen. »

Ne jamais instrumentaliser, réifier, l'humain. Telle devrait être notre boussole, la plus noble qui soit. La seule, surtout, sur laquelle nous puissions tous nous accorder.

Les problèmes que nous aurons à régler dans l'avenir, à mesure que les biotechnologies se développeront, seront immenses. Ils ne se régleront pas en considérant que ceux qui ne réclament pas ces évolutions ne sont pas concernés. La filiation, la définition même de notre humanité, nous concernent tous et l'on entrevoit déjà la nature des débats quand il s'agira de discuter de l'utérus artificiel. Mais, dans une démocratie qui ne serait pas malade, ce sont les citoyens qui doivent pouvoir décider collectivement, après un véritable débat qui ne se réduise pas à des slogans et des anathèmes. La convention sur le climat a été applaudie ? Le débat sur notre humanité mérite sans doute autant de temps et d'engagement.

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