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Michel Onfray : Front Populaire, la grande peur de la macronie ?, par Nicolas Clément.

Source : https://www.valeursactuelles.com/

(Nous l'avons dit, dès que nous avons appris sa création : nous suivons avec intérêt et sympathie ce que fait Michel Onfray avec son "Front Populaire". Et si d'aventure, celui-ci devenait un nouveau parti, ce serait "au sens le plus noble du terme politique", a assuré Michel Onfray. Le texte très intéressant que Valeurs Actuelles propose sur son site ce Samedi 16 Mai et que nous vous communiquons ci-après permettra à chacun de se positionner en connaissance de cause vis-à-vis de ce mouvement, qui semble très prometteur...)

Fils d'ouvrier agricole et ancien professeur en lycée technique, le philosophe du “petit peuple” s'est imposé au fil des années comme l'un des meilleurs bretteurs de la bataille culturelle. Avec sa nouvelle revue, Front populaire, il est en passe de devenir une nouvelle icône du populisme français…

« Agir, c'est combattre », disait Pierre-Joseph Proudhon. Voilà une maxime qui pourrait décrire l'état d'esprit avec lequel Michel Onfray se prépare aux grandes crises du “monde d'après”. Le mercredi 15 avril, au plus sombre de la débâcle sanitaire, le philosophe annonçait avec fracas la création de sa nouvelle revue, Front populaire, une « machine de guerre pour la plèbe » .

Front Populaire : un néo-populisme

Stéphane Simon, journaliste à l'origine du projet, décrit le “mook” (magazine-book) trimestriel à venir comme « un espace de réflexion visant à organiser la convergence des souverainismes ». Plus encore, il souhaite y faire « renaître l'esprit des ronds-points », fièvre jaune qui a tant fait frissonner l'exécutif au cours de l'hiver 2018-2019. Déterminés à prendre leur revanche sur « l'État maastrichtien » après son « coup d'État » du référendum de 2005, Michel Onfray et ses amis espèrent un jour « faire émerger le nom de celui qui pourrait porter la cause du peuple » et ainsi procéder à la « restauration de la République » . Plus que jamais, l'hyperactif pamphlétaire de l'Orne entend rebattre les cartes du jeu politique français.

Dans la sphère intellectuelle, l'initiative en enchante plus d'un. Alain de Benoist, essayiste et ancien porte-étendard de la “nouvelle droite”, ne tarit pas d'éloges sur Michel Onfray et sa revue. « Ce projet a toute ma sympathie. Je me suis toujours abreuvé d'idées justes sans me préoccuper d'où elles venaient. Onfray est un homme honnête et non conformiste que j'apprécie beaucoup. C'est un auteur d'une extraordinaire fécondité qui n'hésite pas à se remettre en cause. Il fait partie des penseurs qui ont évolué. Tout comme Marcel Gauchet, Pierre Manent ou Jacques Julliard, il a récemment pris des tournants qu'il n'aurait jamais pris il y a vingt ans. » Benoist, qui se définit volontiers comme « socialiste-conservateur », voit le surgissement de cette revue comme le signe que Michel Onfray « a pris acte de la montée en puissance d'une nouvelle lutte des classes : un “populisme du peuple” direct et spontané » .

Nous n'avons pas les mêmes valeurs.

Sur l'aile gauche du continent des idées, Thomas Guénolé, politologue et ancien membre de La France insoumise (LFI), déclare également apprécier le fondateur de l'Université populaire de Caen. « Michel Onfray est un essayiste engagé, mais surtout un intellectuel éclectique. Il a su rendre accessible à tous un grand nombre de thèmes philosophiques habituellement réservés à des spécialistes. »

L'union des souverainistes, un vœux pieux ?

Toutefois, malgré l'estime qu'il porte à l'auteur de Décadence , Thomas Guénolé n'apparaît pas sans réserves quant aux ambitions de la revue. D'après lui, la tentative de création d'un « Front populaire attrape-tout qui dépasserait les divergences de la société civile » a peu de chances d'être couronnée de succès. « Le fait de critiquer la construction européenne n'efface pas les désaccords fondamentaux. Selon que l'on rejette l'Union européenne par la gauche ou l'extrême droite, les visions peuvent diverger sur plusieurs thèmes. Je pense notamment à la question de l'identité. »

Pour l'auteur de la Chute de la maison Mélenchon , la France ne serait jamais sortie du fameux débat Renan-Herder… « L'extrême droite a une conception ethnoculturelle de l'identité nationale, tandis que la gauche la définit comme un projet de civilisation tendant vers le progrès. » Ferme, l'ancien coordinateur de l'école de formation de LFI tranche : « Nous n'avons pas les mêmes valeurs. »

L'alliance des patriotes de gauche et de droite est la seule solution pour faire face aux mondialistes.

Vraisemblablement, tout le monde ne croit pas au succès de « l'assemblée permanente girondine » chère à Stéphane Simon et Michel Onfray. Néanmoins, certains penseurs, bien qu'aux antipodes du “souverainisme” sur bien des sujets, se déclarent ouverts au dialogue. C'est notamment le cas de Gaspard Koenig, philosophe et président du think tank libéral Génération libre. Proche de Michel Onfray, ce dernier le célèbre volontiers comme « un véritable écrivain et l'un des rares intellectuels authentiques » du débat français. À travers leur correspondance et leurs débats, les deux hommes se sont découvert de nombreux terrains d'entente. « Onfray est un des rares penseurs français à s'opposer au contrat social. À travers Proudhon, nous nous accordons sur un individualisme de principe. » Mais par-dessus tout, ce que Koenig paraît apprécier chez son compère normand est son originalité. « J'aime beaucoup quand il met le bazar. Front populaire est une initiative saine. Si c'est une plate-forme ouverte au débat, je serai ravi d'y participer. »

Les hommes politiques sur la touche

Parmi les souverainistes du monde politique, le “mook” semble également trouver un écho favorable. Ainsi, Florian Philippot, le président des Patriotes, déclare soutenir le projet. « La trajectoire de Michel Onfray ne me choque pas. Je ne peux que cautionner son initiative, moi qui ai fait mes débuts dans le chevènementisme. Concernant la convergence des souverainismes, je fais le même pari que lui. L'alliance des patriotes de gauche et de droite est la seule solution pour faire face aux mondialistes qui ont déjà fait bloc. »

Pourtant, le philosophe n'a laissé planer aucun doute sur la place réservée aux politiciens dans son média : « Nous voulons contribuer à faire émerger une candidature issue de la société civile. Nous ne voulons plus de ceux qui ont traîné dans les partis » , déclarait-il récemment sur le site de Valeurs actuelles . À ce sujet, Philippot se dit particulièrement sceptique. « Il faut sortir de cette séparation simpliste entre les politiques et la société civile. Cela n'a pas de sens, c'est un piège ! Si nous voulons vraiment ce rassemblement de combat, il faut éviter cette posture, ne pas rester dans l'incantation. » Gourmand, l'ancien vice-président du Front national met un pied dans la porte. « J'espère que Front populaire tiendra sa promesse. Alors je dis “chiche” à Michel Onfray, voyons-nous après le déconfinement. » Au sein de son ancienne formation politique, tous ne sont pas de cet avis…

Toute initiative visant à nous libérer de la propagande d'État est la bienvenue.

Gilbert Collard, eurodéputé affilié au Rassemblement national, ne semble pas particulièrement se soucier du sort des professionnels de la politique dans Front populaire. Bien au contraire, il salue plutôt la démarche. Selon lui, il est « légitime » de mettre en avant la société civile contre « une classe politique qui s'est fourvoyée ». Ferme, le membre du groupe Identité et Démocratie au Parlement de Strasbourg ajoute : « La politique est devenue un métier. Certains sont élus depuis trente ans sans avoir jamais travaillé ! Cela n'est pas normal… »

En accord avec Michel Onfray sur bien des sujets, l'ancien socialiste passé chez Marine Le Pen se plaît également à comparer son parcours à celui du philosophe normand. « J'ai eu le même cheminement que lui. Au bout d'un moment, on se rend compte que l'on a été berné par des chimères idéologiques. On réalise que l'on a fait le jeu d'un théâtre. Mais quand les impostures tombent, le réel s'impose. Alors, on ne peut se contenter de rester dans le formol et d'espérer recevoir le prix Nobel de la paix médiatique. »

Ils ont peur d'une candidature populiste et spontanée issue de la société civile. Ils ne veulent laisser émerger personne.

Au sujet de Front populaire, le belliqueux “mariniste” est sans ambiguïté. « Toute initiative visant à nous libérer de la propagande d'État est la bienvenue. Cela ne me dérangerait pas d'y retrouver Jean-Luc Mélenchon ou Arlette Laguiller, plaisante-t-il. Aujourd'hui, on nous impose à tous de penser de la même manière, de prendre les mêmes médicaments, de manger la même chose. Et si l'on ose exprimer un avis différent, on se voit insulté de fasciste ou de complotiste… Il y a une véritable asphyxie mentale ! »

La crainte d'un Anti-macron

En dehors du camp souverainiste, la stratégie de convergence de Michel Onfray semble également être prise très au sérieux. Selon un conseiller proche de la Macronie, « Onfray a eu la meilleure intuition possible avec cette plate-forme » pour combattre Emmanuel Macron en 2022. D'après lui, le président de la République ne pourrait « regagner une élection qu'avec une stratégie de “minorité de blocage” ». Notre conseiller précise : « Emmanuel Macron a trois clientèles : les CSP+, les personnes âgées et les métropolitains. Pour conserver ce bloc, il doit avoir en face de lui un adversaire qu'il peut facilement renverser. Ainsi, il lui faut conserver Marine Le Pen comme opposante principale, car cette dernière échouerait au deuxième tour. En ce sens, la présidente du RN est sa meilleure ennemie. »

En réunissant les deux branches du souverainisme, Onfray pourrait bel et bien enrayer le savant plan de bataille macroniste. « La République en marche redoute l'apparition d'un anti-Macron. Ils ont peur d'une candidature populiste et spontanée issue de la société civile. Ils ne veulent laisser émerger personne. C'est d'ailleurs sans doute pour cette raison que le président s'est rendu à Marseille voir le Pr Raoult. »

Onfray a su ramener la sphère intellectuelle dans une réalité pratique et remettre en scène le bon sens populaire.

Hélas pour la Macronie, cette opération de communication aura été un échec cuisant. Le 1er mai, soit une vingtaine de jours après la visite du président, Raoult rejoignait Front populaire … Aujourd'hui, l'adhésion du “professeur Chloroquine” à la revue est sans nul doute le plus beau trophée remporté par Michel Onfray et Stéphane Simon. D'ordinaire, le Pr Raoult se montre plutôt réticent lorsqu'il s'agit d'apparaître à la télévision ou dans les journaux. Lors de son entretien avec Apolline de Malherbe, il rappelait non sans ironie sa grande indépendance vis-à-vis des médias traditionnels. « Honnêtement, je ne veux pas vous faire de peine, mais je n'ai pas besoin de vous pour dire ce que j'ai à dire. »

Michel Onfray, le “populisme acceptable”

Robert Zarader, ancien conseiller de François Hollande et proche de l'actuel chef de l'État, fait une analyse de l'évolution de Michel Onfray qui pourrait expliquer ce ralliement inattendu : « Onfray est porteur d'un bien commun politique. Au fil des années, il a réussi à installer l'idée d'un populisme acceptable qui s'inscrit dans un rapport au peuple et dépasse les clivages partisans. Contre la dérive d'un monde technocratique, il a su ramener la sphère intellectuelle dans une réalité pratique et remettre en scène le bon sens populaire. » Voilà une remarque qui correspondrait en tout point aux attentes du controversé professeur marseillais.

Toutefois, Robert Zarader ne semble pas partager l'optimisme de Michel Onfray. « Je n'ai pas la certitude de voir émerger une alliance des souverainistes pour faire face au bloc social-libéral. Cependant, la revue peut créer du débat. Aujourd'hui, face au vide idéologique du paysage politique français, créer les conditions de la bataille culturelle est déjà une force considérable. » Si ce fin connaisseur de la vie politique pense que nous assisterons une nouvelle fois à un « deuxième tour Macron-Le Pen », il n'exclut pas qu'une candidature issue de la société civile puisse renverser l'échiquier politique au dernier moment. « Macron l'a fait, un autre peut recommencer… » Ne dit-on pas qu' « il faut s'attendre à tout en politique, où tout est permis, sauf de se laisser surprendre » ?

Commentaires

  • Robert Zarader a le mot de la fin dans tous les sens du terme : « Macron l'a fait, un autre peut recommencer.… »
    A la réserve près que le fringant candidat de la haute bourgeoisie parisienne n'avait aucune limite financière à sa propagande ni aucun barrage médiatique à franchir.
    Reste à imaginer qui pourrait "surgir" d'ici la rentrée 2020. Après ce sera trop tard. Il serait bien que le "candidat populaire" soit une figure nouvelle.

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