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De la colère en politique (I) : Qu’est-ce que la colère ?, par Guillaume Staub.

1303872078.5.jpegEn ces temps troublés et en cette période de confinement où la grogne populaire se fait entendre sur tout le territoire et dans toutes les populations, où le gouvernement n’est plus seulement détesté, mais haï, nous aimerions nous intéresser à un mot qui revient sans cesse dans la bouche de tous les journalistes : la colère. Qu’est-ce, au juste, que la colère ? Quel est son objet ? Peut-elle être juste et positive ou n’est-ce qu’un élan de destruction ? Posons-nous la question à l’aune de la philosophie de saint Thomas d’Aquin – que nous souhaitons modestement et simplement présenter, sans en développer tous les aspects et toutes les dimensions – et essayons de l’intégrer à une réflexion politique actuelle.

3.jpgLa colère est une passion très particulière puisqu’elle naît elle-même d’autres passions – sans que celles-ci soient constitutives de la colère -, à savoir la tristesse et le désir, désir de rectification du mal causé et de la vengeance. Si un de ces éléments manque, la colère ne peut se ressentir, elle n’est pas en capacité de s’imposer à nous ; si la rectification désirée est vue comme impossible, le désir ne pourra être vécu et il ne subsistera que la tristesse, la colère n’apparaissant pas. Bien souvent, alors que nous souhaiterions voir apparaître en nous la colère et la révolte, nous n’éprouvons que tristesse. C’est alors qu’il convient de s’interroger sur la possibilité ou l’impossibilité de la rectification désirée et c’est peut-être à partir de ce changement de perception dans l’ordre de la possibilité que nous pouvons avoir une prise de conscience particulière qui fera naître en nous la colère. Qui dit rectification, dit mouvement, dit changement et c’est précisément pour cette raison que la colère comporte toujours une certaine part d’espérance et d’avenir, elle est motrice et possède une potentialité en elle. La tristesse se résout, la colère résout. Par ailleurs, notons que la colère naîttoujours d’un mal fait qu’il nous faut arriver à bien distinguer.

A présent, pour mieux comprendre ce qu’est la colère, nous devons parvenir à connaître son objet ; l’objet de l’amour est le bien et l’objet de la haine est le mal. Qu’en est-il de la colère ? La question est plus complexe car, concernant de la colère, il s’agit de se venger de quelque chose – tout en considérant que cette vengeance est juste et bonne – et de se venger sur quelque chose – généralement une personne et qui est vue comme un mal. Autrement dit, la colère possède deux objets : la chose à rectifier et la personne de laquelle nous voulons nous venger, la chose et la personne donc. C’est cette complexité de l’objet qui induit aussi que la colère se compose d’émotionsopposées à l’instar du courage, de la tristesse et de l’espoir. Si certaines sont opposées, d’autres résultent de certaines ; c’est ainsi que l’espoir, constitutif de la colère, permet le courage qui est lui-même un vecteur de mouvement.

Par ailleurs, nous devons nous demander quelle place peut avoir la raison dans ce processus ? Deux écueils sont ici à éviter ; croire que la raison n’a aucune place dans la colère ou croire que la raison peut être le moteur de la colère. La raison occupe une certaine place dans la colère en ce qu’elle intervient dans la compréhension et dans l’estimation du mal causé, mais elle n’est jamais le moteur de la colère ou la raison directrice de celle-ci. Ce qui est intéressant de mentionner pour nous est que la place de la raison est tout de même assez grande dans cette passion si on la compare à d’autres à l’instar du désir, aussi il convient de ne jamais trop les séparer.

De la même manière, nous devons nous demander ce qui diffère de la colère à la haine et ce afin de mieux saisir ce qu’elles sont respectivement ? Autrement dit, colère et haine ne sont-ils que des synonymes ? Premièrement, la principale similitude consiste, entre nos deux notions, à désirer un mal pour la personne, le second objet de la colère. Autrement dit, que ce la soit la haine ou la colère, elle conduit systématiquement à vouloir un mal à la personne qui nous en a causé un. Néanmoins, là s’arrêtent les ressemblances. Deuxièmement, quant aux différences, elles consistent en trois points. Le premier nous montre que la personne en colère considère que ce mal souhaité pour l’autre est en réalité une juste rétribution pour le mal causé, il y a une certaine idée de justice, notion importante parce que la colère, en s’efforçant d’accomplir ce qui lui semble juste – en se vengeant d’une injustice dont on a souffert – entre dans la vertu de justice. Quant à la haine, la notion de justice en est totalement absente.

De même, avec la colère, le mal que l’on souhaite infliger est toujours regardé comme un bien, alors que celui qui hait souhaite simplement un mal, sans aucun autre aspect. Enfin, la colère demande que la personne qui nous a causé un tort sache ce que nous ressentons et qu’elle le comprenne. C’est-à-dire que nous ne voulons pas que la personne visée souffre absolument, notre colère ne s’en trouverait pas dissipée, nous voulons que justice soit faite et que la personne le comprenne ainsi. Il y a donc une dimension « positive » de transmission d’un sentiment, même si cette dernière n’est pas vécue consciemment.

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