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Que faire avec le déconfinement ?, par Gérard Leclerc.

© Pascal Deloche / Godong

La discussion à propos du confinement fait rage. Beaucoup d’économistes tirent le signal d’alarme sur le désastre économique qui résulte de l’arrêt de l’activité. Le projet d’un modèle alternatif au libéralisme leur est étranger. Tandis que d’autres affirment qu’un changement profond est indispensable.

gerard leclerc.jpgC’est sans doute par goût et par penchant intellectuel que je privilégie souvent dans ces chroniques un certain angle de vue, plus axé sur les relations sociales que sur les rapports économiques. On est fondé à me le reprocher, comme si j’adoptais une sorte d’idéalisme qui fait fi d’un certain nombre de dures réalités. Ainsi hier, je me retrouvais d’emblée en accord avec Edgar Morin, dont je suis avec la plus grande sympathie les travaux depuis longtemps, notamment dans l’ordre de l’anthropologie sociale. Mais pas plus tard qu’hier, je me suis trouvé rappelé à l’ordre par un certain nombre d’articles de journaux. Gare à la catastrophe économique qui nous guette ! Le confinement constitue un danger absolu. Les chiffres s’alignent, implacables. Je me félicite, avec Edgar Morin, d’un bel élan de solidarité ? Mais demain des milliers d’entreprises vont faire faillite, et le nombre des chômeurs va s’accroître de façon considérable.

La polémique s’enflamme d’ailleurs entre ceux qui annoncent une mutation de civilisation et ceux qui dénoncent l’illusion de la fin du libéralisme économique et de la mondialisation. Il serait insensé de ne pas prêter attention aux « réalistes », même si je prétends que leurs contradicteurs ne sont pas forcément de doux rêveurs. Faut-il préciser que cette polémique ne date pas d’aujourd’hui ? J’ai tiré de ma bibliothèque un ouvrage de Raymond Aron intitulé Les désillusions du progrès. Sa première édition en anglais date de 1965, donc d’avant 1968 et de ses utopies libertaires. Déjà, les mêmes problèmes se trouvent posés, avec la remise en cause de la société industrielle et le procès fait à la technique. La question écologique se profile déjà, même s’il faudra attendre dix années encore pour qu’elle se traduise politiquement. Mais ce grand esprit qu’est Aron ne parvient pas à trancher. Il ne se résout pas à abandonner totalement l’esprit saint-simonien. Il oppose deux ouvrages-manifestes Le Grand espoir du XXe siècle de l’économiste Jean Fourastié et La technique ou l’enjeu du siècle du sociologue-théologien Jacques Ellul. Il ne s’accorde, dit-il, ni avec la sérénité du premier, ni avec la rage froide du second. Peut-on trancher aujourd’hui ? Ce qui est certain, c’est que les enjeux sont devenus bien plus graves.

Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 21 avril 2020.

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