Dans la revue Marianne, Jean d’Orléans, Comte de Paris : "Pour refonder la France après la crise, l'exécutif doit mettre en oeuvre un nouveau Plan".
Le chef de la Maison royale de France, Monseigneur le Comte de Paris vient de publier dans Marianne une tribune sur les enseignements de la crise sanitaire. C’est la deuxième fois, en un an, que ce magazine publie une tribune du prince.
Dans cette tribune, le Comte de Paris, plaide pour un nouveau pacte social qui retiendrait les leçons de la crise actuelle. Face à la crise du coronavirus qui secoue la France, le Prince place l’Hexagone « sous le chemin de la renaissance nationale » et demande à tous de réfléchir à ce que sera cet « avenir commun » à construire pour demain. A commencer par la reprise de notre « souveraineté nationale et entreprendre la relocalisation des entreprises en France » précise-t-il.
Dénonçant les effets de la mondialisation, le comte de Paris appelle à une immédiate « réorganisation des ensembles internationaux » et énonce ses propositions pour que la France retrouve la place internationale qu’elle mérite. Une tribune politique et engagée du Comte de Paris, qui se situe d’ores et déjà, dans un contexte de déconfinement et qui est à découvrir.
Le président de la République, dans son intervention du 13 avril, a lui-même parlé de refondation. Cette épreuve personnelle et collective que nous vivons sera effectivement surmontée si nous la plaçons dans la perspective d’une renaissance nationale.
Retrouver notre souveraineté dans le domaine sanitaire
S’il nous faut accepter aujourd’hui et dans les mois qui viennent des contraintes nécessaires dans l’attente d’une victoire sur la pandémie, les citoyens que nous sommes peuvent mettre à profit le confinement pour réfléchir à l’avenir commun. A cet égard, l’expérience de tous ceux qui ont été confrontés aux pénuries meurtrières d’équipements et de protections, dans le système de santé, dans le commerce et les transports, sera précieuse et méritera, de la part des autorités, une écoute attentive, mais surtout une prise en compte.
"Le jour d’après" ne saurait être celui de la reprise des anciennes pratiques après les discours d'hommage aux héros et de compassion pour les victimes. La violence de la crise économique placera les gouvernements devant des choix d’autant plus cruciaux que le monde restera sous la menace de nouvelles pandémies et de chocs climatiques. La renaissance de notre nation devra s’appuyer sur quatre enseignements que nous pouvons dès à présent tirer de la crise sanitaire et économique.
La France doit retrouver sa souveraineté dans le domaine sanitaire en relocalisant sa production de matériel médical et de médicaments, désormais placée sous le contrôle vigilant des autorités publiques. Il est heureux, à cet égard, que le Medef réfléchisse, en liaison avec l’industrie pharmaceutique, à un vaste plan de relocalisations, dont il faudra veiller à ce qu’il n’augmente pas paradoxalement notre empreinte carbone. Mais il faut aussi mettre en œuvre un plan de rénovation et de développement de l’ensemble de notre système de santé. Il en est de même pour notre souveraineté numérique. Comment garantir aux Français l’anonymat d’une application de suivi du virus lorsque plusieurs services de l’État sont dépendants d’un système d’exploitation non souverain ?
Le premier domaine de mise en œuvre de cette démocratie participative pourrait être l’hôpital public
Le gouvernement doit bien entendu protéger les entreprises et les salariés des effets immédiatement ravageurs de la crise économique mais il lui faudra prendre en compte le bouleversement social opéré par la crise sanitaire. Dans la lutte contre la pandémie, et pour assurer l’existence même de notre société, l’ensemble du service public et de nombreux secteurs libéraux et privés ont conjugué leurs efforts : la fonction publique hospitalière, les policiers, les pompiers, les enseignants, les médecins de ville, les infirmières et infirmiers, les conducteurs de camions, les livreurs, le personnel des grands magasins, les éboueurs, les commerçants, l’ensemble des agriculteurs.
Il faudra réviser les statuts et en créer de nouveaux – par exemple pour l’aide à la personne. Il faudra veiller à ce que l’estime dont bénéficient ces travailleurs se traduise dans le niveau de leur rémunération. Il faudra donner droit à leur volonté de participer aux décisions collectives : le premier domaine de mise en œuvre de cette démocratie participative pourrait être l’hôpital public, pour lequel l'ensemble des parties prenantes (personnels soignants, citoyens, associations de malades, collectivités territoriales, assurance maladie…) doit être pleinement associé à des décisions trop souvent imposées par des normes bureaucratiques et par des contraintes budgétaires dont nous constatons les effets catastrophiques. Depuis plusieurs années, de nombreuses voix s’élevaient en ce sens.
Réformer la mondialisation
Les mauvais effets de la mondialisation, aujourd’hui communément constatés, nous obligent à repenser notre modèle de développement. La mesure quantitative de la croissance tient pour négligeable la souffrance sociale et les dégâts sur l’environnement. C’est dans la perspective d’un développement de l’homme tout entier – et non du seul producteur-consommateur – qu’il faut envisager le redéploiement de nos activités. La crise sanitaire nous montre déjà la nécessité de promouvoir, dans le domaine alimentaire, les circuits courts et les commerces de proximité. Il faudra également repenser la place de l’automobile, le rôle du transport routier, les aménagements urbains… et rassembler dans une même cohérence les projets économiques, sociaux et environnementaux.
La vivacité de nos corps intermédiaires est la condition nécessaire de l’exercice démocratique.
Ce souci de cohérence inspirait la planification à la française, souple et indicative, qui joua un rôle décisif dans la reconstruction de notre pays après la Seconde Guerre mondiale. Le Plan ainsi conçu, amélioré par la participation des syndicats et des organisations professionnelles ou de nouvelles formes de représentations aux choix collectifs, peut être à nouveau l’instrument de notre renaissance. Plus que jamais, cette période de confinement nous aura montré à quel point la confiance s’exerce d’abord dans la solidarité familiale, entre voisins, entre professionnels du même secteur ou auprès des élus locaux. La vivacité de nos corps intermédiaires est la condition nécessaire de l’exercice démocratique.
Dans un monde bouleversé par les crises sanitaires et économiques, dans une Europe qui devra se redéfinir, la France ne peut manquer de participer activement à une réorganisation des ensembles internationaux selon un principe général de coopération interétatique en matière de développement, d’aide financière, de système monétaire et de sécurité collective. La tâche est immense mais nous pouvons nous appuyer sur les institutions internationales pour les conforter, les réformer ou les réorienter en fonction des biens communs à l’ensemble de l’humanité.
La France, riche de son expérience millénaire et sans cesse fortifiée par l'énergie de ses citoyens, sera une nouvelle fois exemplaire pour elle-même et pour le monde.
Le président de la République l’a reconnu : nous avons manqué d’une stratégie générale, de procédures d’alerte, et avons navigué à vue. D’autres pays ont fait mieux que nous dans le même cadre démocratique. La multiplication des consultations l’a déjà montré, sur des sujets comme le climat ou les gilets jaunes : elles peuvent donner l’impression d’avancer sans réels changements.
Les enjeux que j’ai évoqués, et que j’aurai à préciser dans les mois qui viennent, doivent donner lieu à des décisions fortes et courageuses. Mais je sais déjà que la France, riche de son expérience millénaire et sans cesse fortifiée par l'énergie de ses citoyens, sera une nouvelle fois exemplaire pour elle-même et pour le monde.
Commentaires
Je viens de mettre un "j'aime" à l'entretien du Comte de Paris sur la page fb de Marianne, et j'y ai déposé le court commentaire suivant :
"La perte de notre indépendance dans de nombreux secteurs stratégiques et vitaux est due au Système, où l'Argent est roi, et où c'est le profit qui compte, et non le Bien commun ou le temps long. Comment imaginer des solutions à long terme, comment anticiper, lorsqu'on n'est là que pour cinq ans ? Il faut libérer au sommet de l'Etat un espace a-démocratique, qui ne devrait son existence ni aux partis et à l'élection, ni aux puissances d'argent, et qui - étant donc pleinement libre lui-même - serait guidé par le seul Bien commun, et non l'intérêt de tel ou tel laboratoire (comme on le voit avec le Covid) ou de tel ou tel groupe de pression qui lui a assuré soin élection..."
Bien dit ! Il est important que le Prince multiplie sa présence dans le débat public pour y proposer des orientations de fond sur la conduite de l'Etat, le souci du bien commun, la reprise de la souveraineté et les perspectives du long terme.
J'ai le pressentiment qu'après la crise sanitaire les choses reprendront comme avant, à la notable exception des productions stratégiques qui seront relocalisées en Europe, comme les articles hospitaliers et les molécules-bases pour la pharmacie.
J'aimerais me tromper pour la refondation de notre société qui mériterait une remise à plat des conditions de production et d'existence des diverses catégories qui la composent, mais la voie du Plan gaullien me semble une facilité dialectique. Si le Plan a relevé un pays battu, sa continuation par la Vè République a parfois démontré une affection particulière pour les éléphants blancs. Que reste-t-il des grands projets gaulliens ? Hormis la carte autoroutière et le réseau électrique nucléaire de Pompidou, il faut bien chercher pour en trouver les survivants !
Resterait à remettre en cause la mondialisation qui nous a tant déçus.
Nous ne pouvons le décider seuls. Le "Sud" compte énormément sur son approfondissement pour accéder à un niveau de vie décent, et la seule voix de la France n'y changera rien, si même on l'écoute. Nous avons perdu beaucoup de prestige en l'affaire dès lors que le système de santé le plus réputé au monde s'est effondré sous son propre poids !