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À quoi servent les rois ?, par Christophe Barret.

Où l’on voit, à travers l’exemple de trois souverains européens, que la monarchie assure l’unité du pays par delà les changements de gouvernement. Les monarques constitutionnels ne servent à rien ! Tel est le lieu commun sans cesse répété, qui correspond à ce que l’on voit d’ordinaire : des personnages qui passent leur temps dans les cérémonies officielles et qui tiennent des propos convenus. Il faut cependant se méfier des apparences. Chez nos voisins européens, les rois et les reines sont manifestement populaires. Cela signifie que les peuples apprécient les fonctions qu’ils remplissent. Dans l’article qu’il consacre à trois pays, la Belgique, l’Espagne et la Grande-Bretagne, l’historien Christophe Barret montre que la monarchie royale assure, en la personne du roi ou de la reine, l’unité du pays par-delà les changements de gouvernement, les conflits sociaux et les crises. La fonction symbolique assumée par les monarques s’accompagne d’un rôle politique aussi concret que discret : celui de médiateur lors des discussions relatives à la formation du gouvernement.

« They misled the Queen ! » (« Ils ont trompé la reine ! »). Que n’a-t-on pas entendu, dans la foule des pro-Union européenne réunis devant le Parlement de Westminster, au lendemain de la réprobation par la plus haute cour de justice civile écossaise de l’initiative de Boris Johnson et de son gouvernement de forcer une prolongation de la traditionnelle période de vacance des députés des Communes et des Lords ? Et, hors des frontières du Royaume-Uni, chacun y est allé de son commentaire sur les pouvoirs réels de Sa Gracieuse Majesté. Elizabeth II n’est, en fin de compte, pas sortie de sa neutralité effective. La justice, du reste, ne lui reprochera rien, elle qui a finalement paraphé un décret à la légalité remise en cause. L’interprétation d’une constitution coutumière n’est pas toujours aisée. Elle montre en tous cas, que le pouvoir de souverain constitutionnel n’est pas aussi figé qu’il n’y paraît.

 

En Belgique et en Espagne, on l’on dispose de constitutions écrites, on questionne également la figure du monarque constitutionnel. Constitutionnalistes, historiens et commentateurs insistent sur la nécessité de préserver la neutralité effective du chef de l’État. « Le roi ne peut pas tous les jours faire la une des journaux », déclarait récemment un professeur de droit au journal espagnol El Mundo. N’empêche, en même temps, l’ancien Premier ministre socialiste Felipe González se demandait, lui, s’il ne fallait pas donner davantage de pouvoir au roi Philippe VI, dans le processus de désignation du Premier ministre, alors que son pays doit célébrer son quatrième rendez-vous électoral en quatre ans.

 

Outre-Quiévrain comme outre-Pyrénées, alors que la constitution de gouvernements de pleins exercices se fait attendre, on s’interroge sur la manière de mener au mieux la médiation qui doit mener à la constitution d’une majorité parlementaire. On est loin d’un simple exercice de style.Dans un dossier consacré aux monarchies d’Europe de la revue Diplomatie, Francis Delpérée, président de l’Académie internationale de droit constitutionnel, précise quelques points fondamentaux quant au rôle du roi dans le processus de désignation d’un chef du gouvernement. « En l’espèce, le roi ne décide de rien, même avec l’accord de ses ministres. Mais il intervient, parfois même il s’immisce, dans une procédure en cours. L’on est ici au cœur de la ‘boîte noire’ exécutive. C’est-à-dire qu’il n’est pas toujours aisé de dé-mêler la part exacte que le chef de l’État et d’autres acteurs ont pu prendre au cours d’un processus complexe de décision. Des influences subtiles et discrètes peuvent s’exercer à ce moment. » Le roi retrouve ici « une liberté de mouve-ment. Limité, sans doute, mais réelle ».

 

En Belgique, l’action du roi peut s’appuyer sur l’action d’un « explorateur et celle d’un formateur ». Le roi de Belges a ainsi constaté en décembre 2018, le besoin d’une répétition électorale, finalement intervenue en mai 2019. En Espagne, en écho à la déclaration de Felipe González, des voix s’élèvent pour demander que l’action de Philippe VI soit doublée par celle d’un médiateur à la mode belge. Quels que soient les mécanismes de la prise de décision, le roi, comme tout chef d’État, est seul pour ce travail de médiation. Dans une démocratie digne de ce nom, il ne peut pas toujours être en première ligne. Il ne peut pas même, indique Francis Delpérée, être un « redresseur des torts ». Avant de préciser, de manière décisive : « Quoi qu’ils disent ou quoi qu’ils fassent, les rois sont dans le cap du pouvoir.» C’est plus fondamentalement le rôle du roi comme garant de l’unité nationale et de la justice qui est souvent mis en exergue.

 

Comme le rappelle le roi Philippe de Belgique : « La Belgique est un pays qui trouve sa richesse et sa force dans sa diversité et dans son capital humain. La monarchie est une institution avant tout humaine. Elle est au service des gens, à commencer par les plus fragiles. Chaque Roi ou Reine, avec sa personnalité propre, est appelé à mettre en valeur et à stimuler le meilleur en chacun. C’est cela être le Roi des Belges.»
 

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