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Une semaine libanaise avec Annie Laurent : 6/8, 6 Aider l’islam à se réformer, entretien avec Sa Béatitude Ignace III Younan.

Annie_Laurent.jpgAlors que le Liban commémore son centenaire en 2020, le pays connaît depuis quelques mois d’importants soubresauts populaires.

De quoi s’agit-il précisément, comment analyser la situation profonde du Liban aujourd’hui ?

Quelle place pour les chrétiens ?

C’est à ces questions que répond ce dossier.


par ANNIE LAURENT

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Sa Béatitude Ignace III Younan est depuis 2009 le primat de l’Église syriaque-catholique : il réside au Liban et porte le titre de patriarche d’Antioche et de tout l’Orient. Entretien.

 

La Nef : Pouvez-vous nous rappeler l’origine de votre Église syriaque et nous décrire ses particularités ?

Sa Béatitude Ignace III Younan : Notre Église syriaque d’Antioche est l’une des plus anciennes Églises puisqu’elle remonte au temps des Apôtres et qu’elle adopte la liturgie de saint Jacques, le « frère du Seigneur » premier évêque de Jérusalem.
Nous prions toujours en syriaque, la langue parlée par Jésus, la Vierge Marie et les Apôtres. Au Vème siècle, nos ancêtres ont refusé la définition christologique du concile de Chalcédoine (451) tout en se libérant de la tutelle politique de Constantinople.
Puis, au XVIIème siècle, une partie des fidèles se sont ralliés à Rome qui institua notre Église patriarcale catholique, tandis qu’une autre partie, dénommée syriaque-orthodoxe, demeure encore en dehors de la communion. En 1782, notre siège patriarcal, menacé par un début de persécution ottomane, quitta Alep (Syrie) pour s’établir à Charfé (Liban). Après d’autres déplacements (Syrie, Irak, Turquie), en 1908, peu avant le génocide des chrétiens, le patriarche Ignace Ephrem Rahmani a effectué un retour au Liban où nous sommes encore. Nous avons aussi des diocèses dans six pays du Levant.


Considérez-vous que le pays du Cèdre représente toujours un phare pour l’ensemble des chrétiens de la région ?

Jusqu’au conflit armé de 1975, les chrétiens du Proche-Orient voyaient le Liban comme un havre de sécurité et de liberté où l’on pouvait se réfugier en cas de danger. Malheureusement, ce mythe n’a cessé de se révéler comme un non sens, surtout à cause d’un radicalisme islamique qui pousse bien des musulmans à réfuter les mérites des chrétiens dans l’émergence d’un Liban libre et pluraliste tel qu’il a été fixé lors de l’indépendance, en 1943.

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Sa Béatitude Ignace III Younan

 

Quelle place votre communauté occupe-telle au sein des institutions politiques libanaises ?

Au sein de la chrétienté libanaise, l’Église maronite d’Antioche est majoritaire, mais nous en sommes proches par la langue liturgique, le patrimoine patristique et le témoignage de nos martyrs tout au long de l’histoire. Cependant, le système politique confessionnel nous relègue injustement à un statut de « minorités », à l’instar de cinq autres entités chrétiennes ! Très peu de responsabilités politiques nous sont attribuées alors que notre communauté a contribué efficacement à l’édification du Liban moderne, dans le secteur public mais surtout privé.

Alors qu’un déséquilibre confessionnel de plus en plus favorable à l’islam menace la pérennité du « modèle » libanais, où en sont les rapports entre chrétiens et musulmans ?

Au Proche-Orient, les chrétiens sont les meilleurs interlocuteurs des musulmans. Cependant, il faut bien comprendre qu’un dialogue entre les uns et les autres ne peut absolument pas être compris sous l’aspect théologique; il se limite à l’organisation de la coexistence en séparant la religion et la politique. C’est en ce sens que nous comprenons l’expression « éviter l’amalgame ! » souvent répétée en France pour dire qu’on associe les musulmans à la violence.


Comment voyez-vous l’avenir du Liban ? Selon vous, demeure-t-il ce « pays message » défendu par saint Jean-Paul II ?

Cette assertion du saint pape restera malheureusement un rêve qui nourrit l’espérance des seuls chrétiens tant que les musulmans n’entreprendront pas sérieusement une réforme de l’islam, avec une exégèse réelle du Coran, et tant qu’ils ne libéreront pas leur religion de ses tâches socio-historiques. Pour aider les musulmans à atteindre ce but, il incombe aux États occidentaux d’être crédibles en évitant le paternalisme, le politiquement correct et l’opportunisme
machiavélique.


L’Europe déchristianisée est-elle encore en mesure de comprendre les chrétiens du Proche-Orient ?

Cette déchristianisation nous afflige beaucoup. Plus encore, en tant qu’héritiers des martyrs et des premiers confesseurs de la foi, nous sommes vraiment scandalisés de voir nos frères européens surtout préoccupés par leur « pain du jour ! », au détriment de la Parole de Dieu. Ils trahissent leur histoire et leur culture ainsi que les sacrifices offerts par leurs ancêtres pour la civilisation universelle. Comment pourraient-ils dès lors nous comprendre dans ce que nous avons de plus essentiel, à savoir notre vocation en tant que baptisés?


Propos recueillis par Annie Laurent 

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