Retour du théologien Ratzinger par Gérard Leclerc
L’annonce de la publication d’un ouvrage sous la double signature de Benoît XVI et du cardinal Sarah semble provoquer beaucoup d’émoi, du moins dans un milieu habitué aux échanges sur le devenir et la réforme de l’Église. On peut comprendre cet émoi. La prise de parole de celui qui a déposé sa charge d’évêque de Rome ne peut-être anodine, d’autant qu’elle touche un sujet sensible, le sacerdoce, qui est au cœur de l’institution ecclésiale.
Mais la polémique portée par certains laisse à penser à une sorte de conflit de pouvoir entre l’ancien et le nouveau pape, Benoît XVI et François. Et de ce point de vue, elle ne peut que conduire à des débordements fâcheux, sur lesquels je m’abstiendrai de tout commentaire. Je préfère aborder le sujet sur le fond.
De quoi s’agit-il fondamentalement, non pas d’un conflit de pouvoirs ou d’autorité, mais d’une question doctrinale dont on ne peut comprendre la nature qu’en fonction de la Tradition de l’Église. Et si Joseph Ratzinger ne dispose plus personnellement du charisme du successeur de Pierre, qui permet de trancher en dernier ressort dans le domaine de la foi, il demeure le théologien qu’il a été depuis longtemps, et notamment au concile Vatican II. Un observateur aussi avisé qu’Yves Congar a expliqué que lorsqu’il y avait une difficulté dans l’élaboration d’un texte important, c’est Joseph Ratzinger qui établissait la mise au point la plus adéquate dans le cadre de la commission centrale du concile.
Par ailleurs, si l’on se réfère à l’œuvre théologique du même Ratzinger, on se rend compte que la question du sacerdoce y occupe une place de choix. Elle se trouve traitée avec sa profondeur coutumière, sa faculté de problématisation dogmatique, mais aussi son recours à la longue mémoire du fleuve de la Tradition. Ce qui ne saurait surprendre de la part d’un disciple du saint cardinal John Newman. Et puisqu’on s’interroge sur le problème du célibat sacerdotal, il n’y a aucune opposition entre Benoît et François à ce propos. N’est-ce pas François qui déclarait qu’il ne voulait pas se présenter devant Dieu comme celui qui aurait aboli la règle du célibat sacerdotal ?
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 14 janvier 2020