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Après le très contestable Secrets d'Histoire sur Napoléon : en guise de complément, et de conclusion...

Stéphane Bern vient donc de nous offrir un nouveau "Secrets d'Histoire", cette fois consacré à Napoléon. Nous avons dit, à chaque fois, tout le bien que nous pensions de certaines de ses émissions - à dire vrai, la plupart... - et avons préféré ne rien dire, pour deux d'entre elles qui nous semblaient éminemment contestables, et même critiquables, du simple point de vue de la vérité historique : son Clemenceau, et son émission co-produite avec Lorànt Deutsch sur la Révolution.

Nous y reviendrons peut-être une autre fois : aujourd'hui, il s'agit de parler de ce Napoléon, qui malheureusement - si l'émission reste malgré tout très bien faite - s'inscrit dans la lignée des deux précédentes...

On avait tout particulièrement apprécié, dans la bande annonce, cette voix qui a bien marqué les choses en disant : "son génie n'avait d'égal que sa folie"; malheureusement cette franche honnêteté, qui semblait prometteuse, fut démentie par l'ensemble de l'émission - très intéressante au demeurant - qui demeura un exposé déroulant implacablement la doxa officielle sur Napoléon...

Après tout, c'est le droit de Stéphane Bern de juger - de fait, puisque c'est ce que signifient ses paroles... - que le bilan de Napoléon est globalement positif : Georges Marchais avait bien dit en son temps, et lui aussi à la télé, que le bilan des démocraties populaires et de l'Europe de l'Est communiste était globalement positif !...

Nous, avec Bainville et Chateaubriand, nous pensons exactement l'inverse.

Tiens, justement : Bainville ? même pas évoqué dans l'émission ! Lui qui est l'un des plus grands historiens de toute l'histoire de l'humanité (le plus grand ? ). Bainville ? Connais pas ! Pour quelqu'un qui réalise une émission historique, est-bien sérieux ?...

Quant à Chateaubriand, témoin oculaire, on en parle une fois, pendant 5 secondes pas plus, à propos de son jugement - sans aucun intérêt, du reste... - sur la taille de l'île d'Elbe, donc en fin d'émission.

Stéphane Bern a donc choisi son camp : comme pour Clemenceau, comme pour la Révolution, quand il parle de Napoléon, c'est pour exalter et magnifier l'Histoire officielle, laquelle, nous ne le savons que trop, n'est qu'un grossier et hideux mensonge officiel...

Donc, pour juger Napoléon, son oeuvre, les résultats de son action et de son passage au sommet de l'Etat, nous laisserons la parole à ces deux "oubliés de Bern" : Chateaubriand et Bainville (pour ce dernier, le hasard faisant bien les choses, nous venons juste de donner trois extraits de son Napoléon dans notre feuilleton estival "Un été avec Jacques Bainville"; et nous donnerons, à partir de lundi, les trois photos de notre Album Bainville sur "le Mémorial, évangile malfaisant" : le titre est éloquent...).

Voici donc deux courts extraits qui, à notre avis, devraient permettre au public de se forger son opinion...

1. Pour Chateaubriand, le coeur du problème de Napoléon c'est son "imperfection en politique" (Mémoires d'Outre-tombe, La Pléiade, tome 1, pages 995/996/997) :

"...Bonaparte était un poète en action, un génie immense dans la guerre, un esprit infatigable, habile et sensé dans l'administration, un législateur laborieux et raisonnable. C'est pourquoi il a tant de prise sur l'imagination des peuples, et tant d'autorité sur le jugement des hommes positifs. 

Mais comme politique ce sera toujours un homme défectueux aux yeux des hommes d'Etat. Cette observation échappée à la plupart de ses panégyristes, deviendra, j'en suis convaincu, l'opinion définitive qui restera de lui; elle expliquera le contraste de ses actions prodigieuses et de leurs misérable résultats. A Sainte-Hélène, il a condamné lui-même avec sévérité sa conduite politique sur deux points : la guerre d'Espagne et la guerre de Russie...

...Bonaparte agit contre toute prudence, sans parler de nouveau de ce qu'il y eut d'odieux dans l'action, en tuant le duc d'Enghien : il attacha un poids à sa vie. Malgré les puérils apologistes, cette mort, ainsi que nous l'avons vu, fut le levain secret des discordes qui éclatèrent par la suite entre Alexandre et Napoléon, comme entre la Prusse et la France.

L'entreprise sur l'Espagne fut complètement abusive : la péninsule était à l'empereur; il en pouvait tirer le parti le plus avantageux : au lieu de cela, il en fit une école pour les soldats anglais, et le principe de sa propre destruction par le soulèvement d'un peuple.

La détention du pape et la réunion des Etats de l'Eglise à la France n'étaient que le caprice de la tyrannie par laquelle il perdit l'avantage de passer pour le restaurateur de la religion.

Bonaparte ne s'arrêta pas lorsqu'il eut épousé la fille des Césars, ainsi qu'il l'aurait dû faire : la Russie et l'Angleterre lui criaient merci.

Il ne ressuscita pas la Pologne, quand du rétablissement de ce royaume dépendait le salut de l'Europe.

Il se précipita sur la Russie malgré les représentations de ses généraux et de ses conseillers.

La folie commencée, il dépassa Smolensk; tout lui disait qu'il ne devait pas aller plus loin à son premier pas, que sa première campagne du nord était finie, et que la seconde (il le sentait lui même) le rendrait maître de l'empire des czars.....

....Mais il perdit l'Europe avec autant de promptitude qu'il l'avait prise; il amena deux fois les alliés à Paris, malgré les miracles de son intelligence militaire. Il avait le monde sous ses pieds et il n'en a tiré qu'une prison pour lui, un exil pour sa famille, la perte de toutes ses conquêtes et d'une portion du vieux sol français.

C'est là l'histoire prouvée par les faits et que personne ne saurait nier. D'où naissaient les fautes que je viens d'indiquer, suivies d'un denoûment si prompt et si funeste ? Elles naissaient de l'imperfection de Bonaparte en politique..." 

2. Pour Bainville, tout est très clair (extrait des dernières lignes de son monumental "Napoléon") :

"...Sauf pour la gloire, sauf pour l' "art", il eût probablement mieux valu qu'il n'eût pas existé. Tout bien compté, son règne, qui vient, selon le mot de Thiers, continuer la Révolution, se termine par un épouvantable échec. Son génie a prolongé, à grands frais, une partie perdue d'avance. Tant de victoires, de conquêtes (qu'il n'avait pas commencées), pourquoi ? Pour revenir en-deçà du point d'où la République guerrière était partie, où Louis XVI avait laissé la France, pour abandonner les frontières naturelles, rangées au musée des doctrines mortes.

Ce n'était pas la peine de tant s'agiter, à moins que ce ne fût pour léguer de belles peintures à l'histoire.

Et l'ordre que Bonaparte a rétabli vaut-il le désordre qu'il a répandu en Europe, les forces qu'il y a soulevées et qui sont retombées sur les français ? Quant à l'Etat napoléonien, qui a duré à travers quatre régimes, qui semblait bâti sur l'airain, il est en décadence. Ses lois s'en vont par morceaux. Bientôt on sera plus loin du code Napoléon que Napoléon ne l'était de Justinien et des Institutes, et le jour approche où, par la poussée d'idées nouvelles, l'oeuvre du législateur sera périmée..."

 

D'ailleurs, Napoléon aussi a laissé sur lui quelque chose de très intéressant... et, là aussi, très curieusement absent de l'émission :
 
le 28 août 1800, Napoléon se trouvait avec Stanislas de Girardin devant le premier tombeau de Rousseau, sur l'île des peupliers, à Ermenonville, où il mourut en 1778 (ci-dessous; sa dépouille y demeura jusqu'en 1794, lorsqu'un décret de la Convention ordonna que l'on transférât ses cendre au Panthéon).
 
rousseau tombeau.jpg
 
Girardin a raconté, brièvement, la discussion qu'il eut avec celui qui n'était encore que Bonaparte, venu chasser le lapin dans les forêt voisines d'Ermenonville... :
 
• "Il aurait mieux valu pour le repos de la France, que cet homme n'eût pas existé..."
• "Et pourquoi, citoyen Consul ?", lui dit Stanislas
•  "C'est lui qui a préparé la Révolution française."
• "Je croyais, citoyen Consul, que ce n'était pas à vous de vous plaindre de la Révolution !"
• "Eh bien ! L'avenir apprendra s'il n'eût pas mieux valu, pour le repos de la Terre, que ni Rousseau ni moi n'eussions jamais existé."
 
Ceci n'a pas été jugé digne d'être retenu par Stéphane Bern. Dommage...

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