Alain de Benoist : « L’Union européenne est en train de se casser sur la question des migrants »
Par Alain de Benoist
Ces derniers jours, Alain de Benoist a donné à Boulevard Voltaire plusieurs entretiens qui nous intéressent à l'évidence. Celui-ci [16.08] traite de l'impact de la crise des migrants sur l'Union Européenne. Une idée intéressante et positive d'Alain de Benoist, que nous avons nous-mêmes développée à plusieurs reprise ici, est que « L’Europe se disloque, mais aussi se recompose ». Même s'il ne faut pas se cacher les difficultés et les limites de cette recomposition embryonnaire, il y a là la perspective d'une Europe des Etats, des nations et des peuples, qui pourrait se construire enfin sur de bons et sains principes. LFAR
En s’amplifiant, la crise des migrants semble en train d’aboutir à une crise institutionnelle en Europe. Quand la fronde anti-migratoire ne concernait que des pays « mineurs » et « lointains » (Pologne ou Hongrie), la Commission européenne pouvait encore traiter cette affaire par le mépris. Mais quand c’est l’Italie, pays fondateur de l’Europe, qui tape du poing sur la table, l’affaire ne prendrait-elle pas une autre tournure ?
Les historiens de l’avenir retiendront que l’Union européenne, qui avait survécu tant bien que mal à un élargissement hâtif, à un déficit de démocratie permanent et à la crise de l’euro, est aujourd’hui en train de se casser sur la question des migrants. C’est un tournant effectivement historique, mais peut-on s’en étonner ? Au fil des années, les pathologies sociales liées à l’immigration ont fini par occuper la première place dans les préoccupations des Européens. Les gens ne supportent tout simplement plus ce qu’ils perçoivent comme une « invasion » ou une « submersion », et ils le supportent d’autant plus mal qu’ils ont l’impression que les flux ne sont pas près de se ralentir. Plus important encore, ils ne croient plus ceux qui, depuis des années, leur expliquent doctement que l’immigration est une « chance » économique et démographique, et qu’il faut avoir le cœur singulièrement sec pour ne pas y voir aussi une « obligation morale ». Les Français sont volontiers xénophobes, mais absolument pas racistes (les Allemands, c’est le contraire). Ils savent bien que ce ne sont pas les « préjugés » qui leur gâchent la vie. Bref, ils voient ce qu’ils voient, et ils savent qu’ils le voient.
L’Europe se disloque, mais aussi se recompose. Les pays d’Europe centrale, qui ne veulent pas se transformer à leur tour en caravansérails, se retirent du jeu. On dit qu’ils se replient sur eux-mêmes, mais ils s’associent entre eux. Non seulement les pays du groupe de Visegrád (Hongrie, Pologne, République tchèque et Slovaquie) s’opposent frontalement aux consignes immigrationnistes de la Commission de Bruxelles, mais ils ont aussi rallié l’Initiative des trois mers, lancée il y a trois ans par le président polonais Andrzej Duda et la présidente croate Kolinda Grabar-Kitarović, qui comprend également les trois pays baltes, l’Autriche, la Slovénie, la Croatie, la Roumanie et la Bulgarie. Ce bloc de douze pays et de 120 millions d’habitants, s’étendant de la Baltique à l’Adriatique et à la mer Noire, pourrait bien constituer l’embryon d’une autre Europe.
Les sondages montrent que la question migratoire arrive depuis longtemps en tête des préoccupations des Français et des Européens, et que l’hostilité à l’immigration ne fait que croître. Pourquoi les gouvernements n’en tiennent-ils pas compte, alors que cela risque de leur coûter politiquement très cher ?
D’abord parce qu’ils sont tétanisés par les lobbies associatifs et médiatiques, qui répètent soir et matin les mantras du politiquement correct. Ils ne veulent les affronter à aucun prix. Mais la raison la plus profonde est qu’ils sont eux-mêmes acquis à l’idéologie dominante. Or, du point de vue de l’idéologie dominante, l’immigration n’est pas un problème et ne peut pas en être un, puisque les cultures et les peuples comptent pratiquement pour rien. Seuls comptent les individus. Toute réglementation de l’immigration revient à violer le principe libéral selon lequel on ne peut accepter l’utilisation des aspects contingents de l’identité des individus, à commencer par leur origine ou leur appartenance socioculturelle, pour légitimer des « inégalités de traitement ».
Le libéralisme aborde la question dans une optique purement économique : l’immigration se résume à une augmentation du volume de la main-d’œuvre et de la masse potentielle des consommateurs. Elle se justifie, en outre, par l’impératif de libre circulation des hommes, des capitaux et des marchandises. Un million d’extra-Européens venant s’installer en Europe, c’est donc seulement un million d’individus qui viennent s’ajouter à d’autres millions d’individus. Le problème, c’est que les habitants du pays d’accueil, eux, ne voient pas arriver des « individus » mais des contingents de Maliens, de Sénégalais, de Maghrébins, de Pakistanais, etc., dont ils constatent qu’ils sont porteurs de mœurs difficilement conciliables avec les leurs. C’est ce qui fait toute la différence.
En Italie, l’union des populistes de gauche (M5S) et de droite (la Ligue) est une nouveauté par rapport à l’Autriche, par exemple, avec sa coalition droite-extrême droite. Ce phénomène est-il spécifiquement italien ou peut-il survenir dans d’autres pays, dont la France, toujours à la recherche de son éternelle « union des droites » ?
Les phénomènes politiques de grande ampleur s’exportent rarement à l’identique d’un pays à l’autre, mais y prennent plutôt des formes différentes. Il en va ainsi des mouvements populistes, qui ne cessent aujourd’hui de monter dans toute l’Europe, mais qui s’y configurent de manière variable. Ils ont, cependant, un trait essentiel en commun. C’est que le sentiment d’insécurité culturelle suscité par la vague migratoire ne suffit pas à expliquer le populisme. Il ne commence à y avoir de populisme que là où l’insécurité économique et sociale s’ajoute à l’insécurité culturelle, essentiellement dans les couches populaires et dans une partie (grandissante) des classes moyennes. C’est pour cela que le clivage « exclus d’en bas contre nantis d’en haut » se substitue de plus en plus au clivage gauche-droite. Et c’est exactement ce qui se s’est passé en Italie, pays en première ligne face aux flux migratoires, mais qui a aussi été très gravement touché par la crise financière de 2008. N’en doutons pas, c’est ce qui va se produire de plus en plus ailleurs. ■
Intellectuel, philosophe et politologue
Commentaires
Les pays de l'Europe de l'Est ont mis 45 ans avant de se débarrasser de l'invasion soviétique, aussi ils n'ont nulle envie de recommencer avec une invasion bien plus VISIBLE et INUTILE, car il y a suffisamment de chômeurs , et donc pas question d'importer de la main d'œuvre bas de gamme, non qualifiée, qui ne fera que renforcer l'assistanat. Bien entendu, c'est aussi valable pour nous de l'Europe de l'Ouest
La carte géographique de l 'Europe , jointe à l'analyse d'Alain de Benoit , est bien utile pour voir l'ensemble cohérent se constituant à l Est européen : résister à l'invasion doit se faire au tout début .
Pour l'Ouest européen , principalement les pays fondateurs de l' U.E et l'Espagne , c'est déjà tard : les sœurs latines attendent Mohamed comme grand frère et l 'Allemagne , astreinte au mondialisme dont l'immigration.est une composante majeure , se laisse dissoudre .
A ce train , en dépit des présentations fallacieuses ( le droit du sol fait sortir des données statistiques des millions d'individus ! ) , cet Ouest européen s' africanise et il reviendra à la partie Est de faire frontière .
"Douze balles pour Laval" pour avoir collaboré avec les nazis. Combien de balles pour ceux qui depuis des décennies travaillent méthodiquement à la destruction de la France et des pays d'Europe au nom de la construction d'une UE...RSS ?
On pourrait être d'accord avec Ose, dans ce cas, il aurait fallu fusiller tous nos gouvernants qui ont déclenché la guerre de quarante et celles d'Indo et d'Algérie, on n'en finirait pas. Soyons plus réalistes, prenons du recul. Nous petits Français qui nous prenons pour des génies de la liberté, avons nous lu La Boetie, de mémoire 1530 à 1563. Dommage nous saurions que nous sommes tous coupables d'accepter de nous soumettre à tous ceux que nous prétendons placer aux commandes du pays. Ce jeune homme de Sarlat-la-Cadéna dans le Lot, voyait plus d'envie de liberté dans tous les animaux que dans l'homme asservi par ce que l'on appelle l'esprit. Certains paragraphes sont d'actualité.
Joachim Du Bellay ( 1522- 1560 ) Antiquités , XIV
Comme on passe en été le torrent sans danger ,
Qui soulait ( avait coutume ) en hiver être roi de la plaine
Et ravir par les champs , d'une fuite lointaine ,
L' espoir du laboureur et l'espoir du berger ;
Comme on voit les couards animaux outrager
Le courageux lion gisant dessus l' arène ,
Ensanglanter leurs dents et d'une audace vaine
Provoquer l'ennemi qui ne se peut venger ;
Et comme devant Troie on vit des Grecs encor
Braver les moins vaillants autour du corps d' Hector ;
Ainsi ceux qui jadis soulaient , à tête basse ,
Du triomphe romain la gloire accompagner ,
Sur ces poudreux tombeaux exercent leur audace ,
Et osent les vaincus les vainqueurs dédaigner .
Merci Richard et bravo !