ISLAMÉRIQUE [2]
François Mitterrand et Jacques Attali
Par Péroncel Hugoz
Ancien correspondant du Monde en Algérie puis en Egypte, grand-reporter, auteur d’une dizaine de volumes sur les pays du Sud (notamment Le Radeau de Mahomet, 1983, et 2000 ans d’histoires marocaines, 2014) éditeur en France ou au Maroc de 60 ouvrages orientalistes, chroniqueur sur lafautearousseau depuis 2016, Péroncel-Hugoz, ce qui est moins connu, a joué un rôle au début de la carrière du géopolitiste et essayiste Alexandre Del Valle, pied-noir franco-italien, né en 1968 à Marseille, dont la dizaine de consistants essais tend à dévoiler la vraie nature de l’offensive panislamiste sur les cinq continents, le dernier de ces ouvrages étant, en mars 2018, La stratégie de l’intimidation, véritable bréviaire de ce mal qui ronge nos sociétés: l’islamiquement correct. Un mal, sorti certes de l’Islam mais où les Etats-Unis d’Amérique ont joué, et continuent de jouer un rôle trouble, équivoque et plus que jamais inquiétant à l’heure du trumpisme.
Nous laissons donc la parole à Péroncel-Hugoz, sur la genèse de ses relations avec Alexandre Del Valle avant de publier deux des textes qu’il a écrits pour soutenir le géopolitiste : ISLAMERIQUE, préface en 1997 d’Islamisme et Etats-Unis. Une alliance contre l’Europe (l’Age d’homme, 330 p.) puis Travailler pour le roi de Turquie…, préface en 2004 de La Turquie dans l’Europe. Un cheval de Troie islamiste ? (Edition des Syrtes, 2004, 460 p.) Lafautearousseau
Parfois, la pression des Etats-Unis sur notre part d'univers est si forte, si énorme, que même des atlantistes de longue date éprouvent des bouffées d'impatience et se mettent à paraphraser, avec un quart de siècle de retard, le général de Gaulle : « les Américains veulent une Europe atlantiste qui serait en réalité le camouflage de la domination des Etats-Unis sur l'Europe. Ce serait une `vassalisation': [ Les Etats-Unis] ne veulent ni d'une union fédérale européenne, ni de l'espace européen confédéral, ni de l'union continentale. Leur préférence affichée est de voir la Communauté économique européenne s'intégrer progressivement à l'Amérique du Nord dans un espace économique culturel et politique commun ». Cette simple constatation des faits diplomatiques et économiques, cette banalité qui n'en sera peut-être plus une demain devant la montée des interdits tacites frappant toute réserve à l'endroit des Etats-Unis, cette « banalité » n'est pas le fait d'un Michel Jobert, d'un Jean-Pierre Chevènement, d'un Philippe de Saint-Robert ou d'un Jean-Edern Hallier, mais elle a été émise par l'ancien conseiller spécial du président François Mitterrand, Jacques Attali, américanophile patenté s'il en est, quoique frappé pour une fois par un accès de lucidité. (Paris-Match, 3 février 1994).
Mitterrand lui-même, atlantiste convaincu s'il en fut, durant sa longue carrière politique, eut sur le tard un cri de vérité, si du moins est exact ce que rapportent Georges-Marc Benamou dans Le dernier Mitterrand et Paul-Marie Couteaux dans L'Europe vers la guerre : « La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre avec l'Amérique. Oui, une guerre permanente, une guerre vitale, une guerre économique, une guerre sans mort. Apparemment ». Apparemment en effet. Et puis ici, d'ailleurs, avant la mort des individus, il s'agit de mort économique, mort culturelle, mort militaire, mort nationale. C'est cela que recherche inlassablement l'Amérique pour asseoir sa domination mondiale. Il se trouve que la France, les Français, la francophonie forment encore l'un des rares groupements humains s'opposant par son existence même, par sa puissance propre aussi (la France, selon les domaines : agro-alimentaire, aéronautique, services etc., se situe, même si le « politiquement correct » empêche de le dire, de peur de « dérive nationaliste », la France donc se situe entre le deuxième et le quatrième rang, souvent tout de suite derrière le mastodonte étasunien) à l'hégémonie nord-américaine, que les complices ou les aveugles appellent leadership...
La France, s'appuyant sur son histoire capétienne, sur les précédents de Charlemagne, François 1er, Louis XIV, Napoléon 1er et Napoléon III, de Gaulle, enfin, aurait pu, hier comme aujourd'hui, revenir à sa vieille et fructueuse diplomatie orientale (qui, en plus, nous permettait de protéger les minorités catholiques au Levant) et former un front euro-arabe face à l'américanisation forcenée, généralisée, bientôt obligatoire. Les épigones du Général, Jacques Chirac compris, n'ont pas eu assez d'énergie, ni une assez haute idée des capacités de la France pour remettre en selle une politique arabo-islamique d'envergure. Pendant ce temps, les stratèges de la diplomatie secrète de Washington avaient placé leurs pions sur l'échiquier musulman et plus précisément islamiste, de l'Arabie à l'Algérie... C'est dans ce territoire non autorisé aux curieux, aux perspicaces et aux courageux, qu'Alexandre del Valle a planté sa canne d'escalade et ses stylos. Ecoutez bien, pendant qu'il est encore temps, le récit édifiant de ses découvertes en Islamérique !
Paris, septembre 1997 • (A suivre ...)
Illustration ci-dessus :
(De gauche à droite) Jean-Edern Hallier, Philippe de Saint-Robert, Paul-Marie Couteaûx
Commentaires
j'attends la suite avec impatience et désire écouter Alexandre del Valle
Bien sûr que Péroncel Hugo a raison sur l'essentiel,mais sans sa fougue, il oublie d'en dénoncer les causes premières, qui sont historiques.
Louis XVI, en facilitant glorieusement,par les armes de terre et de mer, l'indépendance des USA , n'en a nullement été remercié,(de même que la France), par les Américains-ce qui n'intervint qu'en 1917,seulement-!
Si les Etats-Unis sont devenus la première puissance mondiale,-riche de matières premières et de travail-, il ne convient certes pas d'ignorer leurs mauvaises gênes d'origine, à savoir tout d'abord un anglicanisme dominateur, inoculé par Henry VIII,en 1520,lequel entendait se servir de son insularité pour rompre complètement avec Rome,aussi bien en matière de vie privée(peu exemplaire),que dans l'exercice de la politique, quitte à manifester une hérésie de rupture, qui a perduré tant bien que mal.
Ce fut aussi le puritatisme écossais menant à l'exécution de Charles 1er;et plus tard la stérilité de la reine Ann la conduisant délibérément,en 1714, à une succession hanovrienne franc-maçonne,anti-française et anti-catholique.(La présente reine Elizabeth II en est issue en ligne directe)
Je vois moi-même 3 conclusions premières, et apparentes, à tirer de cet état idéologique américain-qui perdure encore, hélas :
-une constitution de 1787 qui s'est démodée,-(utilisation incontrôlée des armes à feu)-
-l'inoculation d'un individualisme matérialiste, forcené et permissif, en dépit de l'éclosion de
plus de 400 religions là-bas, en général anti-catholiques.Le Vatican n'a même été reconnu qu'1941 par les USA, ! Alors que la religion catholique est devenue de loin la 1ère du peuple américain,avec près de 82 millions de fidèles en 2017.
Il n'est guère douteux que l'"America first" de Trump est l'une des conséquences de cet de choses,alors que la morale du clan Clinton est loin d'éclairer le peuple américain par sa brillance !
Commentaire intéressant. Vraiment ! Comme l'article, bien-sûr.
Ce commentaire de Patrick Haizet est bien instructif ! Merci.