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Permanence américaine : les présidents passent, les contextes changent, les Etats-Unis restent tels qu'en eux-mêmes ...

Donald Trump au G7 de Charlevoix. En médaillon son lointain prédécesseur le président Coolidge ...

 

2293089609.14.jpgD'un sommet l'autre...

Trump a été l'incontestable vedette médiatique du G7 de Charlevoix. Par sa rudesse, sa brutalité, parfois même sa grossièreté, et par ce que Louis-Joseph Delanglade appelle ses foucades, qui ont fait in fine de ce sommet un fiasco, il a tenu le monde entier en haleine. Personnage sans nul doute spécial, il n'en incarne pas moins la volonté de puissance de l'Amérique profonde. Qu'elle soit en phase isolationniste et protectionniste ou en phase interventionniste et hégémonique, cette volonté de puissance est une constante de l'histoire américaine, dont Trump, à sa manière, n'est qu'un épigone. 

On le vérifiera en lisant ou relisant la description et le commentaire que Jacques Bainville donnait en son temps d'un autre sommet, panaméricain celui-là auquel s'était rendu un lointain prédécesseur de Donald Trump aujourd'hui bien oublié, le président Coolidge. Deux présidents bien différents, une Amérique telle qu'en elle-même. L'on n'a pas grand mal à transposer. A discerner les dissemblances comme les ressemblances frappantes avec l'actualité et ses permanences. Voici ce texte. Lisez-le, réjouissez-vous !  •

 

De Jacques Bainville

Journal, tome III (1927-1935), 18 janvier 1928

 

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On ne peut manquer d'être frappé de l'assurance avec laquelle le président Coolidge s'est exprimé dans son discours d'ouverture du congrès panaméricain. Cette assurance paisible est celle que donnent la puissance et la richesse. De loin, une vue superficielle des choses laissait croire que les États-Unis, à l'assemblée de La Havane, seraient jugés par les Républiques latines, qu'ils auraient des comptes à rendre ou des excuses à fournir pour leur politique d'intervention au Nicaragua, en Haïti et ailleurs. La grande République de l'Amérique du Nord a tout de suite paré le coup. Tout au moins, en présence du président Coolidge, la question ne sera pas posée.

La grande République des États-Unis a la majesté de la république romaine. M. Coolidge s'est rendu à La Havane avec un déploiement de force, un appareil de luxe qui font penser au voyage d'un proconsul. Il a derrière lui le Sénat de Washington, qui rappelle le Sénat romain. Et il parle aussi de paix, comme en parlait Rome, qui a, en effet, pendant plusieurs siècles, donné la paix au monde d'alors, mais en intervenant partout où cette « paix romaine»  était troublée. 

Virgile avait donné la formule d'une doctrine de Monroe lorsqu'il conseillait aux Romains de se souvenir qu'ils étaient destinés à gouverner les peuples. Cet orgueil tranquille est l'accompagnement de la grandeur. A quoi sert de se dissimuler que les États-Unis sont très grands, qu'ils ont en hommes et en ressources des disponibilités immenses et qu'ils n'ont à subir le contrôle de personne ? On ne peut, en somme, que rendre justice à leur modération. C'est celle d'Auguste disant a Cinna : « Je suis maître de moi comme de l'univers.»  

Le respect - le Code dit très bien « la crainte révérentielle »  - que les États-Unis inspirent, se traduit, à chaque instant, par des soumissions imprévues. On croyait que le Mexique, très avancé et un peu bolchévisant du président Calles, tenait tête à la République voisine. Il est devenu doux comme un agneau. Il y a un parti yankee au Nicaragua, et ce n'est peut-être pas le moins influent. Ne dites pas aux citoyens de la République de Panama qu'ils sont sous influence étrangère; ils  se fâchent. Ne dites pas aux citoyens de la République de Colombie que la politique du dollar, aidée par la politique du gros bâton, a séparé d'eux les citoyens de Panama; vous les offenseriez. Le récent manifeste de M. Romain Rolland et de quelques autres défenseurs de la liberté des peuples à disposer d'eux-mêmes court grand risque de n'être pas entendu.

Mais on s'explique aussi que les Etats-Unis, habitués à trouver autour d'eux si peu de résistance, n'acceptent pas de discussion avec la vieille Europe, qu'ils se tiennent dédaigneusement à l'écart de la Société des Nations, que, pour les dettes, dites de guerre, ils proposent des chiffres qui sont à prendre ou à laisser, qu'ils construisent autant de navires de guerre qu'il leur plaît dès que l'Angleterre n'admet pas leur formule de limitation des armements navals, qu'ils aient leur conception du « bannissement de la guerre»  et qu'ils l'imposent, bref qu'on ne gagne jamais à vouloir ruser ou finasser avec eux.

On a trop encensé autrefois la liberté américaine. On la comprenait comme la liberté civique, l'idéal de la démocratie etc... Mais, être libre c'est être fort. Parce qu'ils sont forts, les États-Unis possèdent une liberté souveraine qui en arrive à ne pas se distinguer beaucoup de l'impérialisme, sinon par le fait que le président Coolidge, à la différence du président Hindenburg, ne porte pas d'épaulettes, d'éperons ni de sabre. 

Commentaires

  • Jacques BAINVILLE a mérité le titre d'historien de l'avenir, car là, ce texte de 90 ans semble avoir été écrit aujourd'hui. Si seulement notre Président MOI Ier, voulait bien en tenir compte

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