Israël ou le droit de tuer
Par Antoine de Lacoste
Les récents et tragiques évènements de Gaza ont remis au goût du jour un débat vieux comme Israël : cet Etat agit-il en situation de légitime défense ou utilise-t-il la violence comme moyen de gouvernement en outrepassant ses droits ?
Ainsi posée la question est bien juridique et donc inopérante. En effet, depuis son existence, Israël a été attaquée par de multiples forces, à commencer par une partie de la population palestinienne, forcée de quitter des terres qu’elle habitait depuis plusieurs générations.
Savoir si elle avait le droit de riposter et comment, n’a jamais intéressé ni la classe politique ni l’armée ni la population israéliennes. Le rôle de son armée est de défendre les acquis conquis progressivement et c’est elle seule qui a le choix des moyens. Cela ne saurait être un débat.
Le droit international ne compte donc pas et les Etats-Unis sont là pout y veiller, veto à l’ONU à l’appui en cas de besoin. L’allié américain ne prend d’ailleurs même plus de gants : les Clinton, Obama, même Bush énonçaient des regrets de principe lorsque l’armée avait tiré à balles réelles sur des manifestants qui lançaient des pierres. Aujourd’hui, Trump se tait et l’ambassadrice américaine à l’ONU, la sémillante et ambitieuse Nikki Haley, se permet même de quitter l’assemblée lorsque le représentant palestinien prend la parole. C’était tout de même du jamais vu.
Le transfert inique de l’ambassade américaine à Jérusalem est une pierre de plus dans l’édifice de l’impunité. Ce transfert est contraire aux traités signés et en vigueur, mais c’est sans importance. Le lobby évangéliste connait là sa plus grande victoire et Israël peut se frotter les mains. A ce propos, il est tout de même stupéfiant que l’Eglise catholique ait aussi peu réagi : Jérusalem n’aurait jamais dû devenir la capitale d’un Etat. C’est une ville internationale, lieu saint pour les trois religions monothéistes : en faire une capitale d’un Etat, confessionnel qui plus est, est contraire à 70 ans de traités.
Alors autant être clair : il n’y aura jamais d’Etat palestinien. Cette fiction destinée à calmer les opinions publiques et éviter de sanglantes manifestations de désespoir, n’a même plus d’apparence. Les colonies illégales peuvent s’étendre progressivement, avec ou sans expropriation. Tous les moyens sont bons : menaces, violences, arrestations arbitraires effectuées par l’armée hors de toute règle juridique. Et quand par hasard un juge indépendant annule la création d’une colonie car contraire aux traités en vigueur, la décision n’est jamais appliquée et la colonie s’étend.
Qu’on lise à cet égard le très beau témoignage de Vera Baboun, la Maire chrétienne de Bethléem dans son livre « Ma ville emmurée ». Car il y a des chrétiens palestiniens : tous ne sont pas du Hamas. Mais coincés entre la brutalité israélienne et l’expansion islamiste, ils s’en vont peu à peu. Bientôt, le pays du Nouveau Testament ne comptera plus de chrétiens et nous pourrons nous interroger sur notre propre responsabilité.
Alors quand certains écrivent qu’ « Israël a le droit de se défendre », ils devraient plutôt affirmer qu’Israël a le droit de tuer car c’est ainsi que les choses se passent en Palestine. •
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Commentaires
Question et NON affirmation: et si la décision de transférer l'ambassade US à JERUSALEM pouvait avoir des retombées positives. En effet cela empêchera la concrétisation de l'axe " de facto" JERUSALEM, WASHINGTON, RYAD, car l'Arabie Séoudite ne pourra accepter cette décision .
Je pense, Setadire, que vous avez raison dans le principe.
Lors de l'entrevue du Quincy (croiseur US) entre le président Roosevelt retour de Yalta et le roi Ibn Séoud, en février 1945, au cours de laquelle les EU volèrent sa place privilégiée à la Grande-Bretagne en Arabie Séoudite, le président des Etats-Unis avait demandé au roi s'il accepterait la création d'un Etat juif en Palestine. Ibn Séoud avait seulement répondu : Non.
Ce refus est fondamental pour l'Arabie Séoudite dont le souverain est gardien des lieux saints de l'Islam, La Mecque et Médine.
On peut donc penser que l'actuel rapprochement entre l'Arabie et Israël est purement tactique. On peut aussi penser qu'en opérant ce rapprochement en même temps qu'il entend réformer les moeurs traditionnelles en Arabie, le prince héritier prend de grands risques. Et avec lui la dynastie régnante.
Nous sommes dans l'Orient compliqué.
Oui , de grands risques , d'accord avec Fabre d'autant que l'exemple du shah d 'Iran , allié des USA et modernisateur de son Empire à de quoi faire réfléchir ; bien entendu aucun soutien occidental , c'est le moins qu'on puisse dire , au temps des épreuves . Et que pense la " rue arabe " à Ryad ?