UA-147560259-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Cinéma • « Silence » de Scorsese, au cœur des ténèbres

 

Par Marie-Noëlle Tranchant 

À l'occasion de la sortie du film sur le martyre des chrétiens au Japon, le Père Guilhem Causse, jésuite, éclaire la vision profonde et complexe du cinéaste américain. Marie-Noëlle Tranchant donne ici [Figarovox, 8.02] une excellente critique de ce qui semble être un très beau film qui traite, l'horizon en fût-il lointain, de nos racines chrétiennes. Les cinéphiles donneront leur avis.  LFAR

 

139.jpgIl y a déjà près d’un siècle que François Xavier est venu annoncer l’Évangile au Japon (en 1542), lorsque se déroulent les événements qui forment la trame de ­Silence. Les missionnaires jésuites, d’abord bien accueillis, ont suscité de nombreuses conversions, tant parmi les seigneurs que dans la population paysanne. Mais les bouleversements économiques et politiques ont amené la fermeture du pays aux étrangers.

L’expulsion des missionnaires, en 1587, est suivie du martyre des Japonais chrétiens (les crucifixions de Nagasaki, 1797). Ceux qui ne succombent pas ou ne renient pas leur foi (apostasie) deviendront des « chrétiens cachés ». Et les suspects doivent abjurer régulièrement leur foi en piétinant l’image du Christ.

La question de l’apostasie est au cœur de l’histoire de Silence, à travers les personnages du jésuite Rodrigues et du Japonais Kichijiro. La foi personnelle peut-elle subsister après un reniement forcé sous la torture ? Le père Guilhem Causse, jésuite, éclaire la vision profonde et complexe de Scorsese.

Au moment de marcher sur l’image, Rodrigues perd pied, s’effondre : comme Pierre marchant sur les eaux. « Homme de peu de foi » dit Jésus.  Trop peu de foi dans le don de Dieu, trop de foi en sa propre force, jusqu’à l’effondrement et la main de Jésus qui vient le saisir. C’est la foi comme un don, plus fort que la foi en sa propre force. Le chant du coq alors retentit : c’est bien à Pierre que Rodrigues est identifié.

Dans le film, l’apostasie de Kichijiro et de Rodrigues est le moment où la foi est accueillie. La foi n’est pas un socle qu’on garderait intact au fond de soi : elle est un don, elle est Dieu qui se donne lui-même, sa présence. Mais le film présente aussi la figure de chrétiens qui vivent cette foi comme une force et une voix qui les fait tenir jusqu’au supplice. Les uns comme les autres ont en commun, selon l’espérance chrétienne, d’avoir donné priorité à la volonté de Dieu sur leur volonté propre, sachant que la volonté de Dieu est que tous les hommes vivent de son amour et que le mal dans le monde soit vaincu. 

Cette universalité de l’Évangile est un autre thème de Silence, qui a des résonances très actuelles. Y aurait-il des civilisations, des cultures, incompatibles avec le message du Christ, comme le prétend Inoué, shogun et grand inquisiteur, pour qui le christianisme est foncièrement étranger à la nature japonaise.

Selon le père Guilhem Causse, l’écrivain Endo critique l’aspect européen d’un Dieu qui juge et sanctionne.

Pour la culture japonaise, Dieu est d’abord entrailles miséricordieuses. Ces deux aspects, de justice et de miséricorde, sont présents dans la Bible et la tradition chrétienne : la civilisation japonaise est ainsi non seulement compatible avec le christianisme, mais elle vient rappeler aux Européens une dimension qu’ils risquent d’oublier.

Le film de Scorsese est davantage attentif à une autre question : qu’est-ce que la foi ? Qu’est-ce que nous dit de la foi, le fait que l’Église - la communauté de ceux qui mettent leur foi en Christ - soit fondée sur Pierre, qui a renié le Christ par trois fois ? Il y a là une question qui ne peut laisser aucun chrétien indifférent, qu’il soit japonais ou français.  • 

Marie-Noëlle Tranchant     

 

Commentaires

  • Le film puissant de Scorsese, inspiré du romancier japonais de Keoi Endo n'est pas sans souffrir d'une très grande ambigüité sur la tentation . Elle est au cœur de l'homme, ici le thème central est bien l'abandon de l'homme par Dieu , et la légitimité de la Mission et la fidélité. A sa foi à travers les épreuves ; le roman comme le film semble nos convaincre que la fidélité passe par l'apostasie par fidélité à la déréliction du Christ. Avec en arrière fond le problème de l’inculturation
    Je comprends le malaise qu’’il peut aussi susciter bien qu’il soit magnifiquement joué et grandiose. Le débat est ouvert. Je ne pense pas que ce soit le défaut d'inculturation qui suscite la persécution, mais bien la cruauté du pouvoir qui refuse la liberté à son peuple. Dieu s'incarne dans tous les peuples et seule l'avidité des uns et des autres pousse à la persécution. On le sait historiquement puisque de bonne ou mauvais grâce les Huguenots Hollandais se sont alliés en 1638 au Shogunat Tokgowa pour écraser la révolte des chrétiens Shimbava, en bombardant leur forteresse de la mer. . Les Hollandais l'ont fait de bonne ou mauvaise grâce,mais l'ont fait pour préserver leurs avantages commerciaux ; Ce qui marqua effectivement la fin du catholicisme au Japon qui subsista dans les catacombes juqu'en 1873

    Simple question pourquoi Nagasaki ville catholique du Japon a été une seconde foi martyrisée en 1945 et qui donné l’ordre aux USA , pays en principe chrétien, de chosir cette ville justement très anciennement catholique du Japon et emblématique pour cible?
    Conclusion les catholiques ont été deux fois martyrs au Japon , c’est l’intérêt de ce film de le rappeler et de nous faire réfléchir.

Écrire un commentaire

NB : Les commentaires de ce blog sont modérés.

Optionnel