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Grand auteurs • Où Jean Guitton s'amuse à un dialogue imaginaire post mortem avec Paul VI

 

- Guitton, pourquoi déteste-t-on obéir ? 

- Je vous répondrai comme Spinoza. Les hommes sont joyeux quand ils se croient supérieurs ou ont l'impression de le devenir. Celui qui obéit s'imagine l'inverse. Il est par définition en dessous et a l'impression de déchoir. Donc il est triste. Donc il déteste la cause de sa tristesse et il essaie de la détruire. 

- C'est mathématique. 

- Géométrique. 

- Il faut pourtant bien obéir, quand on veut vivre en société. 

- Les hommes, Très Saint-Père, ont inventé la solution pour concilier leur amour-propre avec l'obéissance. Il leur suffit d'imaginer qu'en obéissant aux autres ils n'obéiraient qu'à eux-mêmes. 

- Et comment s'opère un si beau miracle ? 

- On dit à tous et à chacun qu'ils sont le chef, le roi, le souverain, les auteurs des lois que les autres font, et que les dirigeants ne sont que les ministres de la volonté du peuple. 

- Et tous y croient ?  

- Un certain nombre. C'est comme les cocus qui ne veulent rien voir. Plutôt que de souffrir devant la vérité, mieux vaut croire à une illusion.

- Ils n'obéiront plus.

- Au contraire, ils obéissent beaucoup plus. Comment voulez-vous qu'un homme d'État responsable ne soit pas démocrate aujourd'hui ? La démocratie est la seule machine à faire obéir les hommes. Sans elle, c'est l'anarchie. 

- Ou la dictature. Guitton, je suis plus démocrate que vous. 

- Je sais que vous étiez démocrate-chrétien. Votre père l'était, mes parents l'étaient aussi. Saint-Père, tout ça n'existe plus.  

 

Jean GUITTON

Un Siècle, une vie, Presses de la Renaissance, 1997

 

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