Sur un livre : Les chrétiens de France pendant l’occupation, par Champsaur
Dans un ouvrage qui fera date, parmi la copieuse bibliographie sur la période de l’occupation, où le pire côtoie le meilleur voire tend à le supplanter, le professeur d’histoire Madame Sylvie Bernay, rétablit des vérités au travers d’un minutieux travail de recherche.
Son livre, issu de sa thèse remaniée, «L’église de France face à la persécution des juifs, 1940 – 1944 ; CNRS éditions», nous offre des archives privées jamais ouvertes avant elle.
On peut cependant regretter que le titre ne reflète pas son étude tout autant détaillée de l’attitude des protestants.
528 pages, 24 euros : passionnant et courageux...
Beaucoup d’ouvrages sur l’occupation qui surchargent les rayons, ne relèvent pas de travaux d’historiens, mais de journalistes ou de mémorialistes amateurs. C’est le cas de deux ouvrages accusateurs du commentateur des religions, Jacques Duquesne, cité (1966, et réédité en 1986 vingt ans après, sans ajout ni nouveauté, ce qui en dit long sur le sérieux de son travail). Il n’y a pas d’études aussi fouillées, consacrées spécifiquement à la position des chrétiens pendant ces quatre années. Leurs actions apparaissent généralement au détour d’ouvrages plus généraux, et toujours pour condamner le silence d’une hiérarchie étiquetée «proche de Vichy».
Il est tout autant mystérieux que le poids de l’occupant solidement installé sur le territoire soit rarement évoqué. Pour beaucoup c’est le moyen de faire porter toute la responsabilité des persécutions sur le peuple de France (approches de Paxton, Marrus, et Klarsfeld, qui minimisent délibérément l’effectif des troupes et de l’administration d’occupation, mais heureusement remises en question de plus en plus ouvertement; voir le lien vers Marianne, http://www.marianne.net/Occupation-allemande%C2%A0-combien-de-divisions%C2%A0_a226489.html).
Le travail de Sylvie Bernay fut d’approcher les congrégations françaises, plusieurs centaines, qui n’ont pas toutes une procédure de conservation d’archives. Elle s’est donc attachée à celles assez représentatives d’une filière de sauvetage. Même si cela semble évident, il n’est pas superflu de rappeler qu’une action clandestine ne se conjugue pas avec des traces écrites qui auraient laissé des classeurs de documents! Les archives épiscopales lui permirent de rentrer dans l’organisation de la représentation des évêques auprès de l’État français.
Elle n’élude pas la question fondamentale : de quelles informations les prélats disposaient-ils sur le sort des juifs. Bien entendu rien de plus que d’autres autorités ou la population française en métropole ou à l’étranger, où l’entreprise d’assassinat industriel n’était pas connue. Comme elle met en lumière la violence des propos de la collaboration contre la hiérarchie catholique lorsqu’elle se dressa publiquement contre les spoliations et les rafles. Et fait litière de la légende selon laquelle le Primat des Gaules, le cardinal Gerlier, avait des entrées privilégiées à Vichy. Le livre nous replace dans la différence de situation entre la zone libre et la zone occupée, nous rappelle que la protestation publique des évêques à l’été 1942, fut une instruction du pape Pie XII relayée par le nonce, que les prélats furent actifs pour conduire une diplomatie secrète auprès de l’Espagne qu’ils souhaitaient garder hors de la sphère du nazisme.
On ressort de ce livre en se demandant si les chrétiens de France, et leurs hiérarchies en premier lieu, n’auraient pas pu faire plus pour contrer les persécutions, comme se dresser contre les lois antisémites de Vichy (Octobre 1940 et Décembre 1942). C’est le genre de questions que l’on peut se poser quand on n’est plus «sous la botte», ou que l’on ne craint plus que le coup de sonnette à six heures du matin ne soit pas le laitier …
Commentaires
Un livre excellent qui remet les pendules à l'heure...
Sur Livres en Famille : http://www.livresenfamille.fr/p7604-sylvie_bernay_eglise_de_france_face_la_persecution_des_juifs.html