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In tenebris, lux. Par Hilaire de Crémiers

 (Analyse politique parue dans le n° 114 de Politique magazine)

 

Une sorte d’euphorie règne en cette fin d’année dans le gouvernement et les milieux politiques dirigeants. Malgré tous les couacs intergouvernementaux, malgré le chômage galopant, la baisse et l’arrêt d’activités en tous domaines, la vie politique continue, elle prospère, à gauche et à droite, et François Hollande poursuit son programme imperturbablement. Il croit dans son étoile. En fait, les ténèbres s’épaississent. Où donc est la lumière ? 

Que veut-on ? Des bonnes nouvelles ? En voilà à la pelle. Le président de la République et le gouvernement en sont prodigues. à les en croire, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Rien n’arrête l’optimisme de nos gouvernants.

 

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La peur financière, encore si prégnante ces derniers mois, s’éloigne. François Hollande l’a répété à Bruxelles, à Oslo ; il le redit sans cesse : la crise est derrière nous et la croissance, grâce à lui, grâce à ses justes orientations, est devant nous. Reste à la mettre en musique : en créant l’union bancaire, en consolidant les dettes, en les mutualisant, en renforçant les organes de contrôle bancaire et budgétaire aux niveaux européen et national, en surveillant la finance, en assagissant les banques, en demandant aux riches leur quote-part de richesse, cette juste surtaxe qu’ils doivent à la société, en amorçant par de judicieux investissements européens et nationaux la relance de l’économie, en mettant en place les institutions financières adaptées, MES, BPI, etc, en évitant les conflits et les heurts inutiles, en ramenant la confiance, bref en jouant le jeu de la sortie de crise. à force d’y croire, le salut viendra. Hollande s’en porte garant. 

 

Hollande l’Algérien

Ne vient-il pas de l’annoncer en Algérie, sa terre de prédilection ? Le salut de la France et de l’Europe inscrit dans son programme et qu’il porte, tel un messie, sur ses épaules, sera aussi celui de l’Algérie qui en a besoin pareillement. Pour manifester sa bonne volonté il a apporté au peuple algérien des cadeaux, tout ce qui peut faciliter les échanges et l’ouverture vers la France, et, pour de futures installations, tout ce que la France peut avoir de mieux en fait de ressources économiques et technologiques. Mais le plus beau des cadeaux, c’est, bien sûr, sa personne et ses discours, tout simplement. Quels discours ! C’est qu’il sait – il l’a dit et proclamé – que le chemin du salut ne peut être vraiment parcouru sans repentance dûment exprimée : le peuple algérien, si longtemps opprimé, y a droit. La SFIO de Guy Mollet n’a-t-elle pas participé au crime ? Et Mitterrand aussi ? François le saint en a la claire conscience. Cependant, la repentance, – et c’est là que se reconnaît dans ce socialiste si admirablement bourgeois  et si merveilleusement pontifiant la solide formation cléricale qu’il a reçue et dont il a su alimenter sa militance politique, – oui, la repentance ne doit pas être, a-t-il précisé, un ressassement perpétuel du passé mais une marche gaie vers l’avenir. N’est-ce pas un joli propos de curé, en sortie de confessionnal ? Il y a du directeur spirituel dans l’ancien premier secrétaire du parti socialiste qui a dû en  entendre des confessions et qui a dû en calmer des fureurs et des scrupules, pour faire régner la paix dans le consensus de sa douce et non moins impérieuse charité. Et le voilà maintenant président ; grand pontife, en quelque sorte, pape à sa manière avec cet art si chanoinesque d’enrober sa vision d’une morale faite tout exprès et qui se donne des allures de bon sens.

 

Pas de problème !

Revenu d’Algérie, sûr de lui, il discourt encore et toujours. Il apaise. Avec moi, il n’y a pas de problème, affirme-t-il. Certes, il y en a eu, mais il n’y en a plus. Il faut le croire. Même sa concubine se met à jouer la grande dame. Qu’a-t-il à changer à sa façon et à ses postures ? Il a raison ; il a toujours eu raison ; il a pour profession d’avoir raison. Ses choix personnels sont toujours les bons. D’ailleurs, la fin d’année lui sourit. Il a su dire et prédire, il y a six mois, que la zone euro se portait bien, qu’il suffisait de réduire les écarts de compétitivité et que c’était d’abord aux Allemands à y mettre du leur, en s’adaptant aux nécessités françaises, italiennes, espagnoles, grecques, sinon leur attitude relèverait d’un vilain égoïsme. Il a employé ce mot et cela le justifie, car c’est un juste. Angela Merkel sans doute a rechigné, même encore dernièrement, mais finalement elle entre peu à peu dans les vues rédemptrices du prophète François qui annonce le bonheur parfait pour demain par l’égalité enfin réalisée et, en attendant, par la péréquation fraternelle. François le juste est bien décidé à aboutir et à aller jusqu’au bout de ses exigences : l’Allemand devra bien finir par accepter les fameux « eurobonds » en pénitence d’une réussite industrielle et agroalimentaire qui par son insolence nuit aux autres et offense outrageusement la France. Ah, mais !

 

La loi du bonheur

Tout ne concourt-il pas à la réussite de ses conceptions et à la réalisation de ses pronostics ? Voyez l’accalmie des marchés financiers, la confiance des investisseurs, la satisfaction des agences de notation, la remontée des bourses, l’abaissement des taux d’emprunt, même pour les pays les plus endettés et jusqu’à devenir négatifs pour la France qui, du coup, voit le coût de sa dette baisser… Ne sont-ce pas des signes patents du miracle qui s’opère ? Est-il encore des incrédules et des gens de peu de foi pour demander d’autres signes ? Alors qu’il en est tant pour convaincre, en dépit des ricanements des Goddons et des Teutons, de The Economist et du Bild. La zone euro n’est-elle pas en train de se stabiliser au grand soulagement de tous les gouvernements et du système bancaire européens ? Elle n’explosera pas. Mario Draghi et François Hollande en ont ainsi décidé, soutenus par Van Rompuy, Barroso et Juncker. Aucun pays n’en sortira. Mieux : la Grèce, tous les experts le confirment, voit son avenir s’améliorer. Eh oui ! C’est très simple : une tranche nouvelle de 49 milliards d’euros lui sera allouée d’ici au mois de mars et il n’est pas douteux que l’Europe prendra la décision d’alléger la dette publique grecque par un effacement progressif et continu ; déjà 40 milliards ont été supprimés et grâce à un prêt de la zone euro – voyez l’heureux montage ! – elle a pu racheter, elle-même, encore pour 30 milliards d’endettement. Au total, à ce jour, elle n’en a plus que pour 340 milliards. Presque une paille ! D’ailleurs, Standard & Poors relève sa note souveraine à B– avec perspective stable devant les engagements pris de réformes radicales, qualifiées de structurelles. Qui dit mieux ? Même Angela Merkel, pourtant plus dubitative que François l’optimiste, ne ménage pas ses encouragements au gouvernement grec jusqu’à lui faire miroiter une participation de l’Allemagne à l’annulation de la dette s’il réussit à dégager un exédent budgétaire. Evidemment l’Allemagne à tout intérêt à se garder ce client potentiel. Donc, pour les dirigeants européens et français, la Grèce qui était leur inquiétude lancinante, n’est plus un souci ! Comment n’être pas reconnaissant à François cunctator ? Les oiseaux de mauvais augure qui tournoyaient sur le Parthénon en sont pour leur frais !

Bien sûr, toutes ces belles assurances reposent – et ce n’est pas dit, mais pourquoi le dire ? – sur le contribuable et le déposant européen qui en paiera le prix et les bilans des institutions financières ne manqueront pas d’en être affectés, mais c’est pour « après » ; et, en théorie socialiste comme en théorie libérale, le risque ne se dissout-il pas par répartition infinie et par report indéfini ? à preuve, les subprimes et autres gadgets de ce genre, n’est-ce pas ?

Et puis, certes, il y a l’Italie dont nul ne connaît le sort après la démission de Monti, il y a l’Espagne dont il est impossible de sonder les abîmes financiers, le Portugal, l’Irlande qui font reparler d’eux. Mais qu’importe, puisque l’Europe est là qui va se constituer ses propres garanties bancaires et financières ! L’endettement garantira l’endettement. Quid melioris ?

Alors, François l’imperator va de l’avant. Il est heureux. Malgré les fureurs de son jéciste de Premier ministre et les crâneries de son boy-scout de Montebourg, peu lui importe les solutions à trouver pour tous les licenciements en cours, pour les sites industriels en déshérence comme Florange ou le Petit-Couronne, lui il a « la solution » : c’est lui. Et il est très content. Et les gens fortunés et les jeunes qui quittent le pays, et Depardieu qui lui fait un bras d’honneur en foutant le camp, il n’en a cure ; car lui, il est là. Pourquoi tant de bruits pour rien ? Son bonheur à lui est inaltérable et il veut le bonheur pour tous, comme le mariage pour tous, la procréation assistée pour tous, la mort heureuse pour tous : ce sont les cadeaux qu’il apporte pour ce Noël aux Français. Des lois, toujours des lois qui ouvrent un avenir radieux. L’apôtre François l’annonce : « plus d’homme, plus de femme, plus de Grec, plus de Français, tout en tous ». Tout le monde pourra se marier avec tout le monde, oui, même si lui regarde ça de très haut ; tout le monde pourra se procurer un enfant par tous les procédés connus ; tout le monde pourra, mais en douceur, s’offrir la mort sans douleur. C’est l’or, l’encens et la myrrhe du nouvel Eldorado ! Si, avec ça, pense François le Mage, et en dépit du reste, les Français ne sont pas heureux, c’est à ne plus rien comprendre au cheminement politique.

Evidemment, vous êtes en droit de penser que ces fausses lumières ne sont que des ténèbres. Et que la vraie Lumière brille ailleurs que dans cet univers à la Huxley. Oui, heureusement, la France a d’autres recours. Le ciel a encore de vraies étoiles pour la guider.  

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