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Idées : "Un roi, sinon rien", dans "Valeurs actuelles" et, dans "La Libre Belgique", L’élection présidentielle ou la nostalgie monarchique, par Robert Redeker...

        Hier, nous avons passé la vidéo d'Hilaire de Crémiers, sur l'élection présidentielle en cours. Aujourd'hui, pour prolonger la réflexion, c'est dans Valeurs actuelles et dans La Libre Belgique que nous trouverons de la matière...

        Voici d'abord le lien permettant d'accéder à l'article de Valeurs actuelles : http://www.valeursactuelles.com/actualités/politique/un-roi-sinon-rien20120502.html

        Et le texte de l'article de Robert Redeker :

        "Voulue par le général de Gaulle, l’élection du chef de l’Etat au suffrage universel direct est une REDEKER.JPGsingulière institution. Deux inconvénients majeurs la caractérisent.

        D’une part, elle contraint à une sorte de campagne électorale permanente, mettant en danger la visée de la longue durée pourtant essentielle à la politique.

        D’autre part elle incite les électeurs à s’intéresser à la personnalité des candidats plutôt qu’à leurs idées ou programmes, ce qui contrevient à l’idée démocratique. Les élections législatives sont plus démocratiques que l’élection présidentielle, car moins personnalisées, plus idéologiques.

        Malgré tout, cette ambigüité démocratique révèle la sagesse politique de la constitution de la Vème République et explique sa pérennité.

        Cette élection répare un drame historique – qu’une monarchie constitutionnelle ait été impossible en France, du fait de son échec dans les deux premières années de la Révolution. Ce qui n’a pas été possible avec Louis XVI, la Vème République le construit en apportant trois correctifs : c’est le peuple qui élit non le Roi mais son substitut imaginaire, cette magistrature n’est plus héréditaire, et enfin elle est limitée dans le temps. Le Président occupe la place qui fut autrefois celle du Roi. Le vide de cette place est aussi insupportable au peuple français que de regarder le soleil ou la mort en face. En réalité, le Président est à la fois le corps du roi reconstitué, et le remords du régicide. Le Roi a été mis à mort par le peuple, certes – mais sa place ne peut rester vide.
 
        Affirmer que le Président représente les Français est une erreur. La représentation se différencie de la figuration. Le Président est l’homme dans lequel la France et les Français se figurent, dans une unité. Ainsi, une caractéristique rapproche le Président du Roi : le Président ne représente pas les Français, il figure la France ! L’Assemblée nationale représente les Français, le Président figure leur nation. Il est le personnage dans lequel la France se figure, se voit et se mire comme une personne vivante dotée d’une unité. Il est aussi le miroir qui reconstitue en une unité, la nation, l’infinie diversité du peuple. «  La France est une personne », a dit Michelet. Mais elle ne peut l’être que par la médiation unificatrice d’une figure, le Roi ou le Président. Les dizaines de millions de citoyens sur le territoire savent qu’ils forment une nation s’étant hissée au rang de personne, la France, parce qu’ils voient cette unité nationale apparaître sur le visage et le corps d’une personne en chair et en os, le Président. Voyons en lui la personne de chair et d’os qui permet à une autre personne, la France, impalpable de se donner un visage. Le slogan employé par François Mitterrand en 1988, « La France unie » exprime la compréhension la plus profonde et la plus accomplie de la réalité politique de notre pays.
 
        Être Président n’est pas une fonction, c’est un rôle. Être Roi, c’était un rôle. La députation est une fonction, celle de la représentation du peuple français dans ses divisions, sa diversité, ses oppositions. La démocratie se doit d’exalter ces oppositions. La notion de fonction renvoie à celle de machine – la société est une machine. Mais la présidence, à l’image de la royauté de jadis, est un rôle, celui de la figuration de l’unité de la nation, à travers un homme ou une femme. L’idée de rôle renvoie à celle à celle de personne – la nation est une personne. Il est vrai que la députation exprime la société, dans ses différences, tandis que la présidence exprime la nation, dans son identité.
 
        Le Président de la République n’est donc ni le chef, ni le guide, ni le président d’une  société anonyme à but commercial, ni un VRP de luxe lors des voyages à l’étranger. L’exception française n’est pas là où on la voit d’habitude. Elle est dans la continuité entre l’Ancien régime et la République que le rôle présidentiel assure sous la double forme de la figuration et du remords. L’identité de la France se trouve résumée et concentrée dans cette continuité transhistorique dont le Président est à la fois le garant et le gardien. L’élection présidentielle suture les deux France, celle d’autrefois, la France d’ancien régime, et celle d’aujourd’hui, la France républicaine.  Elle est la nostalgie républicaine de la monarchie."
 
 
Article paru dans La libre Belgique du 21 avril 2012la libre belgique.jpg

Commentaires

  • On pourrait objecter à Robert Redeker - dont la réflexion est, d'évidence, excellente - que la nostalgie républicaine de la monarchie a précisément pour cause profonde le fait même que le Chef de l'Etat doive être élu. Que ce soit au suffrage universel ou, pire, comme jadis, par le collège des "grands électeurs" ....
    Cette élection, en soi-même, défigure, en effet, plus qu'elle ne "figure" l'image de l'homme en charge de l'essentiel ...
    De Gaulle, lui-même, en 1965 et, suite logique, en 1969, à travers quatre années douloureuses, en a fait l'amère et paradoxale expérience. Car le dispositif qu'il avait lui-même voulu, pour garantir l'altitude de la fonction - ou du "rôle" présidentiel a joué, dès le premier coup, en sens inverse..
    D'où cette "nostalgie républicaine de la monarchie" que constate Robert Redeker - qui n'est pas sans rapport avec la "mélancolie française" dont a traité Eric Zemmour.
    A vrai dire, nous ne sommes sortis ni de l'une ni de l'autre. Nous y sommes même plongés en cette veille d'élection de toutes façons peu reluisante.

  • Je mettrais personnellement un gros bémol aux propos de Monsieur Redeker : le président ne représente pas TOUS les Français, et ne le peut pas, puisqu'il est d'abord un chef de parti. Lui, il divise plus qu'il ne rassemble, de par son obligatoire manque de neutralité.

  • Exactement - Il est issu d'un parti politique et est toujours enclin à favoriser son parti -

  • En accord avec les propos d'Anatole et Toulonnais, je dirais
    que l'élection présidentielle est la recherche de l'hypothétique
    garant de l'unité nationale et de l'hypothétique arbitre de nos
    institutions, du fait de son vice originel, d'une part, l'élection
    elle-même, et d'autre part, le fait que les candidats
    soient issus et promus de et par des partis politiques.

    Autant les partis politiques ont leur place et leur rôle au sein
    du parlement, pour concourir à la formation de programmes
    politiques, le temps d'une législature, autant la magistrature
    suprême de l'Etat doit en être absolument libérée, pour
    exercer un réel arbitrage, et garantir l'essentiel au service de
    tous les Français.

  • Intéressante réflexion de Robert Redeker. L'idée politique de nation est avant tout un legs de la Révolution, car cette idée n'a été acquise que par transfert à un corps politique, la "nation" précisément, des anciennes prérogatives (de souveraineté et d'indivisibilité) de la personne du roi.
    L'dentification de la patrie avec un régime politique, en l'occurence la République, est un legs du jacobinisme.
    Mais n'en n'avons pas fait autant en identifiant la France aurégime monarchique?
    Je serai plus réservé quant à sa conclusion "l'élection présidentielle suture les deux France". Je dirais plutôt qu'elle les divise. Elle ne peut-être qu'un substitut pour une époque frustrée de symbolique et de sacré, mais en aucun cas le fondement de toute vraie légitimité, cet indispensable ciment des communautés.

  • En accord avec Thulé, mais que penser de l'idée de nation, au
    moment de Bouvines, où une grande partie des communes
    libres de France, répondent à l'appel de Philippe Auguste,
    n'est-ce pas le début de l'idée politique de nation ?

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