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Effondrements et résurgences.... (2 ).

          Ce que les évènements économiques de ces derniers jours nous rappellent - et assez rudement - de plus simple et de plus clair, c’est que les idéologies ne pèsent plus grand-chose dès lors que des réalités impérieuses viennent soudain les contrecarrer. En pareil cas, les théories les mieux établies s’effondrent comme si elles n’avaient jamais existé. Et c’est toujours une grande leçon que cette revanche des faits sur les abstractions.

          Ainsi, dans la crise financière qui secoue le monde, la logique du libéralisme eût été sans nul doute que les établissements de crédit qui ont prêté inconsidérément, au-delà de toute mesure et de toute prudence, des sommes considérables à des masses tout aussi considérables d’emprunteurs incapables de rembourser, soient immédiatement mis en faillite et liquidés, comme toute entreprise en pareil cas. Il s’en serait suivi un effondrement mondial du système de crédit, le blocage de ce que l’on se met à appeler « l’économie réelle », la ruine des actionnaires qui se comptent par millions et la spoliation des déposants.

           L’ampleur des pertes ne permettant pas le sauvetage des établissements tombés, ainsi, en situation de faillite virtuelle, par l’autorégulation du système lui-même, c'est-à-dire par l’intervention de sociétés concurrentes, les réalités ont imposé que la société économique, en la circonstance, se tourne vers plus puissant, plus stable qu’elle et il est soudainement apparu que les nations elles-mêmes, les Etats étaient bien les seuls à disposer d’une telle assise, d’une telle puissance. Il a fallu, tout simplement, nationaliser, ou si l’on veut, mutualiser les pertes, les risques, les garanties … En quelque sorte, il a fallu que l’ensemble des actifs publics vienne sauver d’une faillite ruineuse pour tous, les établissements privés défaillants. Il a fallu, encore plus simplement, que le capital et l’épargne accumulés garantissent des dettes…

           Il n’y a pas grand monde, aujourd’hui, pour remettre en cause l’économie de marché, le capitalisme, parce qu’ils sont bien les seuls à produire des richesses et à les transmettre. Mais il est clair que le libéralisme économique en tant qu’idéologie, délié de toutes règles et limites, surplombant dédaigneusement les nations et les Etats, est en train de subir un sérieux et douloureux démenti. C’est là, sans-doute, et probablement pour longtemps, la fin de bien des illusions et de beaucoup de pratiques douteuses.

           Au nombre des idéologies victimes des réalités, il faut ajouter l’européisme, car, si les Etats se sont « concertés », mais tout le monde s’est « concerté », en l’occurrence, c’est le « chacun pour soi » qui a finalement prévalu en Europe. C’est ainsi que l’on a vu, après les Américains, les très libéraux Britanniques, Belges, Néerlandais et même, en définitive, les Allemands, sauver, chacun pour soi, les fleurons de leur système bancaire par une intervention massive de leurs Etats.

           Quant à la démocratie, dans l’urgence, elle n’a guère eu le temps de fonctionner. A-t-on demandé aux peuples leur avis ? Est-on sûr que les citoyens qui travaillent et épargnent sont et seront longtemps d’accord pour, en quelque sorte, cautionner les Etats, les sociétés, les foyers qui vivent sur des montagnes de dettes ?  Ce sont des politiques, des économistes, les dirigeants des principales banques, qui se sont réunis pour prendre les décisions qui s’imposaient et qui engagent à la fois les Etats et les citoyens.  

           Après la tempête et l’affolement, il faudra bien que le système économique redémarre, que les affaires reprennent. Ce sera le moment de comptabiliser les pertes et les gains et de dénombrer les morts, restés sur le terrain mouvant des aventures financières, mais aussi politiques et sociales, des dernières années.

           Il y a une dernière idée qui meurt en ce moment, ce qu’André Glucksmann a signalé dans un article récent du Figaro, une idée génératrice de bien des erreurs, y compris économiques. C’est, dit-il, « la promesse d’un monde apaisé » qui « diffuse urbi et orbi, l’annonce d’une histoire sans défi, sans conflit, sans tragique » et « autorise tout et n’importe quoi ». Sans-doute, en effet, s’apercevra-t-on, un jour ou l’autre, que de toutes les « bulles » dont nos sociétés ont vécu depuis des décennies, ce n’était pas la « bulle économique » qui était la plus pernicieuse ni la plus déterminante.  

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