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Rechercher : Rémi Hugues. histoire & action française. Rétrospective : 2018 année Maurras

  • Jean-Pierre Chevènement et son « rassemblement souverainiste »… Une illusion démocratique, par François Teutsch

     

    Nous sommes d'accord avec la réflexion de François Teutsch, qui, selon son habitude, ne s'en tient pas à la surface des choses. Toutefois, si nous ne nions pas que la gauche conserve toujours un fond internationaliste,  nous ne sommes pas sûrs du tout que le vieux Che y soit lui-même enclin. D'autre part, si une question fondamentale, par delà l'inaptitude des partis et toute politique politicienne, peut être qu'est-ce que l'homme ? nous trouverons plus prudent de qualifier l'homme en question et de parler de l'homme français ou européen, le reliant ainsi à son héritage. « D’un côté la France, de l’autre la République » nous paraît signaler en effet la véritable opposition des temps actuels. LFAR 

     

    57893b06c2abfa69f965a0ea10ca5721.jpegJean-Pierre Chevènement s’est appliqué à lui-même sa célèbre formule « Un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne » en quittant son parti, le Mouvement républicain et citoyen, après que sa motion eut recueilli seulement 16 % des voix au dernier congrès . Il affirme vouloir désormais retrouver sa liberté d’action et d’expression et plaide pour un vaste rassemblement souverainiste allant « du Front de gauche à Dupont-Aignan ». Indignation du premier, sourire ironique du second… L’idée peut paraître séduisante. Elle se heurte à un certain nombre de difficultés.

    Souverainiste, Chevènement l’a toujours été. Farouche partisan du « non » aux traités européens, favorable à une politique monétaire permettant l’évolution du taux de change, il n’a jamais ménagé ses critiques à l’encontre du monstre bruxellois. C’est une des lignes de clivage du monde politique français, mais également de l’ancien maire de Belfort avec le PS qu’il a quitté il y a fort longtemps, lui reprochant sa soumission à l’ultralibéralisme et à la finance internationale. Vue sous cet angle, sa proposition n’est pas aberrante. Ce rejet est partagé par de nombreux responsables politiques, dans tous les partis, sauf peut-être chez les diverses formations centristes. Même au PS, dont on se souvient qu’il s’est divisé lors du référendum de 2005. Mais c’est là s’arrêter à l’écume des choses.

    Ce qui rassemble Nicolas Dupont-Aignan, Christian Vanneste, Jacques Myard, Jean-Pierre Chevènement ou Jean-Luc Mélenchon, c’est un rejet commun de la technostructure européenne qui étouffe nos libertés et nous impose le dogme de la concurrence pure et parfaite, du libre-échange en toutes choses, de la financiarisation de l’économie. Il manque une personne à cette liste : Marine Le Pen. Elle aussi partage cette détestation. Mais le « Che » ne semble pas le savoir. Pourtant, Florian Philippot vient du MRC, même si son ancien patron affirme ne pas s’en souvenir. Premier obstacle : l’oubli du premier parti, et sûrement du premier parti souverainiste de France.

    Second obstacle : on ne fait pas une politique uniquement sur un rejet commun. Certes, cela peut constituer une intéressante base de travail. Mais après ? Une telle coalition ne durera que le temps des cerises. Car si Chevènement n’est pas dépourvu de qualités, si ses propos ont souvent été frappés au coin du bon sens – notamment comme ministre de l’Intérieur du gouvernement Jospin, en dépit de la régularisation en masse des immigrés clandestins -, il n’en demeure pas moins un homme de gauche. Il existe deux souverainismes. Celui de droite, fondé sur l’indépendance nationale et le patriotisme. Celui de gauche, fondé sur la mythologie républicaine et le jacobinisme le plus pur. Auquel il faut ajouter une tentation permanente – presque congénitale – à l’internationalisme anticapitaliste et à un laïcisme forcené. D’un côté la France, de l’autre la République. La différence est fondamentale, malgré les protestations de républicanisme de tous les partis, du FN au Front de gauche.

    Troisième obstacle, et non des moindres : la question des valeurs. Si le relativisme moral a envahi la société (et les partis dits de droite n’y ont pas échappé), quelques idéalistes, dont votre serviteur, persistent à penser que la matrice philosophique de la droite reste marquée, parfois à son corps défendant, par une vision de l’homme conforme à sa nature, et une conception de la société aux antipodes de « l’homme nouveau » promu par la gauche historique. Or, la question politique essentielle est là : qu’est-ce que l’homme ? Aucune politique au sens noble du terme ne peut échapper à cette question, dès lors que son objet est d’organiser la société et de tendre vers le bien commun.

    À ce jour, aucun parti politique français ne répond à cette question. Peu se la posent. C’est pourtant par là qu’il faut commencer. Une alliance des souverainistes de droite et de gauche ? Une illusion démocratique !

     

    , avocat - Boulevard Voltaire
     
  • Examen de conscience au Levant ?

    Lattaquié au coeur du pays alaouite en Syrie

    Par Peroncel-Hugoz 

    Peroncel-Hugoz ne craint pas d'employer un ton particulièrement mordant pour dire aux sunnites syriens ce qu'il estime être leurs quatre vérités …

     

    peroncel-hugoz 2.jpgA en croire l'ancien ministre gaulliste et académicien (de France et du Maroc), Maurice Druon, proche du roi Hassan II (1961-1999), ce monarque regrettait que les musulmans ne pratiquent guère l' « examen de conscience », c'est-à-dire un bilan régulier de leurs actions, en regardant en face, sans biaiser, leurs réussites et, surtout leurs échecs, voire leurs fautes.

    A l'heure où vont sans doute enfin débuter au Machrek (Levant ou Proche-Orient, si vous préférez) de nouvelles négociations en vue de rétablir la paix en Syrie, ce n'est certainement pas en se contentant de répéter, comme des perroquets, « TSB ! », « TSB ! » (« Tout sauf Bachar ! ») que l'on arrivera à amorcer une solution. Revenez de vos illusions M. Fabius ! Sinon vous allez encore manger un de vos chapeaux ! 

    S'est-on seulement demandé sérieusement pourquoi les noçaïris ou ansariehs de lointaine obédience chiite  (appelés aussi alaouites depuis le Mandat français sur Damas [1920-1943] mais sans aucun rapport direct avec la dynastie alaouite du Maroc), s'accrochaient tant à la direction de l’État syrien, en la personne de Bachar El Assad ? En un mot, comme en cent parce que cette minorité (environ 10 % des 20 millions de Syriens) redoute d'être marginalisée, persécutée ou éliminée si les sunnites majoritaires (environ 70% de la population) reviennent au pouvoir suprême, comme ce fut le cas jusqu'en 1970, avant le coup d’État d'Hafez El Assad, père de Bachar. 

    Et cette crainte des noçairis ou alaouites n'est pas un vain fantasme : durant des siècles et des siècles, cette minorité fut maltraitée, rançonnée, traquée, à l'occasion massacrée, parfois même réduite en esclavage par les maîtres sunnites, au nom de l'orthodoxie religieuse. Les mandataires français soufflèrent à ces minoritaires de s'engager en masse dans la nouvelle armée syrienne pour échapper à la mainmise sunnite. Un orientaliste européen avisé, Raymond O'Zoux, prédit même, en 1931, que « ce petit peuple, souple et intelligent, sera bientôt un des premiers au Levant ». En attendant, ledit « petit peuple » investit à tel point l'armée qu'en 1970, elle prit par la force la tête de l’État, en la personne du général Hafez El Assad. 

    Une fois au pouvoir, les alaouites appelèrent en renfort auprès d'eux d'autres minoritaires ayant eu, eux aussi, à pâtir de la majorité sunnite : chrétiens d'Orient, ismaëliens (chiites septimains fidèles de l’agha-khan), druzes (issus lointainement de l'Islam chiite égyptien) auxquels s'agrégèrent ceux des sunnites qui renoncèrent à leur suprématie exclusive et acceptèrent de coopérer avec le nouveau régime. Cet ensemble humain représentant grosso modo un bon tiers des Syriens explique la résistance acharnée depuis 2011 autour d'Assad II, contre des insurgés sunnites armés : à en croire les services secrets occidentaux ces insurgés se répartiraient début 2016 en pas moins de … 163 groupes ou bandes distincts, le principal étant bien sûr Daech !… 

    Un examen de conscience survenant enfin, si Dieu veut, chez les sunnites les plus raisonnables*, permettrait peut-être à la communauté syrienne majoritaire de reconnaître enfin les fautes de ses aïeux et de souscrire à un nouveau système politique qui éliminerait, chez les minorités, autant que faire se peut, la peur de la vengeance ; cette peur qui explique le refus des alaouites (et des chrétiens, et des ismaëliens, etc.) de voir partir Assad fils, dictateur certes, comme son père, mais garantissant la survie des ses soutiens (et longtemps une relative prospérité dans ce magnifique pays qu'est Cham, la Syrie). 

    Quelle solution alors ? Eh bien, peut-être, tout simplement celle qui permet au voisin, le Liban aux dix-sept croyances, de subsister vaille que vaille malgré la guerre de 1975-1990. La peur des chrétiens (qui représentent 30 % environ de la population libanaise)  a été sinon complètement abolie, du moins maintenue à un niveau supportable pour la société : la Constitution du pays garantit donc que le chef de l’État soit toujours un chrétien (de la variété maronite, c'est-à-dire catholique orientale, majoritaire dans la Chrétienté libanaise). Un chrétien qui néanmoins n'a pas le vrai pouvoir, lequel appartient aux sunnites (gouvernement) et aux chiites (assemblée). Un minoritaire alaouite pourrait sans doute jouer ce rôle en Syrie.  •

     

    * Et il s'en trouve parmi cette élite islamo-syrienne, presque unique dans le monde arabophone, par ses qualités intellectuelles. A côté, la minorité alaouite n'est pas en reste : qu'on se souvienne seulement que le patriarche de la poésie arabe, Adonis (né en 1930, de son vrai nom Ali-Ahmed Saïd-Esber), appartient à cette communauté hétérodoxe dont il ne s'est jamais séparé, même s'il vit maintenant en France après avoir vécu au Liban. Ancien élève du Lycée français de Tartous, Adonis est aussi un des phares de la Francophonie littéraire universelle. 

    Lire :

    « Les Arabes ou le baptême des larmes » par M. Hayek, Gallimard, Paris.

    « Guerres secrètes au Liban » par A. Laurent et A. Basbous, Gallimard.

    « Les États du Levant sous Mandat français » (1931), par R. O'Zoux, Larose, Paris. Réédité à notre époque au Liban avec des présentations inédites de Fouad-Ephrem Boustany et de Moussa Prince. 

    Peroncel-Hugoz

    Repris du journal en ligne marocain le 360 du 08.01.2016

  • La déglobalisation, un nouveau paradigme

     

    par Ludovic Greiling

     

    506226741.2.jpgPerçu comme une catastrophe par les milieux bancaires, le retour du protectionnisme et du contrôle des capitaux pourrait procurer un sursaut inespéré aux pays développés. Les agents économiques commencent à s’y préparer.

    En l’espace de six mois, la « déglobalisation » est devenue un mot à la mode dans les milieux bancaires. La victoire des partisans d’une sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne, puis celle de Donald Trump aux États-Unis, avec un programme censément protectionniste, ont soulevé énormément de questions. Longtemps, les économistes de banques ont rivalisé en prévisions très négatives en cas de vote contraire aux intérêts financiers. Leur crainte ? Celle du précédent.

    « Il faudra trouver et définir une dynamique commune pour éviter que le référendum britannique ne soit pris comme un précédent. Car très rapidement, on doit s’attendre à de multiples demandes de référendums partout en Europe », écrivait ainsi l’économiste en chef de Natixis l’été dernier, résumant le sentiment répandu dans la plupart des grandes banques occidentales. Que craignent les établissements financiers ?

    Qu’une rétractation globale en Europe mette fin aux projets visant à créer une dette fédérale sur le continent : celle-ci (gérée par la Commission européenne qui se financerait directement par émission de dette) pourrait grimper à terme à 15 000 milliards d’euros selon certaines estimations, au plus grand bénéfice des créanciers.

    Au contraire, des mesures protectionnistes peuvent ouvrir la voie à des contrôles de capitaux spéculatifs, à l’image de ce qu’a fait l’Islande pour sortir de sa faillite à partir de 2010. « La question est de savoir si la libre-circulation des marchandises et des capitaux va continuer ou pas. Cela pourrait s’arrêter, si ce n’est pas déjà le cas… », lançait en septembre dernier Abdallah Nauphal, l’un des gérants de fonds de la Bank of New York Mellon.

    La catastrophe n’a pas eu lieu

    La déglobalisation sera-t-elle catastrophique pour l’économie et les populations ? La réponse est loin d’être évidente. Ainsi, alors même que la Grande-Bretagne a vu la sortie massive de capitaux spéculatifs depuis le référendum sur le Brexit, son économie se porte plutôt bien : hausse de la production industrielle sur six mois, baisse légère du chômage. Aux États-Unis, les bourses d’actions ont atteint un nouveau record historique après la victoire de Donald Trump.

    Les messages très anxiogènes lancés par les banquiers avant le référendum italien du 4 décembre ont également été contredits par les faits : la victoire du « non » suivie de la démission du Premier ministre transalpin n’a pas suscité de panique. « Les marchés absorbent de plus en plus rapidement les événements politiques. Il leur a fallu deux semaines pour le Brexit, deux heures pour l’élection de Donald Trump et là, quelques minutes pour le référendum italien », soulignait un stratégiste obligataire de la BNP Paribas devant l’AFP.

    C’est que, à rebours des anticipations, la déglobalisation pourrait relancer les économies les plus avancées, et soulager par là même les difficultés du système bancaire. « Est-ce qu’on révise nos projections de croissance pour les États-Unis et la Grande-Bretagne ? Oui, car des mesures annoncées dans leurs programmes seront appliquées. On peut s’attendre à une hausse supplémentaire du PIB de 0,2 à 0,4 points », affirme Christian Parisot du cabinet Aurel BGC.

    Relocalisation, inflation, croissance

    Outre-Atlantique, le programme protectionniste de Donald Trump et sa volonté de réorienter les financements vers les grands travaux d’infrastructure devraient tirer la croissance et générer de l’inflation. En Grande-Bretagne, la baisse de 15 % de la livre sterling face aux autres grandes monnaies favorise le dynamisme local.

    En effet, cette baisse du taux de change abaisse le prix des produits britanniques et augmente celui des produits achetés à l’étranger ; elle facilite donc les exportations et incite les entreprises locales à produire davantage chez elles.

    Davantage de croissance, davantage d’inflation : le diptyque magique pourrait fournir un répit bienvenu aux grandes banques. En leur absence, les établissements financiers ne voyaient en effet plus comment rééquilibrer leurs bilans remplis de créances irrécouvrables. La déglobalisation pourrait-elle constituer un modèle gagnant pour tout le monde ? C’est ce que suggère l’économiste Christian Parisot :  » La déglobalisation pourrait inciter les entreprises des pays avancés à relocaliser des usines chez eux « .

    Dans les économies émergentes, comme la Chine, elle pourrait inciter les acteurs locaux à faire reposer davantage l’activité sur la demande intérieure pour être moins dépendant des exportations. Tout ceci commence à être pris en compte par les agents économiques. Mais il existe des incertitudes car pour l’instant rien n’a encore été fait ». 

    Politique magazine - 01.2017

  • Deuxième front majeur en Syrie : la Province d'Idlib

     

    Par Antoine de Lacoste 

    Cette note - en quelque sorte une note d'information et de réflexion - fait suite à un premier article déjà publié dans Lafautearousseau : « Opérations militaires en Syrie : trois fronts concomitants et tout d’abord Alep ». On s'y rapportera avec profit.  LFAR

     

    Ce deuxième front (qui fait donc suite à celui d'Alep) est nettement moins médiatique que le précédent.

    C'est pourtant là que pourrait se jouer une prochaine bataille majeure et c'est à cause de sa prise par les islamistes que Poutine a décidé l'intervention des forces russes en Syrie en septembre 2015.

    La province d'Idlib se situe au nord-ouest du pays. Elle est limitrophe de la Turquie au nord, et est bordée par la province d'Alep à l'est et celle de Lattaquié à l'ouest, symbole emblématique du pays alaouite (du nom de la religion à laquelle appartient la famille Assad).

    Une forte minorité turkmène y habite : elle est sunnite et très influencée par l'islamisme. Elle a donc bien évidemment rejoint les rangs de la rébellion dès 2012 et bénéficie depuis d'une base arrière idéale avec le voisin turc, dont elle est si proche religieusement et ethniquement. Le reste de la population est essentiellement sunnite mais quelques villages chrétiens existent encore.

    La province est assez vite tombée aux mains des islamistes, où le Front al Nosra (devenu Fatah al Cham) joue un rôle majeur, et seule la capitale Idlib restait aux mains des loyalistes.

    Tout a changé au printemps 2015 : une offensive conjointe de plusieurs groupes islamistes a isolé la ville qui est tombée après quelques jours de combats acharnés, malgré des raids massifs de l'aviation syrienne, trop imprécise. Les effectifs engagés n'étaient pas considérables des deux côtés mais l'essentiel était ailleurs : la chute d'Idlib ouvrait la voie vers la province de Lattaquié (appelée aussi la vallée alaouite) et, un peu plus au sud, vers la base navale russe de Tartous.

    La progression lente mais régulière des factions islamistes était suivie de très près par les observateurs militaires russes qui ont, au cours de l'été, acquis la conviction que l'armée syrienne ne tiendrait plus longtemps. Or la chute de Lattaquié aurait sonné le glas du régime. De plus, les Russes ne pouvaient tolérer que leur unique base navale méditerranéenne soit menacée.

    En septembre, Poutine ordonne donc l'inéluctable intervention russe, à laquelle l'armée se préparait d'ailleurs depuis quelques temps.

    Fort logiquement, c'est donc dans la province d'Idlib qu'a porté l'essentiel de l'effort russe dans les semaines qui ont suivi. Il fallait à tout pris desserrer l'étau qui menaçait Lattaquié.

    Bien sûr, comme Daech n'était pas présent dans le secteur, la grande entreprise de désinformation pouvait commencer: les Russes s'attaquaient à la rébellion modérée (le Front al Nosra !) et ne s'intéressait pas au seul ennemi identifié par nos journalistes incultes : l'Etat islamique.

    Quelques semaines plus tard, alors que le front s'est enfin stabilisé, l'impensable se produit : un chasseur turc abat un bombardier russe qui aurait violé l'espace aérien de la Turquie. Les deux pilotes s'éjectent : l'un, blessé, est capturé et massacré par des islamistes turkmènes. On découvre à cette occasion qu'un civil commandait ce groupe de quelques centaines d'hommes : un militant nationaliste turc, membre des Loups gris, présent sur ordre des services secrets turcs. L'idée est en effet d'annexer à terme la province, une fois la chute de Bachar accomplie; la forte minorité turkmène en serait le prétexte. L'intervention russe, évidemment, risquait de mettre un terme à cet ambitieux projet qui aurait prolongé l'annexion du Sandjak d'Alexandrette en 1939, réalisée à cause de la lâcheté de la France (nous y reviendrons dans un article ultérieur).

    Quant au deuxième pilote, il est exfiltré, non sans mal, grâce à une intervention éclair des forces spéciales russes.

    La réaction de Poutine sera très énergique et Erdogan devra faire de plates excuses quelques mois plus tard, marquant ainsi l'échec de sa tentative d'intimidation. On notera aussi que quelques hélicoptères turcs seront peu après abattus par des insurgés kurdes du PKK au moyen de missiles russes récemment livrés....

    La grande nouveauté c'est que depuis quelques semaines, l'activité militaire a repris dans la province d'Idlib, notamment depuis que la chute d'Alep est inéluctable. L'aviation russe a lancé de nombreux raids comme pour préparer le front suivant. Des chars syriens commencent à faire mouvement et une nouvelle bataille, difficile, pourrait prochainement commencer.

    Comme toujours, ce sont les Russes qui sont maîtres du calendrier et qui décideront du moment de l'attaque.

    Les Saoudiens, de leur côté, observent avec inquiétude, l'éventualité de ce nouveau champ de bataille. Car rien ne va plus pour leurs alliés : Daraya, dans la banlieue de Damas, est tombée cet été et Alep va bientôt suivre. Les alentours de Homs et de Hama sont progressivement nettoyés. La chute d'Idlib dans ce contexte serait une catastrophe.

    Alors les grands moyens vont être employés et la CIA est à la manoeuvre pour aider les amis de son fidèle allié. Son patron lui-même, John Brennan, s'est déplacé à Ryad en octobre dernier pour mettre au point la livraison aux islamistes de 500 lance-missiles antichars. Les Russes sont bien sûr au courant et équipent actuellement les chars syriens d'appareils électroniques de brouillage.

    Personne ne sait si le Département d'Etat américain approuve ces initiatives de la CIA mais celle-ci a acquis une autonomie d'action et de décision particulièrement inquiétante. Aux Etats-Unis aussi les conflits de pouvoir sont complexes.

    En tout état de cause, la bataille d'Idlib semble inéluctable et son issue victorieuse libérerait presque totalement l'ouest de la Syrie.

    Après ce sera Raqqua, capitale de l'Etat islamique... 

     

    A lire aussi dans Lafautearousseau ...

    Opérations militaires en Syrie : trois fronts concomitants et tout d’abord Alep

    [Merci de ses transmissions à Philippe Lallement]    

  • Les antifas incendiaires sont en fait les victimes. Sérieux ?

     

    Par Gabrielle Cluzel

    Une excellente chronique qu'on ne peut qu'approuver, parue dans Boulevard Voltaire du 19.09. 

    Que faut-il en conclure ? Notamment que nous avons désormais affaire à deux terrorismes en France. Non pas à un seul. Le terrorisme islamique et le terrorisme des antifas, des casseurs et des voyous. 

    Rappelons pour ceux qui l'ignoreraient que Gabrielle Cluzel a participé - d'ailleurs brillamment - au colloque du Cercle de Flore « Refonder le bien commun », du 13 mai dernier, à Paris (Illustration ci-dessous).  LFAR 

     

    2654943674.jpgLe Monde est un journal sérieux, n’est-ce pas ? Un journal très sérieux. Peut-être même le plus sérieux d’entre tous, de l’avis général.

    Ce journal sérieux, très sérieux, on ne peut plus sérieux, s’intéresse donc au procès – qui doit s’ouvrir mardi – des antifas à l’origine de l’incendie d’une voiture de police en mai 2016, en marge d’une manifestation interdite alors que la protestation contre la loi Travail battait son plein. Masqués, ils avaient harcelé des policiers dans leur véhicule jusqu’à y balancer un fumigène, mettant le feu à l’habitacle et blessant l’homme et la femme. La photo de la voiture carbonisée, hautement symbolique, avait fait le tour des réseaux sociaux, suscitant une vive émotion.

    « Voiture de policiers incendiée : les antifas veulent faire de leur procès une tribune », titre Le Monde« Le collectif Libérons-les et les antifas veulent se servir de leur procès pour sensibiliser aux luttes contre la répression policière », lit-on encore sous la plume d’Abel Mestre.

    Sérieux ? C’est réellement ce qu’il voulait écrire ? Ce n’est pas une boulette, une coquille, un cafouillage, l’ajout traître et maladroit d’un Caïn chevelu, étudiant à Villetaneuse le jour et antifa la nuit, ou l’inverse, que Le Monde aurait pris en stage parce que son père est actionnaire du canard-le-plus-sérieux-de-France ? 

    Dites-moi, dites-moi… si les procès se transforment en tribune contre les victimes, ça ouvre de chouettes perspectives ! Les délinquants sexuels pourront enfin dénoncer ces pimbêches au cœur sec qui se refusent à eux, les cambrioleurs l’accueil peu amène que leur réservent la plupart des propriétaires quand ils débarquent dans leur salon, les assassins d’enfant l’agacement que suscite un gosse qui crie dans vos oreilles, les hommes qui battent leur femme la frustration engendrée par un dîner qui n’est pas prêt en temps et heure. 

    Les violences policières existent sans doute, mais l’usage est de les dénoncer… dans les procès dont elles sont l’objet, non ? Et disons-le, qui a côtoyé des antifas et tenté une fois dans sa vie, fût-ce le plus pacifiquement et légalement du monde, de s’opposer à la terreur idéologique que leurs bandes font régner sur certaines universités – cela fait partie des multiples dossiers qui seront un jour ouverts quand la droite sera au pouvoir et aura retrouvé une once du courage, c’est-à-dire peu ou prou quand les poules auront des dents, diront les pessimistes – peine à les imaginer recroquevillés, désemparés, désarmés, tout amour et paix devant de méchants policiers.

    Un jeune « normal » arriverait au tribunal cou cravaté et mine contrite, battant sa coulpe et baissant les yeux : il n’imaginait pas les conséquences de son acte. Mais n’aurait pas l’outrecuidance de déclarer vouloir passer « de statut de poursuivi au statut de victime » au motif que leur manif était une « réponse légitime au rassemblement policier le même jour contre la haine anti-flics, où sont venues des personnalités de la droite extrême, chaleureusement accueillies, comme Gilbert Collard, Marion Maréchal ou Éric Ciotti ». Griller des poulets était donc justifié, doit-on sans doute comprendre. Avec une si limpide démonstration, qui pourrait le contester ?

    Dans un esprit de « convergence des luttes », nos jeunes antifas de beaux quartiers, représentés par Antonin Bernanos, entendent développer des « actions communes » avec « les collectifs qui se multiplient dans les quartiers populaires », notamment autour de l’affaire Adama Traoré. Et plusieurs personnalités ont appelé à se rendre tous les jours au procès, comme Danièle Obono, Olivier Besancenot ou encore Houria Bouteldja.

    Ce monde cul par-dessus tête – s’agit-il du nom propre ou du nom commun ? Les deux, peut-être ? Ils ne me l’ont pas précisé… – commence à SÉRIEUSEMENT insupporter les policiers.  

    Ecrivain, journaliste
  • Kurdes et Syriens bientôt face à face à Deir ez-Zor ?

     

    Par Antoine de Lacoste

     

    1456949215.pngDepuis maintenant une semaine, l'armée syrienne a rompu le siège de Deir ez-Zor. L'Etat islamique avait conquis les deux tiers de la ville il y a trois ans et n'a jamais pu prendre le dernier tiers comme nous l'avons expliqué la semaine dernière.

    Aujourd'hui, c'est l'inverse qui se produit et ce sont les hommes de Daesh (dont de nombreux étrangers) qui sont encerclés dans les poches qu'ils détiennent encore, à l'est de la ville.

    La reprise complète de Deir ez-Zor est inéluctable dans un délai finalement plus court que prévu. Cela en dit long sur l'effondrement de l'Etat islamique dont les jours sont maintenant comptés. D'ailleurs de nombreux combattants disparaissent dans la nature, parfois pour rentrer chez eux discrètement mais le plus souvent pour se fondre dans la population des régions sunnites afin de préparer de futurs attentats.

    Dans le même temps, les dirigeants survivants de Daesh se préoccupent des finances du mouvement et organisent le rapatriement, notamment en Europe, de fonds qui serviront à financer des actions terroristes. Les Syriens en auront probablement  fini plus tôt que nous avec l'Etat islamique...

    Ce qui est certain, c'est que l'armée syrienne a repris plusieurs puits de pétrole dans la région de Deir ez-Zor, et que bientôt plus aucun ne sera aux mains de Daesh. Ce sont ainsi 800 millions de dollars annuels qui ne rentreront plus dans les caisses des islamistes.

    Plus au nord-ouest, à 120 km de Deir ez-Zor, le siège de Raqqa, l'ex-capitale de l'EI, se poursuit laborieusement. Les FDS  (coalition de kurdes et de rebelles prétendument modérés), avancent lentement sous la houlette des conseillers américains qui arment et financent tout ce petit monde.

    Le plan américain était ensuite de descendre le long de l'Euphrate pour se rapprocher de Deir ez-Zor et tenir ainsi toute la rive gauche du fleuve. Pris de court par la rapidité de l'entrée de l'armée syrienne dans la ville, les Américains ont changé de tactique et fait progresser des troupes FDS qui ne participaient pas au siège de Raqqa et se tenaient plus à l'est. Elles n'ont eu qu'à descendre plein sud, et sans opposition, pour se retrouver, dans les faubourgs Est de Deir ez-Zor.

    Personne n'a besoin d'elles pour reprendre la ville mais, on l'a compris, ce n'est pas le sujet.

    Les Kurdes rêvent toujours d'obtenir une autonomie dans les zones qu'ils peuplent, c'est à dire le nord de la Syrie. Le régime syrien n'a évidemment aucun intérêt à accéder à cette demande mais les Américains ne comptent pas leur demander leur avis. Ils se sont bien sûr ouverts de leurs intentions aux Russes (ils ne peuvent vraiment pas faire autrement) qui ne voient pas cela d'un très bon oeil. Se donner autant de mal pour sauver la Syrie et ensuite accepter sa partition au profit de Kurdes avec qui ils n'ont rien en commun ne peut entrer dans leur stratégie.

    Le temps joue plutôt en faveur des Russes, surtout depuis qu'ils se sont, fort habilement, rapprochés des Turcs, au grand dam des Etats-Unis qui espéraient rester en bon terme avec Erdogan par le biais de l'OTAN.

    C'est mal connaître la Turquie pour qui la haine des Kurdes dépasse toute autre considération stratégique. Elle occupe d'ailleurs une partie du nord de la Syrie uniquement pour empêcher les Kurdes de tenir l'ensemble de la frontière turco-syrienne. De plus elle vient d'acheter des missiles anti-aériens aux Russes, afin de bien montrer où vont ses préférences du moment.

    Jamais les Turcs n'accepteront un Etat kurde à leurs portes. Il sera intéressant de voir comment les Américains résoudront cette équation insoluble. Leurs promesses faites aux Kurdes resteront-elles lettre morte ? Ce ne serait pas la première fois qu'ils auraient cyniquement utilisé un peuple pour ensuite l'abandonner...

    On ne peut toutefois écarter l'hypothèse d'une incompréhension totale de la situation et de ses rapports de forces dans la région.

    Si les Etats-Unis avaient compris les complexes rapports de force au Proche-Orient, on l'aurait remarqué depuis longtemps...

    En attendant, chacun avance ses pions et veut prendre part à la chute de Daesh. Après, Russes et Américains discuteront mais il est certain que Poutine a plusieurs coups d'avance. C'est avec les Iraniens qu'il aurait pu avoir davantage de soucis tant les chiites sont peu enclins aux concessions après avoir tant investi en Syrie. Si les Américains avaient fait preuve d'un peu de subtilité, ils se seraient rapprochés de l'Iran, afin de compenser leur brouille avec la Turquie et de perturber le jeu diplomatique russe. Mais cela aurait déplu à Riyad et Tel-Aviv. Alors ils ont choisi le rapport de force avec la grande puissance perse laissant ainsi un boulevard à Poutine.

    On ne s'en plaindra pas et les chrétiens de Syrie non plus.   

    Retrouvez l'ensemble des chroniques syriennes d'Antoine de Lacoste dans Actualité Monde

  • Bioéthique : La France confrontée à une culture de mort (13), par François Schwerer

    Le sénat va connaître dans les jours à venir le projet de loi de bioéthique. Notre ami François Schwerer nous a adressé - avec un message de sympathie - l'ensemble des textes qu'il été amené à écrire sur cette question.

    Cet ensemble constitue une véritable somme, aussi bien par son importance que par son intérêt.

    Nous en avons commencé la publication le vendredi 10 janvier, et nous la poursuivrons du lundi au vendredi inclus, comme nous l'avons fait, par exemple, pour l'étude de Pierre Debray, Une politique pour l'an 2000.

    Et, pour suivre et retrouver ces textes plus commodément, nous regrouperons la totalité de cette étude, vu son importance, dans une nouvelle Catégorie : François Schwerer - Bioéthique : culture de mort : vous pourrez donc retrouver donc l'ensemble de cette chronique en cliquant sur le lien suivant :

    François Schwerer - Bioéthique : culture de mort...

    Voici le plan de l'étude (hors Annexes et textes divers, qui viendront ensuite); nous le redonnons chaque jour, afin que le lecteur puisse correctement "situer" sa lecture dans cet ensemble :

     

    1. Les étapes de la décadence
    • Un processus téléologique

    1/. « Qui n’avance pas recule »

    2/. De la pilule à la GPA : l’asservissement des femmes

    3/. La révolte des femmes et les mouvements féministes

    4/. Le transhumanisme, stade ultime de la destruction

    • La stratégie progressiste

    1/. La campagne médiatique préalable

    2/. La modification de la loi

    3/. Le recours à une novlangue

    4/. Le discrédit de l’adversaire

    5/. La politique des petits pas

    6/. Le viol de la conscience des enfants

    1. « Pour une nouvelle croisade »

    A - Une faible résistance

    1/. Des hommes politiques sans conviction

    2/. Des manifestations apparemment inefficaces

    3/. Un refus de mettre en danger son propre confort

    4/. Un faux respect de l’apparente liberté d’autrui

    5/. Si le Seigneur ne bâtit pas, c’est en vain que s’agitent les bâtisseurs

    B – Un combat dont l’enjeu dépasse le fonctionnement de la vie sociale

    1/. Il est plus facile de descendre une pente que de la remonter

    2/. Un combat ayant une dimension eschatologique

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    Schwerer.jpg1/. Des hommes politiques sans conviction

     

    Si l’on regarde rapidement la position de la plupart des hommes politiques actuels, on constate que soit ils changent d’idées à une vitesse telle qu’ils donnent le tournis soit ils ne veulent pas imposer leurs idées aux autres. Quelques exemples récents. Edouard Philippe qui est le premier ministre qui a endossé la responsabilité de présenter la loi bioéthique (1) de 2019 est le personnage qui déclarait le 10 février 2013 : « Nous nous opposons résolument à la PMA pour les couples homosexuels féminins ».

    Lors du vote de la loi Taubira, Bruno Lemaire quant à lui expliquait : « Je ne suis pas favorable à la PMA pour les couples homosexuels ». Au gouvernement lors du dépôt du projet de loi bioéthique, il accepte désormais de se « laisser bousculer » ! Gérald Darmanin était même allé en février 2013 jusqu’à déposer un amendement à la loi Taubira de façon à interdire la PMA aux couples homosexuels, « afin de ne pas rentrer dans une logique du droit à l’enfant ». Deux autres ministres du gouvernement Philippe, Jean-Baptiste Lemoyne et Jacqueline Gouraud, avaient aussi manifesté clairement leur opposition à l’extension de la PMA. Un poste de ministre vaut bien un reniement !

    De son côté François Bayrou explique, à tout propos, que sa foi catholique lui interdit, à titre personnel, d’être favorable à toutes les évolutions sociétales actuelles mais, qu’en tant qu’homme politique, il ne peut pas s’y opposer. Il rejoint le clan de ceux qui pensent : « Personnellement je suis contre, mais en tant qu’homme politique je ne m’y oppose pas » et qui, une fois la loi votée, déclarent qu’on ne peut pas revenir dessus.

    Faut-il considérer que les premiers ont changé d’avis ou que le second a établi une barrière infranchissable entre sa vie privée et son action publique ? Dans L’Incorrect de juillet 2019, Benoît Dumoulin a une autre interprétation : pour eux, « l’essentiel est de se situer sur l’échiquier politique, en fonction des positions adoptées à leur droite et à leur gauche ». Ils se montrent ainsi les dignes héritiers de Valéry Giscard d’Estaing qui voulait que la France soit gouvernée au centre. Cette position leur permet « de ne pas trop offenser la gauche tout en rassurant une partie de la droite ». Et il donne la raison fondamentale de cette attitude : l’essentiel est « de pouvoir rassembler un maximum d’électeurs ». Qu’importe la politique suivie pourvu qu’on soit élu ! Il y a, hélas, des « catholiques revendiqués [qui] sont aujourd’hui prêts à s’asseoir sur les vérités évangéliques et sur leur foi chrétienne pour parvenir au pouvoir » (2).

    Dans son homélie pour la fête de saint Louis, Monseigneur Aupetit, a posé à leur sujet la vraie question. Certains hommes politiques, a-t-il dit, « au nom d’une éthique de responsabilité due à leurs fonctions, (…) n’hésitent pas à balayer les convictions personnelles dont ils se réclament. Comment faire confiance à des personnes qui ne respectent pas leurs propres convictions ? Nous pouvons être sûrs qu’ils ne défendront pas les nôtres. L’éthique n’est pas à géométrie variable, oscillant entre une éthique de responsabilité et une éthique de conviction. Il n’y a qu’une seule éthique, celle qui s’appuie sur cette question fondamentale qui a construit les civilisations : Que faut-il faire pour bien faire ? ». Dès lors, tout catholique qui, lors d’un scrutin, apporte sa voix à un candidat de ce type, doit être conscient qu’il soutient quelqu’un qui le trahira inéluctablement un jour ou l’autre et le trahira sur un sujet fondamental, sur une question « non négociable ». Il s’en rend donc complice.

    Il faut noter que c’est cette attitude qu’avait très largement sous-estimé le pape Léon XIII lorsque, dans son encyclique Au milieu des sollicitudes, il avait préconisé le ralliement des catholiques de France à la République.

    Monseigneur Aupetit nous a alors donné saint Louis en exemple : « Puis, le roi saint Louis nous a montré que l’Evangile est le chemin de la vie, de la vie privée, certes, mais aussi de la vie publique et de ses responsabilités, fussent-elles considérables ». Il n’y a pas de multiples façons de combattre la culture de mort qui nous menace aujourd’hui.

     

    (1) : Le 1er septembre 2019, le philosophe et mathématicien, Olivier Rey, confiait au Figaro : « La bioéthique n’a pas été inventée pour soumettre les biotechnologies à des principes éthiques mais pour faire en sorte que l’éthique ne vienne pas entraver le développement des biotechnologies. En clair : la bioéthique est là pour approuver ce que l’éthique tout court réprouve. »

    (2) : Monseigneur Aupetit, homélie pour la fête de saint Louis, 25 août 2019.

  • De la colère en politique (II) : La colère est-elle juste et bonne ?, par Guillaume Staub.

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    Dans notre précédent article nous nous sommes intéressés à la colère en tant que telle, nous allons maintenant nous concentrer sur sa dimension morale : est-elle bonne, est-elle juste ? Permet-elle la construction du Bien commun ou n’est-elle toujours qu’un élan destructeur ? Pour que nous puissions y répondre, nous devons préalablement nous interroger sur la nature exacte des passions, puis nous pourrons nous demander ce qui, a priori, peut la pervertir ou ce qui peut la bonifier. C’est-à-dire que la colère, si elle peut devenir une puissance qui nous pousse à l’action et au mouvement – une puissance de ce fait positive -, elle peut aussi nous amener à la destruction quand elle est mue par l’orgueil ou la déraison oublieuse.

    2.jpgCommençons par rappeler qu’une des premières caractéristiques de la colère est qu’elle nous pousse à désirer des dommages à une personne qui s’est montrée injuste envers nous et ce tout en voulant un bien pour nous qui s’accompagne d’un éloignement du mal redouté. Ajoutons que la colère est toujours personnelle, elle ne concerne jamais qu’un moi  ; je ne suis en colère que lorsqu’un mal me touche et si la colère naît lorsqu’un mal atteint une autre personne, c’est que cette personne nous est liée d’une quelconque manière. C’est pourquoi une personne empathique – au sens le plus profond et le plus vrai du terme – à tendance, si c’est aussi une personne forte, à être en colère plus facilement et plus souvent. L’amour lie et, étant lié, l’amour entraîne à la colère quand un mal est commis. Les chrétiens ne devraient-ils pas être en colère à chaque fois qu’on touche à un baptisé puisqu’ils font tous deux partie du même monument sacramentel qu’est l’Eglise et sont, de ce fait, liés  ?Chacun de nous ne devrait-il pas se livrer à une honnête introspection lorsqu’un mal touche un frère et que nous ne ressentons nulle colère  ?

    ​Ceci étant dit, intéressons-nous à ce qu’est une passion. En effet, la colère est une passion, or les passions ne sont ni intrinsèquement bonnes, ni intrinsèquement mauvaises  ; elles dépendent de l’utilisation qui en est faite par la volonté qui devrait les modérer. Saint Thomas d’Aquin, après Aristote, sépare les passions de l’appétit concupiscible (amour et haine, désir et aversion, joie et tristesse) des passions de l’appétit irascible (espoir et désespoir, audace et crainte, colère). Remarquons d’ailleurs que la colère est la seule passion qui ne possède pas de passion opposée. Ces passions, modérées par la volonté, sont au service de la vie humaine, elles en sont constitutives, et elles dépendront de l’utilisation faite. Les passions bien utilisées sont éminemment positives et «  tandis que la passion antécédente, qui précède le jugement, obnubile la raison, comme il arrive chez le fanatique et le sectaire, la passion dite conséquente, qui suit le jugement de la droite raison, éclairée par la foi, augmente le mérite et montre la force de la bonne volonté pour une grande cause (…). Par contre, les passions déréglées ou indisciplinées par leur dérèglement deviennent des vices, l’amour sensible devient gourmandise ou luxure, l’audace devient témérité (…). Mises au service de la perversité, les passions augmentent la malice de l’acte  » (Garrigou-Lagrange Réginald o.p., La synthèse thomiste, Lourdes, Nuntiavit, 2016, p. 261).

    ​Ayant à l’esprit ces notions, nous pouvons maintenant nous demander ce qui dérègle notre passion qu’est la colère, qu’est-ce qui la touche spécifiquement, qu’est-ce qui nous empêche de ressentir une saine et sainte colère  ?  Nous retiendrons quelques éléments. Le premier est l’orgueil – à l’origine de tous les maux. Quand notre orgueil est attaqué, notre colère devient incommensurablement forte et elle ne peut jamais s’exprimer justement. De même, si nous ressentons un mépris dans l’injustice commise envers nous, notre colère deviendra disproportionnée. Pourquoi  ? Au fond de nous-mêmes, nous possédons toujours un certain élan qui nous pousse vers une forme d’excellence, vers une chose que nous considérons comme un mieux. Nous tendons toujours vers ce mieux, inscrit inconsciemment en nous, même si celui-ci est en réalité un pire. Autrement dit, ce mieux ressenti peut être biaisé et faussé. Le mépris est une attaque frontale contre cet oméga personnel, le mépris, qui se joint à l’injustice commise, heurte cet élan constitutif que nous avons en nous et c’est pourquoi la colère devient si forte. De même, notre orgueil peut être touché de différentes manières. Un illettré qui critique un lettré, par exemple, provoquera une terrible colère chez ce dernier qui se sentira gravement offensé à cause de l’état de celui qui l’a offensé. Deuxièmement, notre colère peut être pervertie par notre propre injustice, par exemple quand nous oublions le bien que la personne qui m’offense m’a fait antérieurement au mal commis, ou le soutien qu’elle m’apporta à un moment donné. Nous pouvons aussi oublier de prendre en considération l’état de l’autre. Autrement dit, est-ce que celui qui m’a offensé souffre du décès d’un de ses proches  ? Est-il dans une situation délicate  ? Etc. N’oublions jamais les circonstances et l’état de l’autre  ; nous pouvons être en colère contre une personne privilégiée qui nous vole et ne pas l’être contre un malheureux qui tente de survivre en me volant dans un geste désespéré. Troisièmement, la colère est souvent injuste et irrationnelle quand l’injustice que l’on subit porte sur un mal qui nous affecte et nous trouble particulièrement  : celui qui lutte contre la gourmandise pourrait se mettre plus facilement et plus durement en colère qu’un autre si on l’attaque sur son alimentation.

    ​In fine, nous pouvons simplement dire que la colère n’est ni intrinsèquement bonne – ou juste -, ni intrinsèquement mauvaise – ou injuste -, elle est simplement intrinsèque, en tant que passion, à l’Homme qui l’exercera d’une bonne ou d’une mauvaise manière et à des fins plus ou moins justes. « La colère est bonne quand elle est vertueuse, c’est-à-dire selon la raison que de droit elle suppose (…). Il en résulte ce qu’on appelle une « sainte colère » (capacité authentiquement humaine d’indignation) (…). La passion de colère n’est donc vertueuse que quand elle est réglée par la raison. Les vertus de mansuétude et la douceur viennent la contenir dans de justes limites sans jamais l’éteindre puisqu’elle est une passion authentiquement humaine, mais alors ses manifestations sont vertueuses et louables » (Margelidon Philippe-Marie, Floucat Yves, Dictionnaire de philosophie et de théologie thomistes, Paris, Parole et silence, 2016, p. 68 – 69). 

    Dans notre prochain article, nous essayerons d’induire de nos deux précédents articles – Qu’est-ce que la colère ? et La colère est-elle juste et bonne ? – des applications concrètes de la colère dans le champ politique et militant.

  • Quel est l’ennemi de l’OTAN ? (1) par Christian Vanneste

    En politique, la désignation de l’ennemi est primordiale. C’est ce que le Président de la République avait heureusement rappelé au Secrétaire Général de l’Otan lors de sa visite à Paris. L’humanisme des démocraties décadentes répugne cependant à cette désignation même quand il ne manque pas de se désigner lui-même, comme l’islamisme le fait avec insistance. Le président de la république, lui-même, n’est pas très clair à ce sujet. Il se veut l’incarnation du progressisme et pointe les régimes autoritaires conservateurs comme étant les adversaires ou au moins les obstacles. Sans doute pourrait-on lui accorder que si les pays conservateurs sont pour lui des adversaires politiques, l’ennemi militaire est objectivement le terrorisme, et comme il l’a précisé dans sa conférence avec Trump, le terrorisme islamique. Mais cette réponse est pour le moins insuffisante.

    3309368304.jpgL’OTAN est une machine de guerre qui fonde sa puissance sur l’interopérabilité des moyens humains et matériels qu’elle réunit. Mais cette force n’a d’intérêt que si elle vise un objectif précis et se déploie dans une stratégie cohérente. Depuis, l’effondrement de l’empire soviétique, et la disparition de l’affrontement entre les deux blocs qui s’étaient apparemment engagés en 1945 dans une lutte à mort, les Etats-Unis n’ont plus le même intérêt vital dans l’organisation de l’Atlantique Nord et dans son financement. L’Otan est donc devenue un moyen dont la finalité est incertaine. D’une certaine manière, elle se survit à elle-même en poursuivant l’ombre de l’ennemi disparu, l’URSS réduite à la Russie. Or, ce pays n’est plus le foyer d’une idéologie expansionniste qui menaçait tout l’Occident et plus généralement le monde capitaliste. Il est au contraire redevenu un Etat qui défend ses intérêts nationaux, ceux d’une nation parmi les plus puissantes du monde, dotée du territoire le plus vaste de la planète. La perte de républiques devenues indépendantes alors qu’elles étaient de vieilles provinces russes, l’avancée de l’OTAN à ses frontières, les troubles en Ukraine et en Géorgie qui aspirent à intégrer l’organisation militaire occidentale comme la plupart des anciens satellites européens l’ont déjà fait en dépit des promesses, la montée en puissance de la Chine, placent la Russie dans une situation de citadelle assiégée victime de sanctions économiques injustifiées. La politique habile du Président Poutine qui était loin d’être anti-occidentale au début ne s’explique que par sa volonté de desserrer l’étau. Il l’a fait en récupérant la Crimée, évidemment russe, en soutenant des séparatismes chez les anciens membres de l’URSS , tentés de rejoindre l’Otan. Il a mené en Syrie la politique la plus intelligente qui lui a permis d’une part de sauvegarder les bases russes dans ce pays, mais surtout de retrouver une position de premier plan sur la scène internationale puisqu’il est le seul à parler à tous les acteurs étatiques engagés dans cette tragédie. Par ailleurs, la Russie qui incarne désormais le conservatisme politique, culturel, voire religieux, dont la gestion n’est plus socialiste, poursuit son soutien à des pays qui le sont encore mais sont surtout des ennemis des Etats-Unis en Amérique latine. Cette stratégie est cohérente, réaliste et dénuée d’idéologie. C’est la réponse du berger à la bergère.

    Le véritable problème, c’est que la bergère, elle, n’a pas une stratégie claire, que l’OTAN a de multiples cibles parce que ses membres ont des intérêts divergents. Le Président français considère à juste titre que la relation conflictuelle avec la Russie doit être dénouée. Mais le Président Trump lui rappelle que c’est l’Iran qui pose aujourd’hui le plus gros problème. Manifestement, pour M.Macron, c’est la Turquie qui, elle, est membre de l’Otan. Or, la Turquie qui a acheté des missiles à la Russie, qui s’entend avec elle en Syrie, qui considère que les alliés objectifs des Occidentaux contre l’Etat islamique, les Kurdes des FDS, sont eux aussi des terroristes, demeure un partenaire stratégique de premier plan pour les Etats-Unis qui y possèdent une base importante à Incirlik. Le Président turc, Recep Tayyip Erdogan, pour rallier ses « partenaires » à sa définition du terrorisme n’hésite pas à recourir au chantage avec deux menaces explicites : bloquer le plan de défense de la Pologne et des Etats baltes, faciliter le départ des migrants de la Turquie vers l’Europe. Et à travers la première menace, on retrouve une divergence essentielle entre les voisins immédiats de la Russie dont la mémoire est chargée de crainte et de rancune, et la France qui n’a aucune raison objective de se défier de Moscou.

    Si on résume, Donald Trump comme Thatcher naguère veut d’abord « récupérer sa monnaie », et avoir le soutien de ses alliés contre l’Iran, et aussi sur un plan plus économique face à la Chine. Comme ses prédécesseurs, les guerres entre musulmans ne l’intéressent guère, et il n’est pas question de contrer la Turquie, dont l’action néfaste dans l’ex-Yougoslavie, en Syrie, en Libye est cependant claire. Ce dernier point aurait pu être abordé par le Président français : les 13 soldats morts au Mali montrent que l’ennemi prioritaire est bien l’islamisme. La partition actuelle de la Libye, et l’impuissance du gouvernement de Tripoli reconnu par l’ONU, sont une cause essentielle de l’impossibilité d’en finir avec le djihadisme dans le Sahel. Or c’est une fois encore la Turquie qui empêche le Maréchal Haftar de rétablir l’unité libyenne et de sécuriser le pays. Ce n’est pas par hasard que la France a renoncé à livrer six bateaux à Tripoli pour la surveillance des côtes. (à suivre)

  • Contre la loi Avia (1/2) : «Sous couvert de lutte contre les «contenus haineux», c’est la liberté d’expression qu’on ass

    La députée Laetitia Avia (LREM). STEPHANE DE SAKUTIN/AFP

    Source : https://www.lefigaro.fr/

    La proposition de loi de la députée Laetitia Avia, visant à mieux lutter contre les «propos haineux» sur Internet, sera certainement adoptée ce mercredi 13 mai à l’Assemblée nationale. Jean-Thomas Lesueur et Cyrille Dalmont, de l’Institut Thomas More, dénoncent le caractère subjectif de la définition de ces «contenus haineux».

    Emmanuel Macron, son gouvernement et sa majorité ont décidément un problème avec la liberté, notamment la liberté d’expression. Ils n’en finissent plus de chercher, sans fard ni vergogne, à contrôler l’information sous toutes ses formes dans notre pays.

    Le 15 janvier dernier, c’était le président de la République lui-même qui, lors de ses vœux à la presse, déclarait de manière stupéfiante: «Nous sommes confrontés à la lutte contre les fausses informations, les détournements sur les réseaux sociaux. L’éducation reste le fondement de cette lutte. Il nous faut donc pouvoir répondre à ce défi contemporain, définir collectivement le statut de tel ou tel document»… Puis il y a eu, en pleine crise du Covid-19, l’initiative gouvernementale visant à imposer une plateforme de «ré-information» ou de «validation» des informations jugées fiables publiées dans les médias ou sur les réseaux sociaux au sujet de la crise sanitaire. Baptisée «Désinfox coronavirus», la plateforme a été heureusement retirée le 5 mai suite au recours déposé en urgence par le Syndicat national des journalistes (SNJ) devant le Conseil d’État.

    Aujourd’hui, c’est la proposition de loi Avia visant à «lutter contre les contenus haineux sur Internet», qui fait son grand retour à l’Assemblée nationale, en plein état d’urgence sanitaire, pour être discutée en séance publique (mais dans les conditions restrictives adoptées par la chambre dans le cadre de la crise sanitaire) ce mercredi 13 mai. Cette proposition de loi - très décriée, pour ne pas dire contestée, par de nombreuses organisations telles que la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH), la Ligue des droits de l’Homme (LDH), le Conseil national du numérique et même la Commission européenne - va donc encore une fois faire l’objet d’une tentative de passage en force par le gouvernement qui avait engagé une procédure accélérée sur le texte en mai 2019.

     

    Cette proposition de loi est, dans son fondement même, particulièrement liberticide.
     

    Il est hélas plus que probable qu’il sera adopté, du simple fait de la majorité dont dispose le gouvernement et de la faible mobilisation parlementaire, notamment à droite (hors de quelques exceptions notables). Il est à craindre également qu’il sera mis en application dans un délai extrêmement court, si l’on en croit le secrétaire d’État au numérique Cédric O, qui a affirmé lors de son audition devant la Commission des affaires culturelles de l’Assemblée le 5 mai dernier: «Il s’agit maintenant de faire en sorte de prendre les décrets d’application au plus vite pour que cette loi s’applique»

    Cette célérité gouvernementale, en pleine phase de déconfinement, période délicate s’il en est et qui devrait mobiliser toute l’attention de l’exécutif, interroge et inquiète. Serait-ce qu’il anticipe le moment où des comptes lui seront demandés pour sa gestion calamiteuse de la crise sanitaire, en misant sur des outils orientant favorablement le «débat public»? On ne sait et on n’ose le penser…

    En tout état de cause, et quelles que soient les circonstances, cette proposition de loi est, dans son fondement même, particulièrement liberticide. En effet, la notion de «contenus haineux» n’est tout simplement pas recevable puisqu’elle ne peut faire l’objet d’aucune définition juridique. C’est la porte ouverte au plus pur arbitraire. Comme l’a écrit l’essayiste et avocat François Sureau, «en se fondant sur la notion de haine, qui est un sentiment, relevant du for intérieur, la loi introduit désormais la répression pénale à l’intérieur de la conscience».

     

    La qualification d'un "contenu haineux" ne sera pas la même selon les croyances et les convictions de chacun.

     

    La notion de «contenu haineux» est donc, non seulement juridiquement incertaine (car non définie et indéfinissable), mais totalement dépendante de l’intention de son auteur au moment où il la diffuse ainsi que des a priori et des convictions du lecteur ou de l’autorité administrative qui en demandera la censure. La loi Avia provoque ainsi un basculement juridique vers la pénalisation de l’intention morale de l’auteur, tel que dénoncé dans le film de science-fiction Minority Report

    Car il est bien évident que la qualification d’un «contenu haineux» ne sera pas la même selon les croyances et les convictions de chacun. Par exemple, mais ce n’est qu’un exemple parfaitement conjectural: l’affirmation selon laquelle le Président de la République et le gouvernement ont menti en toute connaissance de cause quant à l’absence de masques et à leur efficience dans la lutte contre l’épidémie devra-t-elle être considérée comme un «contenu haineux»?

    Certain affirmeront que c’est un simple constat, étayé par des faits mis en lumière par plusieurs enquêtes journalistiques. D’autres défendront l’action du gouvernement avec des arguments et des contrefaits. D’autres encore se contenteront d’y voir une «incitation à la haine». Si ces derniers l’emportent, la liberté d’expression quittera définitivement le registre des libertés fondamentales dans notre pays.

    Jean-Thomas Lesueur, délégué général, et Cyrille Dalmont, chercheur associé à l’Institut Thomas More.

  • Raoult, ou le territoire victime de la carte !, par Christian Vanneste.

    Pour un habitant du nord de la France, l’aphorisme célèbre d’Alfred Korzybski, « la carte n’est pas le territoire » prend tout son sens. La dénomination dont on a affublé sa grande région, essentiellement plate, et dénuée de la moindre identité réelle, qui s’étend de la proximité parisienne jusqu’à la frontière belge, est grotesque. Aucune montagne n’y a arrêté le flux des invasions, mais lorsqu’on quitte le territoire pour regarder la carte, effectivement Lille, la capitale régionale, à une grosse dizaine de kilomètres de la Belgique, se trouve tout en haut. Personne, toutefois, n’aurait eu la malencontreuse idée d’appeler l’une des régions méridionales, « les bas de France ».

    christian vanneste.jpgIl y a, dans le choix du nom idiot de la réunion du Nord-pas-de-Calais et de la Picardie, l’effet d’une double réalité qui consiste en définitive à nier la réalité, à gommer le territoire pour n’en conserver que la carte. Il y a d’abord la réalité de celui qui choisit : le membre de l’oligarchie, celle qui peuple les Assemblées, les palais de la République, les ministères, les bureaux, les cabinets, les antichambres, les salles de rédaction, qui a perdu de vue le territoire depuis longtemps, si jamais elle l’a connu, et qui n’en conserve que la vision d’une carte qu’on fait apparaître à l’écran. Il y a ensuite la recherche purement verbale qui réduit l’action à la communication et fera opter pour le nom le plus valorisant, le plus démagogique : on va flatter les « chtis » en les situant dans les « Hauts de France ». Peu importe la rose, c’est son nom qui compte ! Comme le dit Michel Maffesoli au début de la Nostalgie du sacré, « il convient de se méfier de ce que Jean-François Colosimo nomme le « logisme » asservissant la vie à une représentation promue réalité ».

    C’est entendu, tous les hommes vivent dans la bulle de leurs représentations et n’ont du monde que la traduction que leur en donne le système de pensée, la religion, l’idéologie qui forgent l’esprit de la communauté au sein de laquelle ils vivent. Les choses ne nous apparaissent qu’à travers les mots par lesquels on les désigne. Mais on pouvait espérer que l’esprit scientifique, que la méthode cartésienne allaient dissiper les fantasmes, démonter les simulacres, pour parvenir à une représentation objective des choses et du monde. Dans le même temps, on pouvait imaginer que les peuples, mieux éduqués, allaient se libérer de leurs préjugés traditionnels, et se muer en nations de citoyens éclairés, libres et responsables. Or nous vivons une période qui remet en cause ces illusions. Tant que le rideau de fer séparait le « monde libre » du totalitarisme marxiste, on pouvait se dire que « 1984 », que la prison mentale peinte par Orwell, c’était l’autre côté, sa police politique et ses goulags, sa propagande tenant lieu d’information. D’une certaine manière, le mur ne protégeait pas seulement l’univers soviétique d’une réalité qui a fini par le détruire, il garantissait l’Ouest contre la confusion des idées, et confortait ses populations dans une vision rassurante de leur monde, celui où régnait la liberté de consommer et de penser.

    Trente ans après la chute du mur, le monde occidental a mal digéré sa victoire. Non seulement les certitudes qui formaient le cadre de la pensée à l’abri de laquelle il vivait ont été systématiquement déconstruites, non seulement il a pris conscience que lui-aussi, face à l’est, vivait dans une bulle, simplement plus agréable, plus hédoniste, mais encore il a du s’habituer à la confusion des valeurs et des idées, soumis cette fois non à une propagande unilatérale mais à matraquage quotidien et tournoyant, faisant se succéder les modes idéologiques, les peurs collectives et les obsessions communautaires. Dans ce chaos qui a pris la place de la conscience collective, une ligne de fracture s’est dessinée. De plus en plus, il y a, d’une part, le « courant dominant » qui vient d’en haut et tente d’imposer le conformisme de la pensée unique qui campe dans les lieux de pouvoir et dans les grands médias, au-delà de distinctions superficielles, et, d’autre part, le fourmillement, l’effervescence, le bourdonnement permanents qui se propagent sur internet. En haut, il y a ceux qui veulent imposer la carte au territoire, et en bas il y a ceux qui vivent dans leur terroir, celui qu’ils connaissent avec ses odeurs et ses saveurs, mais aussi, et plus nombreux, ceux qui habitent les chateaux enchantés de leurs rêves. On voudrait opposer l’objectivité et l’universalité des premiers au morcellement et à la dispersion des seconds. C’est ainsi que de grands organes de presse pourchassent les « désinformations ». C’est ainsi que le gouvernement avait même envisagé de créer un site rassemblant ces chasseurs de sorcières.

    La réalité est plus complexe. Quand on perçoit les intérêts qui dirigent le monde d’en-haut, orientent ses manipulations, et expliquent ses mensonges, le bruit de fond des internautes de tout poil prend davantage de valeur. Le lynchage médiatique et gouvernemental du professeur Raoult est un exemple riche de sens de cette confrontation entre la carte et le territoire, entre la pensée dominante et la contestation. Le « docteur » marseillais s’appuie sur son expérience de terrain, sur son « territoire ». Ses adversaires sont ceux qui dessinent les cartes, les peignent de couleurs diverses, maintiennent notre pays dans une étrange ambiance de menace et de catastrophe qui asphyxie la liberté. L’efficacité de l’hydroxychloroquine n’est plus le problème. La vraie question est de savoir dans quel simulacre de démocratie nous vivons !

  • Saccage de l’Arc de Triomphe : et si on osait dire la vérité ?

     

    Par Gabrielle Cluzel 

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    Il est de bon ton – allumez votre poste sur France Info, vous comprendrez – d’imputer les violences et la casse de samedi « à l’utra-droite, à l’ultra-gauche et à des gilets jaunes radicalisés ». Tout le monde est renvoyé dos à dos, un partout, la balle au centre, c’est bien pratique.

    Sauf qu’il y a les faits.

    François de Sales est le patron des journalistes, mais un autre saint bien connu pour son scepticisme et ses pieds sur terre pourrait aussi faire l’affaire. Saint Thomas : « Je crois ce que je vois. »

    Et qu’ai-je vu, samedi, sur les Champs-Élysées ? Un mélange hétéroclite de paysans de l’Aveyron ou d’employés bretons – sans doute capables, poussés à bout, de violentes colères comme souvent les taiseux – et de casseurs professionnels suréquipés, arborant (au choix ou en même temps) dreadlocks, capuches noires rabattues ou gilet jaune frappé du « A » anarchiste. Donc, soit Bob Marley est devenu tendance à « l’utra-droite », soit il n’y avait, là où je me trouvais, que des groupuscules de l’autre bout de l’échiquier. Peut-être, après tout, l’ultra-droite s’était-elle donné rendez-vous ailleurs ? Admettons.

    Mais il y a l’Arc de Triomphe.

    À l’Arc de Triomphe aussi, nous explique-t-on très sérieusement, il faut incriminer TOUS les ultras. Eu égard à leur antimilitarisme viscéral, on penserait plutôt à la gauche ? Non, on aurait trouvé des preuves de coresponsabilité : ces ennemis jurés, qui ne peuvent se croiser à une vente Fred Perry sans qu’il advienne un drame, auraient tagué tranquillement de concert, côte à côte : sur l’Arc de Triomphe, on a trouvé le « A » de « anarchie » entouré d’un cercle, « nik l’État », « classe contre classe », « pas de guerre entre les peuples et pas de paix entre les classes », « gilets jaunes antifas », « vive les enfants de Cayenne » ou encore « justice pour Adama », toutes luttes dont on connaît la coloration politique.

    Selon le site du Point, pourtant, « l’ultra-droite est parvenue à signaler sa présence sur le monument : « L’Ultra-droite perdra Manu », ont relevé les policiers »* (sic). Très forts, les policiers. Mais peut-être un peu daltoniens ? À moins que ce ne soit au journaliste du Point qu’il faille offrir des lunettes pour Noël ? Car la photo de l’Arc de Triomphe tagué parle d’elle-même : il est écrit, en haut, « L’ultra-droite Perdra » – encre noire et écriture scripte – puis, en bas, « MANU MA TUER », en encre rouge et en majuscules, ce qui laisse supposer à tout observateur, même frais émoulu du cours préparatoire, qu’il s’agit de deux tags différents, bien sûr, et non de la même phrase. Si l’on s’en tient à la thèse du Point, pourtant, notre tagueur d’ultra-droite se serait interrompu au milieu de sa phrase pour changer de couleur et de style d’écriture, et aurait ensuite écrit un « MA TUER » sans queue ni tête, puisqu’il n’y a plus de sujet, « MANU » fonctionnant avec la phrase du haut…

    Mais, me direz-vous, pourquoi ratiociner sur ce sujet ?

    Parce que la mise à sac de l’Arc de Triomphe est une action hautement symbolique qui a profondément indigné et sur laquelle il importe de ne pas raconter n’importe quoi.

    Parce qu’incriminer tout le monde, c’est n’incriminer personne. Surtout pas ces groupuscules d’extrême-gauche au modus operandi bien huilé, on les avait vus à l’œuvre dans les universités, à l’endroit desquels les gouvernements successifs, de gauche par sympathie, de droite par trouillopathie – pathologie autrement nommée syndrome Malik Oussekine – ont fait preuve d’une incommensurable indulgence, et qui aujourd’hui infiltrent et radicalisent les gilets jaunes.

    Enfin parce que quiconque a couvert ces manifs le sait : les journalistes accusés de décrire non pas ce qu’il voient mais ce qu’ils aimeraient voir sont, pour les gilets jaunes, une profession démonétisée. Leur faire retrouver crédit passe par une implacable quête de vérité.

    C’est bien l’ultra-gauche qui a mis à sac, sinon la totalité du quartier, au moins l’Arc de Triomphe. Et elle l’a signé.  

    Ecrivain, journaliste
    Son blog
  • Patrimoine cinématographique • Nocturama

     

    Par Pierre Builly

    Nocturama de Bertrand Bonello (2016)

    20525593_1529036520490493_4184281983923317414_n.jpgEt on tuera tous les affreux 

    Une dizaine de garçons et de filles (deux filles, en fait seulement), un peu plus ou un peu moins de vingt ans, venus de milieux sociaux évidemment très différents et d'origines ethniques diverses (euphémisme pour dire qu'il y a des Français de souche et d'autres issus de l'émigration) ravagent Paris dans le même instant : quatre attentats terroristes, l'assassinat d'un grand patron. Ils se retrouvent, la nuit venue, dans l'immensité d'un grand magasin. Ils attendent le matin. Ils sont repérés, abattus sans aucune pitié par les forces spéciales. Le film a été tourné à l'été 2015, c'est-à-dire quelques mois après les tueries de Charlie-Hebdo et de l’hyper casher, mais avant les massacres du Bataclan et des rues adjacentes. Y a-t-il un rapport ? Non ! Le film a été écrit en 2011 et ne fait naturellement pas référence à une revendication islamique. 

    nocturama033.jpgÀ qui fait-il penser, alors ? À Action directe, par l'effusion de sang gratuite, les meurtres sans états d'âme de gens qui sont, certes, des cibles politiquement identifiées, mais aussi des quidams qui avaient le simple malheur de se trouver là où qui, par leur métier, sont des symboles sociaux insupportables à l'Ultragauche (des vigiles, forcément chiens de garde du Capital). En fait, regardant le film, j'ai songé à deux sectes : l'une, bouffonne, farfelue et fantasmagorique, c'est la cohorte des Yams (Y'en a marre !) dans l'assez médiocre film La vengeance d'une blonde de  Jeannot Szwarc ; l'autre beaucoup plus sérieux, inquiétant et ancré dans la réalité, le groupe de Tarnac, accusé d'avoir saboté des caténaires de chemins de fer. Son fondateur et gourou, Julien Coupat est issu d'une famille très bourgeoise et diplômé de grandes écoles mais il a développé une sorte d'utopie alternative anticapitaliste, nihiliste, anarchisante dans un phalanstère corrézien. 

    Quelles sont les cibles, au fait, détruites à peu près simultanément par la remarquable organisation de nos jeunes terroristes assassins ? Une aile du Ministère de l'Intérieur (normal : c'est le ministère de la police, donc de l'oppression) ; un étage d'une tour, à La Défense qui abrite la multinationale Global - peut-être est-ce Total ? - (normal : c'est une grande entreprise, donc une organisatrice de l'oppression) ; quatre voitures garées aux alentours de la Bourse (normal : c'est le symbole de la finance anonyme sans cœur) ; et enfin la statue de Jeanne d'Arc, place des Pyramides (normal : Jeanne d'Arc est un symbole identitaire de la France ; et puis c'est là que l'extrême-droite aime se recueillir). Si on donnait les clés de la ville aux Blacks-Blocks, aux No Borders, aux triomphateurs de Notre-Dame des Landes, c'est assurément ce qu'ils détruiraient en premier (le château de Versailles est un peu trop grand pour eux). 

    Nocturama-2016-00-02-59.jpgDonc un ramassis de petites crapules idéalistes, après avoir fait de drôles de coups, se retranche dans l'étrange structure d'un grand magasin ; c'est, en fait, la carcasse de La Samaritaine, sur les quais de Seine qui est en train d'être réhabilitée pour devenir hôtel et centre commercial de luxe (pauvres enfants, vous n'avez pas deviné, donc, que c'est toujours l'argent qui gagne ?). On se demande à la fois pourquoi l'idée farfelue est venue aux anarchistes de se réfugier là et surtout comment ils ont pu si vite être repérés par la police (ou alors ils faut métaphoriser un maximum et conclure que la Révolte est toujours acculée aux dernières limites par la Réaction, quoi qu'elle fasse). 

    114919855_o.pngToujours est-il que dans le temple consumériste à la fois détesté et adulé par nos jeunes gens (excellent moment où l'un des terroristes, forcément révolté, se retrouve face à face avec un mannequin exactement habillé comme lui, Nike, Docker et Adidas : on n'échappe pas à la connerie de son époque, finalement). 

    Dans le capharnaüm du fric, les pauvres petits tueurs retrouvent peu à peu leurs réflexes d'enfants du Siècle : ils bâfrent, boivent, pillent les rayons, jouent des musiques sauvages, font l'amour. Jusqu'au moment où la réalité, au matin, arrive avec les Robocops de la police qui vont faire de jolis cartons. 

    nocturama-bonello.jpgDeux heures presque un quart pour montrer ça ? Pourquoi Pas ? Bertrand Bonnello n'est pas tout à fait un cinéaste manchot et il sait très honnêtement monter un film assez prenant, tout au moins au début : ainsi le cheminement des terroristes qui, dans le métro, dans les rues, se croisent, se frôlent, se retrouvent et se séparent pour placer leurs engins de mort est-il extrêmement bien filmé ; et le silence sur leurs absurdes criminelles motivations est aussi bien venu : comment, à dire vrai, expliquer la folie anarchiste ? Mais une fois les bombes posées, les attentats commis, le réalisateur reste un peu coi et tire à la ligne... 

    Restent de jeunes acteurs qui sont tous brillants et intéressants ; une mention spéciale pour André, le jeune bourgeois qui dit préparer l'ENA (Martin Petit-Guyot), Sabrina (Manal Issa) et le couple David (Finnegan Oldfield)/Sarah (Laure Valentinelli) ; certains, paraît-il, ont été rencontrés dans des lycées autogérés, des manifestations d'ultragauche. C'est bien ça qui fait frémir. Ces jeunes gens sont fous. L'avenir s'annonce tragique et sanglant. 

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    DVD disponible pour environ 15 € .

    Retrouvez l'ensemble des chroniques hebdomadaires de Pierre Builly sur notre patrimoine cinématographique, publiées en principe le dimanche, dans notre catégorie Culture et Civilisation.
  • Afrique du Sud: ” Les étrangers dehors !”, ”trop, c'est trop !”, la fièvre xénophobe sème le chaos à Johannesburg

    (photo : un policier, seul pour protéger un magasin d' "étrangers" des émeutiers...)

    France info a parlé - le mercredi matin 4 septembre, au matin - de ce sujet, traité deux jours avant par RFI.

    On attend avec intérêt (avec gourmandise ?) la réaction de SOS Racisme, de la Ligue des Droits de l'Homme, de Marlène Schiappa, de Bernard-Henry Lévy...

    Car, à Johannesburg, on n'y va pas de main morte : c'est, carrément, "TROP, C'EST TROP ", "LES ETRANGERS DEHORS !" et les "migrants sont attaqués, pourchassés, volés, tués pour certains (deux cents morts depuis un an)...

    De qui occasionner un étouffement collectif à BFM/TV et dans toutes les radios du même style : pourtant, bizarrement, étrangement : rien ! Vous en aviez entendu parler, vous ? Franchement ?

    En Afrique du Sud, des noirs attaquent, pillent et tuent des étrangers, des migrants, et personne ne dit rien ? Mais où sont donc passé les pseudo humanitaires ? Où est l'intelligentsia bobote du politiquement correct immigrationniste ? Où est BHL ?...

    Et surtout : où est Lilian Thuram ? Pardon, saint Thuram, vous savez, celui qui parle de "les blancs"/"les noirs" et qui explique que "les blancs" sont racistes : là, on a "des noirs" qui tuent "des noirs" (trois à peine pour le moment immédiat, mais deux cents tout de même l'an passé...). Comme le dirait Fernand Reynaud, dans un sketch resté célèbre "Allo, Tonton (Thuram) ? Pourquoi tu tousses ?..."

    Avis de recherche : comme on disait autrefois, si vous apprenez quelque chose, appelez le journal, qui transmettra...

    Voici le scripte de l'émission de RFI.

    Edifiant (si l'on peut dire !)...

    En Afrique du Sud, ces dernières heures ont été marquées par la violence contre les ressortissants étrangers (africains). Depuis dimanche 1er septembre, des centaines de magasins ont été vandalisés et on compte trois morts, selon les autorités, à Johannesburg. Ce lundi, la journée de mobilisation de certains Sud-Africains, qui veulent se débarrasser des étrangers, continue. Ce mouvement de contestation a été lancé par les chauffeurs routiers, qui arrêtent depuis plusieurs semaines les conducteurs étrangers et brûlent leurs cargaisons. Le mouvement s'était amplifié la semaine dernière dans le centre de la capitale Pretoria, avec le pillage de nombreux magasins tenus par des migrants.

    C’est un mouvement national lancé par plusieurs corporations. Deux en particulier : les chauffeurs de poids lourds ainsi que les associations de taxis. Comme la semaine dernière à Pretoria, ce sont les chauffeurs de taxis de la ville de Johannesburg qui sont allés brûler des dizaines de magasins appartenant à des étrangers.

    Ces violences ne sont pas récentes. Depuis un an, les conducteurs étrangers, Zimbabwéens, Congolais ou Zambiens sont persécutés sur les routes car accusés de voler le travail des locaux. Deux cents sont morts dans ces violences depuis un an.

    Aujourd’hui, c’est donc l’heure d’en découdre, selon les conducteurs sud-africains, qui ont installé des barrages informels sur de nombreuses routes du pays. Mais en réalité, le gros des violences se concentre jusque-là dans au moins sept quartiers de Johannesburg depuis dimanche soir, où de simples citoyens viennent détruire, piller et brûler.

    Aucun magasin sud-africain n’a été vandalisé

    Dans le sud de Johannesburg, dans le quartier de Turffontein, plus de 500 habitants s’en sont pris à une dizaine de magasins, pillant tout sur leur passage. Il est très clair que les établissements visés appartiennent à des étrangers, des Pakistanais, Somaliens ou Nigérians. Aucun magasin sud-africain n’a été vandalisé. C’est le cas du magasin de Sebastian qui, lui, est Sud-Africain. « Ils ont décidé de cibler les magasins des migrants, des Congolais et des Pakistanais. Ils n’ont pas touché aux Sud-Africains. C’est injuste, car ces gens travaillent dur. Regardez, si vous jetez un œil, c’est vide maintenant », constate-t-il.

    Sivuyile Nama est porte-parole de la communauté, responsable des pillages. Il explique l’action des criminels et le ras-le-bol de ses concitoyens. « L’Afrique du Sud accueille un nombre impressionnant de migrants. Peut-être même le plus de réfugiés dans le monde ! Donc, qui est supposé s’occuper d’eux ? », interroge-t-il avant de pointer du doigt le gouvernement. « Les gens veulent du travail et le gouvernement ne nous donne aucune solution. Et on a besoin d’une sortie de crise très rapidement dans ce pays », ajoute-t-il.

    Est-ce alors une nouvelle vague d’attaques xénophobes ? Du côté des autorités, on calme le jeu. Le ministre de la Police, Bheki Cele, préfère parler de criminalité. « Pour moi, c’est de la simple criminalité. Les gens volent mais pour le moment, il n’y a rien qui me fasse dire qu’il y a un conflit entre Sud-Africains et les étrangers. On parle de criminalité, pas de xénophobie », dit-il.

    Pourtant, le motif des manifestants était clair. Leur communiqué disait : « Trop c’est trop. Les étrangers dehors ! ».

    Les étrangers, des boucs émissaires

    La situation est extrêmement tendue dans le reste de la métropole. Les boutiques du centre-ville sont fermées pour la plupart. Les policiers sont accusés d’inaction par la société civile. En fait, ils sont complètement dépassés par ces rassemblements spontanés. Ils n’ont pas pu empêcher la mort de trois personnes la nuit dernière. Trois personnes brûlées dans leur magasin, juste après avoir vu des dizaines de Sud-Africains casser la vitrine et voler leurs produits. 

    Cette léthargie n’étonne pas Johan Burger, un spécialiste des questions policières, à l’Institut d’études de sécurité de Pretoria : « On affirme parfois que la police est sur place mais qu’elle reste les bras croisés. Dans le passé, la police a déjà répondu à cette accusation, expliquant qu’elle ne peut pas se permettre de prendre en chasse chacun des pilleurs, parce que les policiers risqueraient d’être entraînés dans des quartiers difficiles où ils pourraient être agressés et même tués par des bandes criminelles. Je rappelle que peu de pays au monde sont plus dangereux pour un policier que l'Afrique du Sud. La police est sous pression, mais force est de constater qu'elle n’est pas à la hauteur. Les policiers ne sont pas assez nombreux et n’ont pas assez de moyens pour apporter une riposte, disons professionnelle, à ces incidents. Mais il faut garder à l’esprit que la violence xénophobe n’est qu’un des multiples visages de la violence en Afrique du Sud ».

    Joint par RFI, Sheikh Amir, président d’une association de Somaliens d’Afrique du Sud, considère que les étrangers servent actuellement de boucs émissaires. « J’ai vu des magasins incendiés et pillés. L’intimidation, les insultes et le harcèlement, nous, les migrants, nous avons l’habitude. Mais en ce moment, il s’agit de crimes. Des bandes circulent en minibus. Elles pillent des magasins et les incendient. On ne parle pas d’intimidation. Des policiers sont sur place, mais ils ne font pas grand-chose. Nous sommes même portés à croire que la police et les autorités sont les instigateurs de cette violence. Dès que l’économie commence à ralentir, les migrants servent toujours de boucs émissaires. Le sentiment anti-migrants qui est très fort, est propagé, depuis un mois, de la base au sommet de la classe politique », souligne-t-il.

    Pour un premier bilan, ce lundi 2 septembre, on compte une cinquantaine de magasins vandalisés, plus de soixante arrestations et donc trois morts pour le moment. Un policier confiait à RFI que le bilan devrait rapidement monter compte tenu du chaos qui règne dans les rues de Johannesburg. 

  • De l’art de continuer à creuser lorsqu’on a touché le fond

     

    Par Aristide Renou 

    Les photos montrant Emmanuel Macron langoureusement enlacé avec un jeune éphèbe à moitié nu, au torse virilement musclé et à la peau soyeuse, ont abondamment fait jaser, et cela se comprend. De même que celle où le jeune Ganymède fait un doigt d’honneur en direction de l’objectif, à côté d’un président hilare, serré tout contre lui et manifestement très heureux d’être là.

    43574655_2130634893930494_2994566157865844736_n.jpgMais on n’a peut-être pas assez prêté attention à ce que notre tactile Jupiter a dit ensuite, pour se justifier, lorsque ses conseillers en image l’ont eu informé que ces clichés avaient déclenché une légère agitation populaire et médiatique, oh, bien surprenante.

    Ce qui est un tort, car le poids des mots présidentiels est bien plus grand, lorsqu’on y réfléchit, que le choc de ces photos 43346244_2130634990597151_6605843543028137984_n.jpgsidérantes. Les photos ont été prises à l’improviste, et peut-être sont-elles en quelque façon trompeuses, comme souvent les photographies peuvent l’être. Les mots ont été choisis. Ils expriment la pensée de cet homme étrange qui nous gouverne, tout en étant suffisamment peu travaillés pour échapper à cet art de l’ « en même temps » qu’Emmanuel Macron manie si bien et grâce auquel il est parvenu, pendant un temps, à donner à chacun ce qu’il avait envie d’entendre.

    Écoutons-les, ces paroles présidentielles :

    « Ce qui fait que je me suis battu pour être élu face à Marine Le Pen et que je suis là aujourd’hui, c’est parce que j’aime chaque enfant de la République, quelles que soient ses bêtises, parce que bien souvent, parce que c’est un enfant de la République, il n’a pas choisi l’endroit où il est né, et il n’a pas eu la chance de ne pas en faire. […] Marine Le Pen n’est pas avec le peuple […]. Marine Le Pen, c’est l’extrême droite, et l’extrême droite ce n’est pas le peuple. Je suis président de la République et je ne laisserai à personne le peuple. »

    Que nous apprennent ces deux phrases emberlificotées mais parfaitement intelligibles ?

    Tout d’abord qu’Emmanuel Macron considère comme du racisme les critiques qui lui ont été adressées à propos des photos puisque, dans le vocabulaire progressiste qui est celui de notre président, le nom « Le Pen » est synonyme de « raciste », et, de manière générale, de tout ce qui est très vilain, haineux, excluant, et qui ne partage pas les « valeurs de la République », pour reprendre un autre de ses termes favoris. On voit que tout le monde n’a pas la chance d’appartenir au peuple, au peuple de Macron, s’entend, au peuple qui lui appartient, donc, puisqu’il entend ne le « laisser à personne ».

    On peut en déduire aussi que, sans doute, Emmanuel Macron considère comme tout à fait normal de recevoir à moitié à poil le président de la République, de lui caresser le torse devant des dizaines de personnes et de faire ostensiblement un doigt d’honneur en sa compagnie. Tout à fait normal lorsqu’on est Antillais, s’entend, car on a connu Jupiter plus sourcilleux sur l’étiquette avec d’autres « enfants de la République ».

    Nous apprenons ensuite que Macron considère le braquage comme une peccadille, puisque le terme « bêtise » qu’il utilise fait référence au fait que l’un des deux individus avec lesquels il s’est laissé photographier sortait de prison pour braquage. Ce qu’était précisément le forfait pour lequel cet homme avait été condamné en 2015 à cinq ans de prison ferme, les journaux ne nous l’apprennent pas. Mais si le terme « braquage » n’a pas été utilisé à la légère (et le juge qui l’a condamné a visiblement considéré que les faits étaient graves), cela signifie qu’il avait commis un vol à main armée, ce qui, selon le code pénal, est un crime passible de 20 ans de réclusion criminelle. Pas exactement un vol de sucettes ou un recel de bâtons, donc, mais pour notre président cet « enfant de la République » a simplement fait une « bêtise ». Comme d’autres ont cassé la vaisselle à maman et ont reçu pour cela pan-pan cul-cul.

    Nous comprenons mieux l’indulgence dont a bénéficié Alexandre Benalla de la part du président.

    Mais cette équanimité devant le crime ne doit pas nous surprendre puisque, pour notre président, faire des « bêtises », c’est simplement la faute à pas de chance. Vous êtes né là, alors vous faites des bêtises. Vous braquez un magasin par exemple. Ce n’est pas de votre faute, vous n’avez pas eu « la chance » de faire autrement, c’est tout.

    Ou, peut-être, vous poignardez une vieille dame pour lui arracher son sac à main, et avant, pour faire bonne mesure et pour passer le temps, vous la violez. Ou quelqu’autre amusante « bêtise » encore. Parce que vous n’avez pas eu la « chance » de naître ailleurs, et qu’il n’existe aucune raison valable de cantonner l’excuse du « pas de chance » à certains méfaits.

    Vous avez dit culture de l’excuse ?

    Alors voilà, notre président, sachez-le, aime « chaque enfant de la République », ce qui prouve certes que son cœur est très vaste, mais, comme il est impossible d’aimer à l’identique les criminels et leurs victimes, et que son indulgence va manifestement à ceux qui ont commis des « bêtises », à ces pauvres « enfants » qui n’ont pas eu de chance, nous devons en déduire que ceux qui subissent ces bêtises n’ont pas droit à autant d’affection présidentielle. Ce qui est bien normal puisque, en général, les victimes demandent que justice leur soit rendue, c’est-à-dire que celui qui leur a fait du mal souffre à son tour. Mais puisque les bêtises, c’est la faute à pas de chance, une telle demande est assurément très méchante et, à tout le moins, ne doit pas être satisfaite.

    XVM157a9dc6-b6a7-11e8-93c1-0a2feb26def8.jpgCe qui est sans doute pourquoi l’action de Nicole Belloubet, au ministère de la Justice, ressemble si fort à celle de Christiane Taubira que seuls les observateurs les plus attentifs seraient capables de discerner une différence. Ce pourquoi aussi Emmanuel Macron a tranquillement renié sa promesse, faite pendant la campagne électorale, de construire 15 000 places de prison supplémentaires. Ce pourquoi, probablement, deux mois après les faits, notre très affairée président n’a toujours pas répondu à la mère d’Adrien Perez, poignardé à la sortie d’une discothèque, à Grenoble. Pensez donc, la malheureuse réclame justice… Ce pourquoi enfin, peut-être, son ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb s’est spectaculairement exfiltré du gouvernement : sans doute n’a-t-il pas très envie d’être comptable du bilan sécuritaire qui s’annonce.

    On dit parfois que certaines paroles sont lourdes de sens mais, lorsque ces paroles excusent implicitement le crime, et qu’elles sont prononcées au plus haut sommet de l’État, on pourrait tout aussi bien dire qu’elles sont lourdes de sang. Emmanuel Macron a peut-être fait, et dit, quelques « bêtises » durant sa visite aux Antilles, mais ce n’est certainement pas la faute à pas de chance. 

    Aristide Renou
    Politique magazine