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Rechercher : Rémi Hugues. histoire & action française. Rétrospective : 2018 année Maurras

  • L'affaire du professeur agressé de Juvignac, suites... (1/2).

                Nous en avons longuement parlé, mais il importe, quelque temps après, d'assurer une sorte de suivi de l'affaire, et de ne pas laisser retomber l'émotion qu'elle a suscitée.

                Voici donc, aujourd'hui et demain, le point en deux notes sur les derniers développements qu'a connus l'affaire de Juvignac....

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    I : Les remerciements du professeur agressé (transmis par Claire Polin, de SOS Éducation).

    Madame, Monsieur,

    Je vous écris pour vous transmettre les remerciements du professeur agressé à son domicile de Juvignac (Hérault), pour votre signature à la pétition de soutien. Vous saviez peut-être déjà que plusieurs membres de sa famille nous avaient remercié de notre mobilisation, mais sa belle-fille nous a demandé également de vous remercier de sa part à lui.En effet, bien qu'il soit soutenu par beaucoup d'instances, et que le procureur adjoint de Montpellier, Georges Guttierez, l'ait remis en liberté, il a été mis en examen pour « homicide volontaire » par le juge d’instruction. Autrement dit pour « meurtre ».

    Bien sûr, ce professeur, dont la version des faits coïncide parfaitement avec les constatations des gendarmes, devrait bénéficier rapidement d’un non-lieu. Reste qu'il n’a fait que protéger sa famille et qu'il se retrouve avec cette étiquette infamante, alors qu’une simple mise en examen pour homicide involontaire aurait suffi.

    Pour lui, un marathon judiciaire, à l'issue forcément incertaine, a commencé.

    D'abord, la famille de Saïd, son agresseur, conteste la thèse de la légitime défense. Certes, Boussa Ouamalik, le père du jeune homme, qui habite une petite cité à la périphérie d’Uzès, reconnaît que son fils « avait un différend avec son professeur ».

    "Pour nous, Saïd est allé là-bas, à Juvignac, pour règler ses comptes, dit-il. Depuis l’ann ée dernière, il nous parlait de ce prof…"

    D’autant que le jeune homme, qui avait repassé ses examens en septembre, venait d’apprendre qu’il était recalé, ce qui l’aurait rendu fou de rage. Le père de Saïd admet également que « le feu, c’est son mode opératoire », confirmant implicitement que son fils aurait pu se venger de l’enseignant en le faisant périr au milieu des flammes. Mais malgré tout, il réfute la thèse des enquêteurs.

    "On se pose plein de question, renchérit un oncle du garçon. Soyez sûr que ce professeur était au courant de la venue de Saïd. Je me demande même s’il n’a pas préparé sa réception. En plus, il n’a pas pu le tuer tout seul."

    En clair : Saïd serait tombé ce soir-là dans un guet-apens tendu par un enseignant machiavélique. Et l’oncle de conclure :

    "Je ne crois pas à cette histoire de légitime défense."

    L’avocat des Ouamalik, Me Jean-Charles Teissèdre, s’est constitué partie civile au nom de la famille. Lui aussi émet de sérieux doutes concernant la version des enquêteurs. Il rappelle que dans ses premières déclarations, l’adjoint au procureur avait un peu vite annoncé que Saïd était mort par strangulation, alors que l’autopsie a révélé qu’il a été victime d’une compression du cœur.

    "Comment fait-on pour tuer un homme à mains nues quand on n’est pas un spécialiste des sports de combats ? s’interroge-t-il. D’autre part, il sera important d’&eac ute;tablir à quel moment cette mort a eu lieu, et si elle pouvait être évitée."

    En ce qui concerne cette dernière question, la réponse est pourtant évidente : oui, la mort de Saïd aurait pu être évitée. Il aurait suffi pour cela que le jeune homme reste chez lui ce soir-là, au lieu d’aller attaquer, un pistolet à la main, une honnête famille d’enseignants que, dans son délire, il rendait responsable de ses échecs.

    Pour Me Jean-Robert Phung, l’avocat de l'enseignant, les arguments de la famille Ouamalik ne tiennent pas debout.
    Je suis certain que ce garçon qui avait trois litre d’essence sur lui n’est pas venu pour cambrioler, affirme-t-il. Le réflexe qu’a eu mon client, et qui s’est terminé par un drame, en a évité un autre, encore plus atroce : il a sauvé sa vie, celle de son épouse et de son fils. Mais avoir enlevé la vie à quelqu’un est une chose dont il ne se relèvera jamais.

    Comme il n’oubliera jamais ces minutes abominables durant lesquelles il a cru mourir, brûlé vif, avec toute sa famille. Il ne faut pas se tromper de procès. Si dans cette histoire, Saïd est mort, c’est bien le professeur et sa famille qui sont les victimes. Et l’enseignant attend aujourd’hui avec impatience le non-lieu qui lui rendra son honneur.

    « Pour l’instant, nous sommes paniqués à l'idée de retourner chez nous et nous n'envisageons pas d'y revenir. Sur le plan professionnel, je n'envisage pas pour le moment de donner à nouveau des cours, a fortiori dans des amphis où l'on se retrouve parfois face à 300 étudiants. Pour moi, je crois que les amphis, c'est terminé, alors que j'adorais ça. Cette réaction est liée au fait de savoir qu'"il" a été là, autrefois, dans mes cours d'amphi ; je penserai nécessairement à lui, cagoulé, en train de me regarder… » a-t-il expliqué dans le Midi Libre

    A l'heure où je vous écris, nous avons récolté 25 034 signatures à la pétition de soutien. Mais nous pensons que ce professeur mérite beaucoup plus que cela. Notre pays compte 980 000 enseignants, et 45 millions de citoyens en âge de voter. Il faut qu'ils expriment leur solidarité dans une telle situation.

    Beaucoup signeraient s'ils en avaient l'occasion. Alors merci d'aider ce professeur et sa famille en écrivant à tous vos amis pour leur demander de signer eux aussi la pétition.

    Il vous suffit de copier le lien ci-dessous, et de leur envoyer par courriel en leur demandant de cliquer dessus de toute urgence.

    http://soseducation.com/fichiers/Mis_en_examen_pour_s_etre_defendu.htm

    Pour relire l'appel à pétition, cliquez ici.

    Si vous souhaitez retrouver toute la chronologie de cette tragique histoire, vous pouvez lire ci-dessous

    Avec mes remerciements,

    Claire Polin
    Présidente

    www.soseducation.com - www.soseducation-leblog.com - 120 boulevard Raspail - 75006 Paris - 01 45 81 22 67.

  • Rencontre pape-patriarche à Cuba : le mur de Dioclétien va tomber

     

    C'est un événement, d'un point de vue historique et géopolitique, d'une importance majeure qu'évoque ici Jean-Baptiste Noé. Et l'analyse qu'il en donne nous semble d'un grand intérêt. D'un point de vue religieux, tout autant. Mais ce n'est pas celui où nous nous plaçons ici. Vendredi prochain, le pape François et le patriarche orthodoxe Kirill se rencontreront à La Havane et les implications géopolitiques de leur rencontre, telles qu'on peut les envisager, sont analysées ici remarquablement, nous semble-t-il, par Jean-Baptiste Noé [Figaro du 05.02.2016]. Nous en conseillons une lecture attentive.  LFAR  

     

    À Cuba, le mur de Dioclétien va tomber

    Les rues de Rome étaient parcourues par la rumeur depuis quelques jours : on espérait une rencontre entre François et Kirill lors du voyage du pape au Mexique. Moscou avait démenti, mais personne ne croyait vraiment cette dénégation. Quand la salle de presse du Saint-Siège convoqua pour 12h les journalistes pour communiquer une nouvelle importante, on comprit que Moscou pouvait passer par Rome. La rencontre qui se tiendra le 12 février prochain à La Havane est un entrechoque de l'histoire et de la géopolitique ; un événement historique majeur.

    Catholiques et orthodoxes : les Latins et les Grecs

    La fracture qui sépare les catholiques et les orthodoxes est d'abord culturelle et politique. La foi y a été conviée pour donner une justification théologique qui désormais n'a plus lieu d'être. La question du filioque est réglée, et les fidèles catholiques peuvent communier lors des messes orthodoxes, sous certaines conditions. La rupture entre Rome et Constantinople est d'abord d'ordre géopolitique. C'est la fracture entre la partie grecque et la partie latine du même Empire romain. C'est la fracture entre deux capitales, Rome et Byzance, qui ont lutté pendant des siècles pour affirmer leur primauté. C'est l'empereur Dioclétien qui, en créant la Tétrarchie, a officialisé la rupture politique et administrative de l'Empire entre l'Occident et l'Orient. Quand le christianisme se développe, il hérite d'une situation complexe où les Grecs méprisent les Latins, qui souffrent d'un complexe d'infériorité par rapport à leurs frères aînés dans la culture. Tous les conciles œcuméniques du premier millénaire se tiennent en Orient. La théologie chrétienne s'approfondit à Nicée, Antioche, Alexandrie, Constantinople. Saint Jérôme vient à Jérusalem pour traduire la Bible en latin, et saint Augustin regrette de ne pas parler le grec.

    En Occident, l'Empire disparaît et les structures se dissolvent. En Orient, l'Empire romain demeure. L'empereur qui siège à Constantinople est l'héritier des César. Charlemagne et les empereurs allemands jalousent celui qui porte la véritable pourpre.

    Au tournant de l'an mil la rupture est consommée, mais celle-ci était vivace depuis plusieurs siècles. Avec la chute de Constantinople en 1453 c'est Moscou qui reprend l'héritage de l'orthodoxie ; c'est elle la troisième Rome.

    Prémisses d'une réconciliation

    Il faut lire Taras Boulba de Gogol pour prendre la mesure du degré de haine qui a pu exister entre catholiques et orthodoxes, surtout en terres orientales où la foi recouvre les disparités ethniques. Polonais et Russes, Croates et Serbes ont longtemps été en conflit, revivant la fracture des Latins et des Grecs, actualisant le traumatisme du sac de Constantinople par les Vénitiens en 1204.

    C'est Léon XIII (1878-1903) qui comprend l'intérêt du rapprochement de Rome et de Moscou. Il opère une modernisation de la vision géopolitique du Saint-Siège. Le premier, il comprend que dans ce siècle de positivisme et de haine de la foi ,la fracture n'est plus entre Grecs et Latins, mais entre ceux qui se rattachent à Dieu et ceux qui dénient son existence. Nous sommes là au cœur des enjeux de la modernité actuelle. Entre Rome et Saint-Pétersbourg, les relations se réchauffent, le tsar invite même le pape à participer à des conférences internationales, ce que refuse l'Italie. La révolution bolchévique empêche le rapprochement, et l'espoir renaît en 1991.

    Benoît XVI a beaucoup fait pour la réunification des deux poumons de l'Église. Il a rencontré plusieurs fois Kirill avant que celui-ci ne devienne patriarche de Moscou si bien que, lors de la messe d'installation de François comme Pape, son bras droit était présent à Rome. C'était déjà une première. Le mur virtuel de Dioclétien séparant l'Empire entre Orient et Occident est en train de s'effriter.

    Cuba, épicentre de la géopolitique du Saint-Siège

    Que cette rencontre ait lieu à Cuba ne manque pas de surprendre. Il fallait un lieu neutre, le pape s'y arrêtera en allant au Mexique, et Kirill y sera présent pour une visite dans l'île. On peut supposer que la concordance des voyages n'est pas le fruit du hasard.

    Cuba, le lieu de l'affrontement terrible ente Kennedy et Khrouchtchev où le monde a failli basculer dans la guerre nucléaire. Cuba où a eu lieu une des révolutions communistes les plus sanglantes. Cuba, où la diplomatie pontificale s'est actionnée durant tout le siècle : Jean XXIII pour réconcilier États-Unis et URSS, Jean-Paul II pour une première visite historique, Benoît XVI pour asseoir la réconciliation, et François pour faire lever l'embargo. À La Havane en 2016, l'événement sera aussi important qu'à Berlin en 1989. Raul Castro, père et acteur d'une des révolutions communistes les plus sanglantes du XXe siècle, est aujourd'hui l'acteur de la plus grande révolution œcuménique de l'histoire. Voilà ce dictateur sanguinaire repenti qui scelle la rencontre de l'Orient et de l'Occident séparés depuis 1 000 ans. Quel retournement de l'histoire ! La terre du communisme athée, l'espérance des générations de mai 68 qui ont vu dans le Che et dans Castro leur salut, qui retourne à la foi et qui accueille les vicaires du Christ. Au moment de la crise des missiles, quel fou aurait pu espérer cela?

    L'Orient en sort changé

    La rencontre des Tropiques va changer le visage de l'Orient. Alors que l'Europe occidentale se coupe de la Russie et refuse de voir en Poutine un allié, la réconciliation de Moscou et de Rome va contraindre les chancelleries à revoir leur stratégie diplomatique, si elles ont une vision réaliste des relations internationales. Fin juin se tiendra en Crète un concile de toutes les églises orthodoxes. C'est la première fois que ce type de concile aura lieu. Seront notamment présents les patriarches de Moscou et de Constantinople. La question romaine sera un des sujets centraux de cette rencontre. La chute du mur du schisme à Cuba va faire circuler les grands vents de l'Orient. 

    Jean-Baptiste Noé

    Jean-Baptiste Noé est historien, auteur de Géopolitique du Vatican, PUF, 2015.

  • Alerte rouge sur le monde ... entre réalisme et illusions

     

    Après de longues vacances, la matinale de France Inter, est de retour, avec Patrick Cohen entouré des clercs de son équipe, habiles à dire le dogme. Celui du politiquement correct, bien-sûr. Pourquoi nous y intéressons-nous ? Tout simplement parce qu'elle est en France la première du genre et touche près de quatre millions d'auditeurs.

    Bernard Guetta aussi est de retour, dans un contexte mondial qui n'est pas rose du tout et met à la peine son optimisme messianique natif. Ainsi, depuis quelques lustres, s'est-il habitué à osciller entre réalisme contrit et illusions persistantes. Et c'est ce qu'il fait avec talent dans la chronique qui suit, d'hier jeudi. Fondamentalement, on le verra, les situations dictent son réalisme. Et ses remarques ne manquent pas d'intérêt. Ses illusions ? La démocratie à l'occidentale dans le monde entier, la marche inéluctable des peuples vers elle à travers leurs révolutions obligées, l'Union (européenne), réputée elle aussi irréversible et, in fine, la prétendue communauté internationale, la gouvernance de l'ONU, l'unité du monde, dans la paix et la prospérité, naturellement partagées.

    Réaliste Guetta l'est plus qu'Alain Minc, Hollande, Merkel ou Macron, quand il analyse la crise chinoise et les répercussions intérieures et extérieures, pas seulement économiques, mais aussi politiques, et géopolitiques, très graves et très profondes qu'elle peut avoir. Il a raison de signaler le risque que se rouvrent les plaies toujours à vif de l’histoire asiatique. Peu de politiques ou d'observateurs seront capables d'envisager l'avenir dans cette dimension, ne connaissant plus l'Histoire.

    Il est réaliste lorsqu'il souligne les actuelles difficultés de la Russie qui sont patentes. Mais il redevient idéologue lorsqu'il oublie de noter que les Etats-Unis et l'Europe les ont stupidement aggravées par leur politique systématiquement hostile à la Russie. Les sanctions que nous lui avons appliquées, nous autres Français et Européens, à l'instigation pressante des Américains, sont retombées comme en boomerang sur nos industries et nos agriculteurs. Elles nous ont nui probablement plus qu'aux Russes... « La seule arme dont [la Russie disposerait] est son pouvoir de nuisance sur la scène internationale qu’elle exerce aussi bien en Syrie qu’en Ukraine. » Mais comment accepter sans discuter une proposition aussi dogmatique - qui n'est, en fait, que polémique ? Que dire de notre politique en Syrie ? Et de notre interventionnisme actif dans les pays jadis sous domination russe ?      

    Réaliste, Bernard Guetta l'est encore lorsqu'il constate l'interminable chaos dans lequel le Proche-Orient s'enfonce toujours plus. Il néglige le fait que nous avons grandement contribué à l'y installer, par nos interventions désastreuses et ratées en Irak, en Afghanistan, en Libye .. Et par le mythe largement formé en Europe des printemps arabes, que nous aurions stupidement voulu appliquer à la Syrie, après qu'il n'ait été ailleurs qu'une illusion. On en voit, partout, les résultats.  

    Parmi ces derniers, l'invasion massive de l'Europe par ceux qui fuient misère et chaos. Oh ! Guetta ne peut manquer de constater le phénomène, qui bouscule ce havre de paix qu'est l'Union. Cette chère Union qui n'en est pas une, où chacun - chacun pour soi - hérisse partout des murs, des barbelés et des contrôles.   

    Alors, on verra comment Bernard Guetta guette les lueurs d'espoir. « L’Onu vient d’imposer un accord de paix au Soudan du Sud, la diplomatie tente de reprendre la main en Syrie, l’Europe pourrait bien sortir renforcée des épreuves qu’elle accumule. »  Etc.

    La vérité est toute simple : l'ordre du monde n'est pas ce que croit Bernard Guetta. Voilà tout.   Lafautearousseau 

     

     

    Si vous préférez lire ... 

    Alerte rouge sur le monde

    « On n’aime pas dire cela. Si vacillante soit-elle, il est infiniment plus utile au débat public de montrer la lumière au bout du tunnel que son inquiétante obscurité mais tous les voyants du monde, les faits sont là, sont au rouge.

    Dans l’ordre de gravité, il y a d’abord la crise chinoise. On peut vouloir la relativiser pour ne pas alimenter la panique des marchés. François Hollande, Angela Merkel et bien s’autres s’y emploient mais cette crise va s’approfondir, lentement mais sûrement, parce que la spectaculaire phase de croissance de la Chine a pris fin et que son régime de parti unique ne dispose d’aucune soupape de sécurité, ni sociale ni politique, pour canaliser le mécontentement puis la colère qui en découleront. Au-delà même des problèmes intérieurs qui s’annoncent, la déconfiture de la deuxième économie du monde aura des répercussions sur les cinq continents et le pouvoir chinois pourrait bien avoir, un jour, à tenter de se survivre en jouant du nationalisme et rouvrant les plaies toujours à vif de l’histoire asiatique.

    La Russie, deuxième sujet d’inquiétude, n’est pas en bien meilleure forme. Le pays le plus étendu du monde n’en finit plus de voir sa bourse et sa  monnaie dégringoler car les sanctions occidentales prises après l’annexion de la Crimée ont accentué de profondes difficultés structurelles liées au manque d’investissements et à une totale dépendance au cours des matières premières dont la crise chinoise va maintenant accélérer la baisse. La Russie ne sait pas où elle va, ne sait pas ce qu’elle veut, et la seule arme dont elle dispose est son pouvoir de nuisance sur la scène internationale qu’elle exerce aussi bien en Syrie qu’en Ukraine. 

    Ensanglanté, troisième problème, par les crimes du régime syrien et ceux de l’Etat islamique, le Proche-Orient paraît toujours plus s’enfoncer dans un interminable chaos. On le sait. Inutile de s’étendre sur ce chapitre mais la nouveauté, quatrième problème, est que les ricochets de ces conflits ont maintenant atteint l’Europe. Parce qu’ils n’ont plus d’autre moyen d’échapper à la mort et que rien ne les arrêtera donc, des centaines de milliers de réfugiés, hommes, femmes et enfants, se bousculent aux portes de ce havre de paix qu’est l’Union. 

    En coordonnant ses efforts, l’Union européenne pourrait parfaitement bien relever ce défi mais force est de constater qu’il met à l’épreuve la solidarité de ses Etats, révèle la lourdeur de ses processus de décision et nourrit ses nouvelles extrêmes-droites, promptes à dénoncer des terroristes en puissance dans ces malheureux qui, pourtant, fuient la terreur. 

    Tout cela ne veut bien sûr pas dire que l’apocalypse soit pour demain. La sagesse, après tout, a fini par prévaloir dans les négociations grecque et iranienne. L’Onu vient d’imposer un accord de paix au Soudan du Sud, la diplomatie tente de reprendre la main en Syrie, l’Europe pourrait bien sortir renforcée des épreuves qu’elle accumule mais, pour l’heure, non, il y a peu de lumière au bout du tunnel. » 

     

  • Société • Face au terrorisme islamiste, osons une riposte culturelle

     

    Par Louis Manaranche

    Les terroristes peuvent être à la fois des déséquilibrés et des islamistes, estime Louis Manaranche. Face à eux, une riposte culturelle est nécessaire. pour laquelle l'expérience des Chrétiens peut être essentielle.[Figarovox 20.07]

     

    Qui sont ces terroristes ? La réponse n'est jamais évidente et elle l'est encore moins dans le cas de Nice. Sur les réseaux sociaux, on s'écharpe pour savoir s'il s'agit d'un simple déséquilibré ou d'un authentique islamiste radical répondant aux mots d'ordre de Daech. Quelques voix, comme celle de Jean-Pierre Denis, se sont fait entendre avec raison pour souligner que les deux options n'étaient pas exclusives.

    La propagande de Daech, la fascination autour de sa vision totalisante et morbide de l'islam, troublent des esprits fragiles et leur donnent une forme et une modalité de passage à l'acte, sublimant celui-ci. La caricature d'identité religieuse qu'offre Daech vient répondre, tragiquement, au vide identitaire et aux fragilités humaines et sociales de personnes qui peuvent être aussi bien des Irakiens ou des Syriens que nos voisins de pallier. En France, Daech est devenu le miroir inversé de la société contemporaine. À la sécularisation répond un dieu tout-puissant vengeur, à l'émancipation féminine répond l'assujettissement, à un certain irénisme humaniste répond le culte de la guerre et de la violence.

    Mais que l'on ne s'y méprenne pas: il ne s'agit pas d'une «réaction» ordinaire. Les vidéos diffusées reprennent des codes connus des jeunes par le cinéma et les jeux vidéos, les technologies utilisées sont dernier cri, les pulsions exploitées sont les mêmes que dans les films gores ou pornographiques. Daech est une radicalisation résolument moderne. Qu'il s'agisse de l'hypertrophie de l'individu - l'ego des terroristes, prompts à faire des selfies macabres et à se faire connaître par les chaînes d'actualité est d'un narcissisme remarquable -, qu'il s'agisse de la fascination pour l'image ou encore de la sollicitation de la libido, tout est fait pour séduire une jeunesse ancrée dans son époque. En ce sens, Daech joue la carte de la séduction et non de la conversion authentique. Ce n'est pas avant tout ma vie qui doit changer, même pour se conformer à des règles rigoureuses qu'on est libre d'apprécier à sa guise, c'est un acte criminel qui vient, enfin, donner un sens à toute ma vie, souvent petite et décevante, parfois peu conforme, comme à Nice, aux principes censés la régir.

    Qu'il y ait, dans un certain ordre, une réponse militaire à cette vague de folie meurtrière qui déstabilise le monde entier et frappe particulièrement la France est une chose importante. Toutefois, une autre réponse est nécessaire. Il s'agit de la riposte culturelle. Que l'on ne croie pas que j'aie la naïveté d'imaginer qu'amener des jeunes en quête identitaire au TNP ou à l'Opéra soit la solution à tous nos problèmes. Non, la culture a un sens bien plus profond ; c'est une manière d'incarner l'humanité et d'habiter la terre, qui embrasse les dimensions politique et spirituelle. L'honorer passe par la transmission passionnée de notre patrimoine innervé par Athènes, Rome et Jérusalem, pour ce qu'il a d'éminemment vivant et non comme un étendard encombrant. Cela passe par l'éveil du sens critique et interprétatif au contact du livre et de l'oeuvre d'art, antidotes à l'image éphémère... La tension et la possible réconciliation entre la foi et la raison, l'articulation entre l'individu et la communauté, la question de la dignité égale de l'homme et de la femme sont autant de problématiques qui émergent alors, avec d'autant plus de pertinence qu'on les a saisies dans leur histoire.

    Dans ce contexte, les chrétiens ont, je crois, un rôle particulier à jouer, évidemment sans exclusive. À eux, d'abord, de montrer qu'une foi religieuse authentiquement vécue n'a rien à voir avec la radicalité islamiste violente. L'annonce de leur foi dans le Christ passe par ce premier témoignage. Une Église qui vit de la foi, de l'espérance et de la charité, si elle rayonne, rend encore plus hideux Daech et ses sbires. Mais il y a plus que cela. Avec les tenants d'autres traditions philosophiques et spirituelles, en refusant radicalement le quant à soi, les chrétiens ont la mission de montrer comment ils ont lentement co-élaboré un dialogue entre la foi et la raison, entre le spirituel et le temporel, entre le religieux et le culturel, qui n'est pas une compromission. La densité de cette réflexion et l'exigence de la quête de sagesse qu'elle permet, si on les prend au sérieux, devraient rendre inconcevable que l'on cherche le sens et l'ouverture transcendante de son existence chez les fondamentalistes barbares 2.0.

    Transmettre notre culture et en donner le goût, ne pas repousser hors du champ public la question spirituelle, offrir cet enracinement intelligent partout par l'éducation, telle est la condition du réarmement moral auquel on appelle. La tâche est ardue mais la petite espérance chantée par Péguy ne fait jamais défaut dans « la République, notre royaume de France »...

    Louis Manaranche

    Louis Manaranche est agrégé d'histoire et président du laboratoire d'idées Fonder demain. Son livre Retrouver l'histoire est paru en 2015 aux éditions du Cerf.

  • Crise sanitaire, crise civilisationnelle (1), par Michel Maffesoli.

    Au-delà de nos humeurs, craintes, convictions, réactions, consentement, toutes choses étant de l’ordre de l’opinion, il convient d’aller à l’essentiel. C’est-à-dire au-delà des apparences, ce que le poète nomme bellement « le clapotis des causes secondes », revenir à l’être des choses. En deçà des « médiations », de ces évidences déversées ad nauseam par l’intelligentsia, revenir à ce qui est immédiatement évident. Ce que la sagesse populaire a su formuler d’une manière lapidaire : tout passe, tout casse, tout lasse !

    3.jpegEn la matière, fin d’une modernité en bout de course. Saturation d’un ensemble de valeurs de plus en plus désuètes.

    Rappelons-nous, ici, une des étymologies du terme crise : krisis, comme le jugement porté par ce qui est en train de naître sur ce qui est en train de mourir. Cela, on l’oublie trop souvent, en réduisant la crise à son aspect économique. Simple dysfonctionnement de ce que mon regretté ami, Jean Baudrillard, nommait « la société de consommation », que quelques ajustements d’ordre politique ne manqueraient pas de corriger pour le plus grand bien de tous.
    C’est ainsi que l’on peut comprendre la « crise sanitaire » comme la modalité d’une crise sociétale en cours, d’un changement de paradigme bien plus profond.

    En d’autres termes, la crise sanitaire comme expression visible d’une dégénérescence invisible. Dégénérescence d’une civilisation ayant fait son temps. Civilisation dont le paradigme n’est plus reconnu. La matrice de l’être-ensemble est devenue inféconde.

    Le rationalisme à courte vue peut concéder qu’il s’agit là d’une allégorie quelque peu mystérieuse, voire mystique. Mais l’Histoire ne manque pas d’exemples en ce sens. Il y en a même à foison. Je me contente de rappeler la grande peste corrélative de la fin de l’Empire romain. La fameuse peste « antonine », en 190, tout en causant des millions de morts marqua le début de la décadence romaine.

    Et que dire de la « peste noire », appelée également « mort noire » qui, au XIVe siècle, fut corollaire de la fin du Moyen Âge ? La Renaissance devait lui succéder. Ce que les historiens nomment Black Death exprime bien le deuil qu’il convenait de faire vis-à-vis d’un ensemble de valeurs n’étant plus en adéquation avec un nouvel esprit du temps en gestation.

    Terminons-en avec la métaphore. Mais voilà fort longtemps qu’avec quelques autres, tout en subissant les foudres d’une intelligentsia apeurée, je pointe, souligne, analyse la décadence de la modernité. La fin d’un monde n’étant plus défendu que par des castes fières de leur supériorité illusoire continuant à seriner leurs fallacieuses élucubrations. Il s’agit là d’une « société officielle » de plus en plus déconnectée de la vie réelle. Et donc incapable de voir la dégénérescence intellectuelle, politique dont les symptômes sont de plus en plus évidents.

    Dégénérescence de quoi, sinon du mythe progressiste ? Je montrais, dès 1979, que corrélativement à l’idéologie du service public, ce progressisme s’employait à justifier la domination sur la nature, à négliger les lois primordiales de celle-ci et à construire un monde selon les seuls principes d’un rationalisme dont l’aspect morbide apparaît de plus en plus évident. La violence totalitaire d’un progressisme à la fois benêt et destructeur.

    J’ai dit qu’il convenait de s’attacher à l’essentiel. Le point nodal de l’idéologie progressiste, c’est l’ambition, voire la prétention de tout résoudre, de tout améliorer afin d’aboutir à une société parfaite et à un homme potentiellement immortel.

    Qu’on le sache ou non, la dialectique, thèse, antithèse, synthèse, est le mécanisme intellectuel dominant. Le concept hégélien de « dépassement » (Aufhebung) est le maître mot de la mythologie progressiste. C’est, stricto sensu, une conception du monde « dramatique », c’est-à-dire reposant sur la capacité à trouver une solution, une résolution à ce qui peut faire obstacle à la perfection à venir.

    Il est une formule de Karl Marx qui résume bien une telle mythologie : chaque société ne se pose que les problèmes qu’elle peut résoudre. Ambition, prétention de tout maîtriser. C’est l’économie du salut ou l’histoire du salut d’obédience judéo-chrétienne qui, dans les grands systèmes socialisants du XIXe siècle, deviennent « profanes » et vont inspirer tous les programmes politiques, gauche et droite confondues.

    C’est bien cette conception dramatique, donc optimiste, qui est en train de s’achever. Et, dans le balancement inexorable des histoires humaines, c’est « le sentiment du tragique de la vie » (Miguel de Unamuno) qui, à nouveau, tend à prévaloir. Le dramatique, je l’ai dit, est résolument optimiste. Le tragique est aporique, c’est-à-dire sans solution. La vie est ce qu’elle est.

    Plutôt que de vouloir dominer la nature, on s’accorde à elle. Selon l’adage populaire, « on ne commande bien la nature qu’en lui obéissant ». La mort, dès lors, n’est plus ce que l’on pourra dépasser. Mais ce avec quoi il convient de s’accorder.

    Voilà ce que rappelle, en majeur, la « crise sanitaire ». La mort pandémique est le symbole de la fin de l’optimisme propre au progressisme moderne. On peut le considérer comme une expression du mystique pressentiment que la fin d’une civilisation peut être une délivrance et, en son sens fort, l’indice d’une renaissance. « Index », ce qui pointe la continuité d’un vitalisme essentiel !

    À suivre.

  • Société • Mathieu Bock-Côté : « La gauche post-adolescente et le culte de Che Guevara »

     

    Par  Mathieu Bock-Côté

    TRAVAUX DIVERS - Largeur +.jpgDans cette chronique parue sur Figarovox [5.01] Mathieu Bock-Côté ne s'en prend pas tant à la figure de Che Guevara mort il y a cinquante ans qu'à la complaisance persistante des sociétés occidentales et de leurs élites envers l'héritage communiste, ce qui est significatif de la survivance bien actuelle de l'idéologie progressiste et de sa tendance naturelle, historique, au totalitarisme. A l'ère moderne, nous n'oublierons pas ici que, comme Patrick Buisson l'a rappelé récemment, ce totalitarisme d'Etat prend sa source dans la Révolution de 1789 et les crimes de la Terreur ...   LFAR  

     

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    La scène est fréquente sur les campus nord-américains, surtout dans les départements d'humanités ou de sciences sociales : un professeur entre dans sa classe et constate que certains étudiants portent un tee-shirt en hommage à Che Guevara. Il se peut même qu'il ne le constate même plus, tellement la chose est banale. À moins qu'il ne s'en réjouisse discrètement ? S'il se risque à demander à ceux qui se réclament ainsi du Che comment ils peuvent célébrer un homme qui a poussé très loin la compromission avec une des idéologies totalitaires du XXe siècle, il passera assurément pour un provocateur de droite malveillant. Le Che ne représente-t-il pas l'héroïsme rebelle ? Le professeur moqueur sera au mieux en droit d'ironiser sur le fait que le capitalisme a récupéré une figure révolutionnaire, à condition d'ensuite maudire l'empire marchand.

    Mais la gauche post-adolescente nord-américaine n'est apparemment pas la seule à se vautrer dans le culte du Che. On apprenait récemment qu'Anne Hidalgo s'y est elle-même pliée, dans le cadre d'une exposition en son hommage organisée à l'Hôtel de Ville de Paris, en qualifiant le révolutionnaire d'« icône militante et romantique ». Les plus indulgents y verront un signe de paresse intellectuelle chez une femme obsédée par l'idée d'incarner l'avenir de la gauche et qui, pour cela, s'approprie à peu de frais des symboles révolutionnaires. Mais il faut aller plus loin. Ce dont témoigne cette déclaration de la maire de Paris, c'est de la complaisance généralisée d'une bonne partie des élites intellectuelles et politiques pour la mémoire du communisme au XXème siècle.

    Officiellement, la gauche a fait son devoir de mémoire et convient des ravages du communisme. Elle ne résiste plus vraiment quand vient le temps de condamner ses crimes, même si on se souvient du tollé ayant suivi en 1997 la publication du Livre noir du communisme. On peut néanmoins croire sa conversion sincère, mais inachevée, car intellectuellement incomplète. Aujourd'hui, on conteste moins les crimes du communisme qu'on ne veut les relativiser en évoquant en même temps ceux du capitalisme ou du colonialisme. Mais surtout, on limite la mémoire négative du communisme à celle de l'URSS, de la Chine maoïste et du génocide cambodgien. Dès qu'il se place sous la bannière du tiers-mondisme, on se croit en mesure d'en sauver la meilleure part, comme s'il trouvait là des circonstances atténuantes.

    C'est ainsi qu'en novembre 2016 le premier ministre Justin Trudeau, qui ne se lasse jamais de faire la morale à tout le monde au nom des droits de l'homme, a confessé sa « profonde tristesse » devant la mort de Castro, avant d'avouer péniblement qu'il était aussi un dictateur. Il ressemblait en cela à son père, Pierre Trudeau, qui avait confessé en son temps son amitié pour Castro et son admiration pour Mao. En d'autres mots, le bilan du communisme ou de la complaisance devant lui demeure bien partiel, et il suffit de peu de chose pour l'excuser. Il n'est pas rare, d'ailleurs, qu'on fasse encore aujourd'hui porter à Staline la responsabilité principale et même exclusive des crimes du communisme, une légende que Stéphane Courtois vient de démonter à son tour dans une biographie consacrée à Lénine. L'historien démontre qu'il fut bien l'inventeur du totalitarisme en Russie soviétique.

    Cette mémoire trouble du communisme est particulièrement vivante en France, où un maoïste comme Alain Badiou passe étrangement pour un philosophe sérieux. Une frange importante de l'intelligentsia a cédé aux charmes du communisme et veut encore croire qu'elle s'est trompée pour de bonnes raisons. On chante encore de temps en temps ses idéaux pour relativiser l'expérience totalitaire, comme si elle était accidentellement criminelle. D'ailleurs, de nombreux réflexes idéologiques datant de cette époque ont survécu, notamment l'habitude de désigner comme réactionnaires les faits désagréables qui entrent en contradiction avec l'utopie progressiste du moment. Le multiculturalisme et les autres idéologies antioccidentales bénéficient aujourd'hui de la même clémence que le communisme hier.

    Il n'en demeure pas moins qu'Ernesto Guevara s'est complu dans les exécutions révolutionnaires, comme en témoigne son passage à la forteresse de la Cabana, et n'hésitait pas à les justifier au nom d'une lutte à mort contre le système. Mais il faut en convenir, ce n'est pas comme tortionnaire qu'il est passé à l'histoire, et la conscience collective semble réfractaire à le définir par son œuvre. Pour ses admirateurs, le Che semble incarner la part irréductiblement romantique de l'engagement communiste au XXe siècle, pour qui la révolution ne doit jamais s'arrêter et toujours allumer de nouveaux feux.

    Plus de cinquante ans après sa mort, il personnifie encore l'incandescence révolutionnaire et le consentement au sacrifice ultime, ce qui peut faire rêver dans une société portée au refroidissement des passions politiques. Ainsi, on ne sera pas surpris que le Che se soit trouvé des admirateurs même chez ses ennemis. Le sacrifice révolutionnaire exalte les fanatiques qui érotisent la possibilité de la mort violente. On oublie étrangement que le courage a trouvé d'autres visages moins portés sur le carnage.

    Ce fantasme romantique bute sur une réalité : commémorer positivement le communisme consiste à ne pas comprendre son caractère intrinsèquement totalitaire. Chanter la gloire du Che, c'est avouer malgré soi ne rien comprendre à ce qui s'est passé au XXème siècle. C'est le procès de l'utopisme comme tendance totalitaire de la modernité que nous tardons à faire.

    Celui qui croit avoir eu la révélation de la société parfaite et qui la pense validée scientifiquement se croira tout permis pour la faire advenir. Il transforme ses adversaires en ennemis de l'humanité : les forces vives du monde nouveau ne doivent en rien épargner le bois mort de l'humanité qui rappelle le monde d'hier. C'est l'histoire du communisme, qui est derrière nous, mais c'est encore aujourd'hui l'histoire du progressisme. Elle se poursuit sous de nouveaux habits idéologiques, qui, encore une fois, font perdre la raison à trop d'intellectuels.   

    Mathieu Bock-Côté

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007), de Le multiculturalisme comme religion politique (éd. du Cerf, 2016) et de Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).

  • J’ai honte des Français honteux, de Jacques de Guillebon.

    © Droit réservés. Comme la France.

    Source : https://lincorrect.org/

    Mon pays me fait mal, a-t-on envie de crier, mais ce serait citer un grand poète qui écrivait dans de mauvaises circonstances. Mon pays me fait quand même très mal, même si je ne peux pas l’écrire comme ça : mon pays, notre pays, la France, dont on se demande comment elle a pu en arriver là, à subir telle humiliation générale

    4.pngJ’ai honte et tous les Français, j’en suis sûr, avec moi quand l’imbécile patenté qui nous sert de ministre de l’Intérieur met symboliquement un genou en terre devant la criminelle famille Traoré. Car il n’y a pas de doute que cette famille soit intrinsèquement criminelle, petite entreprise mafieuse du coin dont, que l’on sache, aucun membre ne s’est jamais excusé publiquement pour les méfaits, crimes et délits commis de façon répétée et systématique par les autres. Cette famille peut être, par exception, globalement accusée, puisqu’elle fait bloc derrière son mort, comme un clan soudé. Soudé comme victime de la « violence policière », soudé donc aussi comme délinquant. Au vrai, cette famille qui, en sus d’emmerder ses voisins, de racketter et de violenter, insulte la France chaque jour
    mériterait d’être expulsée immédiatement vers son paradis sans racisme, sans méchants policiers et sans allocs. À moins qu’elle fasse repentance, publique et immédiate.

    Mais en soi, cette famille ne nous intéresse pas. Ce qui nous intéresse, c’est ce qui et qui nous a conduits à ça. Ce qui fait que notre lumineux et grandiose pays en ait été réduit à devoir s’excuser, par la bouche de représentants indignes. Mais s’excuser de quoi ? Arrivé ici, on cherche le transitif. S’excuser de la guerre raciale sur quoi sont fondés les États-Unis ? Pourquoi pas alors s’excuser du sort fait aux Ouïghours par le gouvernement de Pékin ? Pourquoi pas alors s’excuser du totalitarisme nord-coréen ? Pourquoi pas s’excuser de l’expulsion des fermiers blancs du Zimbabwé ? Pourquoi pas s’excuser de tout le malheur du monde ? Au moins ce serait fait. Mais ce serait oublier combien c’est inutile, parce qu’il n’y a de toute façon personne pour pardonner. Car cet univers est sans pardon. C’est en quoi on assiste à une montée aux extrêmes de la victimisation, puisque c’est la seule place valable et viable. Le chrétien sait qu’il peut demander pardon parce qu’il sera vraiment pardonné. Ici, rien : s’excuser, c’est devenir esclave, esclave pour l’éternité de la victime supposée ou autodéclarée.

    Or, nous n’avons nullement l’intention, nous autres Francs, de devenir esclaves de qui que ce soit. Nous autres Francs et catholiques, si nous avons aboli au moins trois fois l’esclavage (dans l’empire romain, dans nos îles et dans le monde arabe) au cours de notre histoire, ce n’est pas pour en devenir à notre tour l’objet. Comme toujours dans ce monde de lâches, et de lâches parce que de fils sans pères, sans maîtres, sans éducation, on reste stupéfait quand par extraordinaire et par le fruit d’une vieille coutume point encore abolie, une correction est administrée au délinquant. Au-delà du cas de Traoré, à l’évidence un tragique accident, que se coalisent racaille des banlieues, extrême gauche, antifas, féministes de toute couleur de cheveux, passeurs de migrants autorisés, bourgeois de gauche de sciences po morts d’ennui et maintenant membres du gouvernement pour s’étonner que l’arrestation d’un criminel soit un peu violente laisse pantois.

     

    Or, nous n’avons nullement l’intention, nous autres Francs, de devenir esclaves de qui que ce soit. Nous autres Francs et catholiques, si nous avons aboli au moins trois fois l’esclavage (dans l’empire romain, dans nos îles et dans le monde arabe) au cours de notre histoire, ce n’est pas pour en devenir à notre tour l’objet.

     

    Faisant cela, M. Castaner touche le pouvoir au coeur, en lui déniant l’emploi de la violence légitime. On a commencé par délester l’Église de sa puissance morale, puis on a ôté au maître d’école son autorité, il est affreusement logique qu’on retire aujourd’hui au policier sa matraque : on ne sait jamais, il risquerait de faire mal à quelqu’un. Demain, comme faisaient les traîtres communistes pendant la guerre d’Indochine, on enverra à nos soldats de Barkhane des grenades sabotées, des fusils à fleur et des bombes à eau. On ne sait jamais, ils pourraient blesser quelqu’un avec leurs armes. Puis, comme d’habitude, le recours à la violence sera le seul fait du syndicat du crime, des mafias locales, des gangs rapaces. Le Français deviendra une race d’esclaves.

    J’ai honte de ces Français honteux. J’ai honte de ce que l’on a fait de nous. Et plus loin que les pathétiques messieurs Macron ou Castaner, j’ai honte de nous tous qui avons accepté cela, car, comme Éric Zemmour l’a ramassé en une formule, derrière chaque idiotie de Castaner il y a Julien Dray. Honte que depuis quarante ou cinquante ans, nous ayons avalé infantilement la becquée de l’antiracisme, de l’anticolonialisme et de la culpabilité collective. Au fond, la seule erreur du conservateur est d’avoir un passé, et de l’avoir voulu connaître et poursuivre. Les peuples sans passé seront condamnés à gagner demain, puisqu’il ne peuvent faire l’objet de reproche.

    Mes aïeux Surcouf dont des crétins atterrants veulent déboulonner les statues, ont certes été des négriers d’occasion, puisqu’ils vendaient tout ce qui leur tombait sous la main. Mais leur gloire ne vient pas de là : leur gloire vient de leur art de la guerre, des défaites sublimes qu’ils ont infligées à l’Anglais, sur les pontons de qui ils ont d’ailleurs mangé le pain d’angoisse, leur gloire vient de leur contribution à la plus grande France, leur gloire vient des rêves qu’ils ont donnés aux petits garçons pour mille ans. Mais qui sait si ce n’est pas la famille Traoré qui leur a vendu des esclaves ? Hélas, elle n’a pas assez d’état-civil pour remonter jusque là. Alors que moi si. C’est donc ma famille, mon pays qui ont fait l’histoire, et qui ayant donné à tous les Traoré du monde un état-civil, une langue, une maison, des vêtements, une conscience politique, des allocations, devront payer pour cela. C’est un meurtre du père. Car le « blanc » est le père de tous. Et à ce titre il devra mourir.

    Peut-être, on verra bien. Mais pour ma part, ce ne sera pas sans combattre. Et ce sera sans honte. Et dans l’honneur des hommes debout, monsieur Castaner.

     

    Par Jacques de Guillebon

  • Ballon rouge, par Marie-Hélène Verdier.

    Marche pour le climat du 21 septembre 2019 à Paris

    Source : https://lincorrect.org/

    Alors que les élections municipales ont donné une large victoire aux Verts dans les grandes villes de France, Marie-Hélène Verdier revient sur les dérives de l'idéologie écologiste qui n'a rien à voir avec la saine écologie intégrale naguère prônée par le pape Benoît XVI.

    Durant le confinement, les seules enseignes lumineuses des rues étaient, avec celles des bureaux de tabac, les croix vertes des pharmacies. La vague des municipales aurait-elle un rapport avec cette couleur ambivalente, anxiogène et rassurante, qu’est le vert ? Depuis un demi-siècle le vert est monté en puissance et jamais l’expression « conversion écologique » n’a si bien convenu à la nouvelle religion à laquelle communie l’Europe entière.

    À la Start up nation en panne, les Français ont donc opposé, via une gauche plurielle, une Green attitude. Mais à quoi bon, un vote écolo ? Qui n’est pour l’air pur, les plages sans plastique ? Les enjeux environnementaux ne sont pas l’apanage du parti vert. Hulot a quitté le gouvernement. On dira qu’il n’y a pas eu de Greenwashing et que les leçons de ces élections sont l’abstention et le retour de la gauche plurielle. Certes, mais le parti vert est faiseur de rois. Et l’idéologie qui le sous-tend, une menace.

    Une idéologie s’inscrit dans le temps long et se nourrit de l’air du temps. Elle a une philosophie, ses slogans, ses emblèmes ses Useful idiots. Toute couleur, de son côté, a une valeur symbolique. Jusqu’au XXe siècle, le vert, couleur froide, des sorcières et des corps en décomposition, portait malheur. Fin du XIXème siècle, il entre dans les villes, via l’Angleterre, ses parcs et ses peintres. Au XXème siècle, avec la révolution écologique—squares, ceintures vertes, fontaines Wallace — il devient la grande couleur hygiénique et médicale, morale et politique. Avec Greenpeace, il entre au Parlement européen. Depuis 1970, on voit et vit la vie en vert : on mange de l’herbe, on boit du thé vert, on trie, on aime en vert. On privilégie des produits aux labels bio ou organic. Plantez un arbre sur votre balcon : la vue du vert fait baisser la pression artérielle.

    Jusqu’au XXe siècle, le vert, couleur froide, des sorcières et des corps en décomposition, portait malheur. Avec Greenpeace, il entre au Parlement européen.

     L’écologie politique est une nébuleuse philosophique ( « le passage de l’histoire subie à l’histoire conçue ») , sentimentale et romantique (l’amour de la nature et des animaux), progressiste, qui recycle toutes les idées : la biodiversité, la défense des minorités, les phobies, la pensée décoloniale, l’immigration, et soutient une forme d’islamisme politique au nom du vivre ensemble. Dans les faits, c’est un parti mondialiste reposant sur « un capitalisme vert » qui inaugure un cycle nouveau de croissance, avec le développement renouvelable.

    Mais c’est dans le domaine sociétal, moral, religieux qu’on voit le mieux l’intégrisme vert de la deep ecology qui lui est congénital. La deep écology fait table rase de la nature humaine : au nom de l’égalité des hommes et des femmes, des espèces, des règnes, le droit des animaux est mis à égalité avec « les droits humains » ; l’avortement tend à devenir un droit fondamental, et la migration, un droit. Elle prône le déracinement, la libre circulation de tout sous les vents éoliens du désir et du marché. Les visions prophétiques de Jacques Attali sont révélatrices de cette philosophie erratique.

    Cette idéologie a une complicité avérée avec le libéralisme le plus brutal dont on voit l’application avec le marché de la PMA-GPA.

    En réalité, cette idéologie a une complicité avérée avec le libéralisme le plus brutal dont on voit l’application avec le marché de la PMA-GPA. La propagande de cette idéologie se fait via les lobbys gays qui tissent, sur l’Europe entière, une toile impressionnante dont les écolos bobos sont les Useful idiots en propageant, dans les esprits, l’idée que le don de sperme c’est comme le don du sang : c’est bon pour la planète. On l’aura compris : le transhumanisme puise une source vive dans  la deep ecology.

    Benoît XVI en employant les mots « écologie intégrale », et l’expression « décalogue de l’environnement » ne se doutait pas de l’exploitation qu’on en ferait. Par les termes « écologie intégrale », il croyait renforcer l’alliance entre l’être humain et l’environnement qui doit être le miroir de l’amour créateur. Sauf que Dieu n’est pas Baruch et la Nature n’est pas Dieu. De même, la protection « du plus faible » inclut un droit à la migration dénué de sens. Le Pape Benoît avait pointé les dérives de l’idéologie écologiste qui place la nature au-dessus de l’homme. Sauf que, tombée dans le langage commun, l’expression « écologie intégrale de l’homme » en arrive à faire oublier l’acte créateur de Dieu qui, dans la Genèse, sépare les éléments par sa Parole ordonnatrice et féconde qui se fait Logos puis Verbe incarné dans le Christ, lequel récapitule tout en une Création nouvelle. Au lieu de cela, la Révélation fait place à une religiosité de l’amour coupée de Dieu : le vivre ensemble. On revient au panthéisme. Au nom de l’amour pour tous, la PMA entre dans les esprits.

    Le Pape Benoît avait pointé les dérives de l’idéologie écologiste qui place la nature au-dessus de l’homme.

    Lors de la journée de l’écologie, en 2017, la façade de Saint Pierre a été illuminée non pas avec des figures de l’histoire Sainte mais par des images de zoo, de singes, de perroquets, de primates : l’illumination de cette chaîne du vivant fut financée par les banques américaines dont la Banque Mondiale. Notre Mère la Terre est mise à l’honneur par tout un courant catholique actuel.  La Pacha Mamma est entrée dans les jardins du Vatican avant de finir dans le Tibre d’où elle fut repêchée. Tout cela entre en résonance avec un air du temps écolo. Derrière sainte Greta, la planète s’agenouille. L’Assemblée l’a écoutée religieusement, le 23 janvier 2019. La CEDH remplace le Tribunal de la Grande Inquisition en condamnant les pays (encore aujourd’hui, la France)  qui ne respectent pas « le droit » des peuples à migrer.

    Tout le monde connaît Babar, ce personnage de BD né entre les deux guerres. Babar a un costume couleur de printemps, une chemise blanche et un nœud papillon. Il est honnête et placide. Un dessin de Jean de Brunhoff montre sa troupe joyeuse dont un éléphanteau porte une pancarte « Vive le bonheur ». Mais le bonheur —cette idée neuve en Europe au XVIIIème siècle— s’est dégradée et recyclée dans les désirs les plus marchands. Elle drague les bobos des villes, les paumés et les nantis. La vérité est que le parti écologiste est le produit d’une élite mondialisée,  matérialiste, de cadres sans frontières ni états d’âme.

    Ce n’est pas un hasard si les tapis de jeu et de foot sont verts : le vert est la couleur du destin. C’est surtout une couleur chimiquement instable sous des apparences de printemps du monde. Au musée d’Orsay, un beau tableau de Félix Vallotton, le Ballon, montre un enfant courant sur une étendue d’un vert sombre, après un ballon rouge, dans une atmosphère menaçante.

  • Sommes-nous à la veille d’une révolution ?, par Christian Vanneste.

    Selon les gauchistes, la révolution doit faire tomber le régime, la société même, comme des fruits mûrs. Rares sont cependant les fruits de cette espèce qui tombent sans qu’on les pousse un peu tant l’inertie du conformisme l’emporte sur l’ardeur du changement. Cette résistance à la chute est due à ce que Richard Nixon avait appelé la « Majorité silencieuse ». Cette formule est très significative. Elle implique que dans une société donnée, ce sont les minorités qui parlent et qui agissent. Une démocratie n’est donc qu’une apparence dans la plupart des cas puisque la majorité du peuple ne s’exprime que périodiquement.

    christian vanneste.jpgDans l’intervalle, ce sont des minorités qui gouvernent, ou s’opposent au gouvernement avec l’espoir de le remplacer à l’occasion d’une élection, ou de manière plus radicale, en désirant renverser le régime, voire bouleverser la société. Certains pays, comme la Suisse, s’approchent de l’idéal démocratique, qui permettent à la majorité de s’exprimer très souvent à travers des référendums, d’autres s’en éloignent par l’organisation de scrutins, plus ou moins espacés, destinés à élire des responsables politiques, plus ou moins « représentatifs », cette notion elle-même étant discutable. Dans tous les cas, l’opinion publique est conditionnée par des moyens de formation et d’information détenus par des minorités. Lorsqu’il y a adéquation entre la minorité qui tient le gouvernement ou plus largement domine le système et celle qui détient les leviers de la pensée par la censure ou par la propriété, il faut des circonstances exceptionnelles, comme une guerre calamiteuse ou une crise économique considérable, pour faire tomber le régime et transformer la société. Ainsi en a-t-il été de la Russie tsariste en 1917, passée en quelques mois entre les mains des bolcheviques qui n’étaient nullement majoritaires dans le pays, ni même parmi les révolutionnaires malgré leur dénomination trompeuse.

    Bien d’autres révolutions eurent lieu effectivement parce que l’inertie de la majorité silencieuse a été bousculée par la réunion de trois facteurs : d’une part, la minorité au pouvoir était affaiblie de l’intérieur par la corruption, par les contradictions entre l’idéologie proclamée et les comportements des gouvernants, en second lieu, les moyens de diffusion de la pensée étaient détenus par des opposants de telle sorte que des idées nouvelles favorables à un changement l’emportaient jusque dans la sphère dirigeante, et enfin une minorité de rupture existait qui saisirait l’occasion, celle d’une guerre ou d’un mouvement de foule, par exemple, pour s’emparer du pouvoir. Il a fallu trois ans pour que les Jacobins instaurent la République en France. La monarchie est tombée comme un fruit mûr. Quelle qu’ait été pendant un siècle encore l’opinion majoritaire qui permit à des majorités monarchistes de l’emporter lors d’élections, et à des régimes monarchiques de se succéder, on n’est jamais parvenu à accrocher à nouveau le fruit à son arbre. 1792 a toujours fini par s’imposer jusqu’à faire croire que la République était le stade ultime de l’histoire de France, une République assagie par rapport à la Terreur, certes, mais bourgeoise et brandissant toujours ses vieux idéaux concoctés dans des cénacles étroits.

    La France connaît-elle à nouveau une période révolutionnaire ? Les éléments en sont réunis : La caste dirigeante n’inspire plus aucune confiance et ne s’appuie plus sur aucune conviction. Elle passe d’une mode idéologique à une autre et croit faire preuve d’ouverture quand elle révèle sa vacuité. Peu à peu ses « valeurs » explosent et se transforment en leurs contraires sans même que ceux qui s’y réfèrent paraissent s’en apercevoir. La liberté n’est plus l’autonomie rationnelle du citoyen qui lui permet de choisir la loi à laquelle il obéira, mais la libération des désirs, l’émancipation des individus, des communautés. L’égalité n’est plus celle des droits entre les citoyens, l’égalité des chances, mais celle des individus sans considération pour leurs mérites. La laïcité n’est plus la neutralité de l’Etat face aux croyances spirituelles, mais la négation active de celle qui est liée à l’identité même du pays. Au nom de l’urgence climatique ou sanitaire, de la lutte contre le racisme, on multiplie les interdits. La liberté recule tandis que l’égalité ne se limite plus à l’effacement des hiérarchies même indispensables mais à leur inversion selon le principe de la discrimination positive. La formation et l’information sont les vecteurs de ce renversement. La censure a changé de camp. Les groupes minoritaires réclamaient leur droit à la parole face au courant majoritaire, conservateur du socle de valeurs sur lequel repose notre société. Désormais ce sont ces groupes qui ont envahi les plateaux des chaînes d’information, les salles de conférence des universités, et les livres d’histoire qui interdisent aux conservateurs de s’exprimer. C’est ainsi que Sylviane Agacinski a été censurée à l’université Bordeaux Montaigne (UBM) parce qu' » il serait dangereux d’offrir une tribune à une personne digne de la manif pour tous ». De procès perdu en procès gagné, Zemmour a offert un bel exemple de résistance à ce renversement grâce au soutien d’un large public, mais il ressemble terriblement à une exception qui confirme la règle quand on voit la quantité de nullités qui ont le droit de s’exprimer sous prétexte par exemple que la couleur de leur peau n’est pas majoritaire en France. Le désir d’abattre les statues qui jalonnent l’histoire de notre pays atteint le paroxysme de ce mouvement suicidaire : la Voix du Nord retranscrit sans réserve la volonté d’une poignée d’excités de faire tomber la statue du Général Faidherbe à Lille en oubliant que celui-ci a évité par ses combats l’occupation du Nord par les Prussiens en 1870, après avoir été Gouverneur du Sénégal et avoir à ce titre développé cette région de l’Afrique. Quand bien même le second point serait discutable, le premier ne l’est pas.

    L’addition des minorités ne constitue pas une majorité de gouvernement : on n’imagine pas une alliance entre les LGBT, les islamistes, les antiracistes, et les antifas dont les revendications sont souvent contradictoires. Il y a quand même une convergence de fait pour affaiblir notre société, son unité, son identité, démoraliser sa population. C’est là un terreau révolutionnaire dont un jour ou l’autre une minorité organisée pourrait profiter, car le fruit trop mûr, pourri sur sa branche, sera prêt à tomber.

  • Dédié à Assa Traoré et aux siens : parler du passé esclavagiste, oui; mais, aussi et surtout, du présent esclavagiste...

    Oui, il y a des pages sombres dans l'histoire de l'Europe en général, et de la France, en particulier. Nous savons les regarder en face, comme la cruelle Guerre des Camisards ou les Guerres de religion ou... la traite négrière.

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    Par contre, Assa Traoré, l'égérie du Gang, ou Christiane Taubira aiment bien parler de l'esclavagisme des blancs et tout et tout; mais elles ne parlent jamais de celui qui perdure encore aujourd'hui : c'est bizarre, non ?

    Nous n'avons évidemment aucune raison d'être fiers de ce que "le commerce triangulaire" ait existé; au moins y avons-nous mis fin depuis belle lurette et, depuis belle lurette aussi, aboli l'esclavage, ce que des pays d'Afrique et/ou musulmans n'ont pas fait, eux qui pratiquent encore couramment la traite négrière aujourd'hui.

    Eh, oui, dame Traoré, dame Taubira, l'abolition de l'esclavage, cela concerne l'Europe, et pas tant et tant de pays autres, dont vous ne parlez jamais : on peut savoir pourquoi ?

    Pour nourrir le débat, voici l'intégralité de notre feuilleton que vous pourrez lire la semaine prochaine (n° 125 de "L'aventure France racontée par les Cartes"...), mais que nous avons "détaché" aujourd'hui, afin de coller à une actualité brûlante et vociférante...

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    Le "commerce triangulaire" - également appelé la "traite atlantique" - et qui, de fait, est la traite négrière, est incontestablement une page sombre, et peu glorieuse, de l'histoire de France, en particulier, et de l'histoire du continent européen, en général.

    Au moins peut-on considérer que, d'une certaine manière, les peuples européens se sont rachetés en mettant fin à cette horreur, l'abolition de l'esclavage ne concernant qu'eux seuls, alors que l'esclavage et la traite négrière subsistent encore, de nos jours, ailleurs qu'en Europe...

    "L'infâme trafic" était particulièrement lucratif :

    les bateaux partaient depuis Nantes, Saint-Nazaire, Le Havre, Bordeaux... chargés de tissus, d'armes à feu, d'alcool, de verroterie...
     ils allaient échanger ces produits en Afrique, notamment du côté du Niger ou du Bénin, contre des esclaves noirs...
    puis ils repartaient en Amérique, pour vendre ces esclaves, et rapporter des produits tropicaux tels que le sucre, le café, le cacao, le coton...
    Ces produits étaient ensuite ramenés en Europe.
    C'est ce commerce, qui se déroulait en trois étapes (Europe, Afrique et Amérique), qui se nomme "commerce triangulaire".

    Quelques chiffres :


    Du XVIème au XIXème, on estime qu'environ 12,5 millions d'esclaves ont été embarqués de force d'Afrique pour l'Amérique par des Européens (environ 10-11 millions sont arrivés en Amérique).
    Les principaux pays européens ayant participé à la traite transatlantique sont le Portugal avec environ 5 millions d'esclaves, la Grande-Bretagne avec environ 3 millions d'esclaves et la France avec un peu moins de 1.500.000 esclaves déportés...

    Cette dure réalité ne doit évidemment pas être occultée.

    On se gardera, cependant, de tomber dans le travers de certaines bonnes âmes qui, si elles n'ont pas de mots assez durs pour condamner cette traite négrière - qui doit l'être, en effet - oublient deux choses importantes, dans leur critique à sens unique de la France et du monde européen.

    1. D'abord, ces bonnes âmes, généralement recrutées dans les milieux auto-proclamés "progressistes" et "éclairés" oublient que notre République idéologique honore, en conservant ses cendres au Panthéon ("Aux grands hommes, la Patrie reconnaissante"...) un certain Voltaire qui, antisémite furieux, était aussi joyeusement raciste. En témoigne, entre autres, ce propos :


    "Nous n'achetons des esclaves domestiques que chez les nègres. On nous reproche ce commerce. Un peuple qui trafique de ses enfants est encore plus condamnable que l'acheteur. Ce négoce démontre notre supériorité. Celui qui se donne un maître était né pour en avoir". (Voltaire, Essai sur les moeurs et l'esprit des nations, 1756).

    Et aussi :


     "Leurs yeux ronds, leur nez épaté, leurs lèvres toujours grosses, leurs oreilles différemment figurées, la laine de leur tête, la mesure même de leur intelligence, mettent entre eux et les autres espèces d'hommes des différences prodigieuses. Et ce qui démontre qu'ils ne doivent point cette différence à leur climat, c'est que des Nègres et des Négresses transportés dans les pays les plus froids y produisent toujours des animaux de leur espèce." (Voltaire, Essai sur les moeurs et l'esprit des nations, 1756).

    Ou encore :


     "Il n'est permis qu'à un aveugle de douter que les blancs, les nègres, les albinos, les Hottentots, les Lapons, les Chinois, les Amériques ne soient des races entièrement différentes..." (Essai sur les moeurs et l'esprit des nations, 1756).


    On notera juste - comme le fait remarquer avec pertinence le site Hérodote.net - qu'en croyant constater l'existence de "races entièrement différentes", Voltaire prend ici le contre-pied du christianisme qui, depuis Saint Paul, n'a de cessé de proclamer l'unité de la condition humaine.
    Il rompt avec ses prédécesseurs en pensée, généralement indifférents au concept de race.
    Il annonce aussi les théories scientistes du XIXe siècle qui, libérées du poids de la religion, assimilent les hommes à une espèce parmi d'autres...

    2. Ces mêmes bonnes âmes - telle une Christiane Taubira - se montrent d'un parti-pris vraiment étonnant. Christiane Taubira a cru, ainsi, pouvoir déclarer :


    "...Il ne faut pas trop évoquer la traite négrière arabo-musulmane, pour que les "jeunes Arabes" ne portent pas sur leur dos tout le poids de l’héritage des méfaits des Arabes..." (!).


    Il y a, maintenant, une "Loi Taubira" sur l'enseignement de l'esclavage, qui ne reconnaît que "...la traite négrière transatlantique ainsi que la traite dans l'océan Indien d'une part, et l'esclavage d'autre part, perpétrés à partir du XVème siècle, aux Amériques et aux Caraïbes, dans l'océan Indien et en Europe".


    Ce à quoi l’anthropologue et économiste Tidiane N’Diaye, spécialiste des civilisations négro-africaines et de leurs diaspora, répond dans "Le Génocide voilé" :

    "Les Arabes ont razzié l’Afrique subsaharienne pendant 13 siècles sans interruption.
    La plupart des millions d’hommes qu’ils ont déportés ont disparu du fait de traitements inhumains.
    La traite négrière a commencé lorsque l’émir arabe Abdallah ben Saïd a imposé aux Soudanais un accord en 652 les obligeant à livrer annuellement des centaines d’esclaves.
    Ce fut le point de départ d’une énorme ponction humaine qui devait s’arrêter officiellement au début du XX° siècle...
    Sous l’avancée arabe,… des millions d’Africains furent razziés, massacrés ou capturés, castrés et déportés vers le monde arabo-musulman.
    Cela dans des conditions inhumaines, par caravanes à travers le Sahara ou par mer, à partir des comptoirs à chair humaine de l’Afrique orientale..."

    lafautearousseau

  • Sur Le Figaro, Notre-Dame vers une reconstruction à l'identique.

    Source : https://www.lefigaro.fr/

    Tandis que l’immense échafaudage est en train d’être démonté, au cœur de la cathédrale, il faut pourtant prendre une décision politique rapidement. Et annoncer, officiellement, si on restaure la cathédrale dans son épure; ou si l’on s’autorise une touche contemporaine. Refaire une toiture en plomb? Une charpente en bois? En béton? Une flèche moderne? Et avec quelles contraintes pour le bâtiment? Ces partis pris de restauration restent en suspens, et avec eux, l’avenir d’un des monuments qui a fait l’histoire de Paris.

    Quant à l’idée d’un concours, elle s’est, lentement mais sûrement, enlisée dans les sables du réalisme et de la faisabilité. Les meilleurs experts l’admettent désormais, en privé: il est presque trop tard, si on veut tenir la date de 2024, pour organiser un concours en bonne et due forme.

    Tandis que l’immense échafaudage est en train d’être démonté, au cœur de la cathédrale, il faut pourtant prendre une décision politique rapidement. Et annoncer, officiellement, si on restaure la cathédrale dans son épure; ou si l’on s’autorise une touche contemporaine. Refaire une toiture en plomb? Une charpente en bois? En béton? Une flèche moderne? Et avec quelles contraintes pour le bâtiment? Ces partis pris de restauration restent en suspens, et avec eux, l’avenir d’un des monuments qui a fait l’histoire de Paris.

    Ce jeudi après-midi, les experts de la Commission nationale de l’architecture et du patrimoine se réunissent en grand conclave, dans un auditorium du ministère de la Culture. Instance savante dont les avis sont consultatifs, la commission commencera par écouter longuement Philippe Villeneuve, l’architecte en chef en charge de Notre-Dame. Pendant des mois, il a rédigé une étude d’évaluation, et fixé des éléments de réflexion, pour alimenter les débats. Personne n’ignore qu’il a toujours plaidé pour une restauration à l’identique.

    Son argumentaire fait plus de 3.000 pages, ce qui laisse augurer de la complexité de l’affaire. Après son exposé, Villeneuve sera prié de quitter les lieux, et les discussions s’ouvriront. Pour qui connaît cette commission, peuplée d’ardents défenseurs du patrimoine, elles devraient pencher du côté d’une restauration de la flèche «dans son dernier état connu», c’est-à-dire, celui de Viollet-le-Duc. «Il est possible que l’on ferraille sur le cas de la charpente: pourquoi, en effet, remettre un matériau hautement inflammable, alors que l’on a fait mieux depuis?», glisse toutefois un des membres.

    Déjà, fin juin, les 14 personnalités du conseil scientifique de l’établissement public pour la restauration de Notre-Dame, étaient tombées d’accord pour que Paris retrouve la silhouette iconique de la cathédrale. Il faut dire que dans ce conseil siègent non seulement Benjamin Mouton, ancien architecte de Notre-Dame, mais encore Jean-Michel Léniaud, un des meilleurs spécialistes d’Eugène Viollet-le-Duc. C’est lui qui avait réussi ce tour de force de réunir 1170 conservateurs, architectes et historiens, pour rédiger une tribune appelant le président de la République à «la prudence» et «au sens des responsabilités», face à un enjeu dépassant «tout le monde».

    Publié dans Le Figaro, le texte avait déchaîné les passions et confirmé que l’opinion souhaitait retrouver «sa» cathédrale. «Cette histoire n’est pas une nouvelle manifestation de la querelle entre les anciens et les modernes», affirme aujourd’hui un des membres du conseil scientifique, «restaurer la cathédrale comme avant serait cohérent et consensuel». Sondés par le général Georgelin, président de l’établissement public pour la reconstruction de Notre-Dame, les grands donateurs et mécènes ne disent pas autre chose. «La maison Pinault s’interdit de se prononcer sur les choix de restauration du monument: ce n’est pas son rôle et cela serait très mal interprété. Mais ce chantier doit réunir les gens, et ne peut pas devenir un point de discorde, surtout en ce moment», remarque Jean-Jacques Aillagon, conseiller auprès de François Pinault.

    Il reste donc à convaincre le président de la République, lequel avait promis, alors que les flammes léchaient encore l’édifice, «une cathédrale plus belle encore». Englué par cette promesse présidentielle, l’ancien ministre de la Culture Franck Riester avait fait glisser la formule quelques mois plus tard. Exit les rêves de toits végétalisés ou de flèche en titane: le concours, avait-il indiqué, ne concernera que les abords de la cathédrale. Pour le reste et le plus important, c’est-à-dire la flèche, une grande consultation des Français devait être organisée. Elle ne l’a jamais été, faute de temps, d’énergie et de volonté. Le confinement a définitivement enterré l’affaire. Et le général Georgelin d’enfoncer le clou: «Quand on construit sa maison, on ne demande pas leur avis aux passants» a-t-il raillé il y a quelques jours devant l’Assemblée.

    Si l’avis de la commission nationale est bien celui que tout le monde attend, ce jeudi soir, il reviendra à la toute nouvelle ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, de monter au créneau. Et de convaincre le président de la République que le style néogothique vaut celui de Norman Foster ou de Jean-Michel Wilmotte. Lors de la remise du prix Pritzker, en mai 2019, Emmanuel Macron avait plaidé pour «une audace respectueuse», preuve qu’il avait déjà intégré la difficulté à toucher à ce symbole de Paris. 

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  • Plan de relance européen : la défaite en chantant, par Natacha Polony.

    Source : https://www.marianne.net/

    "On comprend à quel point les efforts désespérés des vendeurs de rêve pour nous dessiner un monde en rose où l’Union européenne serait soudain devenue la nation bienveillante d’un peuple unifié frôle l’escroquerie", écrit Natacha Polony.

    « Historique », « le moment le plus important depuis la création de l’euro »… Il devient chaque fois un peu plus difficile de trouver un nouveau superlatif pour qualifier les accords européens arrachés par un Emmanuel Macron visiblement conscient qu’il n’a plus que cela pour tenter de laisser une trace dans l’Histoire. On a même vu fleurir ces derniers mois l’expression « moment hamiltonien », reprise en chœur par des commentateurs ravis, pour nous faire savoir qu’enfin, l’Europe fédérale tant attendue était à nos portes.

    Si l’on sort une seconde des clichés pour analyser, non seulement les termes de l’accord, mais ce qui l’a rendu possible et ce sur quoi il peut déboucher, on comprend en fait à quel point les efforts désespérés des vendeurs de rêve pour nous dessiner un monde en rose où l’Union européenne serait soudain devenue la nation bienveillante d’un peuple unifié frôle l’escroquerie. Résumons : le coronavirus est venu frapper de plein fouet des économies, celles des pays du sud de l’Europe comme celle de la France, que la désindustrialisation massive avait rendues totalement dépendantes des secteurs que, justement, cette épidémie vient percuter, en premier lieu le tourisme.

    Marché de dupes

    Cette désindustrialisation, dans le cas de la France, est la conséquence d’une idéologie délirante de ses classes dirigeantes, qui ont bradé ses fleurons au nom de l’ouverture à la mondialisation et qui ont choisi la banque et la grande distribution contre l’industrie et l’agriculture. Mais elle est également, comme pour l’Italie ou l’Espagne, la conséquence d’une surévaluation systématique de la monnaie unique qui ne laisse d’autre choix que la « dévaluation interne », c’est-à-dire, côté entreprises, le chômage de masse, et, côté Etat, les coupes budgétaires sur les infrastructures, les services publics et les investissements.

    Le coronavirus a frappé une Europe qui ne s’était toujours pas remise de la crise de 2008, crise qui aurait dû entraîner l’éclatement de la zone euro, tant les déséquilibres étaient devenus intenables. Mais il fallait à tout prix empêcher que la Grèce, comme aujourd’hui l’Italie, ne sorte de la monnaie unique, lançant une réaction en chaîne. On sait comment les choix démocratiques du peuple grec, comme leur santé, leurs retraites, leur patrimoine national, ont été sacrifiés sur l’autel de cette noble cause…

    Comment s’inscrit dans cette histoire l’accord de cette semaine ? Il est la simple continuation d’un marché de dupes. Non pas qu’il faille se scandaliser d’une mutualisation des dettes, comme le font ceux qui, de toute façon, ne veulent pas d’une Union européenne. Mutualiser les dettes devrait constituer le premier pas d’une véritable solidarité des pays européens entre eux, comme, au sein d’un pays, les régions les plus riches paient pour les plus pauvres afin de rééquilibrer les inégalités territoriales. Dans le cas de l’UE, ce serait d’autant plus nécessaire que, disons-le clairement, la prospérité florissante des pays dits « frugaux », comme celle de l’Allemagne, s’est largement faite sur le dos de leurs voisins. N’allons pas jusqu’à évoquer le confortable statut de paradis fiscal des Pays-Bas, mais bénéficier d’un marché totalement ouvert et d’une monnaie sous-évaluée de 15% pour la taille de son économie constitue un avantage pour lequel l’Allemagne - c’est tout le sens des choix d’Angela Merkel - est prête à beaucoup de « mutualisation ». D’autant qu’en fait de concessions, les pays « frugaux » ont arraché des avantages effarants. Par rapport au projet initial du président du Conseil Européen, Charles Michel, l’Autriche a obtenu une augmentation de ses divers rabais de 138% !

    Dindon de la farce

    Et la France, dans tout ça ? Le dindon de la farce, comme à chaque fois. Prête à tout sacrifier, non pour défendre les intérêts des citoyens français, son industrie, son agriculture, mais pour sauver le fantasme d’une Europe idéale. Puisque ce ne sont pas les pays frugaux qui paieront, ce seront, dixit Emmanuel Macron lui-même, la France et l’Allemagne. A ceci près que l’Allemagne, elle, y a tout intérêt. La catastrophe serait pour elle une explosion de la zone euro. Et pour l’heure, elle a les moyens de lancer un plan de relance sept fois plus important que celui de la France, et qui consistera, non à payer du chômage partiel, mais à investir dans les industries d’avenir.

    Que faudrait-il faire ? Se battre, bien sûr, pour rééquilibrer une construction monétaire inaboutie, bancale, aux conséquences catastrophiques - mais on ne peut le faire si l’on aspire avant tout à rester dans l’Histoire comme l’architecte de l’Europe fédérale. Mettre dans la balance le poids de la France, non pour supplier les Pays-Bas de bien vouloir mutualiser une partie des dettes, mais pour leur interdire tout dumping fiscal, et pour exiger que la BCE fasse tourner la planche à billets, comme le fait tout pays indépendant qui veut sauver son économie.

    La crise qui se dessine risque d’être pour la France un pas de plus vers la perte de ses capacités productives. Elle pourrait être salutaire si elle est l’occasion, non d’un rafistolage à coup de chômage partiel, mais d’un investissement massif dans la réindustrialisation du pays. Le début de la reconquête. Voilà qui serait vraiment historique.

  • L’image a définitivement supplanté l’écrit Voilà ce que nous apprend la pseudo-polémique Obono - Valeurs Actuelles, par

    Après avoir porté plainte contre l'article du journal "Valeurs actuelles" devant la justice, Danièle Obono a rassemblé ses soutiens au Trocadéro samedi 5 septembre 2020 © Xeuhma / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

    Source : https://www.causeur.fr/

    Quand ils ne twittent pas, politiques et citoyens regardent furtivement des dessins qu’ils prennent au premier degré.

    La polémique autour du récit fictif d’une Mme Obono envoyée dans une Afrique historiquement avérée est tout à fait passionnante : elle montre qu’au delà de l’écrit, qu’au-dessus de la lecture subtile, c’est bien l’image (ici le dessin) qui a, pour le meilleur et pour le pire, remporté la victoire. Le monde du « visuel » écrase de sa superbe rigidité celui de l’écrit.

    6.jpegDans l’affaire Obono et Valeurs Actuelles (VA), il est intéressant de noter que presque rien n’a été dit du long texte illustré par quelques dessins (voir l’échange entre Élisabeth Lévy et Charlotte d’Ornellas sur rnr.tv). Rien n’a été dit, parce que, le plus souvent, ce texte n’a pas été lu. À l’ère du tweet, sept pages de journal c’est déjà une sorte d’Himalaya pour le lecteur moderne. Alors, le lecteur moderne regarde les images.

    Pour comprendre le dessin illustrant la fiction d’Harpalus, l’auteur du texte de VA, encore eût-il fallu lire la fiction en question. Auquel cas, et pour peu qu’honnêteté intellectuelle veuille encore dire quelque chose, tous les crieurs au scandale auraient immédiatement compris que l’image ne représentait pas Mme Obono enchaînée mais le double fictif d’une Mme Obono confrontée au racisme intra-africain et à l’esclavage historique que la réelle Mme Obono ne veut pas connaître, toute occupée qu’elle est à coller aux thèses décolonialistes et indigénistes de Houria Bouteldja et Françoise Vergès.

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    Geoffroy Lejeune, directeur de la rédaction du magazine « Valeurs actuelles » © Lionel BONAVENTURE / AFP

    Une “insulte à mes ancêtres”, pas moins…

    « Cette image est une insulte à mes ancêtres, ma famille et mon mouvement politique », twitte Danièle Obono. Ce genre de réflexions est surtout une insulte à l’intelligence puisque, répétons-le, cette image ne représente pas Mme Obono, députée de la République, et encore moins sa famille, et encore encore moins son mouvement politique, mais un personnage fictif qui découvre ce qu’a été réellement l’esclavage dans certaines contrées africaines. Le texte met d’ailleurs souvent en scène une « Danièle » qui vit les mille vicissitudes déshonorantes d’une vie d’esclave en cherchant à comprendre, en interrogeant, en s’étonnant d’entendre son geôlier reprendre quelques phrases de celui que d’aucuns, ici et maintenant, considèrent comme un grand humaniste du XIVe siècle, l’historien Ibn Khaldoun : « Les seuls peuples à accepter l’esclavage sont les nègres en raison d’un degré inférieur d’humanité, leur place étant plus proche du stade animal. Quelques fois, ils se mangent entre eux. On ne peut les compter au nombre des humains. » 

    Le texte, ironique et orienté, invite la réelle Mme Obono à reconsidérer sa lecture historique de l’esclavage en Afrique à travers son double fictif. Ce dernier découvre les marchés d’esclaves, les émasculations des jeunes Africains par les négriers arabes, les razzias de villages, la polygamie, les guerres tribales, l’histoire d’une partie du continent africain. Tout ce que la réelle Mme Obono a apparemment du mal à concevoir et à intégrer à son récit de l’esclavage, lequel ne rend compte que de l’esclavage pratiqué par les Européens.

    Les politiques ne lisent plus. Ils twittent

    Comme l’histoire réelle et complète de l’esclavage est par trop en défaveur du récit officialisé par Mme Taubira qui voulut que seul l’esclavage transatlantique soit reconnu comme un crime contre l’humanité ; comme la lecture des récits et des livres d’histoire sur l’esclavage aussi bien européen qu’arabo-musulman est non seulement rendue difficile mais est même découragée avec la plus extrême vigueur (voir la polémique à propos de l’ouvrage de Pétré-Grenouilleau Les traites négrières) ; comme seul l’homme blanc occidental a des comptes à rendre ; comme la tendance actuelle est à la repentance éternelle, au genou à terre, au mea culpa ; comme l’émotion l’emporte sur la réflexion, les pleurnicheries sur la raison, la folie culpabilisatrice sur la vérité… il n’a pas été difficile à Mme Obono de faire pleurer les pleureuses et de faire oublier, par la même occasion, toutes les fois où elle « niquait » la France, où elle n’a pas « pleuré Charlie », où elle défendait Dieudonné et sa « camarade » Houria Bouteldja, où elle ne voyait pas où était le problème à propos des stages en « non mixité » (c’est-à-dire sans blancs), où elle décrivait le nouveau premier ministre d’abord par sa couleur de peau, etc. Quelques-uns, parmi lesquels Gilles-William Goldnadel, rappellent ces réalités. D’autres, parmi lesquels les journalistes france-intéristes, les cachent du mieux qu’ils peuvent, ce qui n’est pas très difficile, et arrachent des « C’est abject » sans nuances à Madame Pécresse (Nicolas Demorand et Léa salamé sur France Inter).

    Les politiques français ne lisent plus. Ils twittent. Quand ils ne twittent pas, ils regardent furtivement des dessins, caricatures qu’ils prennent au premier degré. Ils se font une idée avec ça, qu’ils expriment entre deux sanglots. Les plus malins de nos contemporains, politiques ou délinquants, l’ont compris : le temps est à l’image, animée ou pas. Ils filment et se filment, instagrammisent leurs fausses révoltes, tribunes politiques mélenchoniennes ou incendies de voitures. Les plus naïfs, en l’occurrence les journalistes de VA, croient encore en la force d’un texte long illustré d’un dessin. Ils ont cru en l’intelligence des lecteurs, quels qu’ils soient, et au combat loyal des idées. Ils ont eu tort. Que cela leur serve de leçon : la prochaine fois qu’ils voudront contester les thèses d’un possible adversaire, qu’ils écrivent un texte très long, argumenté, précis, nuancé, sans image, ni dessin, ni photo. Qu’ils soient assurés alors que nulle polémique ne verra le jour, et qu’ainsi aucune « humoriste » sophiaramesque n’aura l’occasion de décrire le rédacteur en chef de VA comme un « gros facho réac […] secouant sa mèche aussi grasse que ses fausses excuses » (France Inter, le 31 août). Et s’ils veulent malgré tout mettre un dessin ? Alors, quelle que soit la teneur de l’article, qu’ils mettent celui d’un cœur dessiné à la façon des « emoticônes » : c’est très cucul la praline et ça marche à tous les coups. Car ce temps n’est pas seulement le temps de l’image, il est aussi celui de la politique guimauve, de l’émotion frelatée et du mimétisme pleurnichard. Mme Obono et ses amis nous ont servi une magnifique représentation lacrymale. Méfions-nous toutefois : ces larmes de crocodile sont celles de carnassiers féroces qui espèrent dévorer l’adversaire tout cru.

     

     
    Amateur de livres et de musique, scrutateur des mouvements du monde
  • L’autre féminisme de Christopher Lasch, par Louis Soubiale.

    Le féminisme est-il autre chose qu’un essentialisme, voire un exclusivisme, sinon les deux à la fois ?

    Quoi qu’il en soit, il repose sur le postulat selon lequel, la/le(s) femme(s) aurai(en)t, de tout temps, subi l’insupportable oppression d’un patriarcat systémique transmissible du père à l’enfant mâle, de celui-ci au mari.

    3.jpgDe prime abord, cette posture antagonique entre les deux principales composantes de l’humanité n’est pas sans soulever un problème philosophique de première importance, celui de l’indépassable altérité des genres, dont la complémentarité apparaît comme une irréductible nécessité ontologique. L’éruption féministe est relativement récente dans l’histoire occidentale. Produit de la rationalisation de la vie quotidienne, le féminisme – tout comme son pendant tacite et non avoué (mais aux potentialités explosives préludant à un bellicisme intersexué exacerbé par les multiples revendications « queer » ou transidentitaires telles que défendues par Judith Butler et ses épigones des nouvelles théories critiques), le « masculinisme » ou « phallocratisme » – apparaît surtout pour ce qu’il est fondamentalement : une crise du respect de soi touchant indifféremment les deux sexes.

    C’est dire que le féminisme est né avec l’individualisme des Lumières, et non pas seulement avec la révolution industrielle – lors même que cette dernière joua un rôle non négligeable dans le mouvement d’« émancipation » des femmes, mouvement qui s’accélérera au mitan du XXe siècle. Avec Christopher Lasch (1932-1994), nous découvrons que le mystère de la différence des sexes se transmua en controverse dès l’instant où les instigateurs de cette version moderne du colloque sur le « sexe des anges » imposèrent une réécriture de l’histoire dans le sens d’une martyrologie qui faisait de la femme l’éternelle victime de l’homme : « devenue le thème central de l’histoire, [la différence sexuelle] nous donne l’impression d’avoir constitué un problème en tous temps et en tous lieux – le problème premier, en fait. » (Les Femmes et la vie ordinaire, 1997). La domesticité féminine réduite péjorativement à la maternité et au ménage, n’était pourtant qu’une vue de l’esprit. Ou plutôt n’était vue qu’à travers les étroites meurtrières d’un révisionnisme unilatéral qui visait à travestir, en le minorant – sinon en l’occultant –, le rôle des femmes dans la sphère publique. « L’époque progressiste [1890-1920] fut l’âge de l’“économie domestique appliquée à la société (Social Housekeeping)”, où les femmes aspiraient à “rendre le monde entier accueillant”. » Cette économie de la bienfaisance reposait sur le bénévolat combiné à la présence d’un réseau dense d’amis et de famille permettant, précisément, d’assumer les responsabilités domestiques. Avec la montée en puissance du travail rémunéré (souvent à la chaîne), le sentiment illusoire que la liberté se nichait dans un pavillon de banlieue, à proximité d’un centre commercial – plutôt qu’au cœur du quartier, ses interdépendances et ses obligations mutuelles, ses liens qui libèrent –, eut raison des libertés réelles – certes encadrées et codifiées – de la femme qui tentera de faire de l’intimité familiale l’ultime refuge contre les influences devenues toxiques de la sphère publique – absorbée par le Marché. Lasch montre combien ce sanctuaire de la famille de banlieue, apparu au milieu du XXe siècle, consacra véritablement l’avènement-aliénation de la femme au foyer. L’éducation des enfants et les tâches ménagères allaient d’autant plus s’avérer frustrantes pour ces nouvelles esclaves domestiques que ces activités, naguère « en relation avec des finalités publiques plus grandes », se vidaient de leur sens : « tout comme une grande partie du travail que les hommes accomplissaient sur le marché, ces tâches semblaient n’avoir d’autre but que d’occuper la femme. » Désireuses d’échapper au « camp de concentration confortable », les femmes « se mirent à réclamer l’accès au travail prétendument “épanouissant” et “créateur” dont jouissaient les hommes. » Lasch, en bon historien et sociologue a tôt fait de débusquer les logiques pernicieuses de l’économie de marché.

    L’auteur de La Culture du narcissisme en tiendra pour un féminisme radical qui s’attacherait à extirper la femme des structures existantes de l’économie capitaliste, à rebours du féminisme de « progrès » s’évertuant, au contraire, à les y (dés)intégrer. Ce que les féministes dominantes ne voient pas – ou feignent de ne pas voir – réside dans leur aspiration à un consternant conformisme d’homogénéisation, Qu’elles minimisent la différence sexuelle ou l’amplifient, elles sont toujours en quête du meilleur « choix » possible qui maximiserait leur bien-être au nom d’un droit à la différence – une désinence des droits de l’« homme » –, lequel, ne serait que le faux-nez d’un désir revanchard de domination anti-masculine. Aveuglées par le fantasme de l’oppression patriarcale, elles déshumanisent la communauté en montrant qu’elles peuvent être comme les hommes, c’est-à-dire pires qu’eux. Lasch constate que « placer une femme à la tête d’une entreprise […] ne la rend ni plus démocratique, ni plus humaine. » Enrégimenté dans le système capitaliste, le féminisme demeure soumis aux mêmes lois que lui.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Monseigneur Aupetit: l’indignation de l’archevêque de Paris après l’agression de catholiques en pleine rue

    Monseigneur Michel Aupetit FC

    Dans une tribune au Figaro, l’archevêque de Paris condamne l’agression, par des activistes d’ultragauche, samedi, dans le 20e arrondissement de Paris, de catholiques en procession afin d’honorer la mémoire d’une cinquantaine d’otages fusillés par les communards le 26 mai 1871, et plus particulièrement, parmi ces otages, le martyre de dix prêtres et séminaristes. Plusieurs fidèles ont été blessés et l’un d’eux a dû être hospitalisé.

    «Les chrétiens ne se distinguent des autres hommes ni par le pays, ni par le langage, ni par les coutumes. Ils passent leur vie sur la terre, mais ils sont citoyens du Ciel. Ils obéissent aux lois établies, et leur manière de vivre est plus parfaite que les lois. Ils aiment tout le monde, et tout le monde les persécute. On les méprise, et dans ce mépris ils trouvent leur gloire. On les insulte et ils bénissent.» Ces paroles de l’épître à Diognète, à la fin du IIe siècle, dans un contexte de persécution, pourraient fort bien convenir aux martyrs de la Commune.

    La cinquantaine d’otages de la rue Haxo parmi lesquels 35 gendarmes, un tailleur de pierre, deux ébénistes et dix religieux, furent fusillés ou massacrés il y a 150 ans par des athéistes militants et anticléricaux, animés sans doute par de grands idéaux de justice et de paix mais corrompus par la haine et le ressentiment. Mgr Darboy, archevêque de Paris, paya de son sang sa fidélité au Bon Pasteur qui donna sa vie pour son troupeau.

    Violence aveugle

    Samedi dernier, à Paris, 300 chrétiens se sont rassemblés dans le strict respect des lois, après avoir déclaré leur marche à la préfecture. Ils ne se sont pas rassemblés pour manifester, ni pour revendiquer des droits particuliers. Ils ont marché en pèlerinage vers l’église Notre-Dame-des-Otages (dans le 20e arrondissement de la capitale, près de la porte des Lilas, NDLR) pour assumer leur devoir, celui de rendre hommage à leurs martyrs et de demander leur intercession. L’acte de mémoire est la garantie de l’espérance d’un peuple. «Le sang des martyrs est semence de chrétiens», disait Tertullien. Il est le signe de la liberté suprême, celle de témoigner que la fidélité au Christ ressuscité est un bien plus grand que notre réputation, notre sécurité ou même notre propre vie.

    La violence aveugle que ces pèlerins ont subie de la part des «antifas»est absolument inacceptable dans un État de droit. On pourrait d’ailleurs s’interroger sur l’assimilation au «fascisme» de paroissiens «de toutes langues, races, peuples et nations» (Apocalypse 5, 9) issus de quartiers populaires, venus pacifiquement chanter et prier…

    Il n’y avait que deux policiers prévus pour la sécurité de l’ensemble de la marche. Je les remercie pour le courage dont ils ont fait preuve. La sécurité de cette marche des catholiques n’était apparemment pas la priorité de l’autorité préfectorale, qui devait réguler bien des manifestations ce jour-là. Nous avons pris contact avec les autorités compétentes pour faire le bilan de cet événement déplorable dans une discussion claire et une nécessaire mise au point.

    Les catholiques ont été sensibles au message de soutien de Monsieur le ministre de l’Intérieur. Nous ne revendiquons pas des privilèges particuliers, nous demandons simplement l’égalité de traitement avec les autres religions et communautés concernant la protection des personnes, et le droit d’exprimer notre foi dans la sphère publique, ainsi que nous l’autorise notre République laïque, dans la paix civile et le respect du bien commun.

    Invincible espérance

    Quelle doit être la réaction des catholiques face à la violence? Dans un réflexe mimétique et une surenchère, la haine entraîne la haineet la violence la violence. Le sang d’Abel tué par son frère, Caïn, coule tout au long de l’histoire. Pour nous chrétiens, le Christ a brisé le cycle infernal de la haine. Innocent mis à mort, comme le dit le prophète Isaïe, il a pris sur lui nos fautes à tous, jusqu’à la mort et la mort de la Croix. «Insulté, il ne rendait pas l’insulte, dans la souffrance, il ne menaçait pas, mais il s’abandonnait à Celui qui juge avec justice», écrit l’apôtre Pierre (Première lettre, 2, 23), à qui le Maître a ordonné de ne pas céder à la tentation de répondre à l’agression par un surcroît de violence: «Remets ton épéeau fourreau, celui qui vivra par l’épée périra par l’épée» (Matthieu 26, 52).

    Il nous faut entrer dans les sentiments du Christ. Par sa mort il a brisé la mort! La victoire éclatante de la Résurrection où le Seigneur Jésus surgit des profondeurs des ténèbres éclaire l’histoire d’une lumière nouvelle. Elle nous ouvre à une invincible espérance.

    Morts avec le Christ, confiants en sa Résurrection bienheureuse, les martyrs ont reçu la grâce de garder la paix de l’âme et de pardonner à leurs bourreaux. Lui-même en prison durant la Commune, le président de la Cour de cassation Bonjean écrit à son fils une dernière lettre avant sa mort: «À faire son devoir il y a une satisfaction intérieure qui permet de supporter avec patience et même une certaine suavité les plus amères douleurs. C’est le mot du Sermon sur la montagne, dont je n’avais jamais si bien compris la sublime philosophie: “Heureux ceux qui souffrent persécution pour la justice!”» (Matthieu 5, 10).

    «Stat Crux dum volvitur orbis» dit la devise des Chartreux. «Le monde tourne mais la croix demeure.» Le signe de la Croix est la source et le sommet de l’histoire des hommes. Au cœur même de l’injustice et de la haine surgit la parole du pardon. Bernanos dans le Journal d’un curé de campagne écrit cette méditation sur le mystère du Crucifié: «Si notre Dieuétait celui des païens ou des philosophes – pour moi, c’est la même chose – il pourrait bien se réfugier au plus haut des cieux, notre misère l’en précipiterait. Mais vous savez que le nôtre est venu au-dedans. Vous pourriez lui montrer le poing, lui cracher au visage, le fouetter de verges et finalement le clouer sur une croix, qu’importe! Cela est déjà fait…»

    Cela est déjà fait… C’est une grâce de le savoir dans la foi. C’est aussi un devoir pour nous, catholiques au cœur de la cité des hommes, de témoigner au milieu du monde de l’amour du Christ victorieux du mal.

    Nous demandons simplement de pouvoir le faire en paix dans le respect de nos institutions et la protection d’un État de droit qui garantisse la pleine liberté de culte et la protection de tous ses citoyens.

    Source : https://www.lefigaro.fr/vox/