UA-147560259-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rechercher : Rémi Hugues. histoire & action française. Rétrospective : 2018 année Maurras

  • « Conservateur et libéral, la grande tension » : une analyse d'Éric Zemmour

     

    3578948983.jpgZemmour commente ici « une histoire didactique et passionnante du conservatisme, qui s'achèverait en supplément d'âme du libéralisme ». Une occasion pour lui de faire ressortir avec clarté et pertinence les « tensions » - c'est à dire, au fond, les contradictions - existant entre ces concepts, qui se voudraient alliés. Et les réalités politiques et sociales qu'elles engendrent. Encore faudrait-il s'entendre sur les mots. «  Conservateur », pour commencer. Un mot qui n'a de sens ou de valeur que par son objet. Il avait un sens lorsque Comte lançait son « Appel aux conservateurs» [1855 !], un sens tout autre - ridicule et négatif - pour les nationalistes et monarchistes autour des années 1900. Vers 1980, Boutang pensait qu'il n'y avait déjà plus rien à conserver de notre société proprement dite - « qui n'a que des banques pour cathédrales ». Que voulons-nous conserver ? La modernité et ses avatars postmodernes ou la France profonde, la France historique, sa civilisation ? A travers son analyse des tensions entre capitalisme et libéralisme sous leurs traits d'aujourd'hui, Zemmour - comme Buisson - n'hésite pas à remonter au vrai clivage - sous quelque vocable qu'on les désigne - entre la France historique multiséculaire et celle opposée qui naît des Lumières et de la Révolution. Dans quel camp se situera de fait le courant qui se réclame aujourd'hui du conservatisme ? C'est bien là, à notre avis, la question de fond.  Lafautearousseau    

          

    522209694.4.jpgSi la victoire de François Fillon en a étonné plus d'un, ce n'est pas seulement parce que peu de gens pouvaient imaginer que « Mister Nobody » s'immiscerait dans le combat de coqs entre Sarkozy et Juppé, mais aussi, et surtout, parce que son programme était à la fois le plus libéral (en économie) et le plus conservateur (sur les mœurs), ce qui paraissait doublement incompatible avec la France. L'affaire semblait entendue depuis belle lurette : notre pays aimait trop l'État pour être libéral, aimait trop l'égalité pour tolérer la liberté, aimait trop la Révolution pour avoir le respect des traditions, et tenait le travail, la famille et la patrie pour des valeurs maudites depuis Vichy. Les augures ont eu tort. Un conservatisme libéral semble renaître en France dans le sillon de Fillon, qui paraissait embaumé sous le masque poussiéreux et oublié de Guizot ou de Renan.

    Dans ce nouveau contexte politique, le livre de Jean-Philippe Vincent tombe à pic. Qu'est-ce que le conservatisme ? s'interroge notre auteur. Sa réponse est à la fois philosophique et historique. L'auteur nous plonge avec délectation dans une évocation des grands anciens, Burke, Maistre, Chateaubriand, Balzac, Tocqueville, Renan, Taine, revenant même jusqu'à la République romaine de Cicéron, pour dégager les grands axes d'une pensée conservatrice qui s'oppose en tous points à un progressisme, « pot-pourri d'existentialisme et de marxisme », qui a pignon sur rue en France depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

    « Le rapport au temps est totalement opposé chez les conservateurs et les progressistes. Ces derniers utilisent le futur (un futur utopique ou rêvé) pour interpréter le présent ; les conservateurs utilisent le passé pour interpréter le présent et agir dans l'instant… La nostalgie du passé est quand même plus raisonnable que la nostalgie du futur. »

    C'est de la belle ouvrage, didactique en diable, parfois même un brin scolaire, écrit d'une plume qui ne cherche pas l'effet, un peu comme ces vieilles vestes en tweed qu'affecte le jeune homme très British choisi en couverture du livre. Notre auteur nous permet de combler notre ignorance des penseurs les plus récents du conservatisme qui, à part Soljenitsyne et peut-être Bertrand de Jouvenel, sont largement méconnus en France.

    Jean-Philippe Vincent veut y voir la preuve que le conservatisme est une pensée encore vivante. Il annonce pour notre époque l'émergence d'un conservatisme libéral en Europe, et la victoire de François Fillon a dû le réjouir. Il cherche à tout prix à marier libéralisme et conservatisme, celui-ci comme « le supplément d’âme » de celui-là. Pourtant, il n'ignore nullement que conservatisme et libéralisme se livrent une guerre sourde depuis des décennies : que le principe d'autorité et le respect des traditions, des enracinements et des nations, qui définit le conservatisme, est miné par le libéralisme qui fait de l'individu et du marché les seuls maîtres de notre destin. Notre auteur est lucide : « C’est que le libéralisme, pour fonctionner de façon appropriée, a un besoin vital de racines conservatrices, des racines que pourtant il s'évertue à saper. » Mais fait profession d’optimisme : « C’est un fait que l'éthique du capitalisme est un conservatisme. Et c'est également un fait que lorsque cette éthique est subvertie par le jeu débridé du marché, le risque est grand non seulement pour le capitalisme, mais pour plus globalement pour le système libéral-démocratique. De ce simple point de vue, capitalisme et conservatisme apparaissent comme complémentaires et même étroitement complémentaires : il ne peut guère y avoir de capitalisme durable sans une éthique conservatrice. »

    C'est pourtant une « complémentarité » qui tourne le plus souvent au conflit ouvert où c'est toujours le même qui perd. Les destins des deux incarnations modernes de ce conservatisme libéral cher à notre auteur en sont des preuves cruelles. En France, le quinquennat de Georges Pompidou a été miné par le travail de taupe culturel d'une extrême gauche libertaire issue de Mai 68, qui imposa ses codes à visage découvert sous Giscard et prit le pouvoir sous Mitterrand. Et la plus grande réussite du libéral Pompidou est une industrialisation du pays conduite grâce à un colbertisme remarquablement efficace. En Angleterre, notre auteur rappelle pertinemment que le thatchérisme fut avant tout une philosophie morale et religieuse. La « Dame de fer » avait pour haute ambition de restaurer l'éthique victorienne de l'effort, du travail, de l'épargne, de la religion et de la patrie. Elle était sincère et déterminée. Mais le marché n'avait que faire de ses ambitions morales et l'Angleterre devint le pays du culte de l'argent, du cosmopolitisme de la ville-monde Londres, des mafias russes et des paradis fiscaux, de l'alcoolisme de masse des jeunes et des grossesses précoces des adolescentes, et d'une immigration venue du monde entier, charriant en particulier un islam qui y prit ses quartiers, imposant ses mœurs et jusqu'à sa loi, prônant à visage découvert le djihad et la charia. Dans ces deux exemples, on voit bien où est le capitalisme, on voit bien où est le marché, on voit même où est le libéralisme, mais on ne voit pas où est le conservatisme. On ne voit pas où est son « éthique judéo-chrétienne issue de l'Europe du XVIIe siècle » où le libéralisme est né. On voit mal la doctrine sociale de l'Église. On voit mal l'amour des préjugés et des coutumes et des traditions cher au grand Burke. C'est ce qu'ont rappelé avec force les classes populaires anglaises, marginalisées économiquement, géographiquement et culturellement par trente ans de thatchérisme, avec le référendum sur le Brexit !

    Notre auteur fait mine d'ignorer que le capitalisme du XIXe siècle a muté, à partir du milieu du XXe siècle, qu'il a abandonné le culte de l'épargne pour celui de la consommation, l'économie de l'accumulation pour l'économie du désir, la morale austère du stoïcisme (même un brin hypocrite) pour l'immoralité joyeuse de l'hédonisme, la stricte hiérarchie du patriarcat pour l'égalitarisme indifférencié du féminisme. Le libéralisme est passé de Guizot à Cohn-Bendit ; l'héritier du conservatisme est devenu son pire ennemi. Le fils ingrat a tué le père. Au moins, François Fillon et ses soutiens sont-ils prévenus. 

    Qu'est-ce que le conservatisme ? Jean-Philippe Vincent, Les Belles lettres, 245 p., 24,90 €.

    Eric Zemmour

    Le Figaro 30.11

  • Denis Tillinac : « Il n’en faut pas beaucoup pour que la France sorte de ses gonds, tant la légitimité du pouvoir est su

    « Des plus nobles aux plus inavouables, les raisons de vouloir tout faire valser sont légion ! »

    Excellent, Denis Tillinac, une fois encore dans Valeurs actuelles. Sa critique ne porte pas sur la Gauche plus que sur la Droite, mais sur l'ensemble. Sur le Système.  Nous ne disons rien d'autre, ici, dans Lafautearousseau, depuis sa création, il y a maintenant huit ans. Les choses ont changé, depuis. Ils sont légion aujourd'hui ceux qui mettent en doute la légitimité d'un tel régime. Comme Houellebecq le fait dire au héros de son dernier roman : « nous n'aurons pas à le regretter ». 

      

    2594939590.jpgLes penseurs libéraux ont souvent ce travers de postuler que les choix politiques sont motivés exclusivement par l’intérêt économique. Pourtant leur maître, Tocqueville, avait prédit qu’à l’ère de la démocratie de masse, l’envie serait un mobile déterminant. La fascination pour la gloire en est un autre. Elle permit à Napoléon de sacrifier impunément des Français par centaines de milliers et ceux qui en réchappaient, plus ou moins éclopés, s’enorgueillissaient d’avoir été de la chair à canon à Austerlitz, à Wagram, à Friedland, à Moscou.

    Le sentiment de l’ennui fut à l’origine des événements de Mai 68 si l’on en croit l’éditorial célèbre de Viansson-Ponté au mois de mars de la même année, dans un pays libre, respecté et prospère. « La France s’ennuie », écrivait-il. L’ennui, la peur, la colère, la honte, la hantise du déclassement, la « fatigue d’être soi » diagnostiquée par le sociologue Ehrenberg, la soif d’aventure peuvent également inciter un peuple à ruer dans les brancards au mépris de ses intérêts. Ou de ce qu’il croit être ses intérêts.

    Par les temps qui courent, un désir politique semble habiter à des degrés divers l’inconscient des Français, et peu à peu gagner leur conscience : l’appel de la catastrophe. Du grand chambardement. Du coup de pied dans la fourmilière. Ce désir, aucun sondage ne le détectera. Il a des précédents historiques. L’événement le plus imprévisible, le fait divers le plus anodin peuvent l’embraser, et gare à l’incendie !

    C’est un désir presque invincible, car enfanté dans les fors intimes par un mélange d’exaspération et d’incrédulité. On ne supporte plus l’état des lieux et on ne croit plus qu’un remède proprement politique soit susceptible de le modifier. À la limite on veut le pire, il aura au moins le mérite de surprendre en rompant la monotonie. De rebattre les cartes, et rabattre les caquets en prime.

    Ici et là, des gens raisonnables et pas forcément miséreux, habitués à voter pour les partis dits de gouvernement — UMP, PS, MoDem —, avouent en privé leur aspiration au désordre. Il en sortira, estiment-ils, quelque chose d’inédit. Quoi ? Ils l’ignorent. Ils s’en fichent : tout ou son contraire plutôt que ce statu quo nauséeux. Brûler les cartouches est un sport qui a partie liée avec la transgression, ça les érotise. Ils en escomptent au minimum le plaisir d’assister en live à la trouille des gouvernants et de leur valetaille.

    Mille raisons peuvent expliquer l’essor du FN dans les urnes et, certes, on ne peut nier une part d’adhésion aux thèses de ce parti. Mais on aurait tort d’occulter cette évidence que la peur du FN, la violence de son rejet par les politiciens, les intellos et les médias nourrissent un désir de FN en phase avec le désir plus profond d’en découdre avec le « système ». Avec des moeurs combinardes maquillées en « démocratie » dans le vase clos de partis démonétisés. Avec un langage politico-mondain dont les mots sont pipés par le cynisme des communicants.

    Quand la charmante Marion Maréchal-Le Pen, du haut de ses 25 printemps, apostrophe sans ménagement le premier ministre à l’Assemblée, une France frondeuse se réjouit à coeur ouvert et ses contours vont très au-delà des sympathisants du FN. Le pauvre Valls incarne moins le PS, le gouvernement, l’autorité publique que l’usure d’une machinerie respectée par personne.

    Quand les crimes des terroristes islamistes font l’objet immédiat d’une récupération partisane aussi grossière, avec l’aval de l’opposition officielle (« esprit du 11 janvier », « Je suis Charlie », etc.) et la rengaine sémantique de socio-culs sur le « vivre-ensemble » le respect n’est plus de mise. Les Français subodorent qu’on les manipule et très logiquement, ils prennent la mouche.

    Je ne prêche pas une sédition à bien des égards proche du nihilisme, j’essaye juste d’interpréter un état d’esprit qui manifestement prend de l’ampleur. Les historiens à venir pèseront la part de responsabilité respective d’une gauche aux abois et d’une droite aux abris.

    L’histoire nous enseigne qu’il n’en faut pas beaucoup pour que la France sorte de ses gonds, tant la légitimité du pouvoir est sujette à caution, et presque naturelle, depuis la Révolution, la quête de l’homme providentiel. Faute d’un Bonaparte ou d’un de Gaulle, elle peut s’offrir au premier démagogue venu. On en est presque là. 

  • SOCIETE • La France existe, je l'ai rencontrée

     

    Par Natacha Polony

    Et si, plus que les précédentes, les générations des moins de quarante ans ou tout juste quarante ans, étaient en recherche de racines, de terroirs, de traditions, de France historique et charnelle ? Presque jusqu'à la nostalgie, presque jusqu'à l'excès, sans-doute du fait des manques et des vices des temps qui courent, trop abstraits, virtuels, sans substance ? De même qu'une partie des plus jeunes opère un spectaculaire retour vers le religieux ou, mieux, vers le spirituel, que les plus âgés ont  délaissé ... Ces derniers feront bien de s'aviser de ces phénomènes bien réels qui signalent assez précisément en quoi nos sociétés ont failli. C'est ce que Natacha Polony relève ici, de façon, ma foi, fort juste et sympathique. Et qui rejoint Philippe de Villiers lorsqu'il signale que la crise que nous vivons n'est pas essentiellement politique, mais bien plutôt métapolitique.  C'est pourquoi nous apprécions les chroniques de Natacha Polony et y faisons souvent écho. LFAR  

                

    Elle avait si mal commencé, cette année 2015, dans l'horreur et les larmes. Et puis la suite, les autres attentats, les crises, la défiance. Et même ce retour, après les chaleurs estivales: le Thalys et la révélation de notre insupportable vulnérabilité; les images répétitives et insoutenables de ces foules d'hommes et de femmes rêvant d'un avenir et rencontrant l'incurie d'une Europe de petits gestionnaires et de grands financiers; le spectacle parallèle, enfin, des vaudevilles politiciens. Quoi, même les héros, quand ils se présentent chez nous, sont Américains ? Comme un symbole d'une France qu'on nous dit tous les jours trop petite, trop résignée, pas assez moderne, pas adaptée.

    La France existe, pourtant, envers et contre tout. Elle se perpétue. Loin des injonctions à l'efficacité gestionnaire, loin des reproches sur son modèle archaïque et son agriculture pas assez productive. Il suffisait d'aller à sa rencontre cet été pour trouver des gens qui, seuls, chaque jour, font leur 11 janvier et proclament leur attachement aux valeurs de ce pays. C'est ce restaurateur qui consacre dans ses assiettes écrevisses, grenouilles, foie gras en cocotte et pied de porc truffé, toute la mémoire gustative d'un paradis terrestre aujourd'hui malmené où l'on a fait du partage autour dela table un patrimoine si précieux que l'Unesco l'a jugé universel. Ce sont ces trois entreprises d'Aurillac qui se sont regroupées pour continuer, malgré la concurrence asiatique et le règne du jetable, à fabriquer en France des parapluies de qualité, de ces objets qui accompagnent une vie. C'est ce maire d'une petite ville touristique du Périgord qui s'est opposé farouchement à l'implantation d'une seconde grande surface dans sa périphérie et qui a sauvegardé son marché, ses commerces de centre-ville, toute cette vie sociale qui fait le dynamisme d'un pays.

    Ceux-là ne sont décorés d'aucune Légion d'honneur. Ils n'ont droit au statut ni de héros ni de victimes. Pas assez prestigieux, pas assez désespérés. Et pourtant, ils affrontent tous les obstacles, ils se lèvent tôt, ils travaillent dur, ils obtempèrent aux injonctions d'une administration qui invente des normes délirantes et endémiques. Il y a ce chef qui a dû équiper sa cuisine d'un plan de travail dernier cri, un «porte-avions» spécialement étudié pour réduire la « pénibilité » et dont les commis de cuisine se plaignent malgré tout d'un mal de dos, parce que toute douleur, tout effort est devenu insupportable. Il y a cet autre, harcelé pour avoir utilisé dans ses cuisines des légumes anciens, du potager de son père, non répertoriés au catalogue officiel, l'organe garantissant aux grands semenciers le monopole des graines et l'interdiction, pour les paysans, de perpétuer leur savoir-faire ancestral de sélectionneur du vivant. Il y a cet horticulteur à la retraite convoqué au tribunal pour travail dissimulé parce qu'il a donné un coup de main à son fils pour ramasser les pommes avant l'orage le jour d'un contrôle administratif. Pendant ce temps, les journaux nous vantent comme l'ultime modernité des dîners moyennant rémunération, organisés chez eux par des particuliers grâce à une application Internet. Pas de normes d'hygiène, pas de contrôle d'Urssaf… Non, c'est moderne, c'est libéral, c'est de la convivialité monnayée..

    Malgré tout, ce pays abrite des trésors d'enthousiasme et d'énergie. On y trouve des Français de tous horizons, mais attachés à transmettre par leur travail, leur savoir-faire les éléments les plus concret de ce qui constitue un modèle, une façon spécifique d'être au monde, faite d'intégration à une géographie, à un terroir, faite de plaisir et de culture plus que de rentabilité. On peut considérer que tout cela doit finir aux oubliettes de l'Histoire. On peut préférer les usines à viande allemandes où l'animal est mécanisé pour produire toujours plus et moins cher en ruinant le voisin. On peut préférer les parapluies chinois, si bon marché qu'il faudra en racheter à chaque bourrasque. Mais dans un monde où les tempêtes se multiplient, sentir sous ses doigts la chaleur et la solidité du manche en bois d'un parapluie, s'abriter sous les baleines solides et familières d'un vieux compagnon, en sachant que des gens, pas très loin, ont œuvré pour nous offrir les fruits d'un savoir-faire ancien, c'est préparer l'avenir avec bien plus de lucidité. 

    Natacha Polony   (Figarovox)

  • Société • Cohn-Bendit, disciple de Rivarol ?

     

    Cette question en apparence incongrue, Georges Michel l'a posée assez judicieusement dans un intéressant billet de Boulevard Voltaire [5.07] qui a le double mérite de susciter la réflexion et de nous rappeler la grande figure de Rivarol. Cohn-Bendit a gardé du trotskysme et de la foi révolutionnaire de sa jeunesse, le culte des élites conscientes, des forces révolutionnaires comme fer de lance et surtout guides des peuples attardés. Il est bien vrai que les peuples n'ont pas toujours raison, que comme le dit Steiner, « la démocratie, ça vous donne aussi Adolf Hitler.» Mais Cohn-Bendit oublie de relever que les élites trahissent plus souvent la destinée, les intérêts d'un peuple que ce peuple lui-même. Et c'est éminemment le cas des élites dévoyées d'aujourd'hui. On sait que, pour nous, le dilemme insuffisance politique des peuples - désintérêt des élites pour la communauté historique dont elles procèdent - se résout assez bien par la monarchie royale qui lie une famille-chef à la destinée politique de tous.  LFAR   

     

    865f954cd878d7db6568a7a2f493cb71.jpeg.jpg« Quelle haine, quelle rage de la part des européistes. Merci, mes chers amis, de montrer votre vrai visage. Au lendemain du Brexit, j’avais fait une conférence de presse en disant aux Français : écoutez-les bien, regardez-les bien dans les jours qui viennent et vous verrez, alors, le vrai visage de l’Union européenne et de ses défenseurs. » C’est par ces paroles que Marine Le Pen s’adressait à ses collègues du Parlement européen mardi 5 juillet.

    Quelle haine, quelle rage, effectivement ! Le même jour, Daniel Cohn-Bendit, invité de la matinale de France Inter, n’y est pas allé par quatre chemins : « Il faut arrêter de dire que le peuple a toujours raison », phrase qui pourrait devenir culte et n’est pas sans rappeler celle-ci : « Lorsque le peuple est roi, la populace est reine. » On la prête souvent à Talleyrand, mais elle serait de Rivarol, répondant à Mirabeau pour qui « la souveraineté ne pouvant être que dans la volonté générale, le peuple seul était roi ».

    Cohn-Bendit, disciple d’Antoine Rivarol, le pamphlétaire royaliste, mort en exil à… Berlin en 1801 ? Je n’irai pas jusque-là, mais avouez qu’il y a des similitudes étranges. Rivarol était un esprit brillant, aimant fréquenter les salons, polémiste en diable, doté d’une facilité rare d’élocution. « Il avait de l’ambition sous un air de paresse », écrivait Sainte-Beuve à son propos. Ne pourrait-on pas, en effet, reprendre cette description pour notre Dany multinational ?

    « Il faut arrêter de dire que le peuple a toujours raison. » Par cette phrase, Daniel Cohn-Bendit, député européen durant 20 ans (de 1994 à 2014), défenseur inconditionnel de l’Union, en révèle ainsi le vrai visage : celle d’une construction hors-sol aux mains d’une élite apatride s’estimant au-dessus des peuples. La souveraineté résida, durant des siècles, en la personne du monarque. Puis vint le temps du peuple souverain. « La rue est son palais ; une borne son trône. Son sceptre est une torche ; un bonnet sa couronne », écrivait Rivarol. Cohn-Bendit le dit un peu différemment en évoquant les pires heures de notre histoire : « Quand un peuple vote pour l’extrême droite, quand un peuple vote pour le nazisme, il n’a pas raison. Même si c’est le peuple. »

    a-list-of-famous-antoine-de-rivarol-quotes-u4.jpgTout comme Rivarol (le style en moins), Cohn-Bendit n’a jamais fait dans la nuance, et enchaîner sur la faute du peuple britannique, après cette évocation du nazisme, il fallait quand même oser : « Et quand les Anglais savent qu’ils se sont trompés, le peuple anglais a voté à 52 % pour le Brexit, maintenant 10 à 20 % des Brexitiens, ils le regrettent. Donc, faisons attention avec ces arguments d’un Montebourg complètement crétin contre les peuples… »

    Cohn-Bendit, les années et les kilos en plus, retrouve sa rage adolescente, non plus pour mettre à bas la société bourgeoise dont il a tant profité sa vie durant, mais pour défendre l’Union, cette sorte de cité aristocratique qui se vengerait à la fois des peuples et des monarques. C’est là, peut-être, que l’on arrêtera la comparaison, que d’aucuns trouveront incongrue, entre Dany le Rouge et Rivarol le Blanc.

    Cohn-Bendit va même jusqu’à proposer des listes « transeuropéennes » dans un collège unique de l’Union européenne pour les prochaines élections européennes. Les peuples disent plus de nations ? Eh bien, Cohn-Bendit répond : plus d’Europe ! Il crachera sa dernière dent avec ce mot dans la bouche, peut-être à Berlin. Quelle haine, quelle rage ! 

    Colonel à la retraite
  • École : Julliard ouvre les yeux et ouvre le feu !

     

    Un vibrant pamphlet de Jacques Julliard contre la dernière réforme scolaire et, au-delà, contre la désagrégation depuis quarante ans de l'école républicaine paraît. Et une brillantissime chronique d'Eric Zemmour, pour le Figaro, dans une sorte de dialogue avec Jacques Julliard, dialogue qui marque aussi l'estime que l'on doit à ce dernier. Même si l'on n'en partage pas toutes les options. Miracles d'un patriotisme renaissant, heureusement destructeur des vieux clivages.  LFAR

     

    ZemmourOK - Copie.jpgAu commencement était le journal. Un premier, puis un second article dans l'hebdomadaire Marianne, en pleine bataille contre la réforme des programmes scolaires engagées par Najat Valaud-Belkacem. Avec ses éditoriaux frémissants d'une colère légitime et talentueuse, Jacques Julliard fit partie de cette escouade de « pseudo-intellectuels » dénoncés par la ministre, qui chargèrent et sabrèrent avec la fureur et l'efficacité redoutable de la cavalerie de Murat à la bataille d'Eylau. Aussitôt lus dans l'hebdomadaire, aussitôt repérés par un éditeur à l'œil acéré ; aussitôt commandés, imprimés, publiés. Les deux éditos sont désormais précédés d'une longue et utile mise en perspective, mais ils n'en constituent pas moins le cœur battant du texte. À juste titre. Ils méritaient les honneurs d'une publication. Le coup d'éditeur n'est pas seulement cette fois simple ravaudage commercial. Le travail a été rapide, expédié mais pas bâclé ; le libelle de circonstance s'avère le produit d'une lente et profonde maturation.

    Julliard et ses alliés d'un jour - Bruckner, Finkielkraut, Ferry, Onfray, Debray, Nora, Gueniffey, etc. - viennent pour la plupart de la gauche ; le gouvernement socialiste a crié à la trahison ; la réponse revient comme un boomerang : avec cette réforme, c'est la gauche au pouvoir qui trahit l'idéal scolaire de la République. « Ce livre n'est pas partisan. Il ne se réclame ni de la gauche ni de la droite, mais du patriotisme. » Julliard est un faux naïf : pas partisan peut-être, mais éminemment politique. Le patriotisme, c'est l'enjeu, le clivage, la ligne de front aujourd'hui. Les deux camps ne sont pas ceux qu'on croit. Pas la droite contre la gauche (Luc Chatel, ministre de l'Éducation de Sarkozy, a d'abord approuvé la réforme ; et Alain Juppé ne propose pas autre chose que les socialistes dans son programme présidentiel), mais ceux qui croient encore à la France et ceux qui sont passés à autre chose. Ceux qui veulent encore utiliser l'école comme un moyen de transmettre l'héritage historique et culturel de nos pères et ceux qui, au contraire, se servent de l'école pour nettoyer les cerveaux des nouvelles générations et les transformer en citoyens du monde hors sol, sans racines ni passé. Julliard est dans le camp des premiers. « Il y aurait une identité de la Méditerranée, une identité de l'Europe, et il n'y aurait pas une identité de la France ? »

    Il se retrouve avec des gens qui furent longtemps ses adversaires ou même ses ennemis. Il partage avec eux une culture commune, une langue, un héritage, un désir de les transmettre. Une civilisation. Mais son catholicisme de gauche et son engagement européen ont fait qu'il a longtemps frayé avec les seconds. D'où ses déchirements intérieurs devant les cris d'orfraie de ses anciens amis. C'est le drame des périodes charnière où l'Histoire bascule. Julliard se retrouve dans la situation douloureuse de son maître Péguy, qui se détourna et se retourna contre son ami Jaurès, au moment où le danger allemand se précisait à la veille de la guerre de 1914. Julliard fait feu sur le quartier général de ses anciens amis devenus des ennemis qui détruisent la République au nom de la République. Il a compris qu'il est minuit moins le quart. Qu'il n'est plus temps de s'embarrasser de précautions progressistes ; que les progressistes affichés sont les fossoyeurs de l'école de la République, et que les vrais progressistes sont les prétendus réactionnaires.

    Alors, cap sur la réaction ! L'école d'avant Mai 68, seule issue pour sauver l'école ! Julliard, après d'autres, analyse le basculement de Mai 68, comme le moment décisif de l'alliance entre libéraux de droite et libertaires de gauche, pour dynamiter la vieille école: « La principale fonction sociale de l'école n'est plus désormais la diffusion du savoir mais la garderie des enfants et l'encadrement des adolescents. » Notre auteur s'élève contre les discours égalitaristes et libertaires qui dominent la gauche depuis quarante ans, avec des accents qui l'auraient fait passer, dans les années 1970, pour un scrogneugneu ringard: « Le but premier de l'éducation n'est pas d'égaliser, mais d'éduquer. » Et même seulement d'instruire, a-t-on envie d'ajouter. Les parents devraient se charger de la rude tâche d'éduquer leur progéniture. « Le maître n'est pas un moniteur, ni un animateur du Club Med. C'est un homme qui a la maîtrise du savoir qu'il enseigne, et qui doit être respecté pour cette raison même. »

    Julliard tire à vue sur tous les faiseurs de l'école moderne, tous ces pédagogistes qui font la pluie et le beau temps Rue de Grenelle, et qui tiennent les ministres - de droite ou de gauche - pour de simples « attachés de presse » de leurs chimères nihilistes: « Cette école de la bienveillance n'est en réalité qu'une école de la complaisance. » Il analyse pertinemment la lente désagrégation de l'école, d'abord vendue au « consumérisme » avant d'être livrée au communautarisme: « Ferment de mort pour la nation ; c'est un pistolet braqué au cœur de l'école. » Il pointe la lâcheté des responsables politiques : « La France a peur de sa jeunesse, voilà l'origine du mal. » Et les mille et un trucs de leurs marionnettistes: « Si l'école de ce pays - c'est là son mérite et son destin - n'était pas lourdement pénalisée à cause de la présence d'enfants d'immigrés non francophones qui souvent ignorent tout du français, son classement international remonterait singulièrement et rejoindrait sans doute l'exemplaire, la chimérique, la bienheureuse Finlande, à qui les pédagogistes un peu truqueurs attribuent des mérites qui ne sont en réalité que l'effet d'une grande homogénéité culturelle de départ. »

    Julliard a compris qu'il n'était plus temps de composer. Que la Rue de Grenelle était irréformable, car tenue solidement en main par les ennemis de l'école républicaine. « Raser la Rue de Grenelle », n'hésite-t-il plus à clamer, pour sauver l'Ecole. Mais n'est-ce pas déjà trop tard ? « Je le dis tout net : si je devais me convaincre que la gauche est, fut-ce à son corps défendant, l'agent de la marginalisation de notre littérature dans la France moderne, je n'hésiterais pas une seconde, ce n'est pas avec la littérature, ma patrie quotidienne, que je romprais, ce serait avec la gauche. » Il est temps, cher Jacques : rompez. 

    L'école est finie, Jacques Julliard. Flammarion. 127 pages, 12 €.

    L'escouade de «pseudo-intellectuels» dénoncés par la ministre

    Juppé ne propose pas autre chose que les socialistes dans son programme présidentiel

     

  • LIVRES • Sébastien Lapaque : les indignés, les anarchistes et les déconstructeurs

     

    Sébastien Lapaque a lu pour le Figaro le dernier essai de Renaud Garcia « Le désert de la critique ». Il y a trouvé une passionnante déconstruction de la passion déconstructrice contemporaine. Il en résulte une chronique brillante, non-conformiste et par certains côtés, dérangeante, sur laquelle on peut débattre. Et qui nous a beaucoup intéressés. LFAR

     

    Sébastien_Lapaque.jpgPourquoi la gauche, malgré ses prétentions critiques face à l'Histoire, se montre-t-elle aujourd'hui incapable de penser le monde? A cette question déplaisante pour les grandes têtes molles du gauchisme culturel, il conviendrait d'en associer une seconde afin d'être complet. Pourquoi la droite, malgré ses prétentions patrimoniales, se montre-t-elle incapable de conserver le monde ? Les « mystères de la gauche » dont a merveilleusement parlé le philosophe Jean-Claude Michéa dans un « précis de décomposition » d'un genre un peu particulier s'appréhendent à la seule condition d'envisager en miroir ceux de la droite. Là, ceux qui ne sont plus capables de rien comprendre ; ici, ceux qui ne veulent plus rien sauver — surtout ceux qui en ont le plus besoin, à savoir ceux qui n'ont rien : les pauvres et le peuple. C'est cependant à la seule gauche postmoderne que s'en prend le philosophe Renaud Garcia dans Le Désert de la critique, déconstruction et politique (Editions l'Echappée). Un livre qui fera date, soyons en sûr, comme ont fait date Orwell anarchist tory (1995), L'enseignement de l'ignorance et ses conditions modernes (1999) et Impasse Adam Smith (2002) de Jean-Claude Michéa.

    Il n'a échappé à aucun de ceux qui prêtent un peu attention au mouvement des idées politiques dans la France contemporaine que c'était souvent parmi les héritiers du socialisme libertaire classique — celui de Pierre-Joseph Proudhon, de George Orwell et de Simone Weil — que se faisait entendre quelque chose de neuf. L'anarchisme, observe Renaud Garcia en préambule de son livre, est « l'un des seuls courants politiques contemporains connaissant, à gauche de l'éventail politique, une forme de renouveau depuis la chute du mur de Berlin ». Intellectuellement, c'est manifeste. Né en 1981, agrégé de philosophie, auteur d'une thèse sur le penseur russe Pierre Kropotkine, Renaud Garcia propose à ses lecteurs quelques clés essentielles pour comprendre l'impitoyable monde post-moderne tel qu'il va — et surtout tel qu'il ne va pas. Dans sa ligne de mire, la pensée de la déconstruction chère aux maîtres penseurs de la French theory, Michel Foucault, Jacques Derrida et Gilles Deleuze. Sans le voir, ces sceptiques de grand style ont consolidé les mécanismes d'aliénation contemporains. A force de vouloir tout déconstruire, les lois, les textes, le monde et la vie, leurs épigones se sont interdit de comprendre quoi que ce soit au mouvement du capitalisme total. Si le langage est fasciste, si la raison est fasciste, si l'idée d'universel est fasciste, quelles armes reste-t-il à la critique pour dénoncer la marchandise fétichisée, l'emprise technologique, l'indécence endémique et la généralisation de l'ennui dans les démocraties marchés ?

    L'attitude relativiste des radicaux à l'œuvre dans des mouvements tels que Anonymous, Occupy Wall Street ou Podemos, leur goût pour la marge et les minorités, leur disposition à l'insurrection existentielle permanente, leur glissement théorique d'une critique de l'« exploitation » à une critique de la « domination » en fait aujourd'hui les idiots utiles d'un capitalisme qui n'a pas fini d'accomplir de grands bonds en avant. A trop dériver de l'un vers le multiple, ils sont devenus « un peu sourd(s) à la question sociale », comme l'avoue merveilleusement le délicieux Bernard-Henri Lévy, qui s'est lui-même essayé à déconstruire l'universel à coups de marteau à l'époque des Nouveaux Philosophes. Renaud Garcia démontre avec force et conviction à quel point l'insistance sur les « différences » — de genre, de sexe, de race — est une ruse du Capital pour pouvoir continuer à manœuvrer et grandir dans un contexte d'accumulation illimitée que plus personne ne remet en cause. Le philosophe qui a lu et médité Günther Anders, Christopher Lasch et Guy Debord se désole de voir le lit fleuve néolibéral parsemé d'idées anarchistes devenues folles. Car ceux qui parlent de « Grande Révolution culturelle libéral-libertaire » voient juste. Au tréfonds du capitalisme, trépide une puissance de destruction qui méduse les anarchistes 2.0. convertis aux idéaux de la révolte « ludique et festive ».

    Pour sortir des chemins qui ne mènent nulle part dans lesquels est engagée la génération perdue des Indignés, Renaud Garcia propose de faire retour à l'idée de relation concrète — comme les non-conformistes des années 30 ou les chrétiens Jacques Ellul et Bernard Charbonneau en leur temps. « Bien qu'il s'avère de plus en plus difficile à effectuer dans le contexte du gigantisme des sociétés contemporaines, le recentrage sur ce qu'il y a d'immédiatement commun entre l'autre et moi-même reste un choix simple et à la portée de nos capacités. » Une proposition généreuse dont on ne saurait trop louer le caractère rafraîchissant, d'un point de vue intellectuel mais également, osons l'écrire ici, d'un point de vue spirituel. Penseur rare, Renaud Garcia est un « angry young man » un peu plus lucide que la plupart des enragés qui campent à la gauche de la gauche. A le lire, à le suivre, à l'entendre, on comprend que seule la vérité, seule l'essence des choses, seule la réalité, seule l'idée que « l'homme est un être dont la nature ne se construit que par les liens avec ses semblables » sont révolutionnaires.

    Peu de choses, dites-vous ? C'est un monde.

    Le désert de la critique - Déconstruction et politique - Renaud Garcia - Editions de l'échappée - 220 pages - 15 euros

     

    Sébastien Lapaque

  • Alain de Benoist : « Avec la postmodernité, l’individualisme se mue en égocentrisme narcissique… »

    Les fameux selfies offrent le plus spectaculaire échantillon du narcissisme. Ici, à Vilnius (Lituanie), le 1er août. AFP PHOTO / PETRAS MALUKAS

    C'est un tableau très exact et très complet de la société et de l'homme postmodernes que brosse ici Alain de Benoist. Il en résulte que cette sorte de révolution liquide à laquelle nous sommes confrontés ou affrontés dépasse largement le strict terrain du politique et que pour l'inverser ou la supplanter, il faudra bien plus qu'une transformation institutionnelle ou politique. Sans-doute y faudra-t-il cette métanoïa éthique, anthropologique et, bien-sûr, politique que Pierre Boutang - et André Malraux - évoquaient en leur temps.  LFAR

     

    1530443371.jpgModernité… Tous les médias n’ont plus que ce mot à la bouche. Il faut être moderne, nous dit-on, « parce qu’on n’arrête pas le progrès ». Au fait, ça veut dire quoi, la « modernité » ?

    La modernité est une des catégories fondamentales de la sociologie historique et de la politologie contemporaines. Étudiée par une multitude d’auteurs, elle va très au-delà de ce qu’on appelle en général la modernisation (industrielle et postindustrielle). Elle trouve ses racines à la fin du Moyen Âge et à la Renaissance, et s’épanouit à partir du XVIIe et surtout du XVIIIe siècle. Elle se caractérise par la montée des classes bourgeoises, qui imposent progressivement leurs valeurs au détriment des valeurs aristocratiques et des valeurs populaires, et par la naissance de l’individualisme.

    Sous l’influence de l’idéologie du progrès, rendue possible par l’essor des sciences et des techniques, s’affirme à l’époque moderne une confiance de principe dans les capacités de l’homme à gérer « rationnellement » son destin. Le passé et la tradition perdent dès lors leur légitimité, de même que les formes sociales d’appartenance traditionnelle et communautaire. L’hétéronomie par le passé est remplacée par l’hétéronomie par le futur, c’est-à-dire la croyance que demain sera nécessairement meilleur (les « lendemains qui chantent »). C’est l’époque où se déploient à la fois les philosophies du sujet et les grands systèmes historicistes, qui prétendent déceler un « sens de l’Histoire » assuré dont l’accomplissement mènerait le monde à son idéal. Sur le plan politique, le grand modèle est celui de l’État-nation, qui s’affirme au détriment des logiques féodale et impériale. Les frontières suffisent à garantir l’identité des collectivités, et servent de tremplin à des tentatives d’universalisation des valeurs occidentales, par le biais notamment de la colonisation. L’Église, de son côté, perd peu à peu le pouvoir de contrôle de la société globale qu’elle possédait autrefois.

    Mais cette modernité, on y est toujours ou on en est sortis ? Quid de la « postmodernité » ?

    La postmodernité ne s’oppose pas à la modernité, mais la dépasse tout en la prolongeant sur certains plans (on parle alors d’« ultra-modernité » ou encore d’« hypermodernité », au sens où l’on parle aussi d’hyperterrorisme, d’hyperpuissance, d’hypermarchés, etc.). Son avènement, à partir des années 1980, s’explique par le désenchantement du monde engendré par la désagrégation des « grands récits » historicistes, elle-même consécutive à l’effondrement des dogmes religieux et à l’échec des utopies révolutionnaires du XXe siècle.

    Dans le monde postmoderne, on assiste à une dissolution généralisée des repères traditionnels, qui entraîne une fragmentation, voire une atomisation de la société civile, en même temps qu’une fragilisation des identités individuelles et collectives, elle-même génératrice de comportements anxiogènes et de poussées de « phobies » paniques. L’individualisme se mue en égocentrisme narcissique, tandis que les rapports humains extra-familiaux se réduisent à la concurrence ou à la compétition régulée par le contrat juridique et l’échange marchand. L’hédonisme s’appuie sur la consommation de masse (on consomme d’abord pour se faire plaisir plutôt que pour rivaliser avec autrui) pour viser avant tout au bien-être et à l’épanouissement personnel. Les disciplines contraignantes et les normes prescriptives s’effondrent, l’autorité sous toutes ses formes est discréditée, et l’art s’émancipe des règles de l’esthétique. On assiste aussi à un éclatement des cadres temporels, qui se traduit par le culte du présent au détriment de toute volonté de transmettre. Sur le plan politique, la gouvernance se ramène de plus en plus à la gestion, l’État-nation est débordé par le haut (emprises planétaires) et par le bas (renaissance des communautés locales), et les frontières ne garantissent plus rien.

    La postmodernité correspond à ce monde « liquide » théorisé par Zygmunt Bauman, où tout ce qui était durable et solide semble se désagréger ou se liquéfier. C’est un monde de flux et de reflux, un monde de mouvances migratoires néo-nomades, caractérisé par le désinstitutionnalisation et la déterritorialisation des problématiques. Sous l’effet d’une logique économique qui a balayé tout idéal de permanence s’instaure le règne de l’éphémère et du transitoire, dans la production et la consommation des objets, tout comme dans les comportements, comme en témoignent la fin des engagements politiques de type sacerdotal, la désaffection des églises, des syndicats et des partis. La foi religieuse est privatisée, on se compose des croyances à la carte, et tous les modes de vie deviennent socialement légitimes. La vogue de l’idéologie des droits de l’homme et la croyance au pouvoir régulateur du marché se conjuguent pour légitimer la promotion des droits et l’affirmation de la « liberté des choix », tandis que l’explosion de la logique du marché entraîne la commercialisation de tous les modes de vie. Deux mots anglo-saxons résument bien cette tendance générale : le « selfie » et le « zapping », autrement dit l’obsession de soi et la volatilité des comportements, qu’ils soient électoraux ou amoureux.

    Avec l’actuelle réforme de l’école, l’éternelle querelle entre les « Anciens » et les « Modernes » reprend du poil de la bête. L’enseignement du grec et du latin, c’est moderne, postmoderne ou archaïque ?

    Ce n’est rien de tout cela. Car le grec et le latin, tout comme ce qui est de l’ordre de la culture authentique, ne sont ni d’hier ni de demain, mais de toujours ! 

    41xYQ2k287L__SL300_.jpg

    Entretien réalisé par Nicolas Gauthier - Boulevard Voltaire

     

  • DF : un parti d’extrême-droite qui siège à gauche, par Yves Morel*

     

    Partout en Europe - comme, d'ailleurs, en de nombreux autres points du monde - ce sont les identités, les peuples, les nations qui se renforcent.

    Les élections législatives danoises du 18 juin dernier ont vu une percée du parti populaire danois (Densk Folkeparti, DF) qui, avec 21,1 % des suffrages exprimés, enlève 37 sièges de députés, et devient le second parti du Danemark, derrière le parti social-démocrate et devant le parti conservateur libéral Venstre.

    Bien entendu, les médias et les milieux politiques européens, se sont émus de « la montée de l’extrême droite » dans ce petit pays nordique paisible et prospère. Qu’on se rassure, le Danemark ne deviendra pas un pays xénophobe fondé sur le culte des races nordiques, l’exaltation de l’épopée des Vikings, le paganisme scandinave ou un luthéranisme exclusif.

    Tout d’abord, le parti populaire danois, quoique constituant le groupe le plus important du Folketing (Parlement danois), a refusé de former le nouveau ministère, faute d’avoir trouvé un accord de législature avec les autres formations de droite. C’est donc Lars Løkke Rasmussen, déjà trois fois Premier ministre, qui, le 28 juin, a constitué le cabinet, très minoritaire, composé uniquement de membres du Venstre, qui, avec 19,5 % des suffrages, enregistre son plus mauvais score depuis sa fondation et ne dispose plus que de 34 sièges de députés, soit 1/3 de moins qu’auparavant. Ce ministère, privé de majorité d’entrée de jeu, ne durera guère et devra louvoyer constamment entre les divers groupes du Folkenting. Mais surtout, le Densk Folkeparti n’a rien d’un parti extrémiste.

    Un parti centriste

    En effet, il est, au Danemark, classé au centre, à droite du parti social-démocrate, mais à gauche du Venstre et des partis conservateurs. Au Folketing, ses députés siègent à gauche de ceux du Venstre. Il est intéressant de noter que, lors de la première législature à laquelle il ait participé (1998-2001), il a soutenu, sans y entrer, le ministère social-démocrate de Poul Nyrup Rasmussen. Puis, de 2001 à 2011, il a soutenu les cabinets conservateurs d’Anders Fogh Rasmussen (homonyme, mais non parent du précédent), toujours sans en faire partie. Depuis 2011, il a choisi la ligne de l’opposition à ces mêmes gouvernements.

    Né en octobre 1995 d’une scission au sein du Parti du Progrès (Fremskridtspartiet), formation militant pour l’abolition de l’impôt sur le revenu, la réduction du poids de l’administration et un strict contrôle migratoire, il combine le souci de la défense de l’identité danoise et celui de la préservation du système de protection sociale édifié au fil des décennies. Attaché à la démocratie parlementaire, il ne se réclame d’aucune idéologie. Il n’est ni raciste ni xénophobe. Sa fondatrice et première présidente, Pia Kiaersgaard, a passé le relais, en 2012, à Kristian Thulesen Dahl, âgé aujourd’hui de 46 ans, économiste, membre des conseils d’institutions aussi diverses que l’université d’Aalborg, de l’aéroport de Billung et de la Banque nationale danoise, conseiller à la Cour nationale des Impôts. Thulesen Dahl, notable, père de famille tranquille, réfléchi, pondéré, ne présente pas le profil d’un agitateur populiste, moins encore d’un aspirant au pouvoir personnel. Sans véritable charisme, il jouit d’une autorité naturelle qui en impose à ses partisans et le fait reconnaître comme un homme sérieux et fiable. Il n’est ni un Le Pen ni un Umberto Bossi ; et ses préoccupations sociales l’opposent à un Gianfranco Fini ou à un Silvio Berlusconi, ultra-libéraux.

    Défense du modèle social danois et de l’identité nationale et culturelle danoise

    Car le parti populaire entend défendre le système de protection sociale, auquel tiennent tous les Danois. Il a d’ailleurs récemment conclu un accord avec le parti socialiste populaire (situé à gauche du parti social-démocrate) pour réclamer une revalorisation substantielle de l’indemnité contre le chômage. Mais il entend remettre ce modèle sur les rails, autrement dit recentrer ses missions et ses moyens sur les Danois de préférence aux immigrés, et sur les fractions nécessiteuses de la population, oubliées ou négligées depuis deux décennies, telles les retraités à faible pension et les salariés aux revenus les plus modestes. Ces deux catégories de la population ont quelque peu pâti de la sollicitude compassionnelle politiquement correcte des pouvoirs publics à l’égard des chômeurs, des demandeurs de premier emploi, et surtout des immigrés, abusivement considérés comme relevant d’un devoir d’assistance incombant au pays d’accueil, apparenté à une obligation morale.

    Cette préférence paraît désormais d’autant plus inadmissible que nombre d’immigrés, et spécialement les musulmans, refusent le modèle d’intégration par assimilation, à la base de la politique danoise d’immigration. Ils cherchent à tirer tout le profit possible du modèle social danois sans consentir à aucun effort d’intégration, soucieux non seulement de conserver leur identité et leur mode de vie d’origine, mais encore de les promouvoir et de les imposer à la population par la prohibition de fait des habitudes de vie jugées par eux en contradiction avec leur religion. Ces musulmans-là, de plus en plus nombreux, ne se privent nullement de vilipender les mœurs, les coutumes, la langue, la patrie danoises, de faire l’éloge des pays islamistes, de demander pour eux la multiplication des lieux de culte, d’arborer des tenues vestimentaires caractéristiques du monde arabe. Sous leur pression, des crèches, garderies, cantines scolaires et hôpitaux ont éliminé des repas servis aux usagers tous les plats à base de chair de porc, notamment les pâtés, saucisses, boulettes et fricadelles, pourtant emblématiques de la cuisine danoise ; certains de ces services et établissements en sont arrivés à ne plus servir que de la viande hallal au public, lors même qu’il se compose d’une forte majorité de non-musulmans. Et, dans la foulée, ils ont accepté d’interdire les arbres de Noël. Pire : un groupe musulman semi-clandestin a tenté de créer à Copenhague des zones d’application de la charia contrôlées par une « police de la vertu ». Le même groupe a lancé des appels au meurtre des Danois et préconisé l’instauration d’un régime islamiste au Danemark.

    Cette situation a suscité chez les Danois une réaction de défense compréhensible qui excède largement le parti populaire et que les gouvernants ont prise en compte. En 2009-2010, Inger Støjberg, jeune ministre de l’Emploi du cabinet Rasmussen (libéral) a pris diverses mesures salutaires : réduction des aides sociales aux chômeurs immigrés de plus de 30 ans refusant l’apprentissage du danois, subordination de la gratuité des soins à une période probatoire de plusieurs années pour les immigrés, réduction, pour ces derniers, des congés maternité et des prêts aux étudiants. Le 10 juillet 2013, elle a justifié sa politique dans une tribune du journal Politiken.

    La percée du modéré parti populaire n’est rien d’autre que le signe fort de cette saine réaction nationale de défense. 

     

     - Docteur ès-lettres, écrivain, spécialiste de l'histoire de l'enseignement en France, collaborateur de Politique magazine et la Nouvelle Revue universelle.

     

  • Dans la revue l'Incorrect, le confiné de l’Elysée se rebiffe, par Gabriel Robin.

    © Louis Lecomte pour L'Incorrect

    L’allocution d’Emmanuel Macron avait été savamment « teasée » à la manière des feuilletons américains. L’objectif n’était pas de réunir un maximum de Français devant leurs écrans – et pour cause, tous confinés, nous n’avons que ça à faire -, mais bien de susciter chez eux une attente. Le Président est-il sorti de cette ambiguïté qui le dessert depuis le début de la crise pour revêtir le costume « churchillien » que son équipe de communication promettait ?

    Bon acteur, il n’est pas assez impératif pour inspirer vraiment confiance. Dissection de l’exercice.

    Emmanuel Macron ne change plus. Il est désormais toujours le même. D’un abord empathique, il semble toujours au bord des larmes pour nous annoncer le pire. Le discours du 13 avril fut d’ailleurs un modèle du genre, typique de son style. Si l’imprécision sur les questions techniques a été manifeste, le concert des violons s’est fait longuement entendre pour décrire « le monde d’après » que le monarque aux pouvoirs thaumaturgiques aimerait voir se dessiner après la crise. Le père Macron emprunte souvent au registre ecclésial pour asséner ses longs et ennuyeux sermons. La date du lundi de Pâques s’y prêtait probablement ; mais nombreux seront restés sur leur faim, qu’ils soient en première ligne, en seconde ou en troisième. Une seule annonce concrète a été faite : le 11 mai sera le point de départ du début d’un déconfinement qui, on s’en doute, sera très progressif. Enfin, si « Le Virus » le permet, puisque, de l’aveu même de l’exécutif, nous ne savons pas encore tout. Du déconfinement à la déconfiture, il n’y aura qu’un pas.

     

    Après avoir fait œuvre de contrition, reconnaissant que la France n’avait pas été bien préparée à la pandémie d’un lapidaire « Avons-nous bien anticipé ? À l’évidence pas assez », Emmanuel Macron s’est cherché des excuses. Il a d’abord affirmé que le covid-19 était un virus « mystérieux » qui avait troublé les spécialistes – ajoutant qu’on ne savait toujours pas tout à son sujet -, puis a dans un même élan expliqué que l’Asie souvent citée en exemple était en train de replonger et de décider de nouveaux confinements et ralentissements de son activité économique. Autant de constats justes qui masquent mal l’évidence : ce qui aurait dû être fait il y a deux mois ne l’a pas été. Il fallait fermer les frontières aériennes et interdire les grands rassemblements beaucoup plus tôt. Face à un risque majeur, les mesures prophylactiques les plus draconiennes ne sont jamais de trop. Elles permettent de gagner du temps.

    C’était d’ailleurs possible puisque c’est précisément ce qui est fait aujourd’hui. Le président l’a déclaré lui-même : « Jusqu’à nouvel ordre, les frontières avec les pays non européens seront fermées ». On notera, à ce propos, que ce qui apparaissait comme une folie il y a quelques semaines à peine est devenu la réponse naturelle de la nation en danger. Dans le même ordre d’idées, Emmanuel Macron a aussi demandé du temps, usant et abusant des termes « prévention », « résilience » et « planification ». Est-ce au moment où la pire catastrophe des 6 dernières décennies nous frappe qu’il faut planifier ? Non, c’était avant qu’il le fallait. Comme pour l’immigration autrefois. Les mesures de précaution doivent prévenir les drames. Elles sont sans effet une fois qu’ils se sont produits !

    Long et flou, le discours s’est ensuite noyé dans des détails hors sujet et des mesures étonnantes.

    Long et flou, le discours s’est ensuite noyé dans des détails hors sujet et des mesures étonnantes. Ainsi, les crèches et écoles rouvriront à la date du 11 mai, probablement pour soulager les parents qui n’ont pas de possibilités de faire garder leurs enfants. En revanche, les établissements du secondaire seront fermés jusqu’à la rentrée de septembre. Rien de logique. Il a aussi évoqué la situation désastreuse des commerces de service – à commencer par les restaurateurs, cafetiers et autres hôteliers -, promettant des annulations de charge et faisant référence aux assurances. Deux projets de loi ont été déposés en ce sens par Louis Aliot et Nicolas Meizonnet du Rassemblement national, dans l’objectif de faire reconnaître les catastrophes sanitaires au même titre que les catastrophes naturelles ou les catastrophes technologiques.

    Pourquoi, dans le même segment, évoquer l’annulation de la dette de l’Afrique ? Quel rapport avec la pandémie et ses conséquences en France ? On sentait bien qu’Emmanuel Macron voulait inscrire son discours dans l’histoire, mais il lui manquait du souffle et de la vision pour y parvenir. Surtout, le jeune président est trop confus, trop brouillon et trop émotif pour rassurer en tant que capitaine d’un rafiot en pleine tempête.

    Evoquant une « économie de guerre » centrée sur la recherche de traitements et vaccins, la production de masques et de tests, il n’a pourtant pas su donner de chiffres et de perspectives. Traitements et vaccins ne sont pas de son ressort. Il n’est pas un super-héros capable de tout superviser et doit en la matière faire confiance à ceux qui cherchent. Pour l’heure, il n’y a rien de certain. Quant au vaccin, qui signifiera le véritable retour à une vie normale, il ne verra pas le jour avant plusieurs années. Les masques ? Ils ont été commandés mais n’arrivent pas, le monde étant en pénurie. Idem pour les tests, lesquels ne sont toujours pas totalement fiables. Ces armes de guerre conditionnent pourtant la fin du confinement et le retour à une vie qui ne sera pas normale, mais plus proche de celle que nous connaissions avant la pandémie.

    On le voit, Emmanuel Macron navigue à vue. Il ne sait pas vraiment où aller, ni quelle ambition dessiner pour la France d’après la pandémie. Elle sera certainement en récession, durement affligée. Prenons-le au mot : il faudra tirer des leçons. Lesquelles sont extrêmement simples : rien ne vaut l’indépendance stratégique, rien ne vaut la nation. Nous n’allons pas payer avec notre épargne et nos biens les erreurs d’hier. Nous travaillerons. Nous lutterons. Nous nous redresserons. Sans eux. Que cette occasion de regagner notre liberté de peuple soit saisie. Le train ne repassera pas deux fois.

     

    Par Gabriel Robin

  • Monsieur le Président : laissez-nous servir !

    "Nous reparlerons de ce sujet demain Mardi. NDLR"

    Source : https://www.padreblog.fr/

    Padreblog relaie volontiers cette tribune publiée dans Le Figaro et signée par plus de 130 prêtres et curés de paroisses qui exercent leur sacerdoce dans différentes régions de France. Ils demandent au chef de l’État de rétablir la liberté de célébrer les messes dans les églises à partir du 11 mai 2020.

     

    Il est encore possible de s’associer à cet appel qui vise à soutenir la demande déposée par nos évêques auprès du gouvernement afin d’obtenir une reprise du culte dès le 11 mai. Tous les prêtres qui le souhaitent peuvent adresser un mail à l’adresse suivante (en ajoutant nom, prénom, fonction, ville et département/diocèse d’apostolat).

    « Monsieur le Président,

    Prêtres de terrain, au contact de tous et disponibles pour tous, en milieu urbain, semi-urbain ou rural, aumôniers, vicaires, curés de paroisse, nous venons vous demander, Monsieur le Président, de nous laisser nous aussi reprendre pleinement notre service, dès le 11 mai.

    Comme tous les Français et avec tous nos paroissiens, nous avons été impliqués depuis près de 10 semaines dans cette lutte contre le Covid-19. Nous avons été vigilants, loyaux, prudents, obéissants et respectueux des différentes consignes. Vivre confinés, sans célébration commune, la Semaine sainte et les fêtes de Pâques – le sommet de l’année pour les chrétiens – fut pour nos fidèles et nous une véritable épreuve que nous avons pleinement acceptée et offerte pour notre pays. Vous avez salué sur les réseaux sociaux, tout comme votre Premier Ministre et le Ministre de l’Intérieur, notre sens des responsabilités à cette occasion.

    Depuis le début de la crise, avec l’ensemble de nos communautés et beaucoup d’associations chrétiennes, en lien avec nos mairies, nous sommes engagés au service des plus isolés ou des plus précaires. A travers de nombreux volontaires et bénévoles, nos paroisses ont fait de leur mieux pour maintenir le lien entre tous, soutenir les soignants, fabriquer des blouses et des masques, préparer des repas pour les plus démunis, accompagner les plus âgés en aidant dans les Ehpad. Comme chez beaucoup de nos compatriotes, cette crise aura suscité un élan de solidarité et une créativité admirable au service du bien commun. Prêtres, nous avons aussi fait tout notre possible – malgré les restrictions – pour accompagner les mourants, offrir aux défunts les obsèques qu’ils méritaient et rester présents auprès des familles endeuillées. A l’appel du pape François, nous avons essayé de rester proches de tous.

    Mais cet élan de charité prend sa source et se nourrit, pour nous chrétiens, dans la célébration des sacrements. Le 11 mai, cela fera 9 semaines que les catholiques n’auront pu se retrouver pour célébrer ensemble, pour communier et se confesser. Des couples ont dû reporter le baptême de leur enfant, d’autres leur mariage. Les premières communions, professions de foi, confirmations sont elles aussi reportées. Cela ne s’est jamais vu dans l’histoire. Mais si la vie économique et sociale doit reprendre à partir du 11 mai, il n’y a pas de raison pour que la vie cultuelle et religieuse soit laissée de côté. Si les usines, les écoles, les commerces et les transports en commun reprennent, qu’est-ce qui pourrait justifier que nos églises restent vides et les messes publiques interdites ? Cette pratique de notre foi est non seulement une liberté fondamentale dans notre démocratie, mais aussi pour nous chrétiens un besoin vital.

    Dans les périodes de crise, il faut mobiliser toutes les ressources du pays. Les ressources spirituelles en font partie, elles ne sont pas à négliger. Annoncer la reprise du culte, c’est ainsi participer à renforcer la capacité de résilience du pays. C’est lancer un signal fort d’encouragement et de mobilisation morale et spirituelle. La force d’une nation, c’est aussi sa force d’âme. Laissez-nous y travailler ! Ce que les chrétiens vivront à nouveau dans leurs églises profitera à tous, à travers les fruits d’engagement et de charité qui en découleront. Plus que jamais, les Français ont besoin de ces lieux de cultes non seulement ouverts mais à nouveau habités, lieux de célébrations porteuses d’espérance, de retrouvailles fraternelles, de soutien mutuel, de paix, de consolation et de ressourcement.

    Nous ne demandons pas plus, mais pas moins que les autres. Nous avons compris qu’à partir du 11 mai, tout ne serait pas « comme avant ». Nous ne demandons pas la reprise totale du culte sans discernement ni prudence. Mais nous demandons qu’on nous fasse confiance pour mettre en place et vivre un dé-confinement progressif, par étapes, totalement respectueux des règles sanitaires. Nos évêques ont fait de nombreuses propositions dans ce sens. Nous avons prouvé depuis deux mois qu’on pouvait nous faire confiance. Nous sommes en lien permanent avec les élus de nos communes. Nous saurons une fois encore montrer notre sens des responsabilités.

    Monsieur le Président, dans une crise, chacun doit être à sa place et faire ce qu’il a à faire. Les soignants soignent. Les forces de l’ordre contrôlent et protègent. Les commerçants font du commerce. Les enseignants enseignent. Les élèves étudient. Les agriculteurs cultivent et nourrissent… Laissez sans tarder les croyants célébrer, prier et se rassembler. Le dimanche, notre place est dans l’église. Nous, prêtres, ne sommes pas faits pour rester derrière des écrans, mais bien pour donner à tous ceux qui nous le réclament les sacrements qui font vivre et espérer. Monsieur le Président, le 11 mai, laissez-nous reprendre les célébrations avec des fidèles. Parce que c’est aussi pour nous la meilleure façon de servir ».

    [Cet appel au président de la République a été signé par plus de 130 prêtres et curés de toute la France, et publié dans Le Figaro « Vox » du 25 avril 2020].

  • (Sur Infos-Toulouse) « Sachons déceler la flamme de la transmission » : lettre d’un catholique de France.

    Vitrail de la cathédrale Notre-Dame-de-Paris. © Wikipedia

    Lisez, écoutez, recentrez-vous… Ce confinement permet à certains Français de se recentrer sur eux-mêmes. Découvrez ce cri du cœur d’un lecteur fidèle, un jeune catholique français.

    Le Vendredi est un jour de jeûne et d’abstinence pour nous, catholiques de France. Mais de quelle France, chers amis, de quelle France… ? L’épidémie que subit notre pays nous en révèle ses restes. Et le constat est bien triste, bien honteux, bien méprisable. Tandis que nos soignants, nos médecins et nos infirmiers s’échinent à monter au front, à combattre cet ennemi invisible jusqu’à donner leur vie, jusqu’à sacrifier leur propre battement de cœur pour un Bien Commun, pour assurer la pérennité de notre peuple, que voyons-nous ? Une population errante, terrée, peureuse… Un pays vide, vide de sens.

    Ce beau pays, terre de nos pères, bâti à la sueur des fronts de centaines de générations, ce terroir défendu dans le sang des grandes batailles, ce terroir, alliance du sang des hommes et de la nature, aujourd’hui souillé, aujourd’hui abandonné, aujourd’hui méprisé, aujourd’hui stérilisé. Les cloches de nos églises sonnent. Bien macabre est leur glas. Appelant en vain une âme qui ne semble plus, appelant en vain un peuple perdu, ce n’est qu’un tintement creux, qu’une frêle coquille vide. Notre pays a été pillé, consciencieusement dévitalisé : nos œuvres ne sont plus, celles de nos pères non plus, toutes vendues à la découpe, aux enchères… tous ces savoir-faire exportés qui ne reviendront plus. Hélas cette crise sanitaire nous le révèle, nous sommes devenus une terre de colonisation. Abasourdis par soixante-dix années de matraquage mondialiste et mensongèrement émancipateur, les Français ont été réduit à l’état d’individus, de pions, de consommateurs. Méritent-ils encore le nom de Français ? Je l’ignore et l’Histoire seule pourra en juger…

     

    Un passé à honorer

    Car ce peuple avait une fierté, il avait un honneur, un sang qui coulait dans ses veines depuis qu’un fier Sicambre, déposant ses colliers, eu la grâce d’unifier les territoires et les peuples qui l’entouraient. Une union de peuples : des Celtes, des Romains, des Germains. Mais un même héritage : gréco-latin. Un héritage que nos rois, troquant le titre de rex francorum pour celui devenu plus réaliste de rex Franciae, unirent à la beauté et à la transcendance du catholicisme romain. Dès le XIIIe siècle, bien avant Charles Trenet, nos poètes célébraient cette « douce France ». Ils célébraient des plaines, de légères collines, quelques rivières dont l’eau s’écoulait paisiblement au milieu des premières moissons d’été, des forêts d’où s’élançaient les majestueux rois cervidés, des montagnes si hautes que les neiges, délicatement déposées par le vent, y trouvaient une vocation éternelle. Un délicat manteau blanc tel celui qui recouvrit notre pays en ce début de second millénaire, ce « blanc manteau d’églises » enveloppant nos villages comme l’Aurore aux doigts de fée enveloppe le ciel rougeoyant de ses rayons.

    Écoutez ! Entendez ces douces voix : on accourt. Les cloches sonnent, une silhouette, toute de blanc vêtue, sort de l’antique édifice de pierre au bras de son amant. Du haut du tympan les regarde, avec bienveillance, doux et humble de cœur, un enfant-Dieu. La voici, éclatant au grand jour, nimbée de cris enfantins et de pétales de roses, l’âme de la France ! Voici cette fierté bénie de Dieu, cet amour du prochain qui, unis dans le Bien Commun, font même reprendre à luire le soleil, font dire dans une exclamation forte et confiante « On ne passe pas ! ».

     

    « Tout n’est pas perdu »

    Hélas, qu’est-elle devenue… ? Y-a-t-il eu un voleur ou un assassin ? Ne soyons pas naïfs, ne soyons pas des Harpagons en devenir. Mais sondons nos cœurs, sondons notre être intime, notre âme. Revenons à l’essentiel… Faisons silence le temps d’un battement de cœur… Faisons silence… écoutons…   C’est d’abord un doux et léger murmure dans le vent. Puis une brise marine telles celles effleurant les élégants cheveux de nos femmes. Zéphyr se fait soudain plus fort, et son murmure, plus sourd, plus profond. Ce qui n’était alors qu’un son diffus s’éclaircit à mesure que le battement se prolonge : c’est une voix ! non, un rire ! c’est un chant ! c’est un chœur ! Écoutez ! On nous parle, ils nous parlent : oui, ce sont nos pères, ce sont nos mères, ce sont les œuvres de nos ancêtres, ce sont les prières de nos aïeuls ! Ils sont en chacun d’entre nous ! Ils sont le sel de notre terre, ils sont l’âme de notre patrie, ils sont l’âme de la France !

    Alors tout n’est pas perdu. Non, bien au contraire : cette âme n’est pas morte, cette âme ne peut pas mourir. Elle est en chacun d’entre nous, elle parle en chacun d’entre nous. Sachons donc la redécouvrir, sachons déceler cette flamme de la transmission, lisons ses écrits, contemplons ses grandioses ouvrages, de l’humble bâtisse bretonne aux audacieux palais parisiens, inspirons nous, et unissons-nous à la prière de notre peuple qui, s’élevant vers les Cieux dans un confiant et puissant Salve, se liait tout entier dans nos églises afin de communier avec le Seigneur, afin de se joindre à tous les Français des temps passés, de se joindre à tous les Français de notre temps, et surtout, de se joindre à tous ceux de l’avenir.

    Oui, chers amis, l’âme de la France est en chacun d’entre nous. Sachons la redécouvrir et sachons la cultiver, en famille, entre amis, entre paroissiens, pour que notre beau pays se relève comme il l’a toujours fait ! Car c’est aussi ainsi que son âme s’incarne, dans cette belle devise vendéenne : combattue souvent, battue parfois, abattue jamais !  

    Gloire à nos anges gardiens du personnel hospitalier.

    Un catholique de France.

  • Vladimir Poutine attaque l’accueil des migrants : ”Où sont les intérêts de la population autochtone ?”

    (Texte de l'entretien accordé par Vladimir Poutine, le 17 juillet dernier au Financial Times; envoi de lecteur)

     

    Financial Times : Une question générale maintenant. J’ai parlé au début de notre entretien d’une fragmentation. Un autre phénomène aujourd’hui est la vive réaction populaire contre les élites et l’establishment et vous avec vu cela avec le Brexit. Peut-être parlerez-vous de l’Amérique de Trump. Vous avez vu cela avec l’AFD en Allemagne, en Turquie et dans le monde arabe. Combien de temps pensez-vous que la Russie pourra rester immunisée contre ce mouvement global de réaction contre l’establishment ?

    Vladimir Poutine : Vous devez examiner les réalités dans chaque cas particulier. Bien sûr il y a des tendances, mais elles sont seulement générales. Dans chaque cas particulier, lorsque l’on regarde la situation, et la manière dont elle se déroule, vous devez prendre en compte l’histoire du pays donné, sa tradition et ses réalités. Combien de temps la Russie restera-t-elle stable ? Le plus longtemps sera le mieux. Parce que de nombreuses choses, et sa position dans le monde, dépendent de sa stabilité, de sa stabilité intérieure.
    Ultimement, le bien-être du peuple dépend tout d’abord de sa stabilité. Une des raisons, la raison interne, pour laquelle pour laquelle l’URSS s’est effondrée, est que la vie quotidienne était difficile pour le peuple, dont les salaires nets étaient très bas. Les magasins étaient vides et le peuple perdait le désir intrinsèque de préserver l’Etat. Les gens pensaient que les choses ne pouvaient pas empirer, quoi qu’il arrive. Or il advint que la vie devint pire pour de nombreuses personnes, spécialement au début des année 1990, lorsque la protection sociale et le système de santé s’effondrèrent et que le système industriel s’émiettait. Le régime soviétique était probablement inefficace mais au moins les gens avaient un travail. Après l’effondrement ils l’ont perdu. Donc vous devez étudier chaque cas particulier de manière séparée.

    Que se passe-t-il en occident ? Quelle est la raison du « phénomène Trump », comme vous l’avez dit, aux Etats-Unis ? Que se passe-t-il aussi en Europe ? Les élites au pouvoir se sont détachées du peuple. Le problème évident est le fossé entre les intérêts des élites et ceux de l’écrasante majorité du peuple. Nous ne devons pas négliger cette possibilité. Une des choses que nous devons faire en Russie est de ne jamais oublier que le but de l’exercice et de l’existence de tout gouvernement est de créer une vie stable, normale et sûre pour le peuple, et d’œuvrer pour un avenir meilleur.

    Il y a aussi la prétendue idéologie libérale qui a survécu à son objectif initial. Nos partenaires occidentaux ont admis que de nombreux éléments de l’idéologie libérale, comme le multiculturalisme, ne sont plus tenables. Quand le problème des migrations est devenu une préoccupation majeure, de nombreuses personnes ont admis que la politique multiculturaliste n’était pas efficace, et que les intérêts de la population nationale devaient être placés en premier. Il est vrai que ceux qui font face à des difficultés dans leur propre pays, pour des motifs politiques, ont aussi besoin de notre aide. C’est un bel idéal, mais où sont les intérêts de la population autochtone quand le nombre de migrants se dirigeant vers l’Europe de l’ouest n’est pas une simple poignée, mais des milliers ou des centaines de milliers de personnes ?

    Financial Times : Angela Merkel a-t-elle commis une faute ?

    Vladimir Poutine : Une faute cardinale. On peut critiquer Trump pour son intention de construire un mur entre le Mexique et les Etats-Unis. Peut-être cela va-t-il trop loin. Je ne veux pas discuter cela. Mais il devait faire quelque chose contre l’énorme flux entrant de migrants et de narcotiques. Personne ne fait rien. On dit à l’envi que ce n’est pas bien. Mais qu’est-ce qui n’est pas bien ? Que faut-il faire ? Personne n’a rien proposé. Je ne dis pas qu’un mur doit être construit, ou les droits de douane relevés de 5 % par an avec le Mexique. Ce n’est pas ce que je dis, cependant quelque chose doit être fait. Trump cherche au moins une solution.

    A quoi je veux en venir ? Ceux qui sont concernés à propos de cela, les Américains ordinaires, regardent cela et disent : « C’est bien, au moins il fait quelque chose, en proposant des idées et en cherchant une solution ». Les tenants de l’idéologie libérale ne font rien. Ils disent que tout va bien et que tout est comme cela devrait être. Ils sont installés dans leurs bureaux confortables tandis que ceux qui sont confrontés aux problèmes chaque jour, au Texas ou en Floride, ne sont pas heureux, et ils devront bientôt gérer leurs problèmes eux-mêmes. La même chose est en train de se passer en Europe. J’ai discuté de ce problème avec mes collègues mais personne n’a la réponse. Ils disent qu’ils ne peuvent pas mener une politique dure contre l’immigration pour de multiples raisons. Pourquoi exactement ? Juste parce que. « Nous avons des lois » disent-ils. Et bien alors, changez les lois ! Nous aussi avons des problèmes dans notre propre sphère. Nous avons ouvert les frontières avec les anciennes républiques soviétiques, mais au moins ces gens là parlent russe. Vous voyez ce que je veux dire ? Et en outre nous avons pris des mesures pour rationaliser les choses dans ce domaine. Nous travaillons avec les pays d’origine de ces migrants, on leur apprend le russe à l’école, et nous travaillons aussi avec eux ici. Nous avons durci la législation afin de montrer que ces migrants doivent respecter les lois, les coutumes et la culture de notre pays.

    En d’autres mots, la situation n’est pas si simple en Russie non plus, mais nous avons commencé à travailler à l’améliorer. Alors que l’idéologie libérale présuppose que rien n’a besoin d’être fait. Les migrants peuvent tuer, piller et violer avec impunité car leurs droits en tant que migrants doivent être protégés. De quels droits s’agit-il ? Chaque crime doit être assorti d’une peine. Donc l’idéologie libérale est devenue obsolète. Elle est venue en conflit avec les intérêts de l’écrasante majorité de la population.

  • Puigdemont à Neumünster au Schleswig-Holstein

     

    En deux mots.jpgL'imbroglio catalan se poursuit comme il était à craindre. Sur un mode tragi-comique qui n'honore ni le baroque Puigdemont, ni la Catalogne, ni même l'Espagne.

    Après ses diverses facéties, ses atermoiements, ses palinodies, ses arguties alambiquées devant l'ex-Parlement catalan, sa fuite en Belgique, ses appels ratés au soutien européen - de nul effet - sa tentative de former à Bruxelles un improbable Comté de Gouvernement qui aurait dirigé de loin la Catalogne, Carles Puigdemont se retrouve en prison en Allemagne à Neumünster dans le lointain et nordique Schleswig-Holstein, qui ne nous rappelle guère que la guerre des duchés, à la fin du XIXe siècle. Ainsi Puigdemont connaît-t-il en Allemagne le même sort que ses acolytes dirigeants indépendantistes détenus dans les geôles espagnoles. Même s'il demeure emblématique de l'indépendantisme républicain catalan et si ces jours derniers Barcelone a manifesté pour lui, si on s'y est battu pour lui, l'image de Puigdemont est, de fait, ternie, dévalorisée. On se souvient qu'en novembre dernier, même Ada Colau, maire Podemos de Barcelone, avait eu pour lui et son gouvernement des mots plutôt durs après qu'il eut quitté la capitale catalane pour Bruxelles : « ils ont mené la Catalogne au désastre » ; « Ils ont provoqué des tensions dans le pays et porté une déclaration unilatérale d’indépendance dont ne voulait pas la majorité » ; « ils ont fait la déclaration puis ont disparu ». Etc. 

    La Catalogne en tant que telle n’est pas sortie grandie, non plus, de cette agitation. Et elle est loin d’être tirée d’affaire. On sait que son économie s’est affaiblie notablement. Mais plaie d’argent n’est pas mortelle. La Catalogne est assez riche, assez industrieuse pour s’en relever. Les Institutions catalanes - historiques, légitimes en soi - sont dans un désordre profond. Elles sont en lambeaux. L’autonomie de la région a été suspendue. Madrid l’administre directement. Mais le plus grave est sans-doute ailleurs, comme l’a remarquablement discerné et signalé le roi Felipe : la société catalane est désormais fracturée et la cassure est si profonde, si radicale, que l’on voit mal comment elle pourrait être réduite avant longtemps. Le camp indépendantiste, sans-doute minoritaire en voix, comme on l’a vu aux dernières élections catalanes pour l’actuel parlement introuvable, pourrait représenter autour de 48% des votants. Peut-être un peu moins. Le camp anti-indépendantiste autour de 52%. Ce qui se présente est donc un affrontement bloc contre bloc, d’où la haine n’est pas absente. La haine de l’Espagne est enseignée à l’école, à l’université, cultivée dans les médias, portée par une grande partie de la classe politique et des élites bourgeoises, exacerbée par des groupuscules d’extrême-gauche radicale très organisés, et ce depuis des décennies. Les anti-indépendantistes, réveillés par les événements, portent, à l’inverse, un indéfectible attachement à l’Espagne, même si tous les Catalans sont catalanistes. Fondé sur une telle fracture, l’avenir de la Catalogne ne laisse pas d’être inquiétant.

    L'Espagne a renoué avec ce qu'on appelait jadis, avant la Guerre Civile, « les séparatismes locaux ». Ils avaient été l'une des plaies vives de la république espagnole dans les années trente. Sous le régime franquiste, ils n'avaient eu d'autre expression que le terrorisme basque. Point de dispositifs d'existence légaux. L'on crut que la monarchie restaurée avait trouvé un point d'équilibre entre unité et diversité en instituant les dix-sept autonomies qui, en quelque sorte, ressuscitent les anciens fueros. Les événements de Catalogne en montrent la limite, comme si l'unité de l'Espagne, toujours maintenue, n'avait jamais été tout à fait achevée. Madrid a répondu aux menées séparatistes catalanes en invoquant la légalité constitutionnelle et en utilisant tous les moyens judiciaires disponibles. Les indépendantistes ont été forts de résultats électoraux favorables, même si, minoritaires en voix, leur majorité en sièges au Parlement, n'est jamais provenue que des bizarreries du système électoral en vigueur.  

    Au-delà de tout, de la Constitution de 1978, de la démocratie elle-même, ce qui n'a guère été dit c'est qu'en tout état de cause, sauf bouleversement extraordinaire, Madrid n'acceptera pas la rupture de l'unité de l'Espagne ; c'est que l'indépendance de la Catalogne est, en l'état impossible. Transcendantes à toutes considérations légalistes, il y a six siècles d'histoire de l'Espagne dont la Catalogne n'a jamais cessé de faire partie. Et il y a les réalités qui établissent l’indéniable hispanité de la Catalogne. Réalités qu'un vote, ou même plusieurs, n'abolit pas aisément. Et sa légitimité ne s'impose ni en Espagne, ni en Europe, ni ailleurs dans le monde. Ni même en Catalogne.

    Carles Puigdemont l'apprend à ses dépens dans une cellule de prison du Schleswig-Holstein.  

     

    Retrouvez l'ensemble de ces chroniques en cliquant sur le lien suivant ... 

    En deux mots, réflexion sur l'actualité

  • Avec ou sans Merkel, l'Allemagne ...

     

    En deux mots.jpgRien de ce qui se passe en Allemagne n'est sans conséquences pour la France et pour l'Europe. Ce fut le cas dans le passé et l'est toujours aujourd'hui.

    La stabilité politique allemande a été telle depuis l'après-guerre, que l'on avait sous-estimé les difficultés qui attendaient Angela Merkel après les élections de septembre en République fédérale, qui ont amené au Bundestag une majorité introuvable. Après 12 ans passés à la chancellerie sans que lui manque jamais le soutien de l'opinion, d'avis quasi unanime Angela Merkel était en bonne position pour égaler la longévité politique d'Helmut Kohl, chancelier pendant seize ans. L'on s'est trompé. L'Allemagne a changé.

    Les dernières élections ont modifié la donne, renversé l'équilibre usé établi par la chancelière et débouché sur une de ces crises politiques dont nul ne sait si elle sera rapidement surmontée par l'émergence in extremis d'une nouvelle coalition, voire par de nouvelles élections, ou si elle ira en s'amplifiant.

    On sait qu'Angela Merkel (CDU) gouvernait ces quatre dernières années en coalition avec les socialistes du SPD. Et que ces derniers sortant affaiblis des dernières élections - échec qu'ils attribuent à leur cohabitation minoritaire avec la CDU - ont signifié à Angela Merkel leur refus de participer à une nouvelle coalition CDU-SPD.

    Quant à la CDU elle-même, qui a réalisé comme le SPD, son plus bas score depuis 1949, elle apparaît désormais en déclin, Merkel en tête.

    Les 13% de voix et les 94 sièges au Bundestag obtenus par l'AfD sont surtout importants par la crainte qu'ils inspirent d'une poussée ultérieure de ce parti, et d’une tout autre ampleur. A cet égard l'opinion allemande - et européenne - a en tête des références historiques dont la seule évocation, fût-elle fort anachronique, inquiète le monde politique allemand.

    C'est donc avec les Verts écologistes immigrationnistes et avec les Libéraux qui pensent avoir tout à gagner à de nouvelles élections, qu'Angela Merkel a recherché une nouvelle coalition.  Faut-il s'étonner qu'elle ait échoué ?

    Son échec provisoire ou définitif est en effet plus intéressant dans ses causes que dans ses circonstances. Quelles sont-elles ? 

    Avec les Libéraux, qui pensent pouvoir amplifier leurs résultats en cas de nouvelles élections, ce sont donc, semble-t-il, surtout des considérations électorales qui ont bloqué les négociations pour une nouvelle coalition. Les libéraux n'en sont pas moins très critiques sur la gestion de la zone euro et très hostiles à tout effort de solidarité financière envers les pays du Sud.

    Réticents aux engagements financiers de l'Allemagne en Europe, ils représentent un courant largement répandu Outre-Rhin, qui, en gros, ne veut pas payer pour « les pays du Club Med ». La solidarité européenne n'est pas leur fort. Angela Merkel serait-elle plus généreuse ? 

    Avec les écologistes, le conflit vient des migrants. Les Verts prônent une politique de large regroupement familial et exigent l'accueil de toujours plus de réfugiés, fussent-ils simplement économiques. Or c'est notoirement de sa politique d'accueil des migrants que provient surtout l'affaiblissement de la CDU comme d'Angela Merkel et l'entrée en force d'AfD au Bundestag ... Sans compter que la CSU, l'aile bavaroise conservatrice de la CDU, est-elle aussi très opposée à l'arrivée massive de migrants, dont le land de Bavière a d'ailleurs été le premier à faire l'expérience de première ligne. De première victime.

    L'engagement européen d'Angela Merkel a-t-il joué en sa défaveur ? 

    Après le désastre politique, militaire et moral de 1945,  le projet européen a longtemps été pour le peuple allemand un moyen privilégié de réinsertion. Dans sa très grande majorité, ce projet il l'a partagé et l'a fait sien, comme une nécessité et, pour lui, comme une évidence.  Les Allemands se sont sentis Européens. D'autant plus aisément d'ailleurs qu'au fur et à mesure que leur sentiment de défaite, voire de culpabilité, s'éloignait, s'estompait, la renaissance puis la nette prééminence de l'économie allemande les y plaçaient de plus en plus en position de supériorité dominante. Comme une revanche sur l'Histoire, par une sorte de victoire économique compensatrice ... Ceci à deux remarques près. Primo, l'Allemagne a longtemps été plus atlantiste encore qu'européenne. A l'époque où cela se justifiait, pouvait se comprendre et, peut-être encore aujourd'hui, cela reste à voir. Secundo, elle a su saisir sans complexe l'occasion de précipiter sa réunification et de l'accomplir avec toute sa volonté et toute sa puissance. Son nationalisme ne s'était pas évanoui. 

    Les choses changent et évoluent aujourd'hui. L'Allemagne est réunifiée et riche de ses colossaux excédents. Mais elle est aussi face à la perspective de ses problèmes et de ses contradictions. Notamment son terrible déclin démographique. 

    Si l'Europe signifie désormais pour l'Allemagne solidarité financière avec les pays les plus pauvres du continent, elle se retrouvera probablement assez unanime pour mesurer ou refuser son concours. Avec ou sans Angela Merkel, le Bundestag et la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe - en charge de la défense des intérêts du peuple allemand - y veilleront scrupuleusement.

    Si l'Europe signifie d'autre part l'accueil et la répartition des migrants, l'unanimité sera moins large car le patronat allemand, petit ou grand, est désormais en difficile recherche de bras pour travailler, de préférence à bon marché. Mais comme en témoigne l'avancée de l'AfD, notamment dans les länder de l'Est, le sentiment anti-immigration grandit en Allemagne et avec lui un nouveau patriotisme décomplexé.

    Zemmour a raison d'expliquer qu'avec ou sans Merkel la puissance allemande restera inchangée. Dans l'un ou l'autre cas, l'Allemagne ne cédera rien de ses intérêts. Et si la politique européenne d'Emmanuel Macron persiste à se définir comme un fédéralisme, il nous paraît très probable qu'elle butera contre le mur de la ferme volonté de l'Allemagne de conserver pleine et entière sa souveraineté.   • 

    Retrouvez l'ensemble de ces chroniques en cliquant sur le lien ci-dessous

    En deux mots, réflexion sur l'actualité

  • Un coup de chapeau à Stéphane Bern pour son courage dans la défense du patrimoine !

     

    Par Pierre de Meuse
     

    4172691570.jpg

    Nous connaissons tous Stéphane Bern. Ses reportages sur les familles royales sont souvent objet de discussions au sein du royalisme, une sensibilité à laquelle il appartient, sans pour autant que cette affection se traduise par un véritable engagement.

    Ce professionnel de la chose médiatique sait trop bien que sa renommée n’y résisterait pas. Pourtant, cet habitué des caméras de télévision vient de donner une preuve de son amour des héritages du passé qui mérite un coup de chapeau. En effet, et alors que Macron lui avait confié quatre mois après son arrivée à l’Elysée la mission de « défenseur du patrimoine en péril », Stéphane Bern annonce qu’il abandonnera son poste s’il continue à être traité comme une marionnette, « pour l’image » par le pouvoir « marchorépublicain ».

    L'animateur de France 2 et de RTL reproche en effet d’abord au gouvernement de ne pas lui donner les moyens d’accomplir sa tâche. A quoi bon alerter sur les châteaux qui menacent ruine, comme celui d’Osthouse, sur les églises romanes au bord de l’effondrement ou les hôtels particuliers délabrés, s’il ne peut mobiliser des fonds pour encourager les restaurations ? Bern dénonce l’accaparement des crédits par des chantiers pharaoniques :  ainsi 450 millions d'euros sont budgétés pour le Grand Palais à Paris. Une fois de plus, Paris prive la province du nécessaire au profit de son superflu. Surtout que les chiffres sont sans rapport : Bern n’a pas obtenu le déblocage des 20.000.000 d’euros nécessaires pour sauver 270 monuments !

    80c3ac97e4ec9fa251766baab9fb79a5-patrimoine-je-ne-veux-pas-etre-un-cache-misere-stephane-bern-menace-de-quitter-sa-mission.jpgMais il y a beaucoup plus grave que l’illustration de cette tare chronique du jacobinisme dans les finances publiques, et Stéphane Bern a eu le courage de le mettre en lumière, en dénonçant (photo) la loi en voie de promulgation, sur les aménagements du parc immobilier dite « loi Elan».            

    De quoi s’agit-il ? Cette loi fourre-tout (loi sur l'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique !) a pour but de permettre aux élus locaux de décider la construction de logements sociaux permettant d’améliorer la salubrité et la « mixité sociale » et de lutter contre les inégalités. Apparemment rien de nouveau, mais le ministre de la « cohésion sociale », Jacques Mézard, un personnage emblématique du sud-ouest radical socialiste, a tenu à faire sauter tous les verrous qui préservaient les habitants des communes contre l’arbitraire communal et le vandalisme municipal. Et notamment les oppositions des défenseurs des monuments anciens que sont les architectes des monuments historiques. Le ministre se défend de vouloir « la peau » des architectes des bâtiments de France, et use d’une argutie dérisoire. Il évoque deux cas « extrêmement réduits » dans lesquels leur avis ne sera plus pris en compte :

    1. « les antennes de téléphonie mobile », en attendant l'arrivée de la fibre sur tout le territoire, ainsi que  

    2. « habitat indigne » qui « met en danger la santé ou la sécurité des habitants ».

    En ce qui concerne le premier point, c’est une nouvelle entorse à la règle de l’environnement protégé des monuments historiques, qui avait pour but d’empêcher l’édification de bâtiments parasites et qui se trouve ainsi privée de toute portée. D’autant que cet article 15 de la loi ne se limite pas aux antennes, mais concerne aussi les pylônes, ateliers et constructions techniques construits à proximité des monuments protégés, dans des quartiers historiques, sur des églises ou des châteaux.                                                             

    Le second point est encore plus lourd de conséquence : la loi, dans son préambule, entend lever « les verrous et les freins qui contribuent à immobiliser le système. Cela passe par la libération du foncier et la simplification de l’acte de construire, l’accélération des procédures administratives et l’encadrement des recours abusifs. Le texte promeut aussi des opérations d’urbanisme ambitieuses et partenariales pour tous les territoires. » En fait avec l'article 15, il suffira que des immeubles soient délabrés ou insalubres pour qu'ils puissent être rasés, quel que soit leur intérêt historique, sans que personne puisse s’y opposer. Il faut ici souligner ce que cette nouvelle règle a de destructeur. En effet, chaque fois qu’un bâtiment ancien remarquable est détruit, c’est systématiquement en raison de son caractère vétuste. Il n’y a pas d’exception à cette réalité. D’ailleurs, les municipalités qui veulent détruire un château, une église, un hospice ou une grange dîmière usent d’un procédé infaillible : il suffit de ne pas le réparer, de rendre impossible sa vente, d’interdire toute remise en état. Ainsi la seule voie restante est la démolition. Cela fait cent cinquante ans que ces techniques hypocrites et scélérates sont utilisées et le sont toujours. Chaque semaine, des monuments sont ainsi rasés pour laisser la place à des constructions indignes, tout simplement parce que les édiles sont trop incultes pour envisager la perte que représente la disparition des témoins du passé. Citons la magnifique tour templière de Vaour, détruite par la municipalité alors qu’une subvention totale de restauration était en cours d’émission immédiate, ou le château de la Rochette, ou le grenier d’abondance de Colmar, un bâtiment du XVIII° démoli par un maire ignare et vindicatif pour édifier..un parking. Il est bien évident que c’est exactement l’inverse qu’il faudrait faire : sanctionner lourdement les maires qui ne respectent pas les décisions des Bâtiments de France, et non pas abolir leur verdict.                             

    Francoise-Nyssen-et-Stephane-Bern-Le-patrimoine-merite-des-idees-neuves_article.jpgPour l’instant le gouvernement s’est contenté de paroles lénifiantes, telle Françoise Nyssen (photo), la tristement célèbre ministre de la Culture, qui déplore les attitudes de Stéphane Bern, jugées « peu constructives ». A l’Elysée, on espère que le défenseur du patrimoine se montrera soumis comme les godillots de LREM, une fois sa colère passée. Au besoin, on accordera une publicité supplémentaire à son Loto du patrimoine, dont le bilan est modeste :1,3 million d'euros récoltés.

    Pourtant le patrimoine n’est pas une cause perdue. Chaque année, plus de 12 millions de Français visitent des sites riches de la culture et de l'histoire, à l’occasion des Journées du patrimoine. C’est une chance de communier dans le passé glorieux de notre pays, de nos provinces et de nos rois. Un sentiment plutôt inopportun dans cette dictature du prosaïque dirigée par Macron.     

    Pierre de Meuse
    Docteur en droit, conférencier, sociologue et historien.