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  • Covid et jacobinisme, par Michel Onfray.

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    Nihilisme & post vérité

    Quoi de neuf depuis la publication de La Vengeance du pangolin, qui rassemblait en septembre dernier les textes que j’ai publiés depuis l’annonce de cette épidémie en Chine neuf mois plus tôt? Réponse: le triomphe généralisé de la post-vérité, autrement dit la domination de l’avis de tout le monde, c’est-à-dire celui de personne.

    Tout s’est trouvé dit et l’inverse, une chose et son contraire, une affirmation et sa négation, une fois blanc une fois noir, ici c’est une grippette là une épidémie majeure, une courbe montre que ça descend une autre que ça remonte, le masque inutile et incertain puis efficace et obligatoire, les enfants épargnés puis les enfants transmetteurs, jusqu’à le covid devenu la covid, comme un signe que la boussole s’affolait et n’indiquait plus rien de fiable…  Des professeurs agrégés, des médecins à la boutonnière rougie de légion d’honneur, des toubibs de plateaux, des médecins de campagne, des syndicalistes de la médecine, des infirmières vêtues comme des comédiennes de film de science-fiction montrées en héroïne du journal de vingt-heures, tout ce monde-là a donné son avis: rien de grave disent les uns, danse macabre disent les autres, ici des chiffres de trépassés gonflés, là des listes de défunts cachés, pour l’un des morts du COVID, pour l’autre des morts avec le COVID, le triomphe de Didier Raoult ou son échec. Des éditorialistes dont on ne nous dit jamais d’où ils viennent et pour qui ils roulent  nourrissent vingt-quatre heure sur vingt-quatre les moulins à paroles des chaînes d’informations continues. Les philosophes maastrichtiens, tout à leur célébration de la liberté libérale, celle du renard libre dans le poulailler plein de poules libres comme chacun sait, nous expliquent qu’il faut en finir avec cette société policière qui tyrannise tout le monde pour quelques vieux, quelques obèses, quelques cardiaques, quelques diabétiques, parfois même quelques vieux obèses cardiaques et diabétiques qui n’ont qu’à laisser leur place en crevant sans faire de bruit - il n’est pas étonnant que ces mêmes philosophes, BHL ou André Comte-Sponville par exemple, aient été moins regardants  sur cette même société policière quand elle tyrannisait les premiers gilets-jaunes . Tout ça est bien logique… 

    Ce que l’on sait donc de manière certaine c’est que plus rien n’est certain - même si ce constat de la fin de la vérité est vrai. Notre époque se manifeste par la fin de l’expertise. Comment l’expertise a-t-elle pu mourir? Depuis que tout le monde est devenu expert! Grâce à internet, chacun peut désormais s’autoriser de lui-même pour donner son avis. Depuis qu’on a confondu la légitime quête de l’égalité avec la religion sectaire de l’égalitarisme, chacun se dit qu’il a bien le droit de donner son avis sans avoir travaillé le sujet en vertu d’un double principe: «A chacun sa vérité» et «Pourquoi pas moi?».  Le blog d’un chercheur ayant passé sa vie sur la relation entre virus et génétique vaut le blog d’un crétin qui, la veille au soir, a appris ce qui distinguait l’ADN de l’ARN, avant de l’oublier le lendemain matin, non sans s’interdire pour autant de donner son avis de façon péremptoire sur ce sujet. L’éducation, la formation ou la connaissance étant désormais assurés par internet, un quart d’heure de navigation sur le net équivaut désormais à une dizaine d’années de recherches effectuées en vue d’un doctorat - équivaut, voire, parfois, vaut mieux, dépasse, surpasse…  

    Cette fausse liberté libertaire, qui s’avère la vraie liberté libérale d’internet, se double de la contrainte dans laquelle se trouvent les chaines d’information continue de constituer chaque jour des plateaux, des débats, des rencontres, et ce des heures les plus matinales aux heures les plus tardives. Le programmateur qui doit trouver des participants tous les jours se trouve obligé de ne pas inviter que du premier choix, il est contraint bien souvent à promouvoir de la marchandise intellectuelle avariée… Mais, là aussi, là encore, la parole autorisée de quelqu’un qui travaille se trouve à égalité avec les propos d’un bateleur qui brasse du vent. L’inculte beau parleur, sinon le bêta au physique d’acteur, mais il peut aussi y avoir des incultes beaux parleurs au physique de comédien, mettent à terre le savant bègue devant un demi-million de téléspectateurs. Qui pourra faire la part des choses et séparer le bon grain de l’ivraie? Plus personne…

    Plus personne ne le pouvant c’est désormais l’idéologie qui fait la loi et non plus la vérité. On se soucie moins du message que de l’émetteur du message: l’un dira c’est dans Le Monde, c’est donc bien vrai, l’autre, c’est dans Le Monde, voilà bien la preuve que c’est faux. Qu’on fasse de même avec tous les supports radio, papier, les quotidiens ou les hebdomadaires, les éditorialistes avec leurs aficionados respectifs : désormais, une information devient vraie ou fausse non pas parce qu’elle aura été validée selon des critères épistémologiquement éprouvés mais par l’émetteur du propos. 

    De sorte qu’en matière de vaccin, ça n’est plus Pasteur qui fait la loi mais l’information reçue un matin sur l’écran de son iPhone qui explique, en gros, que Louis Pasteur travaillait pour les laboratoires pharmaceutiques qui l’ont considérablement arrosé de son vivant! Il était stipendié par les labos et avait une double famille entretenue par cet argent gagné malhonnêtement! J’exagère à peine… Je reçois chaque jour un flot de sottises du même tonneau. La découverte des microbes, les expériences qui mettent à bas des siècles de croyance en la génération spontanée, les processus de mise au point de la vaccine, la différence entre le vaccin et le sérum, la guérison une fois, puis chaque fois, de la rage par l’injection du vaccin? Mensonges, mystifications, galéjades, fumisteries, tromperies… Des preuves? Le témoignage de ma voisine qui connait la cousine d’un frère de mon ami d’enfance qui dit que tout çà est faux car elle a lu sur internet que, etc… La découverte de Pasteur et le témoignage de la voisine sont désormais à égalité - quand le scientifique n’est pas contredit et jeté dans les poubelles de l’Histoire  au nom de ladite voisine! Voilà où nous conduisent d’une part la fin de l’éducation républicaine qui apprenait «Pasteur» à l’école et, d’autre part, son remplacement par le liquide faussement céphalorachidien mais vraiment toxique d’Internet…  

    Dans cette ère de nihilisme généralisé qu’est celui de la post-vérité, le complotisme fait rage! Comme cette notion est également utilisée en dépit du bon sens, nihilisme et post- vérité obligent, elle sert désormais à disqualifier la pensée de quiconque ne pense pas comme le politiquement correct le veut, ce qui veut dire qu’elle ne sert plus à rien, elle est vidée elle aussi de son sens véritable. Si le complotiste est celui qui pense que Macron est arrivé au pouvoir avec l’aide de gens ayant préparé la chose, alors que dire de tous ceux qui estiment que le COVID a été sciemment créé dans un laboratoire chinois avec le soutien des États-Unis afin d’obtenir une dépopulation qui permettra le fameux Reset économique, le tout avec la complicité des laboratoires pharmaceutiques qui fabriqueraient des médicaments pour soigner ceux dont les véritables complotistes nous disent qu’ils devaient mourir? Que leur dire en effet?  

    Ce qui se constate en matière de COVID est simple: le virus touche toute la planète et tous les pays s’en trouvent concernés - j’éviterai l’impacté des bobos! Aucun n’a choisi de ne rien faire, sauf dans les pays sans État qu’on disait jadis du tiers-monde. Tous confinent plus ou moins sévèrement et tous voient leurs économies s’effondrer et ne survivre qu’avec des prêts de l’État, donc avec l’argent du contribuable, dont les remboursements s’effectueront sur des décennies avec la génération suivante. Si une poignée d’illuminati avait voulu une pareille chose dans le bunker d’un gouvernement planétaire occulte, pareils olibrius seraient les descendants des Pieds-Nickelés! 

    Personne n’a créé le virus pour qu’il tue dans le projet d’un changement de paradigme civilisationnel au profit de quelques oligarques planétaires cachés. Voilà qui serait complotisme.

    Cela ne veut pas dire, en revanche, que le capital dont la nature est d’être plastique, n’en profite pas! 

    Que l’occasion soit belle pour les prétendus «progressistes» qui travaillent au gouvernement planétaire de détruire le petit commerce pour faire place nette aux grands groupes monopolistique qui imposeront ensuite leurs produits issus de l’industrie ; de précipiter la fin des librairies qui seront remplacées par les rayons livres des supermarchés dans lesquels ne seront présentés et vendus que les produits formatés par le marché et pour le marché, produits lucratifs que concocteront les éditeurs des grands groupes qui se raréfient en même temps qu’ils se gigantisent; de démanteler le monde de la culture pour en finir avec la liberté des créateurs, des artistes, des indépendants au profit des grosses machines qui auront pu survivre à l’effondrement de leur trésorerie, à savoir les institutions d’État qui disposeront du monopole de diffusion de la culture officielle; d’abolir l’école classique avec sa multiplicité et sa diversité de professeurs en chair et en os (le présentiel!) , actifs dans l’intimité de leur classe, au profit d’une poignée d’enseignants choisis (par qui?) dont les cours diffusés sur le net (le distanciel!) sont visibles par tous, inspecteurs et polices diverses, y compris celles du politiquement correct; de prescrire le traçage numérique nécessaire à l’instauration d’une société orwelienne; d’installer fissa la 5G qui permet de pister plus rapidement et plus sûrement dans ces conditions-là, sous le prétexte fallacieux de ne pas creuser la fracture numérique entre les enfants des villes et les enfants des champs  - depuis quand ce  gouvernement a-t-il le souci de ceux qui vivent en campagne?; d’accélérer la couverture Internet indispensable pour finir d’instaurer la société de contrôle qui s’avère la modalité la plus achevée du totalitarisme contemporain; d’imposer le télétravail qui instaure l’espionnage le plus parfait de l’activité salariale en faisant de l’ordinateur la pointeuse de chaque instant du labeur qui permet de mesurer en direct l’investissement personnel, la rentabilité et la productivité; de précipiter la marchandisation des corps  avec une loi votée entre fin juillet et début août qui permet l’infanticide d’un fœtus de neuf mois, moins l’heure qui précède sa naissance, sous prétexte qu’il ne correspond plus au projet parental (la fameuse Interruption médicale de grossesse, IMG) - que toutes ces occasions soient belles, donc, pour précipiter le vieux monde et accélérer son remplacement, voilà qui ne fait aucun doute…  Mais créer le COVID pour obtenir tout cela ce serait, avouons-le, du bricolage, or ceux qui aspirent au gouvernement planétaire et à l’instauration de l’État universel ne sont pas des perdreaux de l’année…  

    J’ajouterai à cette liste des méfaits infligés à notre république à la faveur du COVID l’effacement des dispositifs démocratiques. Le président de la République gouverne en effet d’une façon de plus en plus personnelle en s’affranchissant des règles de droit. Sous prétexte que nous serions en guerre  (on comprend désormais les raisons politiques de ce choix sémantique), Emmanuel Macron se comporte en chef de guerre et, conséquemment, il s’affranchit des dispositifs démocratiques et républicains de la nation. Il ne gouverne plus avec l’Assemblée nationale, avec le Sénat, avec les corps intermédiaires, avec les partis politiques, avec les présidents de région, avec les élus locaux, ni même avec la totalité de ses ministres, mais avec un Conseil scientifique choisi par lui et lui seul. C’est un genre de Comité central, un Bureau politique, un Soviet suprême, un Comité de salut public qui s’affranchit de toutes les règles pour débattre, peut-être, on ne sait, car son fonctionnement est opaque, mais pour permettre au chef de l’État d’être informé, puis de trancher seul, de décider seul et d’imposer à soixante millions de français ce qu’il aura cru bon de leur ordonner… Il ne s’agit pas ou plus de démocratie. Césarisme? Si l’on veut… D’autres mots conviennent aussi. On verra si le temps nous oblige à les utiliser.

    Michel Onfray

    Source : https://michelonfray.com/

  • L’insolite silence de l’Elysée face aux inacceptables « exigences » algériennes, par Bernard Lugan.

    En parlant de la colonisation comme d’un « crime contre l’humanité », Emmanuel Macron a ouvert une boite de Pandore qu’il ne pourra plus refermer. Déjà, le 15 juillet 2019, Mohand Ouamar Bennelhadj, secrétaire général par intérim de l’ONM (Organisation nationale des moudjahidines, les anciens combattants), avait appelé les députés algériens à voter une loi criminalisant la colonisation française. 

    bernard lugan.jpgMaintenant qu’il y a tout à craindre du rapport de la « commission Stora » sur la « mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie » qui devrait remis au début de l’année 2021, voilà déjà les demandes de « réparations » qui s’accumulent. Certaines exigent la remise des archives de l’Algérie française, d’autres formulent des demandes de « dédommagement » s’élevant à 100 milliards de dollars !!!
    L’Etat semblant avoir renoncé à défendre l’image de la France et ses intérêts face à ces exigences à la fois surréalistes et insupportables, il ne reste donc que la réaction citoyenne et la mobilisation du « pays réel » à travers les réseaux sociaux. Tel est le but de cette analyse.
     
    Puisque le « Système » algérien veut faire les comptes, nous allons donc lui présenter l’addition de ce que l’Algérie a coûté à la France entre 1830 et 1962…sans parler du coût colossal de l’immigration depuis cette dernière date…
     
    Au mois de juillet 1962, au terme de 132 années de présence, la France avait créé l’Algérie, lui avait donné son nom, l’avait unifiée et lui avait offert un Sahara qu’elle n’avait, et par définition, jamais possédé puisqu’elle n’avait jamais existé auparavant. La France avait drainé ses marécages, avait bonifié ses terres, avait équipé le pays, avait soigné et multiplié par dix ses populations. Elle avait également fait entrer dans la modernité des tribus jusque-là dissociées qui n’avaient jamais eu conscience d’appartenir à un tout commun supérieur.
     
    La France laissait en héritage à l’Algérie indépendante :
    - 70.000 km de routes, 
    - 4300 km de voies ferrées, 
    - 4 ports équipés aux normes internationales, 
    - une douzaine d’aérodromes principaux, 
    - des centaines d’ouvrages d’art (ponts, tunnels, viaducs, barrages etc.), 
    - des milliers de bâtiments administratifs, de mairies, de casernes, de gendarmeries, 
    - 31 centrales hydroélectriques ou thermiques,
    - une centaine d’industries importantes dans les secteurs de la construction, de la métallurgie, de la cimenterie, 
    - des milliers d’écoles, d’instituts de formation, de lycées, d’universités, d’hôpitaux, de maternités, de dispensaires, de centres de santé, etc.
     
    Tout cela avait été créé par la France, pensé et réalisé par des ingénieurs et des architectes français, et payé par les impôts des contribuables français.
     
    En 1959, toutes dépenses confondues, l’Algérie engloutissait à elle seule 20% du budget de l’Etat français, soit davantage que le budget de l’Education nationale ou ceux, additionnés des Travaux publics, des Transports, de la Reconstruction et du Logement, de l’Industrie et du Commerce. 
     
    Et cela, en pure perte car, économiquement, l’Algérie n’avait pas d’intérêt pour la France. Qu’il s’agisse des minerais, du liège, de l’alpha, des vins, des agrumes etc., toutes les productions algériennes avaient en effet des coûts supérieurs à ceux du marché. Ainsi, alors que le vin comptait pour près de 54% de toutes ses exportations agricoles vers la métropole, le prix de l’hectolitre qu’elle vendait à la France était largement supérieur à celui produit en Espagne, ce qui n’empêcha pas la métropole de se fermer au vin espagnol pour s’ouvrir encore davantage au sien… 
    En 1930, le prix du quintal de blé était de 93 francs alors que celui proposé par l’Algérie variait entre 120 et 140 f, soit 30 à 50% de plus. 
     
    Quant au pétrole, il avait lui aussi été subventionné par la France. Découverts en 1956, les hydrocarbures du Sahara furent mis en production entre 1957 et 1959, avec une exploitation qui débuta véritablement en 1961, quelques mois donc avant l’indépendance. Or, comme Daniel Lefeuvre l’a clairement montré, l’Etat français fut quasiment contraint d’imposer à des compagnies réticentes de s’investir dans cette production. En effet :
    - Le pétrole algérien devait obligatoirement être vendu sur le marché mondial car il était trop léger pour la transformation en fuel dont avait alors besoin l’industrie française.
    - A cette époque le marché mondial était saturé. L’URSS bradait ses huiles à bas prix et les gros producteurs du Moyen-Orient limitaient leur production. 
    - L’Algérie et la Libye arrivant en même temps sur le marché la chute des cours allait être accélérée, d’autant plus que le pétrole libyen était plus facile à exploiter et à écouler que celui d’Algérie.
    - Le brut algérien était cher : 2,08 $ le baril contre 1,80 $ au cours mondial. 
     
    Résultat : là encore, la France a surpayé un pétrole dont elle avait pourtant financé les recherches et la mise en exploitation, phénomène qui se poursuivra d’ailleurs après l’indépendance.
     
    Quant à l’immigration algérienne en France, et là encore, contrairement à tous les poncifs, elle n’a correspondu à aucune nécessité économique, l’absence de qualification et de stabilité de cette main-d’œuvre nécessitant la mise en place de mesures d’adaptation inutilement coûteuses. De plus, contrairement à la vulgate, l’afflux d’Algériens en métropole, dans les années 1950, n’a pas répondu aux besoins en main d’œuvre de l’économie française au cours des années de reconstruction ou des « Trente Glorieuses » puisque, sur 110 000 Algériens recensés en 1950 dans la région parisienne, Daniel Lefeuvre a montré que 50 000 n’avaient pas de moyens d’existence réguliers. De même, en 1957, sur 300 000 Algériens vivant en France le nombre de sans-emploi était de 100 000… 
     
    En Algérie où tout était plus cher qu’en métropole, année après année, la France a comblé la différence. Par comparaison avec une usine métropolitaine, l’ensemble des dépenses, salaires et accessoires était ainsi de 37% plus élevé en Algérie, ce qui faisait qu’une usine qui y était construite n’étant pas rentable, il lui fallait donc, non seulement un marché subventionné par la France, mais en plus un marché protégé… 
     
    Au lieu d’avoir pillé l’Algérie comme l’affirment contre la vérité historique et économique les dirigeants algériens, les culpabilisateurs et les « décoloniaux », la France s’y est au contraire ruinée. 
     
    Par le labeur de ses colons la France avait également permis à l’Algérie d’être alimentairement auto-suffisante. Aujourd’hui elle est le premier importateur africain de biens alimentaires pour un total annuel moyen de 12 à 14 milliards de dollars (Centre national algérien de l'informatique et des statistiques-douanes-CNIS). 
     
    Pour mémoire, en 1961, l’Algérie exporta 600.000 quintaux de grain et 700.000 quintaux de semoule. Aujourd’hui, la moyenne annuelle des importations de ces produits se situe entre 5 et 30 millions de quintaux par an. 
    L’Algérie n’exporte plus d’oranges alors qu’avant 1962, les exportations étaient de 200.000 tonnes. Elle n’exporte plus de tomates (elle en exportait 300 000 quintaux avant 1962), de carottes, d’oignons, de petits pois, de haricots verts, de melons, de courgettes etc., toutes productions qui faisaient la richesse de ses maraîchers avant 1962. Avant cette date, les primeurs algériens débarquaient à Marseille par bateaux entiers. Notamment les pommes de terre nouvelles dont les exportations annuelles oscillaient entre 500.000 et un million de quintaux alors qu’au 4e trimestre 2020, rien qu’en semences, et pour la seule France, l’Algérie en a importé 4300 tonnes (Ouest-France 14 décembre 2020). Toujours avant 1962, l’Algérie exportait 100.000 hectolitres d’huile d’olive et 50.000 quintaux d’olives tandis qu’aujourd’hui, la production nationale ne permet même pas de satisfaire la demande locale. La seule facture de lait en poudre et de laitages atteint en moyenne annuelle quasiment 2 milliards de dollars.
     
    Alors que la moitié de la population a moins de 20 ans, le pays est dirigé par des vieillards dont la seule « légitimité » repose sur le mythe de la résistance à la colonisation et sur d’auto-affirmations « résistancialistes » le plus souvent imaginaires. Quant aux nombreuses associations d’ « ayants-droit » auto proclamés acteurs ou héritiers de la « guerre de libération », dont les Moudjahidines ou Les enfants de martyrs, elles bloquent la jeunesse sur des schémas obsolètes qui tournent le dos à la modernité. Avec 6% de toutes les dotations ministérielles, le budget du ministère des Anciens combattants est ainsi supérieur à ceux de l'Agriculture (5%) et de la Justice (2%)…
    La cleptocratie d’Etat qui, depuis 1962 a fait main-basse sur l’Algérie indépendante a dilapidé l’héritage laissé par la France avant de détourner des dizaines de milliards de dollars de recettes gazières et pétrolières sans songer à préparer l’avenir. Après avoir ruiné le pays, il ne lui reste donc plus que son habituelle recette : accuser la « France coloniale ». 
    Et pourquoi cesserait-elle d’ailleurs de le faire puisque, à Paris, les héritiers des « porteurs de valises » boivent avec tant volupté au calice de la repentance…encouragés en cela par le président de la République lui-même…
     
    Pour en savoir plus, on se reportera à mon livre Algérie l’histoire à l’endroit.
     

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    Source : http://bernardlugan.blogspot.com/

  • 50 nuances d’ordre public – Les infidélités de la Cour de Cassation, par Jean-Baptiste Colvert.

    Peut-on encourager à l’infidélité, chose condamnable et illégale ? Il semblerait que oui, au regard de l’esprit des temps, que la Cour sanctifie comme nouveau législateur.

    À la suite de Marlène Schiappa qui, se voulant rassurante, affirma à la radio que le législateur n’allait interdire « ni l’infidélité, ni les plans à trois », la 1re chambre civile de la Cour de Cassation a décidé d’apporter sa contribution à cette passionnante discussion.

    Nous discuterons donc la note sous jurisprudence C. Cass., 1re civ., 16/12/2020, n°19-19387.

    La société de Droit américain « Blackdivine Llc », éditrice d’une plate-forme de rencontres extra-conjugales sur internet (www.gledeen.com), lança en 2015 une campagne commerciale de promotion de son site internet dans toute la région parisienne procédant par affichage sur des équipements publics (transports en commun, abris-bus, etc.) ainsi que sur des supports médiatiques comme la presse écrite ou audiovisuelle.

    La Confédération Nationale des Associations de Familles Catholiques (CNAFC) assigna la dite société américaine par devant le Tribunal de Grande Instance de Paris « afin de faire juger nuls les contrats conclus entre celle-ci et les utilisateurs du site Gleeden.com, au motif qu’ils étaient fondés sur une cause illicite, interdire, sous astreinte, les publicités faisant référence à l’infidélité, ordonner à la société Blackdivine de diffuser ses conditions commerciales et ses conditions de protection des données, et la faire condamner au paiement de dommages-intérêts.» (cf. C. Cass., 1re civ., 16/12/2020, n° 19-19387, C.N.A.F.C. c./ Blackdivine Llc, §2).

    Dans son jugement en date du 9 février 2017, le TGI de Paris déboute la CNAFC de toutes ses demandes, jugeant les dites demandes soit irrecevables, soit infondées.

    En cause d’appel, la CNAFC abandonne ses prétentions fondées sur le caractère illicite de la cause du contrat passé entre Blackdivine Llc et ses utilisateurs, conservant seulement sa demande de cessation d’une campagne de promotion de l’infidélité, la dite promotion portant violation de l’article 212 du Code civil disposant que « Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours et assistance. ». La Cour d’Appel de Paris déboute à son tour la CNAFC de toutes ses demandes au nom de la liberté d’expression, consacrée par l’article 10 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme (CESDH).

    Peut-on interdire une publicité pour un site de rencontres encourageant l’adultère ?

    Dès lors, la problématique posée à la juridiction suprême de l’ordre judiciaire portait tout à la fois sur la portée de l’article 212 du Code civil ainsi que sur celle de l’article 10 CESDH et, partant, sur l’articulation de ces deux règles de Droit. Concrètement, peut-on interdire une publicité pour un site de rencontres encourageant l’adultère ?

    À titre d’observation préliminaire, on se bornera à relever l’inégalité de ce (faux) conflit de normes, prenant vite des allures d’affrontement idéologique, nous y reviendrons : le principe de la hiérarchie des normes consacre la supériorité de la loi sur le règlement, du traité international sur la loi et enfin de la Constitution sur le traité international. À titre de rappel de Droit, cette supériorité du traité international sur la loi est consacrée dans la jurisprudence judiciaire depuis le fameux arrêt de la chambre mixte de la Cour de Cassation du 24 mai 1975, à savoir l’affaire Administration des douanes c./ Société « Cafés Jacques Vabre » (cf. Dalloz Jurisprudence, 1975, pp. 497 et s.).

    Dès lors, pourquoi parler de « (faux) conflit de normes » ? Parce que l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 (DDHC) dispose que « la libre communication de pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : Tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. ». Concrètement, on revient toujours à la conception française des droits et libertés fondamentaux qui s’exercent toujours dans le cadre déterminé par la loi, et bien entendu dans le respect de la loi. On comprend donc assez mal les moyens développés par le demandeur et le défendeur : En effet, la discussion ne porte pas sur la diffusion d’une opinion, à savoir si l’on est pour ou contre l’infidélité (pour ça, il est toujours loisible d’en débattre avec la ministre Schiappa) mais plutôt de déterminer si une forme d’exercice de la liberté d’entreprendre, elle aussi consacrée constitutionnellement (cf. C.C., décision n° 81-132 du 16 janvier 1982), en l’espèce faire commerce avec l’extra-conjugalité, est une chose illicite ou non au regard de l’article 212 du Code civil.

    Sur l’argumentation tiré de l’article 212 du Code civil : au risque de rappeler une évidence, la totalité de la jurisprudence concernant le devoir de fidélité découle de l’article 242 du même Code disposant que « Le divorce peut être demandé par l’un des époux lorsque les faits constitutifs d’une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune. ». Par ailleurs, la CNAFC invoque devant la Cour un moyen dit d’ordre public quant à l’obligation de fidélité mutuelle. Avant toute chose, il est important de procéder à un rappel de jurisprudence : la Cour de Cassation, par un arrêt rendu en assemblée plénière le 29 octobre 2004, et conformément aux conclusions de l’Avocat Général, juge que n’est pas nulle comme ayant une cause contraire aux bonnes mœurs la libéralité consentie à l’occasion d’une relation adultère. L’une des conséquences directes de cette jurisprudence se trouve dans l’abandon pur et simple du caractère d’ordre public du devoir de fidélité.

    Le devoir de fidélité n’est plus d’ordre public

    De l’aveu même de M. Bizot, Conseiller Rapporteur dans cette affaire, l’adultère « s’est banalisé, est devenu quasiment une composante possible, sinon admise et tolérée, de l’histoire d’un couple marié, et en tous cas objet d’une très faible réprobation sociale à l’égard de celui qui le commet ; sa sanction relève désormais d’une décision individuelle du conjoint trompé, sans pour autant constituer un obstacle inévitable à la pérennité du mariage, voire à sa coexistence plus ou moins pacifiée avec le partenaire de l’époux infidèle. […] le devoir de fidélité n’est plus d’ordre public, et, s’il demeure entre époux une obligation pouvant être sanctionnée sous l’angle d’une simple faute civile, celle-ci est de force variable et relative, car dépendant désormais presqu’exclusivement des parcours individuels des conjoints et de leur morale personnelle. ».

    Dès lors, la disparition du caractère d’ordre public pourrait nous laisser entrevoir que par voie de conséquence directe, la CNAFC serait privée de toute forme d’intérêt à agir, les époux devenant les seuls débiteurs de cette obligation et les seuls à être potentiellement « sanctionnés », tout du moins concernés par l’invocation de la violation de cette obligation.

    Une déconstruction de la jurisprudence

    Toutefois, la première chambre civile de la Cour de Cassation opère une réponse des plus troublantes. Le communiqué de la juridiction est lapidaire : « Le devoir de fidélité est considéré comme étant d’ordre public, les époux ne pouvant s’en délier par un pacte ou une convention de liberté mutuelle. Ainsi, l’adultère constitue une faute civile, qui peut conduire au prononcé du divorce pour faute. Cependant, cette faute ne peut plus aujourd’hui être utilement invoquée que par un époux contre l’autre, à l’occasion d’une procédure de divorce. Dès lors, en l’absence de sanction civile de l’adultère en dehors de la sphère des relations entre époux, le devoir de fidélité ne peut justifier une interdiction légale de la publicité pour des rencontres extra-conjugales à des fins commerciales. ».

    En résumé, la Cour de Cassation admet qu’une obligation d’ordre public soit vidée de sa substance et de son efficacité, que l’exercice du dit moyen aille même à l’encontre de l’essence même d’un moyen dit d’ordre public.

    Le lecteur en sera surpris à juste raison. Cette contradiction flagrante dans la solution de la Cour combinée à la faiblesse des argumentations présentées par les parties s’explique d’abord par la lente mais certaine déconstruction dans la jurisprudence judiciaire du devoir de fidélité, que ce soit dans sa qualification d’obligation d’ordre public comme dans sa force normative, ainsi que l’analysait de façon très pertinente M. le Conseiller Bizot.

    In fine, ce cas d’espèce nous renvoie simplement aux fondamentaux de la théorie du Droit et de la légistique : sans efficacité, sans aucune sanction, une norme, une règle de Droit perd son essence et ne peut plus à terme être une norme. André-Jean ARNAUD considérait la « force normative » comme une pierre d’angle de l’intelligence juridique. On en viendrait presque à se questionner sur « l’avenir de l’intelligence » juridique…

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • La liberté, une valeur à repenser à la lumière de la morale, par Yves Morel.

    Les libertés naturelles sont supprimées. Mais il faut bien dire que l'homme a considérablement altéré la nature elle-même. Ces libertés disparues préluderaient-elles à une véritable remise en cause de notre modèle de “développement” ?

    La crise sanitaire actuelle a sérieusement écorné notre liberté. Tous, en France comme ailleurs, nous avons subi des contraintes, des obligations, des interdictions, des restrictions, des contrôles et des sanctions proprement impensables depuis soixante-quinze ans.

    Des privations de liberté naguère inconcevables

    Qui aurait osé imaginer sérieusement, depuis 1945, qu’en pleine paix, sans guerre ni crise politique ou économique majeure, sans dictature, nous nous verrions interdits de circuler librement sans devoir justifier auprès des autorités policières d’une raison impérieuse, attestée par des documents la prouvant, sous peine d’amende, de condamnation par un tribunal, voire d’emprisonnement ? Qui aurait imaginé le port du masque obligatoire partout dans l’espace public ? Qui aurait imaginé l’institution d’un couvre-feu, comme sous l’Occupation ? Qui aurait osé imaginer que le gouvernement ordonnerait, sous peine de sanctions graves, la fermeture des cafés, des restaurants, des salles de spectacles, de sport et de culture ? Qui aurait imaginé qu’il mettrait directement ou indirectement quantité d’entreprises en faillite, ou au bord de la catastrophe financière ? Qu’il accroîtrait ainsi le nombre des chômeurs et autres demandeurs d’emplois ? Qu’il mettrait l’économie quasiment sous perfusion, en même temps qu’il mettait la population sous cloche ? Qu’il obligerait presque tous les travailleurs du tertiaire à télétravailler sans sortir de chez eux ? Qui aurait imaginé le retour des files d’attente devant les magasins ?

    On ne fait plus ce qu’on veut en France, ni en Europe occidentale ou en Amérique du nord, c’est-à-dire dans toutes ces contrées de l’Occident évolué, terres de liberté sans frein, de progrès, de prospérité et de bien-être. Après sept ou huit décennies de libéralisme total que rien ne semblait devoir contenir, qui aurait prévu un tel renversement d’orientation ? Depuis le milieu du XXe siècle, les seules limites à la liberté individuelle étaient celles des moyens matériels pour agir à sa guise. Circuler, sortir le soir pour se donner du bon temps, voyager, dépendait des ressources pécuniaires et autres moyens matériels, non du bon vouloir de l’État. Les gens pouvaient bien ressentir l’impression pénible de ne pas être effectivement libres, d’être enchaînés, de par la nécessité de travailler pour vivre, à une activité professionnelle harassante et mal rémunérée, d’être assujettis au système « métro-boulot-dodo », d’être obligés de se serrer la ceinture pour des raisons de nécessaire économie, de ne pouvoir accéder (sinon très difficilement, et au prix de lourds sacrifices) à la propriété, de ne pouvoir voyager, etc. Ils ne se savaient pas moins théoriquement libres d’aller et venir, de quitter leur région, de faire des folies, et de décider souverainement de leur destinée et de leur mode de vie.

    Il en va désormais autrement. L’État, à tout moment, peut restreindre les libertés qui nous semblaient si naturelles depuis si longtemps. Et il nous impose, depuis déjà un an, un mode d’existence fondé sur la contrainte et la surveillance.

    Une situation catastrophique pourtant prévisible

    Devons-nous le regretter ? Nous avons certes de bonnes raisons pour cela, habitués que nous sommes à nos libertés théoriques juridiquement reconnues et considérées comme des valeurs essentielles. Et la plupart des gens ressentent de plus en plus mal ce carcan de contraintes qui nous enserre depuis un an.

    Mais ces plaintes sont-elles vraiment justifiées ? Aucune catastrophe humaine ne résulte du hasard. Et la crise sanitaire que nous subissons n’en est pas le fruit. Elle était tout à fait prévisible. Nous ignorions certes le coronavirus, et l’humanité n’avait jamais souffert d’une pandémie mondiale. Mais nous savions que la mutation des micro-organismes, l’apparition des virus nocifs et leurs mutations successives, étaient puissamment favorisées par les fortes concentrations de populations, l’urbanisation démesurée, et l’activité économique effrénée. Et nous savions, bien entendu, que les déplacements incessants d’hommes et de femmes dans le monde entier, pour des raisons économiques comme pour des raisons touristiques, favorisaient la prolifération des virus dans le monde entier. Nous le savions, mais nous n’avons rien fait pour éviter ces déplacements massifs et ces concentrations urbaines démentielles, ni pour ralentir le rythme d’une économie néolibérale mondialisée soumise à la seule loi du marché et devenue incontrôlable. La pandémie actuelle est le résultat de notre inconséquence.

    Il en va de même pour les problèmes environnementaux. Les avertissements, en ce domaine, n’ont pas manqué, à moins dire, depuis plus de quarante-cinq ans, émanant d’écologues, de naturalistes, de climatologues, de géographes, de médecins, de militants, d’hommes politiques de tous bords. Rien n’y a fait. Le primat économique, la loi du marché, la course au profit, les exigences insatiables de la société de consommation, ont balayé tous les avertissements de ceux qui prédisaient une catastrophe écologique au XXIe siècle. Ce siècle est advenu depuis vingt ans déjà, et, comme ces nombreuses Cassandre l’avaient annoncé, notre planète connaît des problèmes environnementaux majeurs et un réchauffement climatique, qui, de plus en plus, font de la vie sur terre un enfer pour l’homme, qui s’ajoute aux enfers d’ordre politique, économique et social qu’il a su si bien se créer au long de son histoire et dans les dernières décennies.

     

    C’est la réalité matérielle du monde actuel qui fait vaciller notre société sur ses bases.

     

    En ce siècle, nous vivons donc dans un monde que nous avons laissé se transformer en un cloaque, un chaudron et un bouillon de culture virale. Un monde destructeur des conditions naturelles indispensables à la survie de notre espèce et de toute notre organisation économique, comme le montre l’exemple de l’actuelle pandémie. Durant des décennies, quoique prévoyant l’avènement d’un tel monde, nous n’avons rien fait pour l’éviter, et ce à tous les échelons de la société et de l’organisation politique et économique, tant au niveau des nations qu’au plan international. La plupart des décideurs politiques et économiques n’ont rien voulu entreprendre de sérieux pour conjurer le péril, incapables de contrôler, maîtriser, et encore moins brider ou contrer l’implacable logique infernale du grand marché mondial, et se sont d’ailleurs montrés peu soucieux d’agir en ce sens, pour des raisons démagogiques : des mesures audacieuses auraient ralenti sensiblement la sacro-sainte croissance, menacé l’emploi, diminué les profits et les salaires, et contrarié la société de consommation, qui préférait faire payer la note environnementale et sanitaire aux générations futures, implicitement promises aux plus lourds sacrifices, autrement dit les générations actuelles constitutives de la jeunesse et de la population active.

    L’inéluctable remise en question de notre modèle de société

    Au-delà de notre modèle économique, c’est notre type de société qui est remis en question. Une société hédoniste, jouisseuse, matérialiste et individualiste qui a, depuis longtemps, répudié toutes les valeurs autres que marchandes, et qui vit sous le régime éthique du relativisme moral. Une telle société ne peut trouver en elle, dans une situation extrême de crise, le ressort propre à lui donner l’élan nécessaire à l’affrontement de l’adversité, à la foi en un avenir meilleur et à l’effort pour concevoir et mettre sur pied un projet d’organisation politique et économique susceptible d’en assurer l’avènement. Cette société, commune à tout l’Occident et à une bonne partie de l’Orient aujourd’hui, a été l’objet de bien des critiques depuis son apparition même. Aucune critique, aucune condamnation morale ou politique, ne l’a jamais ébranlée. Mais aujourd’hui, ce ne sont plus des hommes ou des militants politiques qui la contestent, c’est la réalité matérielle du monde actuel qui la fait vaciller sur ses bases. La réalité matérielle, c’est-à-dire les problèmes d’ordre environnemental (pollution, réchauffement climatique) et biomédical (pandémie actuelle et possibles pandémies futures), avec toutes leurs conséquences sur notre organisation économique, lourdes de dégâts sociaux et humains. Voilà ce qu’il faut enfin comprendre. C’est évident, et nous paraissons ici enfoncer une porte ouverte. Pourtant, ce n’est pas certain, surtout auprès du grand public, c’est-à-dire au bas mot 90 % de la population (nationale et mondiale). En France, il n’est que d’observer nos compatriotes. Presque tous ont la nostalgie des trop fameuses sixties et seventies, comme si ces années, infiniment plus folles que les « années folles » des années 1920, n’avaient pas été celles durant lesquelles les hommes préparèrent l’effroyable marasme où nous nous débattons tous aujourd’hui. Manifestement, nos contemporains semblent incapables de tirer les leçons de la désastreuse situation mondiale actuelle. Mais cette fois, ils y seront contraints, car la réalité est là, implacable, cruelle et toujours plus menaçante pour notre survie. Voilà qui nous promet plusieurs trains successifs de mesures drastiques et autoritaires, malheureusement indispensables et beaucoup plus lourdes de renoncements que ne l’eussent été des initiatives inspirées par le même souci mais prises à temps.

    La nécessaire redécouverte de la morale et du vrai sens de la liberté

    Cette situation nouvelle ne sera supportable qu’au prix de la redécouverte des véritables valeurs morales. Ces dernières ont été totalement décapées et perverties par notre société libérale matérialiste et mercantile. En France, elles ont été dénaturées, amenuisées, caricaturées et ravalées au rang de « valeurs de la République » (voire de « valeurs » tout court) axées autour d’une vision universaliste, étroitement rationaliste et purement abstraite de l’homme, considéré comme le bâtisseur et le citoyen d’une sorte de « meilleur des mondes » doucement totalitaire. La liberté a été entendue comme la satisfaction illimitée des inclinations individuels, sans référence à quelque valeur morale prééminente, moins encore à quelque loi ou règle en découlant. Ainsi entendue, elle est devenue une cause d’asservissement et d’avilissement, particulièrement handicapante en des temps difficiles

    Assurément, la liberté est, avec la raison, un attribut essentiel de l’homme, qui le distingue de l’animal. Cela étant, elle ne constitue la dignité de l’homme qu’autant qu’elle se rapporte à une échelle de valeurs spirituelles indépendantes des désirs, passions, sentiments et autres inclinations individuelles, reconnues par tous, et imposant à la vie commune des lois et des règles s’imposant à tous. Elle est donc incompatible avec l’hédonisme et le relativisme moral, causes, avec la vision matérialiste du monde, des maux de tous ordres qui nous accablent présentement. Répétons-le : ces maux, gravissimes et planétaires, nous obligeront à une renaissance morale fondée sur une redécouverte de la véritable liberté, c’est-à-dire, ordonnée à une morale. Mais la pleine reconnaissance de cette nécessité sera très longue et très difficile.

     

    Illustration : On sait produire, trop, on sait consommer, trop, on sait jeter, trop. Il reste quelques petits détails à régler.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Le problème est politique…, par Hilaire de Crémiers.

    … Il est même institutionnel. Si le régime doit s’effondrer dans un désastre, c’est la vraie question qu’il conviendrait de régler. Faisons un court bilan.

    La France – et donc les Français – pensait avoir une politique de santé. La France s’imaginait même que cette politique de santé publique était la meilleure du monde. L’état républicain la persuadait que c’était grâce à lui ; elle en était fière. En fait, d’excellentes formations dotaient le système médical français d’un personnel compétent, même s’il était insuffisant ; et les professionnels s’ingéniaient à se procurer les moyens adaptés. Tout autant qu’ils en avaient le pouvoir.

    hilaire de crémiers.jpgCependant avec le temps la machine laissait à désirer. Plus singulièrement au cours de la dernière décennie.
    Il fallut peu à peu déchanter. Plus l’état intervenait au nom des politiques publiques et plus l’autorité administrative sous ses ordres décidait et restructurait, plus la situation se dégradait et plus l’appareil de santé s’éloignait des Français. Les services tiraient la sonnette d’alarme.

    Ceux qui souffraient le plus des carences, étaient ceux qui habitaient les territoires les moins bien pourvus et qui étaient, comme il est devenu de règle, pratiquement abandonnés. L’abandon était, de fait, programmé, pendant que l’état dispensait – à millions et à milliards – à l’étranger venu s’installer chez nous les avantages médicaux que les Français payaient de leurs ressources. Et ce n’était là qu’un aspect des contradictions scandaleuses qui affectaient les choix de la puissance publique.

    Un système sans raison

    Qui aurait pensé, pourtant, que le système en son cœur était atteint ? Quand survint la pandémie, le choc révéla soudain la sinistre réalité. Il fallut s’apercevoir que rien n’était prévu, rien n’était préparé. Des structures administratives avec force conseils à prébendes avaient pris les commandes de l’appareil sanitaire en France. Plus personne n’était responsable. Chacun disait et faisait n’importe quoi. Pire : les déficiences récurrentes à chaque moment crucial, les absurdités accumulées jusqu’au niveau le plus élevé se multiplièrent comme autant de signes d’une inquiétante incompétence que doublait une insupportable prétention. Les aberrations qu’une situation imprévue aurait pu expliquer, étaient revendiquées comme politique d’état par des autorités de plus en plus débordées qui, dans le mensonge et la suffisance, faisaient semblant de dominer la crise. Réunions innombrables de non moins innombrables états-majors, créés coup sur coup dans l’agitation de l’heure, chacun ayant appellation et qualification appropriées pour évaluer la menace, définir le danger, affronter l’ennemi, fixer la stratégie, déterminer les solutions, appréhender l’avenir. Points de situations réguliers, chiffres, statistiques et projections à l’appui ; adaptation tactique permanente ; bulletins de campagne comme du temps de Napoléon ; proclamations devant le peuple et les troupes dans le style épique requis ; vaste plan de reconquête, échelonné de mois en mois jusqu’à la victoire finale et vu comme déjà réalisé, alors même que tout fait défaut, les « vaccinodromes » étant désertés faute de vaccins, tout cela débité devant le public avec force éclat médiatique à la manière de Picrochole, rien assurément n’aura manqué à ce scénario qui se veut héroïque, imaginé par une bande de petits bourgeois ambitieux parvenus au pouvoir sur un coup de dés jetés au bon moment, investis dès lors de la souveraineté nationale dont, par ailleurs, ils se gaussent mais dont ils se servent pour leurs visées personnelles, et qui se trouvent ainsi à la tête d’un monstre administratif inapte et incontrôlable. Spectacle dérisoire de les voir jouer aux chefs qui commanderaient aux hommes, à la nature et aux dieux ! Car ils se figurent, ces faux rois de passage, sur le théâtre de l’histoire où se dérouleraient leurs carrières et s’illustreraient leurs personnages, quand ce ne sont par nécessité que de pauvres histrions. Tel est le ridicule fondamental de nos institutions : aucun n’y échappe. Au lieu de chercher le bien commun et de servir au mieux les intérêts français comme leur fonction devrait les y obliger.

    Au-delà même de la pression du moment et qui risque, d’ailleurs, de s’accentuer dans les mois qui viennent et de durer par delà l’été et jusqu’à l’an prochain, la situation présente confirme ce que pressentaient et exprimaient depuis des années les voix les plus autorisées et qui n’étaient pas écoutées. En France, c’est ainsi et depuis fort longtemps et dans tous les domaines qui relèvent de la politique d’état : sorte de fatalité connaturelle à notre régime qui veut que les gens sérieux qui prennent soin d’avertir, ne soient jamais entendus ni même considérés. « Tout ça finira mal », disait déjà le perroquet de Jacques Bainville.

    Pour qui veut considérer les choses d’un peu haut, il y a là un échec. Patent aujourd’hui pour l’état. Il est même, toutes choses égales d’ailleurs, particulièrement humiliant et grotesque chez nous, par rapport à la plupart de nos voisins, même de ceux qui souffrent du même mal que nous, en raison précisément tant de nos prétentions si superbement institutionnelles que de nos défaillances si concrètement organisationnelles. Tel est le paradoxe qu’il convient de comprendre pour ne pas se tromper dans l’appréciation. Il faut le dire : les défauts opérationnels ne tiennent absolument pas au dévouement des personnes, ni à la qualité du travail et des soins, ni à l’engagement des représentants des structures locales, mairies et préfectures, ni aux interventions des différents corps des professions médicales, des militaires, des pompiers ou des métiers qui ont offert spontanément leur concours. Tout le monde comprend bien que là n’est pas le problème, bien au contraire.

    À ce niveau, rien à dire, sauf même à admirer. Que peuvent les gens contre les cafouillages, les contre-ordres, les impérities, les incuries ? Pire : contre les ordres idiots, voire criminels venus des plus hauts sommets ? Alors ? Ce qui se voit et n’ose pas encore s’énoncer, mais se pense fortement, c’est que la question est d’abord politique. Elle est bien au niveau de l’état. C’est là que tout se situe et le problème n’est pas prêt de cesser. L’affaire des vaccins, s’ajoutant à toutes les autres, est caractéristique d’une inaptitude fondamentale de notre organisme politique à répondre aux besoins de la société, alors même qu’il prétend s’occuper de tout et de tout diriger. Qu’on se rende compte : la France n’est pas capable d’avoir son propre vaccin !

    Échec général

    L’affaire est d’autant plus grave qu’il n’y a plus de marge de manœuvre. L’État tient tout. La Sécurité sociale n’appartient plus – et depuis fort longtemps – aux citoyens assurés. Ses lois, ses décrets, ses budgets relèvent de l’état, sont votés par des majorités parlementaires aux ordres, entrent dans les mêmes visées que les autres politiques de l’état républicain, essentiellement idéologiques. La pandémie justifiera le plan totalitaire qui sera présenté demain comme l’unique moyen de sauver le système, de financer les trous abyssaux qui se creusent dans tous les comptes, de faire de tout Français un citoyen conforme à la norme, « assujetti », selon l’expression typique, si chère à la Sécurité sociale, aux prescriptions de l’unique Loi révélée du haut de la Nuée républicaine.

    Jusqu’où ne va pas la prétention de cette religion – car c’en est une – qui se substitue à tout ? La question sanitaire se pose aujourd’hui prioritairement. Mais le reste ? Partout le même schéma !

    Par exemple, la République s’était faite l’enseignante des Français, « la professeure », comme elle dirait aujourd’hui : à elle l’école, à elle les diplômes, à elle les universités. À elle, surtout, l’esprit des petits Français qu’il convenait de façonner ! Elle a mis la main sur l’enseignement au point que les Français sont persuadés que, s’ils font des études, ils le doivent à la République. Elle leur fait croire cette fable ; elle ne s’est pourtant contentée que de rafler la mise, selon son habitude, en chassant toute concurrence. Elle imposait ses idéaux à elle : sa morale sans Dieu ni tradition, dite indépendante – grand combat des années 1880 –, inspirée au départ du père Kant et de l’idéalisme allemand dont elle est la fille naturelle et politique, ce qui lui insuffla par la suite logiquement une philosophie générale et historique hégélo-marxienne, celle qui régna sur ses intellectuels, jusqu’à tout récemment, se partageant l’intelligence du pays avec le prétendu libéralisme anglo-saxon, toute pensée classique française étant par définition exclue. Pourquoi s’étonner des dérives universitaires d’aujourd’hui ? Elles étaient déjà en cours il y a cinquante ans ! Seulement la culture d’aujourd’hui est devenue comme en Amérique une sous-culture. Mais le mal à l’origine est bien de chez nous, jusqu’aux dernières stupidités de « l’intersectionnalité »..

    Au bout de l’expérience, une catastrophe sans nom dont chacun peut méditer les causes : un abaissement tragique du niveau de formation, sauf exception, un défaut d’éducation généralisé, une population sans repère, l’immoralité installée dans la société, une laïcité qui ne fut jamais forte que contre la religion traditionnelle de la France, celle de l’église catholique, totalement inefficace – et même contreproductive – pour contrôler l’Islam qui continue inexorablement sa progression dans notre nation, en dépit des « tweets » dérisoires du petit Darmanin, jusqu’à la pulvériser. Car rien n’arrête plus l’immigration que personne ne maîtrise, surtout pas l’Europe.

    Tout est à l’avenant. La sécurité n’est plus assurée ; des parties entières du territoire échappent à la loi ; la justice fonctionne en dépit du bon sens ; l’ordre intérieur dépend des lubies de ministres qui jouent les importants ; notre défense, malgré une armée remarquable, est livrée à des utopies humanitaires et à la chimère d’une Europe sous gouvernance allemande dont nos gouvernants, Macron en tête, s’imaginent, comme au temps de Jaurès, de Briand, de Blum, en raison des cours qu’ils ont appris dans leurs écoles, qu’elle est l’avenir de la France, alors que la tromperie devient de plus en plus manifeste, les héritiers de Gustav Stresemann s’efforçant toujours de duper leur prétendu partenaire.

    Ces vérités commencent à se dire : dans la presse libre, Valeurs actuelles, Présent, Politique magazine et autres organes soit en version papier, soit sur internet, dans les émissions de télévisions libres, TV Libertés, Cnews que de plus en plus de Français suivent avec passion. Le constat est fait : la France a été littéralement bradée intellectuellement, moralement, spirituellement, économiquement, industriellement, maintenant financièrement, par des bandes d’arrivistes sans scrupules, sans autre légitimité que leur prétention, qui se sont crus les maîtres du pouvoir parce qu’ils réussissaient leurs mauvais coups politiques que nos institutions favorisaient.

    C’est pourquoi, il faut le répéter ici, la vraie et unique question est une affaire de régime. C’est elle qu’il faut poser. Comment ne pas méditer la forte maxime de Renan, plus vraie encore de nos jours que de son temps : « En politique, un principe qui, dans l’espace de cent ans, épuise une nation, ne saurait être le véritable ».

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Le scandale de la carte d’Identité bilingue.

    Un com­mu­ni­qué de Ilyès Zouari

    Ilyès Zoua­ri, nous com­mu­nique deux ques­tions écrites au par­le­ment au sujet de la nou­velle carte d’identité natio­nale-euro­péenne et bilingue français-anglais.

    2.jpgPour info, ci-des­sous deux réponses que j’ai reçues suite au com­mu­ni­qué inter asso­cia­tif que j’ai envoyé (au pas­sage), et après lec­ture des com­mu­ni­qués de Mme Bilde et de M. Lachaud, je leur ai rap­pe­lé ce qui suit : 

    1 ) Je vous informe à ce sujet que le dépu­té de l’Aisne et SGP de l’Assemblée par­le­men­taire de la Fran­co­pho­nie (APF) M. Jacques Kra­bal a dépo­sé la semaine der­nière une ques­tion écrite au Ministre de l’Intérieur.

    Celle-ci a été publiée au Jour­nal Offi­ciel de la Répu­blique. Je vous prie de bien vou­loir en trou­ver copie ci-dessous.

    Texte dépo­sé : M. Jacques Kra­bal alerte M. le ministre de l’in­té­rieur sur le pro­jet de nou­velle carte natio­nale d’i­den­ti­té, dont le carac­tère bilingue appa­raît pour le moins inap­pro­prié. En effet, selon l’ar­ticle 2 de notre Consti­tu­tion, la langue de la Répu­blique est le fran­çais. Ce bilin­guisme (fran­çais, anglais) sur un docu­ment qui sym­bo­lise notre natio­na­li­té fran­çaise envoie un mes­sage désas­treux quant à la place cen­trale que nous vou­lons accor­der à notre langue natio­nale, fac­teur de cohé­sion sociale. Qu’en 2021, ce docu­ment puisse ain­si vio­ler l’Or­don­nance de Vil­lers-Cot­te­rêts de 1539 – plus vieux texte juri­dique fran­çais en vigueur fai­sant de la langue fran­çaise la langue offi­cielle de la France dans tous les actes admi­nis­tra­tifs et judi­ciaires est inac­cep­table. Les pro­mo­teurs de ce bilin­guisme arguent que la carte natio­nale d’i­den­ti­té est aujourd’­hui uti­li­sée pour voya­ger au sein de l’U­nion euro­péenne. Le ser­vice presse du minis­tère de votre minis­tère a même avan­cé que « l’an­glais est, et demeure, une langue offi­cielle des ins­ti­tu­tions de l’U­nion euro­péenne, quand bien même le Royaume-Uni a quit­té l’U­nion. Et que la carte d’i­den­ti­té devient un docu­ment de voyage au sein de cette der­nière, ce qui sup­pose que ses men­tions soient com­prises dans le plus grand nombre de pays ». Or, la langue offi­cielle des ins­ti­tu­tions euro­péenne n’est pas l’an­glais. Les réunions du Conseil euro­péen et du Conseil de l’U­nion euro­péenne sont inter­pré­tées dans toutes les langues offi­cielles. Les membres du Par­le­ment euro­péen ont le droit de s’ex­pri­mer au Par­le­ment dans n’im­porte quelle langue offi­cielle de l’UE. Et les trois langues de tra­vail du Conseil de l’U­nion euro­péenne sont le fran­çais, l’an­glais et l’al­le­mand. A l’heure où la France s’emploie à favo­ri­ser le plu­ri­lin­guisme dans les ins­tances euro­péennes, sujet qui sera l’une des prio­ri­tés de sa pro­chaine pré­si­dence de l’UE, ce pro­jet de nou­velle CNI va à contre­cou­rant des efforts que tous les acteurs fran­co­phones mettent en œuvre, confor­mé­ment à la volon­té du Pré­sident de la Répu­blique. Com­ment inci­ter nos par­te­naires euro­péens à par­ler leurs langues et à apprendre celles de leurs voi­sins si nous consi­dé­rons l’an­glais comme la lin­gua fran­ca ? Com­ment comp­tez-vous rec­ti­fier le tir pour garan­tir que notre langue natio­nale soit la seule à figu­rer sur notre carte d’i­den­ti­té ? Et à défaut, si nous n’a­vons pas d’autre choix que de suivre la direc­tive euro­péenne de 2019 concer­nant ce sujet, ne fau­drait ¿il pas tra­duire l’in­ti­tu­lé en d’autres langues que l’an­glais (alors que le Royaume-Uni nous a quit­tés) : des langues fron­ta­lières des pays de l’U­nion euro­péenne comme l’al­le­mand, l’es­pa­gnol et l’i­ta­lien ? Rien n’o­bli­ge­rait, si on suit bien la direc­tive, à tra­duire les rubriques de la Carte natio­nale d’i­den­ti­té. Ce serait un zèle inutile et aux effets néfastes car quoi de plus impor­tant que le nom ?

    2) Sur la ques­tion de la CNI, je vous prie de bien vou­loir trou­ver le com­mu­ni­qué de Madame Bilde :  https://rassemblementnational.fr/communiques/la-carte-didentite-bilingue-lultime-affront-a-la-langue-francaise/

    La carte d’identité bilingue : l’ultime affront à la langue française.

    Peut-on sin­cè­re­ment s’indigner que la France et sa langue ne jouissent plus de l’aura qui fut jadis la leur quand notre propre Pré­sident donne le ton pour la mépriser ?

    On avait pas­sé à Emma­nuel Macron, bon gré mal­gré, son pen­chant pour les angli­cismes, ou sa petite pique envers la culture fran­çaise dont il affec­tait d’ignorer jusqu’à l’existence.

    On a eu tort. En témoigne la der­nière fou­cade de la Macro­nie : la carte d’identité bilingue anglais-fran­çais. Certes, la presse a eu tôt fait de voler à la res­cousse de Mar­lène Schiap­pa, qui a dévoi­lé ce pro­jet le 16 mars der­nier en pleine semaine de la francophonie.

    L’innovation ne serait donc pas anti­cons­ti­tu­tion­nelle. S’y oppo­ser relè­ve­rait même d’un « chau­vi­nisme mal pla­cé », nous assu­rait un pro­fes­seur de droit à la retraite, cité dans la presse quo­ti­dienne. Bref, le chef d’accusation de « Gau­lois réfrac­taire » n’est déci­dé­ment jamais loin face à qui a l’audace de s’élever contre la domi­na­tion sans par­tage du « globish ».

    De fait, cette pro­po­si­tion est une for­fai­ture au regard des décen­nies d’investissements dans la fran­co­pho­nie sur notre sol et à tra­vers le monde. Dou­blée d’une absur­di­té du reste, puisqu’elle inter­vient alors que tout semble sou­rire à la langue de Molière. Elle pour­rait même deve­nir le troi­sième idiome mon­dial d’ici à 2050, du fait du dyna­misme démo­gra­phique de l’Afrique.

    Au Par­le­ment euro­péen, je conti­nue­rai à m’opposer au recours sys­té­ma­tique à l’anglais par­fois impo­sé au mépris de la volon­té des élus, ou de cer­tains fonc­tion­naires des ins­ti­tu­tions. Mais n’est-il pas conster­nant de se voir ain­si désa­voués par notre propre Pré­sident, alors même que ce com­bat nous place dans le sens de l’Histoire ?

    Source : https://www.actionfrancaise.net/

  • El-Azhar entre politique et religion, par Annie Laurent.

    Annie_Laurent.jpgAnnie Laurent poursuit - dans la Petite Feuille Verte - son étude sur El-Azhar, dont nous avons relayé déjà les deux premiers numéros(El-Azhar, Vatican de l'islam ? puis El-Azhar, « phare de l’islam sunnite »).

    Elle s'intéresse ici à la ligne doctrinale suivie par cette institution au cours des dernières décennies. Loin d’ouvrir la voie à une rénovation de la pensée islamique, comme pouvaient le laisser entrevoir les travaux d’intellectuels musulmans à partir du début du XXème siècle et jusqu’à nos jours, l’approche d’El-Azhar est demeurée centrée sur une vision conservatiste. En témoignent notamment les contraintes et sanctions disciplinaires que cette institution impose aux « nouveaux penseurs ».

    Annie Laurent s’arrête ici au seuil de la révolution qui s’est déroulée en Egypte en 2011, dans le contexte des « printemps arabes ». La prochaine Petite Feuille Verte exposera la manière dont El-Azhar a vécu cet événement, en particulier l’arrivée au pouvoir du militant Frère Musulman, Mohamed Morsi, en 2012, suivie du coup d’Etat du maréchal Abdelfattah El-Sissi, en 2013. Elle présentera aussi les réponses apportées par El-Azhar aux exigences du président égyptien en vue d’une réforme de l’islam.

    El-Azhar, Vatican de l’islam ?, par Annie Laurent

    El-Azhar, "phare de l’islam sunnite", par Annie Laurent

    El-Azhar entre politique et religion

    « Depuis sa création et de par sa place centrale dans la société égyptienne et dans la ville du Caire, El-Azhar a hébergé différentes mouvances politiques et religieuses. Dans l’entre-deux-guerres, elle est devenue le centre de la lutte entre les Anglais, les leaders nationalistes et la nouvelle monarchie du roi Fouad. Ensuite, les Frères musulmans prirent de plus en plus d’importance au sein de l’université et celle-ci devint le foyer de manifestations politiques et idéologiques » (Oriane Huchon, Les clés du Moyen-Orient, 21 avril 2017).

    De fait, tout au long de son histoire, l’institution a souvent été mêlée à la vie politique et aux débats idéologiques de l’Égypte et du monde islamique. Le XXème siècle, époque où les pays arabo-musulmans, libérés de la tutelle ottomane, cherchaient à réorganiser l’Oumma, tandis qu’émergeait au Levant l’attrait pour les États-nations imités des modèles occidentaux, n’a pas échappé à ces interférences.

    EL-AZHAR ET LA MODERNITÉ

    C’est en partie des rangs d’El-Azhar qu’est issu le « réformisme », terme qui peut être source de confusion. En effet, fondé au Caire en 1883, ce mouvement est souvent considéré comme le promoteur d’une modernisation de la pensée islamique. En réalité, freinant l’élan émancipateur inauguré par certains intellectuels musulmans à la même époque, le « réformisme » a œuvré à la restauration de la religion « authentique », purgée des « innovations blâmables » (bidaâ), formule désignant les éléments étrangers qui s’y étaient greffés (cf. PFV n° 64-65). C’est ce qu’illustrent propos et actions de ses principaux responsables.

    Mohamed Abdou, pilier du « réformisme »

    Mohamed Abdou

    Diplômé d’El-Azhar, Mohamed Abdou (1849-1905) fut d’abord journaliste puis cadi (juge) et mufti (consultant en droit). Dans son Traité de l’unicité divine (1897), il recommandait le retour aux sources tout en démontrant que l’islam est une religion éminemment raisonnable. « Toutefois, elle [la raison] doit s’incliner devant Dieu seul et s’arrêter aux limites posées par la religion », écrivait-il (cité par Faouzia Charfi, Sacrées questions, Odile Jacob, 2017, p. 81).

    « En cette fin de XIXème siècle, où des appels à la Nahda [Renaissance] du monde arabe commencent à se manifester dans les domaines politique et culturel, c’est une Nahda religieuse que prône Mohamed Abdou » (Robert Solé, « Réformer l’islam », Ils ont fait l’Égypte moderne, Perrin, 2017, p. 109).

     

    Mustafâ El-Marâghi et l’exclusivisme islamique

    Mustafâ El-Marâghi

    La restauration du califat, dont le siège aurait été au Caire, désirée par Mustafâ El-Marâghi (1881-1945), deux fois recteur d’El-Azhar au XXème siècle (cf. PFV n° 80), ne pouvait s’accommoder de la reconnaissance de partis politiques non religieux pour lesquels il « affichait le plus profond mépris » (Francine Costet-Tardieu, Un réformiste à l’université El-Azhar, Khartala, 2005, p. 121).

    Ainsi, il combattit le mouvement nationaliste Wafd (Délégation en arabe), laïcisant, libéral et très populaire fondé en 1918 par Saad Zaghloul. Vainqueur des élections législatives en 1924 (195 élus sur 214 sièges), ce parti parvint au pouvoir en 1926. Il sera dissous par Nasser en 1953.

    Le Wafd attirait en son sein de nombreux coptes, ce qui lui valait d’être discrédité par ses adversaires, parmi lesquels Marâghi. Dans un discours prononcé le 11 février 1938, ce dernier s’en prit aux chrétiens : « Ceux qui veulent séparer la religion de la vie sociale sont en vérité les ennemis de l’islam […]. Ils veulent vous dominer et faire disparaître ce qui subsiste de la grandeur de l’islam, du culte musulman. Vous vous êtes fiés à leur amitié, allant ainsi à l’encontre du Livre de Dieu » (Ibid., p. 129-130). Lors de la campagne électorale qui suivit, les oulémas déclareront dans leurs sermons qu’« un vote pour le Wafd est un vote contre l’islam » (ibid., p. 131).

    Le réformisme a ouvert la voie à l’islamisme, dont la matrice est représentée par les Frères musulmans (FM), fondés en 1928 à Ismaïlia par l’Égyptien Hassan El-Banna avec un double objectif : restaurer le califat et établir un Etat islamique appliquant la charia. Sur les FM, cf. Olivier Carré et Gérard Michaud, Les Frères musulmans, Gallimard, coll. Archives, 1983 ; Gilles Kepel, Le Prophète et Pharaon, La Découverte, 1984.

     

    Youssef El-Qaradaoui, diplômé d’El-Azhar et Frère musulman

    Youssef El-Qaradaoui

    Né en Egypte en 1926, Qaradaoui « est le fils de ce courant intellectuel musulman qui a voulu depuis les années trente régler ses comptes avec la civilisation occidentale dans ses deux dimensions, libérale et socialiste », écrit Amin Elias dans un article consacré au parcours de ce prédicateur très influent sur les réseaux sociaux (Confluences Méditerranée 2017/4, n° 103, p. 133-155).

    Dès l’âge de 16 ans, Qaradaoui choisit de devenir un « soldat » de la cause islamique en adhérant aux FM dont il avait rencontré le fondateur. Cela ne l’empêcha pas d’être admis à la faculté des sciences religieuses d’El-Azhar où il entra en 1950. Il y déploya une activité de militant, créant en 1953 avec plusieurs amis le « Comité de la Renaissance d’El-Azhar » dont l’objectif était de « réveiller la conscience islamique, créer une nouvelle génération capable de comprendre l’islam et de mener le combat pour sa cause, à rassembler les fils d’El-Azhar autour de cette cause sublime ». En 1973, il a soutenu une thèse de doctorat portant sur les sciences du Coran et de la Sunna.

    Auteur de plusieurs livres, dont Islam versus laïcité (Le Caire, 1980), Qaradaoui a fondé à Londres en 2004 l’Union internationale des savants musulmans (UISM) dont il est le président et qui œuvre à rétablir le califat « sous une forme moderne », apte à tenir un rôle de magistère concurrent d’El-Azhar. Il a également créé le Conseil européen de la Fatwa (décret politico-religieux) et de la Recherche, largement financé par l’émirat de Qatar. Établi à Dublin, ce Conseil dispense des enseignements et des conseils aux musulmans résidant en Europe.

    Ce n’est qu’en 2013, avec l’arrivée au pouvoir du maréchal Sissi, que Qaradaoui, impliqué aux côtés des FM dans la révolution égyptienne de 2011, a été déchu de son poste de membre du Comité des savants d’El-Azhar.

     

    CENSURES ET CONDAMNATIONS D’INTELLECTUELS

    El-Azhar a une longue pratique de la censure et des sanctions contre les auteurs novateurs ou iconoclastes. En voici quelques exemples :

    Ali Abderrazik

    Ali Abderrazik (1888-1966). Dans son essai L’islam et les fondements du pouvoir (Le Caire, 1925 ; traduction française aux éd. La Découverte, 1994), ce titulaire d’un doctorat d’El-Azhar préconisait la séparation du temporel et du spirituel. Il contestait le caractère sacré du califat, d’abord parce qu’il est ignoré par le Coran, ensuite parce qu’il lui semblait inadapté aux temps nouveaux. « Ce sont les manuels du fiqh (jurisprudence) qui ont créé une équivoque à ce sujet », remarque le Père Henri Lammens dans son commentaire de l’œuvre d’Abderrazik (L’islam, croyances et institutions, Dar el-Machreq, Beyrouth, 1943, p. 145). Dès la parution du livre, Abderrazik fut exclu d’El-Azhar, décision approuvée par le gouvernement égyptien du roi Fouad 1er qui cherchait alors à restaurer le califat.

    Mohammed Khalafâllah

    Mohammed Khalafâllah (1916-1998). Dans son travail sur l’analyse du texte du Coran, cet étudiant égyptien d’El-Azhar soulignait l’importance « que l’exégète ne reste pas esclave d’une lecture littéraliste mais qu’il ait le souci de saisir le signifié au-delà du signifiant ». Le jury lui interdit de soutenir sa thèse au motif que celle-ci remettait en cause le dogme du Coran incréé et une fatwa émise par des savants religieux l’accusa d’apostasie, accusation qui visa aussi le superviseur de son travail, le cheikh Amin El-Khûli. Tous deux furent interdits d’enseigner les sciences coraniques (Cf. Rachid Benzine, Les nouveaux penseurs de l’islam, Albin Michel, 2004, p. 162-172).

    Nasr Abou Zeid

    Nasr Abou Zeid (1943-2010). Cet universitaire égyptien, dont les travaux s’inscrivent dans la ligne de Khalafâllah et Khûli, estimait que « le lien entre études coraniques et étude

  • Sur le blog ami du Courrier Royal : « L’État c’est moi ! », naissance d’une infox au château de Vincennes.

    L’infox la plus tenace de l’Ancien Régime est que Louis XIV aurait surgi à l’improviste au Parlement de Paris en tenue de chasse, le fouet à la main, pour s’exclamer « L’État, c’est moi ! ». L’anecdote est fausse et assimile durablement le pouvoir absolu à un pouvoir despotique.

    Le lit de justice du 13 avril 1655 selon les archives

    Au début du règne de Louis XIV, le château de Vincennes est l’une des résidences royales favorites du monarque. Ce dernier y passe de longs séjours en compagnie de sa mère Anne d’Autriche et de Mazarin. Il ne s’agit ni d’une garçonnière ni d’un simple pavillon de chasse visité occasionnellement comme l’est alors le château de Versailles. Le 19 mars 1655, Louis XIV annonce par lettres patentes la tenue d’un lit de justice le lendemain, où il exige l’enregistrement de divers édits fiscaux. Dès le départ du roi les parlementaires décident de délibérer sur les édits et sursoient à leur exécution. Le 9 avril, le roi, la reine et Mazarin s’installent à Vincennes pour 8 jours. Le 11 avril 1655, le roi adresse une lettre de cachet au Parlement dans laquelle il annonce sa volonté d’aller y tenir un second lit de justice le mardi 13 avril. Le roi ordonne aux magistrats de se trouver à l’heure prévue au palais en corps et en robes rouges pour le recevoir selon l’usage. La place et la tenue des participants sont très codifiées : le comte de Lude, premier gentilhomme de la chambre, remplace le chambellan aux pieds du roi, en surplomb du prévôt de Paris, Pierre Séguier de Saint-Brisson ; devant le roi dans le parquet, les huissiers de la chambre à genoux et têtes nues portent une masse d’argent dorée ; le chancelier Séguier se voit attribuer la chaise occupée durant les audiences par le greffier en chef, sur un tapis du siège royal ; en dessous le Premier président du Parlement Pomponne II de Bellièvre. La cour siège comme convenu toutes chambres assemblées dans la salle Saint-Louis en robes et chaperons d’écarlate, les présidents sont revêtus de leurs manteaux rouges et tiennent les mortiers symbolisant leur charge.

    Le chancelier arrive vers 8h30 vêtu d’une robe de velours violet doublée de velours cramoisi. Il est accueilli par des conseillers du roi puis conduit à sa place : il ne reste plus qu’à attendre l’arrivée imminente du jeune monarque. Une heure passe, puis deux. À 11h Henri Pot, seigneur de Rhodes et grand maître de cérémonie annonce enfin l’arrivée du roi, des ducs, pairs et maréchaux de France à la Sainte Chapelle. Leur tenue n’est pas rapportée par le procès-verbal du Parlement. La cour envoie les présidents et conseillers de la grand-chambre pour les accueillir et conduire le jeune Louis en son lit de justice.

    Le roi prend possession de son trône. Messieurs, clame-t-il, chacun sait les malheurs qu’ont produits les assemblées du Parlement. Je veux les prévenir, et que l’on cesse celles qui sont commencées sur les édits que j’ai apportés, lesquels je veux être exécutés. Monsieur le Premier président, je vous défends de souffrir aucune assemblée et à pas un de vous la demander. Et aussitôt il se retire.

    Le départ du roi est imprévisible. Selon l’usage l’assemblée s’attend à ce qu’il transmette la parole au chancelier, puis qu’il accorde au Premier président l’opportunité de lui répondre. Pomponne de Bellièvre se trouve en l’espèce empêché de présenter au monarque les motifs de l’opposition parlementaire et terrifié par la potentielle portée de l’interdiction de s’assembler. La prohibition vaut-elle simplement pour les édits fiscaux litigieux, pour tout édit ou pour toute affaire ? Serait-ce la révocation du droit de remontrance, voire la dissolution du Parlement ? Le lendemain matin il se rend au château de Vincennes pour éclaircir la situation auprès de Mazarin, car le roi n’est prétendument pas encore levé. Le ministre écoute l’inquiétude du magistrat, s’entretient avec le roi puis revient vers lui. Le roi aurait affirmé n’avoir aucun mécontentement de son Parlement. Le Premier président repart plus confus que la veille. Il s’empresse d’envoyer de nouveaux émissaires remercier très humblement le jeune monarque d’avoir témoigné être satisfait des officiers de son Parlement, avec de très humbles supplications de le conserver en ses privilèges, de lui permettre de continuer ses assemblées pour la lecture des édits et l’émission de remontrances. Les négociations se poursuivent jusqu’au 16 janvier 1657 où le roi affirme enfin au Premier président qu’il considère le Parlement comme la première compagnie de son État et qu’il veut la conserver dans toute l’étendue de sa fonction. En contrepartie, le Parlement ordonne le lendemain l’exécution des édits.

     

    Mésinformation

    Cet événement est transmis à la postérité par trois contemporains n’ayant pas assisté à la scène, d’où quelques déformations. Le médecin Guy Patin affirme dans une lettre du 21 avril 1655 que le roi défend au Parlement de s’assembler davantage contre ses édits de sa propre bouche, sans autre cérémonie, qualifiant même la séance de simple voyage fait au Parlement. Le marquis de Montglat François-de-Paule de Clermont écrit dans ses mémoires que le roi part du château de Vincennes le matin du 10 avril pour surgir au Parlement en justaucorps rouge et chapeau gris avec toute sa cour en même équipage. Dans son lit de justice, il défend au Parlement de s’assembler et après avoir dit quatre mots, il se lève et sort, sans ouïr aucune harangue. Françoise de Motteville affirme dans ses propres mémoires qu’en 1654 le roi vient une fois du bois de Vincennes au Parlement en grosses bottes leur défendre de s’assembler. Ainsi deux auteurs sur trois proposent une date erronée. Ils sont également deux à ne pas indiquer qu’il s’agit d’un lit de justice et deux à affirmer que le roi défend au Parlement de s’assembler sans limiter cette interdiction aux édits fiscaux. Tous prétendent que la venue du roi au Parlement est imprévisible. L’annonce du roi ayant été faite par lettre close il n’est guère étonnant que les contemporains n’en aient pas eu connaissance. Quant à la tenue du roi, il est curieux que des témoins indirects puissent être plus précis que le procès-verbal du Parlement de Paris pourtant peu avare en détails vestimentaires. Ce silence étrange indique peut-être effectivement l’absence de l’habit violet traditionnel. Quoi qu’il en soit le justaucorps rouge, le chapeau gris et les grosses bottes désignent un habit de cavalier dont l’image traduit à merveille le réel empressement de Louis XIV à quitter son lit de justice et l’illusion d’une arrivée à l’improviste.

     

    Décontextualisation

    Les auteurs postérieurs se hissent sur les frêles épaules de leurs prédécesseurs au prix de nouvelles approximations fatales. Ainsi la date du lit de justice disparaît, l’habit de Louis XIV devient plus transgressif, le discours plus autoritaire : le jeune homme de 17 ans a mué. Selon le duc Saint-Simon ce n’est pas seulement le chapeau du roi qui est gris mais l’ensemble de sa tenue. Il tient désormais son lit de justice avec une houssine à la main, dont il menace le Parlement en lui parlant en termes répondant à ce geste ! La houssine est une baguette de bois parfois utilisée pour le dressage de jeunes chevaux ; Saint-Simon affirme peu subtilement que le Parlement est littéralement mené à la baguette. Les anachronismes s’accumulent. Le château de Vincennes cesse progressivement d’être une résidence royale dans les années 1670 au profit du château de Versailles jusqu’à ce que les rôles des deux domaines soient parfaitement inversés : désormais Vincennes n’est plus qu’un terrain de chasse occasionnel. Lorsque Voltaire rédige son Siècle de Louis XIV en 1752 il semble évident que si le roi vient de Vincennes à l’improviste en tenue de cavalier, c’est qu’il est en pleine partie de chasse ! Le philosophe n’a donc aucun scrupule à prétendre que le roi surgit brusquement dans la grand-chambre en habit de chasse suivi de toute sa cour. Il entre au Parlement en grosses bottes, le fouet à la main et prononce ces mots : « On sait les malheurs qu’ont produits vos assemblées ; j’ordonne qu’on cesse celles qui sont commencées sur mes édits. Monsieur le Premier président, je vous défends de souffrir des assemblées, et à pas un de vous de les demander ». Les contemporains n’ont pas relevé l’existence d’un fouet dont l’usage n’aurait pas manqué de satisfaire leur curiosité, l’anecdote n’est donc pas plus crédible que la houssine de Saint-Simon.

     

    Désinformation

    Voltaire entretient volontairement la confusion entre le lit de justice de 1655 conduisant en pratique à la confirmation du droit de remontrance et la révocation de ce même droit le 24 février 1673. En effet, il rapporte apparemment fidèlement le discours du roi mais supprime un passage essentiel : Louis XIV demande de cesser les assemblées commencées sur les édits qu’il a apportés, et non sur tous les édits ! Il persiste en 1769 dans son Histoire du Parlement de Paris en rajoutant : « On se tut, on obéit : et depuis ce moment, l’autorité souveraine ne fut combattue sous ce règne ». À cause de Voltaire le pouvoir absolu du roi semble illimité, ne connaissant plus d’autres bornes que celles de l’État. Il ne manque finalement à cette mystification qu’une expression racoleuse que Charles Duclos lui offre dans les Mémoires secrets sur le règne de Louis XIV, la Régence et le règne de Louis XV, publiées à titre posthume en 1791. L’auteur imagine que le prince, dans ses temps de prospérité, choqué qu’un magistrat dise « le roi et l’État », l’interrompt en disant : « l’État, c’est moi ». Duclos n’associe pas expressément cette répartie cinglante au lit de justice de 1655, l’ultime confusion est réalisée en 1818 par Pierre-Édouard Lemontey. Le marquis de Montglat affirme dans ses mémoires que le roi ne prononce que quatre mots lors de son fameux lit de justice ; il suffit à Lemontey de déformer légèrement l’euphémisme et voici que « Le Coran de la France fut contenu dans quatre syllabes et Louis XIV les prononça un jour : L’État, c’est moi ! ». 

    Timothée Marteau
  • La France périphérique et les oubliés de la politique : quel remède ? (partie 3), par Fabrice VALLET (Juriste).

    OPINION. La France des oubliés identifiée par le géographe Christophe Guilluy a explosé à la figure d’un système médiatique aveugle à travers les Gilets jaunes. Comment ce phénomène de déclassement géographique a-t-il été enclenché ? Cette France des gens ordinaires parviendra-t-elle à se faire entendre en 2022 ? Éléments de réponse dans cette analyse en trois volets.

    L’enfermement d’une élite dans son arrogance technocratique ou clanique revient à culpabiliser les laissés-pour-compte de la mondialisation néolibérale, sans solution de rechange depuis 40 ans. Cet autisme venu d’en haut implique une reformulation des propositions citoyennes, notamment celles des Gilets jaunes, pour leur donner une légitimation institutionnelle, mais aussi dans les actes de la vie quotidienne, qui puisse répondre au besoin actuel, d’équité sociale et de défense du bien commun. Si la croissance est nécessaire à la survie du capitalisme, elle apparaît de plus en plus contradictoire avec la survie de l’humanité.

    Il est primordial que se réalise, à l’échelle internationale, une réappropriation du capital, en renationalisant tout ou partie du crédit. La maîtrise du crédit constitue l’un des leviers les plus efficaces dont dispose une collectivité autonome pour orienter la production des biens fondamentaux à travers un cahier des charges lié aux prêts (dans le sens de l’intérêt collectif). Notre société doit offrir aux PME tous les moyens de s’intégrer au marché, par le biais d’un système de crédit populaire destiné à favoriser les investissements les plus bénéfiques pour la collectivité, c’est-à-dire les investissements privilégiant la valeur d’usage réelle et la qualité finale du produit.

    Quelles solutions aux défis de la France périphérique

    D’ores et déjà, dans la formation aux métiers recherchés, il est nécessaire de créer des universités des métiers et arts de vivre, croisant les savoirs et techniques, pour revaloriser la restauration, l’habitat, l’ameublement en transmettant l’histoire de l’art aux jeunes générations. Dans cet esprit, il est temps d’investir dans la rénovation externe, interne et énergétique du bâti ancien en cours d’abandon. La transmission des savoir-faire et expérimentations est à encourager dans le BTP dans le cadre d’un vaste plan de restauration du patrimoine architectural de notre pays. En matière de construction, la rénovation du bâti ancien pourrait s’opérer selon des normes techniques allégées qui prendraient en compte la durabilité des bâtiments, leur esthétique et leur adaptation à des normes écologiques intégrées aux paysages. Une industrie du bâtiment pourrait susciter un plan de mise en valeur des carrières ce qui permettrait de relancer les métiers de la pierre, en lien avec la restauration du patrimoine et d’éventuelles techniques mixtes de construction. De même, reconstruire une filière bois qui soutienne le bâtiment dans toutes ses exigences n’est pas utopique, comme dans la ferronnerie. De plus, on pourrait affecter, de plus, aux opérateurs touristiques des villages anciens et des hôtels à rénover et subventionner les réalisations de maisons végétalisées et de bâtiments à énergie positive.

    Dans les périphéries urbaines et dans les campagnes, un nettoyage et un démontage des installations commerciales ou industrielles pourraient donner lieu à une reconversion de ce tissu économique révolu, en des zones de services de proximité. On pourrait, dans le même sens, réallouer à des entreprises commerciales des pâtés de maisons pour relocaliser des activités de banlieue en centre-ville. En effet, l’installation de populations pauvres au sein des centres des villes moyennes accentue la répulsion touristique, surtout dans les pays, à l’écart des grands flux.

    Dans la filière agricole, il faut défiscaliser la production jusqu’à un certain chiffre d’affaires pour maintenir une agriculture paysanne. Mais aussi favoriser la reconquête des champs et pâturages par le bétail, tout comme favoriser l’abattage local des animaux. Dans ce sens, la recréation d’une filière viande de gibier, comme d’une pêche et d’un élevage fluvial est parfaitement envisageable. En outre, il faut associer les agriculteurs, en réorientant les primes européennes sur la production des paysages, la diversité biologique, la qualité ou la protection des patrimoines ruraux. Bien entendu, il est nécessaire de mettre un moratoire sur les nouvelles destructions de terres agricoles afin de lutter contre l’artificialisation des sols. Dans le domaine de l’aménagement du territoire, il doit revenir aux structures intercommunales de planifier localement les investissements et la répartition des activités économiques en plafonnant les mètres carrés commerciaux de banlieue par un ratio raisonnable relatif au nombre d’habitants des communes.

    Il serait utile, face au modèle économique de la métropolisation, de façonner un autre paysage, en délocalisant plusieurs centaines de milliers d’emplois et d’activités publics au profit des petites villes et moyennes (universités, casernes, hôpitaux, services techniques, prisons, maisons de retraite et centres sociaux). D’ailleurs, l’État pourrait inciter fiscalement les entreprises non exposées à la concurrence internationale à (re)créer des milliers d’emplois de services à la personne, comme des concierges, des gardiens, des pompistes, des contrôleurs, des surveillants, des manœuvres, des transporteurs. Enfin, l’État pourrait soutenir une réindustrialisation sectorielle et régionale dans une douzaine de secteurs prioritaires (matériaux, agroalimentaire de qualité, machines, électronique).

    La pandémie internationale du Covid-19 nous incite à redoubler de vigilance concernant les expérimentations médicales et les manipulations génétiques qui induisent une foultitude d’intérêts étatiques, privés et de groupes d’influence. C’est pourquoi il est absolument essentiel que la recherche sur laquelle se fonde la légitimité alléguée des laboratoires pharmaceutiques soit nationalisée et que les produits médicaux soient contrôlés par la sécurité sociale qui contrôle de bout en bout la validité de la production médicale, son efficacité, son innocuité, et son prix de vente.

    Revenu d’une classe politique gestionnaire de droit divin, autosatisfaite & sourde au malaise populaire, un nouveau comportement politique doit apparaître. Cette nouvelle attitude, faite d’attention, de dialogue, de sympathie et de main tendue, permettra, seule, qu’une alliance de la France entreprenante et du tiers état composé des exclus ou de la France smicardisée advienne lors des prochaines élections présidentielles en France. Concilier « fin de mois » et « fin du monde » est la condition sine qua non pour créer les conditions de la croissance et de la compétitivité au regard des limites des ressources planétaires et des risques écologiques afin de redonner l’espoir qu’un ordre plus juste est possible.

    Les réformes institutionnelles nécessaires à notre temps

    La religion du transhumanisme qui infuse dans nos sociétés nous incite à revenir à la base même de la démocratie. Ainsi, nous devons instituer des assemblées populaires permanentes dans les quartiers, les villages et les entreprises pour surveiller l’activité des élus du peuple, avec droit de révocabilité. La reconnaissance du vote blanc et de l’abstention au moyen d’un quota minimum de votants en deçà duquel l’élection est invalidée, est une proposition valable. Tout comme l’institutionnalisation pour les questions d’organisation des pouvoirs publics, l’indépendance de la nation, l’intégrité de son territoire, les libertés fondamentales, la protection sociale et le droit du travail, d’un Référendum d’initiative citoyenne. Assurer une représentation élue sur une base territoriale et une représentation proportionnelle, sur une base programmatique nationale à tous les niveaux de décision, trace un autre chemin. Convoquer une chambre représentative des mouvements associatifs et syndicaux en lieu et place du Sénat est une nécessité participative. Il existe, enfin, dans nos sociétés, une multitude de fonctions collectives où le recours au tirage au sort parmi les volontaires permettrait de redonner au peuple le sentiment qu’il peut participer au gouvernement de la cité.

    De nouvelles méthodes de gestion des services publics doivent se développer pour faire face à la sclérose d’une administration aux mains d’une féodalité notabiliaire ou de technocrates coupés de la réalité. La logique de projet consiste à construire un champ de forces autour d’un problème et autour d’un individu porteur de projets. Cela permet une gestion de la demande sociale et un partage des risques afin de réduire les coûts. Cela permet de construire un dispositif ad hoc labellisé a posteriori par l’obtention de financements publics. Une autre voie est de traiter les problèmes sociaux au cas par cas. Le système du case manager présente une double caractéristique : d’une part, l’individualisme du cas ou des besoins et d’autre part l’ouverture au privé. Cela permet non seulement d’ouvrir des droits qui tiennent compte des situations personnelles, mais aussi de minimiser les coûts pour la collectivité en instaurant une concurrence entre producteurs de services. Ces deux méthodes de gestion permettent in fine de concevoir des objectifs et de dégager des moyens propres à les atteindre. Il est enfin temps d’établir une corrélation des moyens mis à disposition des services aux résultats escomptés pour satisfaire les besoins du public. Cette prise en considération des personnes avant celle des biens correspond à une exigence fonctionnelle : disposer d’autorités jouissant à la fois de la confiance des populations et de la connaissance précise de leurs territoires d’application, pour établir un nouveau contrat social.

    Retrouver l’appartenance à la collectivité

    Après avoir voulu changer la vie, la politique nationale a changé d’avis, naviguant au gré des vents contraires de la globalisation libérale entre vouloir combattre la finance ou « karcheriser » les racailles, sans que ni l’un ni l’autre ne produise de résultats. Aujourd’hui, après avoir remplacé la solidarité sociale par la charité, en installant un nouveau peuple de damnés dans le chômage à perpétuité, la nouvelle oligarchie tend à substituer, à la question sociale, la question ethnique, par une lutte des races. Revenus de dirigeants dont les promesses n’engagent que ceux à qui elles sont faites, les citoyens entendent faire confiance à une véritable élite qui pense la société et agit, au-delà de ses intérêts immédiats. C’est l’inégalité considérable face au risque qui provoque le ressentiment à l’égard d’autres groupes et de leurs représentants politiques qui tirent les bénéfices du changement en se désintéressant du sort des perdants.

    Depuis 40 ans, les citoyens ont l’impression de se sentir étrangers dans leur propre pays par une perte d’appartenance à la collectivité et la blessure de se trouver sur le marché du non-travail comme des articles en solde, ni repris ni échangé. Dès lors, un leader courageux, simple, audible, accessible, proche des gens, un véritable contrepoids aux puissants, peut devenir le recours. Comprendre la nature véritable d’une société donnée est plus aisé lorsqu’on est contraint de l’observer d’en bas. Sans nul doute, l’année prochaine, la reconstruction en profondeur de la vie politique française passera par des personnalités n’ayant pas exercé de responsabilités politiques, économiques ou administratives. C’est la condition sine qua non pour combler le déficit démocratique et réduire le gouffre entre ceux qui vivent dans le même pays, deux existences distinctes, à l’école, dans la rue, dans le train, dans le hall d’immeuble, derrière la porte de l’appartement.

    Il est temps que chacun soit l’enseignant de son prochain en lui apprenant le secret de ce qu’il est, différent, unique, irremplaçable, et enfin, une culture révélant à chacun comment accueillir la force de résister à la tentation de la haine, le courage du geste fraternel et le pouvoir libérateur de l’amour.

     

    Fabrice VALLET
    Juriste
    Juriste de formation et doté de cinq diplômes d’enseignement supérieur, il dirige actuellement une association d’insertion dans les quartiers prioritaires de Clermont-Ferrand. Il a travaillé pour le Ministère de la Cohésion sociale, de la Justice et pour la Présidence de la République.Il est l’auteur de plusieurs articles, notamment « Sauver notre modèle social aujourd’hui » et « L’Euro : croissance ou chômage ? ». Il a participé à Nuit debout et aux Gilets Jaunes.

    Source : https://frontpopulaire.fr/

  • Solidarité Kosovo : dans La Nef, Le Kosovo toujours sous tension...

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    Site officiel : Solidarité Kosovo

    lafautearousseau "aime" et vous invite à "aimer" la page facebook Solidarité Kosovo :

    https://www.facebook.com/solidarite.kosovo/

     
    Monastère de Visoki Decani au Kosovo © Léopold Beaumont

     

    Le Kosovo toujours sous tension

    Jean-Frédéric Poisson était en septembre au Kosovo, occasion pour notre collaborateur de l’accompagner et faire un point sur place sur une situation qui demeure toujours très tendue. Reportage.

     

    «En Irak, en Syrie, au Liban… Je n’avais jamais vu ça. » Vendredi 24 septembre vers 19h, Jean-Frédéric Poisson, Président de VIA – la Voie du peuple (anciennement Parti Chrétien-Démocrate), partage sa surprise avec les membres de son bureau et les élus de son parti qui l’accompagnent. Nous sommes devant le portail monumental du monastère orthodoxe serbe de Visoki Decani, au Kosovo-Métochie. Quelques minutes plus tôt, nous avons franchi les chicanes installées au pied d’un mirador dont le projecteur éclaire la route de sa lumière crue ; elles ont été posées en 1999 par des soldats de la Kfor chargés de protéger le monastère ; 22 ans plus tard, ils sont toujours là : du « jamais vu », donc, d’après M. Poisson, qui a pourtant rencontré les chrétiens persécutés de nombreux pays d’Orient. Pendant quelques jours, il est allé à la rencontre de ceux qu’il appelle « les chrétiens d’Orient d’Europe » : les Serbes orthodoxes du Kosovo.
    Le monastère de Visoki Decani est un des cœurs de l’orthodoxie serbe. Il est aussi un parfait symbole de l’histoire mouvementée et difficile des Serbes, particulièrement au Kosovo. Il se trouve à l’ouest du Kosovo, dans une région que les Serbes appellent « Métochie », « Terre de l’Église », parce qu’elle appartenait presque tout entière à l’Église orthodoxe serbe et aux nombreux monastères qui s’y trouvent. Dans tout le Kosovo, sur une superficie un peu inférieure à celle de l’Île-de-France, on compte 26 monastères et plusieurs centaines d’églises. Le monastère de Decani est classé au patrimoine mondial de l’Unesco depuis juillet 2004.
    Quelques mois plus tôt, le 17 mars, le Kosovo s’enflammait : une rumeur attribuant la responsabilité de la mort de deux enfants albanais à des Serbes déclenchait deux jours de pogroms antiserbes dans toute la région. Malgré la présence des troupes de la Kfor, dix Serbes furent tués, 35 églises et monastères détruits, plus de 700 maisons serbes incendiées et plus de 4000 personnes contraintes de quitter leurs terres. Le monastère de Decani fut lui aussi pris pour cible, mais ici les troupes de la Kfor n’hésitèrent pas à utiliser leurs armes pour faire reculer la foule, armée de cocktails molotov, qui s’approchait du monastère. Sept grenades furent lancées sur les terres du monastère, qui vinrent s’ajouter aux quinze grenades lancées en février et juin 2000, toutes sans faire de victimes et sans provoquer de dégâts majeurs. Une autre frappera le mur de l’église en mars 2007. « Nous sommes convaincus d’avoir été protégés, et pas uniquement par la Kfor, glisse le Père Sava Janjic, Père Abbé du monastère, pendant son entretien avec Jean-Frédéric Poisson. Il y a là quelque chose qui tient du miracle. » Une conviction qui n’empêche pas la prudence : lors de notre passage, et contrairement à ce qui est fait habituellement, l’éclairage nocturne de l’église est éteint, suite à des menaces récentes lancées contre le monastère : « Ça compliquerait un peu la tâche de quelqu’un qui voudrait tirer depuis les montagnes qui entourent le monastère… »

    Un conflit ethnique
    « Le conflit qui a déchiré le Kosovo en 1999 était un conflit ethnique, précise le Père Sava Janjic : c’était Serbes contre Albanais. Et si la religion, dans les Balkans, se superpose souvent à l’ethnie, c’est vers 2014 qu’on a commencé à sentir que l’islamisme devenait un danger en tant que tel pour le monastère et plus largement pour les Serbes au Kosovo. » En 2015, des graffitis sont découverts sur la muraille qui entoure les terres du monastère. On y retrouvait bien sûr le classique « UCK », du nom de la milice indépendantiste albanaise ayant commis de nombreuses attaques contre les Serbes, mais aussi contre les Albanais partisans du dialogue, entre 1996 et le conflit de 1999. Mais on y trouvait aussi des tags « ISIS » et « Califate is coming ». Moins d’un an plus tard, en février 2016, quatre hommes armés sont arrêtés devant le monastère par les hommes de la Kfor ; on trouve sur eux des textes de propagande islamique.
    « Avant la guerre, l’islam au Kosovo était très modéré : la plupart des Albanais mangeaient du porc et buvaient de l’eau-de-vie, comme les Serbes », se souvient le Père Sava. Aujourd’hui, sous l’influence des pays du Golfe, on voit apparaître un islam radical qui ne fait que rajouter une couche de haine antichrétienne par-dessus la haine antiserbe. Le Kosovo est, avec la Bosnie, le territoire européen ayant envoyé le plus de combattants – proportionnellement à leur population – dans les rangs de l’État islamique. En ce qui concerne la Bosnie, c’est d’ailleurs « un juste retour des choses », puisque des militants islamistes sont venus y combattre dans les années 90… « Ces centaines de combattants sont revenus au Kosovo ; sont-ils, sur le chemin du retour, devenus des militants de la paix ? », feint de s’interroger le Père Sava Janjic, avec un léger sourire entendu. Une chose est certaine : quand ils passeront à l’action, les Serbes orthodoxes seront évidemment leurs premières cibles, parce que Serbes et parce que chrétiens. En octobre 2018, quatre Albanais du Kosovo ont été arrêtés dans le cadre d’une enquête sur la préparation d’attentats en France et en Belgique ; ils comptaient également s’en prendre à l’église Saint-Dimitri de Mitrovica, cette ville du nord du Kosovo coupée en deux, et à des bars de l’enclave serbe de Gracanica, près de Pristina. Plus tôt cette même année, en mars 2018, quand le ministre serbe en charge du Kosovo, Marko Djuric (aujourd’hui ambassadeur de Serbie à Washington) a été violemment arrêté par la police spéciale du Kosovo puis traîné dans les rues de Pristina, c’était aux cris de « Allah akbar ».
    En 2008, le Kosovo déclare son indépendance. Les anciens commandants de l’UCK, transformés en hommes politiques avec l’aide de l’ami américain – on voit sans doute dans tous le Kosovo plus de drapeaux US que de drapeaux officiels du Kosovo –, poursuivent pourtant toujours le même objectif : « nettoyer » le Kosovo de ses Serbes et effacer toutes les traces de la présence multiséculaire des Serbes dans la région. Mais le Kosovo ayant gagné son indépendance, dynamiter des églises – 150 l’ont été entre 1999 et 2005, malgré la présence de la Kfor – devient plus délicat : même si Américains et Européens n’avoueront jamais que le Kosovo, leur création, est un échec, il ne faut pas non plus exagérer.

    Une violence larvée
    D’une violence ouverte, on passe alors à une violence larvée, faites de brimades systématiques, de discriminations absurdes et de dénis de justice quotidiens. Les autorités du Kosovo jouent en permanence sur deux tableaux : en public, aux yeux de la communauté internationale, ils jouent leur rôle de dirigeants démocratiques tolérants et pacifiques, mais laissent en fait les mains libres aux autorités locales – officielles ou non – pour multiplier les persécutions contre les Serbes et contre l’Église orthodoxe. Là aussi, le monastère de Decani en est un exemple parfait : à la fin de la guerre, 24 hectares de terres lui appartenant ont été volés par la municipalité de Decani. La Cour constitutionnelle du Kosovo finira par donner raison au monastère, sans trop se presser cependant puisque ça lui prendra rien moins que 16 ans, malgré la pression internationale. Cinq ans plus tard, la municipalité n’a toujours pas corrigé son cadastre pour prendre en compte cette décision, et les tweets insistants que publie chaque année l’ambassadeur des États-Unis à Pristina n’y changent rien. Mais le monastère a de la chance : un tribunal a daigné se pencher sur son cas. Les Serbes des enclaves, eux, n’espèrent même plus que la police prenne en compte leurs plaintes, même après des agressions caractérisées, même quand elles sont enregistrées. En juillet 2021, on a dépassé la barre des 100 attaques contre les biens et les personnes serbes depuis le début de l’année : vols de bétail, cambriolages, agressions physiques, négations du droit de propriétés, etc. Quand un Serbe est visé, les coupables ne sont jamais retrouvés. Jamais retrouvés, les assassins de quatorze paysans serbes à Staro Gracko en juillet 1999, malgré les promesses faites devant les caméras du monde entier par Bernard Kouchner, alors administrateur du Kosovo ; jamais retrouvés non plus, les assassins de deux jeunes enfants serbes près de Gorazdevac en août 2003. Le lendemain de notre visite à Decani, le président de l’association des disparus d’Orahovac et de Velika Hoca nous expliquait avoir attendu jusqu’à neuf ans l’autorisation de mener des recherches sur les lieux supposés d’une fosse commune de disparus serbes. Ils sont 500 dans tout le Kosovo, dont on a encore retrouvé aucune trace depuis leur disparition entre 1996 et 1999.

    Des monastères isolés
    Autour du monastère de Decani, comme autour de tous les monastères orthodoxes au Kosovo, a été tracée une « zone de protection », officiellement reconnue par les autorités de Pristina. Depuis plusieurs années, la construction d’une route reliant la commune de Decani au Monténégro voisin à travers les montagnes qui entourent le monastère est en cours. Le début du tracé de cette route reprend celui de la petite route qui mène au monastère, celle où sont postés les soldats de la Kfor. Dès qu’ils en ont pris connaissance, les moines ont signalé que cette route passait donc dans la zone protégée, et même qu’elle longerait la muraille du monastère, à peine à une cinquantaine de mètres de son église. Comment les moines pourraient-ils encore vivre leur vie de prière et de silence avec une voie rapide bordant leur réfectoire ? Les travaux ne risqueraient-ils pas d’endommager les bâtiments vieux de presque 700 ans ? L’accès facilité au monastère ne le mettrait-il pas à la merci de ceux qui veulent sa destruction en compliquant la tâche des troupes de la Kfor ? Ces arguments poussèrent les moines, mais aussi la communauté internationale, à exiger la mise en place d’un nouveau tracé évitant la zone de protection ; une proposition a même été faite en concertation avec les moines, repoussant cette route à quelques centaines de mètres du monastère, dans une vallée parallèle. Qu’importe : les travaux ont été relancés plusieurs fois. Toujours sur le premier tracé. À chaque fois, une réaction forte des représentants étrangers au Kosovo a permis de les suspendre, mais ils n’ont pas été officiellement arrêtés : le premier tracé reste clairement celui que Pristina veut mener à bien.
    Le monastère de Decani, trésor inestimable de l’orthodoxie serbe mais aussi de toute la chrétienté, est donc encore en danger aujourd’hui. C’est d’ailleurs ce qu’a conclu l’an dernier l’organisation Europa Nostra, qui l’a placé dans sa liste des sept sites les plus menacés d’Europe. Une nomination qui a bien entendu fait grincer des dents à Pristina. Alors que pendant la guerre le monastère a accueilli de nombreux réfugiés albanais pour les protéger des combats, et que le Père Sava Janjic était accusé à l’époque, par certains à Belgrade, d’être un agent albanais en raison de ses appels à la paix, de nombreux médias albanais du Kosovo se sont empressés de l’accuser de crime de guerre, donnant ainsi raison à Europa Nostra de la plus éclatante des façons.
    Plus largement, c’est bel et bien la présence serbe au Kosovo qui est toujours remise en question aujourd’hui : « Nous ne partirons pas, affirme le Père Sava, avec toujours la même douceur dans la voix. Même s’il faut mourir ici, nous resterons. Aujourd’hui, nous ne pouvons compter que sur une prise de conscience de la communauté internationale pour avoir une chance de survivre au Kosovo. »

    Léopold Beaumont

    © LA NEF n°341 Novembre 2021

  • Anne-Sophie Chazaud: «La censure est désormais un moyen d’action militant assumé», par Paul Sugy.

    «Le paradoxe de l’époque veut que cette intensité liberticide coïncide avec des moyens technologiques nouveaux à la disposition de chacun» Nathan Keirn keirnna@gmail.com

    Anne-Sophie Chazaud nous offre un éclairage sur les nouvelles formes de censure et les menaces que celles-ci font peser sur le débat public. Selon la chercheuse, un nouvel étau liberticide protéiforme se resserre autour de notre démocratie.

    3.jpgVous défendez l’idée que la liberté d’expression est en crise et que la défense d’idées qui vont à l’encontre de ce que vous appelez «la morale contemporaine» est aujourd’hui entravée par de nombreuses contraintes qui «étranglent» ceux qui s’y risquent. C’est un point de vue que l’on entend souvent, mais justement, la parution même de votre livre ainsi que du présent entretien ne démentent-ils pas votre propos? Est-ce que réellement, en France, «on ne peut plus rien dire»?

    La complainte victimaire du «on ne peut plus rien dire» n’est précisément pas l’objet de ce travail. D’abord parce que la posture victimaire est en elle-même l’un des ingrédients de l’esprit et des méthodes liberticides contemporaines: il serait donc regrettable de s’y adonner tout en la dénonçant. Ensuite, parce que, concrètement, l’étau dont je démonte (et démontre) ici les mécanismes et l’aspect systémique, est en train de commencer à céder sous la pression d’une réaction populaire et intellectuelle qui n’entend plus se laisser dicter ses modes de pensée et d’expression.

    Ensuite parce que le paradoxe de l’époque veut que cette intensité liberticide coïncide avec des moyens technologiques nouveaux à la disposition de chacun, lesquels permettent une libération de la parole (blogs, réseaux sociaux, médias alternatifs) autrefois davantage contrainte par les canaux traditionnels. Les réseaux sociaux sont d’ailleurs l’enjeu d’une tectonique majeure en termes de liberté d’expression: à la fois lieux de grande liberté mais aussi d’infinies pressions activistes, des diktats du politiquement correct guidant la gouvernance même de ces entreprises et enfin objets de toutes les convoitises censoriales de la part du pouvoir politique.

    En revanche, l’étau liberticide qui étrangle la liberté d’expression n’est pas, tout comme l’insécurité, un simple «sentiment», et c’est ce que souligne d’ailleurs la tribune collective signée par plus de cent médias français le 23 septembre, dont Le Figaro , ayant précisément pour objet de «défendre la liberté»: il s’agit d’une réalité, éprouvée par certains jusque dans leur chair, comme ce fut le cas des membres de la rédaction de Charlie Hebdo, pour prendre cet exemple le plus extrême de la censure contemporaine qu’est le terrorisme islamiste.

     

    La censure est désormais un moyen d’action militant assumé, induisant le mécanisme redoutable de l’autocensure, pernicieux et profondément nuisible à la création 

     

    Il y a aussi, de manière moins spectaculaire mais tout aussi efficace et en réalité complémentaire de la méthode violente, tout le maquis des pressions, menaces, autocensures afférentes (songeons par exemple à la remarquable lettre de démission de la journaliste Bari Weiss adressée au New York Times, lequel s’était déjà illustré en décrétant la fin de toutes les caricatures dans ses colonnes), de disqualifications sociales, professionnelles, de harcèlements (pensons par exemple à ce que subit la jeune Mila, pour ne citer qu’elle), qui visent tout simplement à éradiquer les opinions non conformes à la pensée idéologiquement dominante ou aux pressions activistes les plus virulentes.

    La Cancel culture est non seulement une réalité subie mais aussi un mode d’action revendiqué. La censure est désormais un moyen d’action militant assumé, induisant le mécanisme redoutable de l’autocensure, pernicieux et profondément nuisible à la création, au débat d’idées et à l’élaboration du savoir, et donc à la démocratie.

    Par ailleurs, la censure ne consiste pas seulement à empêcher de dire, mais également à obliger à dire, à formuler (en euphémisant un réel que l’on ne veut surtout pas nommer), ou en reformulant: la réécriture (de l’Histoire, des fictions romanesques, des opéras, de la langue elle-même avec cette aberration excluante qu’est l’écriture dite inclusive) est un des modes contemporains de l’inquisition visant le contrôle des reins et des cœurs, de manière imposée, idéologique et totalitaire. Le paradoxe étant qu’elle émane souvent des héritiers du libertarisme des années 1960, lesquels semblent avoir oublié leur belle impertinence avec l’âge.

     

    Le paradoxe étant que l’inquisition émane souvent des héritiers du libertarisme des années 1960, lesquels semblent avoir oublié leur belle impertinence avec l’âge. 

     

    D’une façon générale, ce qui caractérise notre époque et explique une partie des réflexes de censure est une forme aiguë de crise de la représentation, empêchant toute distanciation entre ce qui est représenté et le réel: tout doit être pris au pied de la lettre, la «coupure sémiotique» (entre le mot et la chose) n’est quasiment plus audible, induisant un rapport hystérique à l’expression mais aussi un recours accru au passage à l’acte. C’est d’ailleurs le même littéralisme qui caractérise le fondamentalisme (en l’occurrence islamiste), empêchant toute exégèse, toute interprétation, toute nuance, toute plurivocité et qui est donc, par nature, totalitaire.

    Il y a certes des velléités de censures et certains professionnels de l’indignation s’en donnent à cœur joie, mais ils sont loin d’avoir toujours gain de cause! La pièce d’Eschyle a finalement pu être jouée à la Sorbonne, les mémoires de Woody Allen paraîtront malgré tout… A la fin, n’est-ce pas la liberté qui triomphe?

    Le fait même que la représentation des Suppliantes ait été annulée, sous la menace, l’action violente et les intimidations est en soi gravissime et témoigne en outre de l’abaissement du niveau dialectique en milieu étudiant et universitaire: la liste des conférences, événements, rencontres annulées sous la pression est interminable désormais, alors même que ces milieux devraient être les premiers garants non seulement des libertés académiques mais aussi de la construction du savoir, lequel ne peut exister sans contradictions, dialectique, oppositions de points de vue.

    Par ailleurs, si l’on y prête attention, la représentation des Suppliantes a finalement été donnée, certes, et c’est heureux, sauf que la mise en scène faisant débat (sous l’accusation grotesque de blackface) a été infléchie en sorte que les comédiens ne portaient plus le grimage initialement en cause au visage. Il n’est, d’une manière générale, pas sain que les artistes et créateurs acceptent de passer leur temps dans cette arène sociétale, celle d’un antiracisme devenu fou, à se justifier constamment de leur vertu et de leurs bonnes intentions: le champ culturel n’aurait jamais dû se laisser ainsi investir (voire promouvoir lui-même, par porosité idéologique) par des considérations qui, ontologiquement, le nient et le réduisent à un discours dogmatique selon la partition binaire et imbécile d’un pseudo-progressisme opposé à l’on ne sait quel esprit réactionnaire qu’il importerait de pourchasser.

     

    On ne peut pas dire que la liberté triomphe quand bien même l’esprit de Résistance s’organise et commence à porter ses fruits, payés du prix du sang. 

     

    Lorsque des dessinateurs sont assassinés, lorsque des conférences ou des expositions sont annulées, lorsque des tableaux sont retirés, lorsque la DRH de Charlie Hebdo doit quitter son domicile en raison d’un danger imminent, lorsque des personnes sont licenciées, disqualifiées, menacées, violentées, à raison de l’expression de leurs idées, opinions, créations non conformes à la doxa en vigueur, non, on ne peut pas dire que la liberté triomphe quand bien même l’esprit de Résistance s’organise et commence à porter ses fruits, payés du prix du sang.

    Vous différenciez plusieurs types de censure: contrairement à d’autres époques, la censure serait aujourd’hui davantage le fait d’initiatives privées, qui remplaceraient la censure d’État de jadis?

    Ce qui est spécifique à notre époque mais aussi à notre pays, est en effet la manière dont s’articulent et se complètent une censure que l’on peut qualifier de «sociétale», qui est en quelque sorte le fruit naturel du gauchisme culturel, intolérant et victimaire. Cette censure très spécifique exercée par le biais de notre édifice juridique pléthorique, adossé à la pensée révolutionnaire selon laquelle, comme le disait Saint-Just, il n’y a «pas de liberté pour les ennemis de la liberté», et appuyé sur de nombreuses lois liberticides, -la loi de 1881 protégeant la liberté de la presse et régissant le régime de la liberté d’expression n’est plus qu’un épais mille-feuilles de plus de 400 textes venant restreindre celle-ci par tous les moyens possibles, tandis que que notre ribambelle de lois mémorielles vient témoigner d’une intolérance pathologique du législateur français à ladite liberté, à commencer par la loi Gayssot contredite à l’époque par Simone Veil elle-même…

    Ce dispositif juridique volontiers liberticide sert sur un plateau les desseins d’activistes très bien organisés (comme le CCIF par exemple) mais aussi de toutes sortes d’associations et de ligues de vertu, par le truchement d’une instrumentalisation judiciaire redoutable qui aboutit de facto à une sorte de délégation de la censure au secteur privé par le biais de la complainte militante (songeons par exemple au procès inique qui fut intenté à Georges Bensoussan). Le jihad des tribunaux est l’une des manifestations de ce phénomène, visant moins la victoire devant la justice que l’éreintement des résistants (moralement, financièrement, professionnellement…).

    Enfin, toutes les analyses actuelles (qui sont devenues nombreuses, proches parfois de l’exercice de style convenu) des nouvelles censures ont pourtant tendance à oublier un peu vite le troisième et indispensable acteur de cet étau qui est la censure de type politique et institutionnelle, plus classique mais qui fait son grand retour en force, avec tout un arsenal de lois ou projets de lois liberticides et de pressions de la part d’un pouvoir prompt à dicter au bon peuple ce qu’il convient qu’il dise ou ne dise pas sur le mode orwellien du Ministère de la Vérité.

     

    Le renforcement des mesures d’hygiénisme et de contrôle sanitaire risque fort hélas de ne pas aider à infléchir cette tendance liberticide dans le bon sens. 

     

    Faisons l’inventaire de cet arsenal liberticide: les lois anti-fake news (visant en réalité à contrôler la liberté d’expression voire à la manipuler, notamment en faisant intervenir, sur un domaine qui n’est pas de sa compétence - à savoir, celui de la Vérité - le juge des référés en période électorale), loi Avia (par chance finalement retoquée par le Conseil Constitutionnel), l’application en droit positif de la directive «secret des affaires» qui vient bâillonner considérablement le journalisme d’investigation, les intolérances du pouvoir envers la liberté de la presse (songeons à l’invraisemblable intervention du chef de l’Etat à l’encontre du reporter Georges Malbrunot qui avait le malheur de faire son travail en évoquant des rencontres avec le Hezbollah), les pressions fortes exercées contre le droit de manifester (lequel constitue, quoi que l’on pense des cause défendues, l’une des formes majeures de la liberté d’expression collective), dénoncées y compris par des personnalités de droite, peu suspectes donc d’être de dangereux casseurs d’ultra-gauche, et enfin, les tentatives d’intimidation politique visant par exemple à museler certaines expressions hostiles en invoquant l’ «outrage» afin de palier l’heureuse disparition du délit d’ «offense au chef de l’Etat» (affaire des banderoles «Macronavirus, à quand la fin»).

    L’aspect politique et institutionnel de la censure - le plus traditionnel d’entre tous mais exercé d’une façon nouvelle - a trop souvent tendance à être escamoté dans les analyses du phénomène inquisitorial contemporain alors qu’il constitue la clef de voûte de tout l’édifice par sa porosité idéologique avec les postulats du militantisme victimaire, sa production abondante de normes liberticides, et enfin par intolérance à la critique de l’action des pouvoirs publics. Le renforcement des mesures d’hygiénisme et de contrôle sanitaire risque fort hélas de ne pas aider à infléchir cette tendance liberticide dans le bon sens.

     

    Anne-Sophie Chazaud est chercheuse et auteur. Son dernier livre, Liberté d’inexpression, des formes contemporaines de la censure, est sorti mercredi dernier aux éditions de l’Artilleur.

     

    4.jpgPaul Sugy

     

     

     

     

    Source : https://www.lefigaro.fr/vox/

  • « Le but de la politique est de garder la population inquiète… », par l'abbé Michel Viot.

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    L’abbé Michel Viot critique l’usage politique de la crise sanitaire – et la politique de la peur.

    Qui d’entre nous ne connaît pas ce personnage ? Très peu sans doute. Qui sait que son nom est souvent accompagné de « vengeur » masqué ? Sans doute moins de gens.

    2.jpgIl est fort probable que son souvenir flottera bientôt dans les consciences, et qui sait, s’incarnera à la fin de notre pandémie. Mais pour que Zorro intervienne, il faut que la violence se déchaîne, que des injustices flagrantes aient été commises, que d’autres, pires encore se laissent entrevoir. Peur et violence doivent donc diriger notre société sans Dieu, pour que ne comptant plus sur le secours divin, elle l’attende d’un homme. Le personnage de Zorro en est le symbole.

    Aussi, parce qu’il y a fort à craindre que cette république soit en marche vers la dictature, il me semble plus que temps d’exhorter à l’arrêt, devant la liberté, comme mon épagneul sait si bien le faire pour débusquer un perdreau !

    Je ne reviendrai pas sur les débuts de la pandémie et son effrayante gestion. De nombreuses voix l’ont dénoncée. Mais comme prêtre je me sens obligé de revenir sur la douloureuse question de l’assistance aux malades, aux mourants et aux familles, sans oublier les services funéraires.

    Je commence par balayer devant ma porte ! Dans un certain nombre d’endroits des prêtres se sont confinés, et des églises sont demeurées fermées pour les enterrements ! Nous avons eu, nous prêtres catholiques, et je dis bien nous, la lâcheté d’accepter de ne plus célébrer de messes publiques, y compris pendant la semaine sainte et à Pâques. Certes le gouvernement l’avait interdit ! Mais est-ce une excuse ? Non !

    Et voici pourquoi. Pendant qu’il nous interdisait d’accomplir notre ministère, il permettait des activités autrement plus dangereuses en matière de contamination, comme les transports en commun ou la fréquentation des super marchés. Les mesures sanitaires prises par nos évêques pour tous les sanctuaires auraient dû rassurer des responsables politiques raisonnables. Mais l’idéologie régnait à la place de la raison depuis le début de l’épidémie, c’est à dire un état d’esprit d’affirmation de sa volonté de puissance du côté de l’Etat, et un esprit de timidité du côté de l’Eglise catholique, laissée seule par les autres religions pratiquées en France, n’ayant pas comme elle, les mêmes obligations religieuses. Pour elles, le sanitaire a tenu lieu d’excuse. Elles ont plié en fait devant l’esprit matérialiste de ce temps, tout comme nous, pendant notre obéissance servile aux décisions du gouvernement. Nous nous sommes réveillés en plaidant devant le Conseil d’Etat qui nous a donné raison et la vie religieuse catholique a pu reprendre presque normalement. Je dis presque, parce que le couvre-feu de 18h nous gêne considérablement et risque de troubler gravement la Semaine Sainte, et la célébration de Pâques en rendant impossible le très bel office de la Vigile pascale. En fait, ce maintien acharné du couvre-feu qui ne sert à rien sur le plan sanitaire, le premier Ministre lui-même a reconnu qu’il n’avait pas été utile à grand chose. Et quand on voit les grands rassemblements de personnes qu’il provoque dans les transports en commun, on peut se demander s’il ne contribue pas à propager le virus. Mais c’est un ingrédient parmi d’autres pour entretenir le climat de peur. L’existence de cette mesure violente maintient dans les consciences la présence du danger, donc de la peur.

    Par ailleurs, on s’obstine à ne pas réellement soigner les malades du Covid. Des médicaments existent pourtant, je l’ai expérimenté et dit. Pourquoi ne pas proposer aux malades cet essai, sans danger, car les médicaments en question sont anciens et leurs effets connus ? Non on préfère laisser dans l’angoisse, encore la peur, avec le risque de mort pour les personnes âgées. Celles-ci, dans encore beaucoup trop d’endroits ne peuvent pas voir leur famille, pas plus que le prêtre d’ailleurs, selon les options philosophiques des directeurs de maisons de retraite. Car c’est surtout l’administration hospitalière, et non les soignants qui mangent du curé. Elle aurait pourtant dû se rendre compte depuis longtemps que le curé est aussi indigeste que la nourriture qu’elle sert à ses malades !

    Ce mépris des liens familiaux, cette méconnaissance de leur importance devant la mort relève de crime contre l’humanité. Ce qui distingue l’homme de l’animal, c’est son besoin de rites funéraires, religieux ou laïques, autrement dit de signes qui maintiennent la communauté humaine unie et présente, avant, pendant et après la mort. Et seul le rite religieux peut en fin de compte tenir et garder son sens en situation d’épidémie. Le rite laïc, comme la précaution sanitaire relèvent tous deux du matérialisme. Et la peur de la mort, encore la peur, dans une société matérialiste l’emportera toujours sur l’amour du prochain.

    Nos dirigeants s’obstinent dans une stratégie fondée sur l’idée fausse qu’on ne peut pas soigner correctement le Covid, sur la seule solution vaccinale, dans un flou qui explique les doutes de beaucoup de nos concitoyens, et surtout sur la mise au grand jour d’un secret de polichinelles, le manque de lits dans nos hôpitaux, signe d’une démission du service public qui ne date pas d’hier.

    Aussi, avant d’aller plus loin, il faut maintenant émettre une hypothèse concernant l’utilisation de la peur, conjuguée à la violence. Il faut situer cela dans la question de la manipulation des foules et l’usage de l’inconscient dans la publicité. Il n’est pas étonnant que ce soit le neveu de Freud, Edward Bernays, qui fut le premier à théoriser cela dans son livre Propaganda paru en 1928 aux États Unis. Il n’hésitera pas à écrire « La manipulation consciente et intelligente des opinions et des habitudes du peuple est un élément essentiel dans une société démocratique. ». Pour lui , seule une minorité peut penser, trop d’opinions ou d’informations nuisent, parce que la masse est incapable de penser. Il faut la guider par des impulsions, des émotions et des habitudes. Il relève le rôle important du médecin pour inspirer confiance. En matière de vente, mais cela peut s’étendre à d’autres domaines, on utilisera donc l’image médicale pour pousser à acheter un produit. C’est ainsi que Bernays, employé par une marque de cigarettes, incitera les femmes à fumer comme leur médecin homme, jouant du même coup sur l’idée de promotion et de libération de la femme. Citons encore Bernays « La propagande ne mourra jamais. Les hommes intelligents doivent se rendre compte que la propagande est l’instrument moderne qui leur permet d’arriver à leurs fins et qui contribue à organiser le chaos. ». Un contemporain de Bernays, Mencken écrira au début du XX ème siècle « le but de la politique est de garder la population inquiète et donc en demande d’être mise en sécurité, en la menaçant d’une série ininterrompue de monstres, tous étant imaginaires. ».

    Même si les noms de ces précurseurs des dirigeants politiques actuels sont oubliés aujourd’hui, ils ont produit nombre de disciples, car ils ont en fait mis leurs pas dans ceux des révolutionnaires des Lumières du 18 ème siècle, qui eux aussi méprisaient le peuple, et par différents journaux savaient manipuler l’opinion, jusqu’à l’utilisation de la peur, qui dans son raffinement deviendra terreur ! Même si le peuple n’en a pas toujours conscience aujourd’hui , il ressent tout ce mépris et toutes ces agressions. Il se prépare, souvent sans le savoir à des réponses violentes, qu’il voudra à la hauteur de ce qu’on lui a fait subir. Mais chacun sait que l’engrenage de la vengeance est sans fin. Les petits Zorro individuels, seront en quête d’un Super Zorro, fédérateur de toutes les vengeances. Toutes les épidémies ressenties comme grandes ont toujours généré ces sentiments là, au cours de l’histoire, captant les pensées et les détournant de toute autre question. C’est pourquoi cette pandémie, ne changera pas la mentalité de cette société matérialiste, qui se veut de plus en plus athée, et je partage le pessimisme de mon Archevêque dans son très beau livre sur la mort (Mgr Michel Aupetit, La mort, méditation sur un chemin de vie. Editions Artège). « Allons-nous entendre l’alerte ? Rien n’est moins sûr. L’exemple du sida nous montre comment, face à une nouvelle pandémie transmissible, nos sociétés vont chercher davantage à se protéger qu’à changer la vie. »

    On le voit encore aujourd’hui avec le coronavirus où le premier réflexe fut celui de la protection vis à vis d’autrui. Au grand commandement de l’amour transmis par le Christ « aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. »(Jean 13, 34) a succédé cette injonction « Protégez-vous les uns les autres. »( pp 97-97).
    Et comme on estimera toujours que la protection n’est pas assez efficace, parce des gens qu’on estimera asociaux refuseront le vaccin, ou trafiqueront des passeports de santé, on se cherchera un Grand Protecteur pour mettre de l’ordre, au prix de l’abandon des libertés essentielles. Mais il faut que les esprits soient mûrs et le moment propice ! D’où le zèle d’une grande majorité de chaînes de télévision qui doivent, sans doute rechercher le prix de l’excellence anxiogène !

    Et pourtant les signes de dérangements mentaux se multiplient, les actes de violence de même ! Imperturbables, la très grande majorité des médias continue à donner des informations niaises et à distiller la peur. Aucun grand débat n’est organisé sur la vérité des statistiques faites sur la pandémie, les avantages ou désavantages des différents vaccins. Le trouble donne l’impression d’être sciemment entretenu. Il est vrai que Paul de Gondi, Cardinal de Retz (1613-1679) a écrit dans ses mémoires « on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment. », et comme nous sommes en réalité déjà en période électorale, je crois utile d’ajouter cette autre phrase du même auteur « Ceux qui sont à la tête de grandes affaires ne trouvent pas moins d’embarras dans leur parti, que dans celui de leurs ennemis. ». Même si l’auteur de ces propos n’a pas réussi dans ses ambitions, ses paroles semblent toujours influencer ceux qui commandent. Ou bien ils connaîtront le sort du Cardinal de Retz, séducteur égoïste autant que narcissique, mais non pas sans talent. Ou, grâce au masque, ils apparaîtront comme des Zorro providentiels, mais, faute de vrai talent, pour combien de temps ?

    Source : https://www.lesalonbeige.fr/

  • Une querelle vitale, par André Posokhow.

    Les désaccords au sein de la « coopération franco-allemande » ne sont pas un chipotage. Le couple stratégique franco-allemand n’existe plus, pour autant qu’il ait jamais existé.

    Il est loin d’être certain que l’Allemagne et la France soient d’accord pour promouvoir une défense européenne, même en paroles. Il existe un fossé béant dans le domaine politique et stratégique entre les deux pays.

    D’une part la France subit l’idéologie européiste et fédéraliste de son président mal élu en 2017, qui appelle à créer la défense d’une hypothétique Europe puissance en dehors de l’OTAN. D’autre part l’Allemagne refuse une telle conception : sa vision géopolitique se borne à une diplomatie aux visées strictement économiques et à un nationalisme industriel et mercantiliste. Il y a incompatibilité.

    En réalité, l’idée d’un couple franco-allemand est au mieux une triste farce. Depuis que les États-Unis ont relevé en 1948 l’Allemagne du précipice où elle était tombée, poussée par son hubris, celle-ci n’a eu qu’un seul objectif : une fois réalisée son unité, retrouver sa puissance en profitant de la jobardise de la classe politique française et l’imposer à une Europe dominée.

    C’est d’ailleurs ce que montre un article de Politique magazine de mars 2021. L’armée allemande est appelée à devenir une sorte de « partenaire d’appui » et de « plaque tournante » au sein de l’Alliance atlantique et de l’UE par une série d’accords bilatéraux avec des pays voisins ce qui permettrait de préserver les relations commerciales avec la Russie et la Chine. Nous retrouvons là les syndromes du Saint Empire romain germanique qu’a déjà dénoncés Jean-Louis Harouel et des visées pangermanistes du siècle dernier.

    Du point de vue stratégique, les Allemands ne conçoivent pas une défense européenne en dehors du giron américain et de son instrument, l’OTAN. Au concept d’autonomie stratégique défendu par Macron, la ministre de la défense allemande au nom imprononçable, A2K, rétorque que l’idée d’une autonomie stratégique indépendante des États-Unis est fausse !

    La différence fondamentale concerne l’arme nucléaire. La France demeure attachée à la doctrine de dissuasion fondée sur une capacité de frappe nucléaire indépendante comme l’a rappelé Macron devant l’École de guerre en février 2020. De son côté l’Allemagne, même si elle jouait un rôle nucléaire, ne l’exercerait que dans le cadre de l’OTAN, donc en pleine dépendance des États-Unis. De plus ce rôle nucléaire est contesté en Allemagne du fait des courants antinucléaires du SPD et des Verts. Ces positions sont inconciliables.

    Une rivalité industrielle et commerciale féroce

    Au plan industriel et commercial, les rivalités sont féroces. C’est notamment le cas dans le domaine de la défense navale. Paris et Berlin se livrent une bataille commerciale implacable dans les submersibles conventionnels où tous les coups sont permis. Les intérêts nationaux sont résolument divergents. Les objectifs européens passent largement derrière eux.

    Rappelons la capacité prédatrice de notre voisin dans un domaine qui n’est pas celui de la défense mais celui de l’énergie. La pression allemande s’exerce au travers de la commission de Bruxelles en faveur de la dislocation d’EDF et du système énergétique français. Il s’agit de placer les capacités industrielles des groupes allemands qui n’ont plus de débouchés dans leur propre pays dans le domaine de l’énergie renouvelable et notamment de l’éolien. Notre sol est devenu un déversoir de capacités industrielles allemandes sans emploi chez elles. Concrètement, ce qui est appelé pompeusement la coopération franco-allemande dans le domaine de la défense a creusé des désaccords profonds, voire une réelle animosité.

     

    L’Allemagne n’a jamais été notre partenaire loyal au sein de l’UE. Elle est aujourd’hui une rivale et trop souvent une adversaire.

     

    Le premier sujet de dissentiment concerne le projet SCAF de système de combat aérien du futur. C’est un projet considérable où la France, avec Dassault, dispose d’une grande compétence et d’une avance considérable sur l’Allemagne. De surcroît les deux pays n’ont pas les mêmes besoins : la France souhaite disposer d’un avion compatible avec le nouveau porte-avions qui sera construit, apte à effectuer des frappes aériennes à longue distance mais surtout en capacité de porter les bombes de notre arsenal nucléaire. C’est très loin des ambitions allemandes. Or si le futur avion ne peut pas jouer son rôle de vecteur nucléaire, notre capacité de dissuasion est menacée. Derrière il y a la supériorité géostratégique de la France sur l’Allemagne, que celle-ci souhaite voir disparaître, et notre siège au conseil de sécurité de l’ONU.

    Au plan technique, les Allemands, par tous les moyens de leur duplicité commerciale, cherchent à gagner sur la répartition convenue, 50/50, de la fabrication de ce système d’armes. C’est ainsi qu’ils ont exigé d’avoir la responsabilité du moteur qui échapperait ainsi à Safran. Ce qu’ils veulent, c’est récupérer la technologie de Dassault et pouvoir l’utiliser dans leurs propres intérêts. Rappelons-nous la triste histoire d’Airbus. Initialement la France disposait de 70 % des compétences et des capacités industrielles. Grâce au socialiste puritain Jospin et au dépravé socialiste Strauss-Kahn, Airbus a été partagé à 50/50. Aujourd’hui, Airbus dépend largement de l’Allemagne.

    Dans le domaine des blindés, où Nexter se trouve à hauteur de 50 % d’un consortium franco-allemand, l’arrivée du concurrent Rhein Métal peut conduire à la marginalisation de l’entreprise française. Les Allemands utilisent tous les procédés décrits par Éric Zemmour dans Face à l’info pour en demander toujours plus. Face à cette cupidité technologique, nos gouvernants idéologues et jobards disent généralement oui pour développer l’inexistant « couple franco-allemand » quitte à sacrifier les intérêts nationaux.

    L’autre difficulté provient de concepts d’emploi très différents. Quand les Français souhaitent pour l’avenir un char mobile, souple, capable de faire du combat urbain, les Allemands continuent à penser à des matériels lourds adaptés à un combat contre une invasion dans les grandes plaines du nord de l’Europe.

    Le retrait allemand de cette « coopération »

    Depuis quelques années l’Allemagne s’est retirée morceau par morceau de cette pseudo-coopération. Berlin a déchiré fin novembre 2017 les accords de Schwerin signés avec la France en 2002 en passant une commande de 400 millions d’euros à un constructeur de satellites allemand pour la réalisation de deux satellites d’observation optique. C’est la rupture de la coopération spatiale à vocation militaire.

    Dans le domaine des drones, la RFA n’a pas voulu d’une version armée. Pour des raisons industrielles, la coopération industrielle semble s’être arrêtée là. En avril 2020, A2K a annoncé que, pour remplacer les vieux Tornado, Berlin achèterait des Eurofighter aux capacités pourtant inférieures, semble-t-il, à celles du Rafale, et des F 18 américains. Aucune mention du Rafale. Soumission aux États-Unis.

    Concernant le remplacement des hélicoptères Tigre, l’Allemagne lorgne sans pudeur du côté de Boeing, c’est-à-dire des hélicoptères Apache américains. Pour ce qui est du missile MAST-F, les Allemands ont fait faux bond et notre ministre des Armées a décidé de lancer sa réalisation au sein d’un programme strictement français.

    Le comble a été l’annonce récente de l’achat par les Allemands de 5 avions de patrouille maritime Poséidon américains, bien entendu sans avertir les Français, en rupture complète avec la coopération envisagée entre nos deux pays qui avaient annoncé leur intention de créer un avion de patrouille maritime franco-allemand à travers le programme MAWS (Maritime Airborne Warfare System).

    En fait, l’Allemagne, probablement motivée par les États-Unis, surtout après le départ de Trump, a visiblement décidé de détricoter la coopération franco-allemande en matière de défense tout en tâchant de piller la technologie française qui lui manque, notamment dans le domaine de l’aviation. Comment la France pourrait-elle rester dans cette coopération qui n’est qu’une tromperie dans des conditions aussi humiliantes et dangereuses pour sa souveraineté ?

    Notre souveraineté est bafouée

    Cette question de souveraineté est cruciale et d’un triple point de vue. En ce qui concerne les exportations d’armement, l’expérience a montré que les Allemands ont bloqué des exportations françaises, notamment en direction de l’Arabie Saoudite (comme par exemple dans le passé un marché de châssis Mercédès à destination de Nexter et Lohr qui concernaient 350 blindés pour des centaines de millions d’euros). En leur qualité de sous-traitants de fabrications françaises, ils s’étaient arrogé un droit de surveillance et d’interdiction de matériels au détriment de la réputation commerciale de notre industrie d’armement. Bien évidemment nos voisins, dans leur délire hypocrite, mettent souvent en avant des raisons moralisatrices. Les bons apôtres ! Il semble que des accords ont été conclus pour limiter de tels procédés. La duplicité allemande fait que le risque demeure.

    D’une manière générale, l’industrie de l’armement en Allemagne et surtout les exportations de ces matériels dépendent du bon vouloir du SPD, des Verts et du Bundestag, C’est ainsi que dans un article de La Tribune du 19 février 2020 sont exposées les sept exigences de cette assemblée pour surveiller le programme franco-allemand du SCAF. La lecture de ce document est insupportable. À terme, c’est la mainmise de gens qui ne sont pas nos amis sur une industrie de l’aviation militaire où la France se trouve au premier rang.

    Enfin, il y a le ton arrogant, brutal comme celui de la ministre de la défense A2K qui fait tout son charme. Sans revenir au point Godwin, l’attitude de ce qu’on ne peut plus appeler des partenaires rappelle la morgue ancestrale de l’« Allemagne éternelle ». Désormais nous avons affaire à un mépris cynique de la France, malheureusement explicable par la faiblesse, face à ces exigences, d’une classe politique française prosternée.

    Mathieu Épinay, dans un remarquable article de Politique magazine de juillet 2019, a tout résumé : « l’exportation d’armement est un acte économique certes, mais éminemment stratégique et diplomatique où il convient d’être indépendant ». C’est bien une question de souveraineté.

    En définitive, il ne s’agit pas d’un chipotage au sein d’un pseudo-couple stratégique franco-allemand qui n’a jamais existé. En réalité, cette affaire d’industrie et d’exportation de l’armement, comme celle de l’énergie, apparaît vitale pour notre industrie ou plutôt pour ce qu’il en reste après 40 ans de brillante gestion de notre économie par notre classe politique largement issue d’une école de fonctionnaires et incompétente, au vu des résultats. Notre avenir en tant que nation en dépend pour une grande partie à moins que nous y ayons renoncé.

    Nous assistons, loin des aspirations à l’union européenne intégrée, à la résurgence d’un nationalisme agressif de Berlin du point de vue économique et industriel qui a pour objectif d’asseoir encore plus la prédominance allemande sur l’Europe continentale. On comprend mieux la volonté des Anglais de sortir de ce piège. Gageons que ceux-ci – ils en ont vu d’autres – seront en mesure de maintenir leur influence dans le monde et leur fierté en gardant leur indépendance, leur souveraineté, leur démocratie et leur identité.

    L’Allemagne n’a jamais été notre partenaire sincère et loyal au sein de l’UE. Elle est aujourd’hui une rivale et trop souvent une adversaire comme dans le cas de l’affrontement gréco-turc. Son égoïsme, stimulé par un hubris hors norme, est devenu phénoménal. Il n’est pas certain que demain, avec une armée rénovée, elle ne redevienne pas notre ennemi.

     

    Illustration : Florence Parly, ministre des Armées, et A2K, ministre de la Défense, se sont déplacées sur la BA 105 pour y poser la première pierre du futur escadron franco-allemand C-130J.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Inflation & déficit public : le retour d’un couple infernal, par Olivier Pichon.

    La crise est devant nous et l'inflation, qui reprend, en est le signe certain. Ce sont les classes moyennes et laborieuses qui en feront les frais, appauvries et désœuvrées.

    9.jpgLa conjoncture, depuis le début du XXIe siècle et surtout depuis 2008, a fait mentir les économistes. Classiquement, ces derniers, à l’exception de Keynes, pensaient que le déficit budgétaire était une mauvaise chose, et que l’inflation était un mal qui rongeait l’économie. Mais les prix n’augmentaient que modérément ou stagnaient en dépit des torrents de liquidités produits par le Quantitative Easing. Jean Bodin, juriste et économiste du XVIe siècle, qui nous apporta la théorie dite quantitative de la monnaie (l’inflation) en observant les afflux d’or des Amériques, était démenti, l’indice des prix selon l’INSEE restait continument stable, la fabrication de monnaie ne produisait pas d’inflation, les lois économiques étaient infirmées. Quant au déficit budgétaire, même Keynes admettait qu’il devait avoir un caractère temporaire : or la France est particulièrement bien placée sur le long terme puisqu’elle n’a eu aucun budget en équilibre depuis 1974. La relation entre le déficit et l’inflation avait donc été cassée ; temporairement car il semble, en combinaison avec d’autres facteurs, que le couple a décidé de se remettre ensemble, sans doute pour le pire.

    L’inflation

    Il faut d’abord préciser que celle-ci n’avait pas disparu : elle prospérait dans l’immobilier et le marché boursier sous forme de bulles. Dans ces deux marchés, la loi restait la même et Jean Bodin n’était pas démenti, les galions espagnols chargés d’or et d’argent avaient été remplacés par la BCE ou la Fed, ce qui est nettement moins épique, mais tout aussi efficace : les prix montaient, comme le setier de blé observé par notre angevin au XVIe siècle. Pire encore l’effet monétaire s’observait par la destruction de la monnaie (cf. Politique magazine n° 200), ce que fait l’inflation le plus souvent. Mais, dans le cas présent, la perte de valeur de la monnaie ne venait pas ex-post mais dès sa fabrication : la production d’une monnaie de singe plus que l’usage d’une monnaie de singe.

    Néanmoins le vécu de nos contemporains était beaucoup moins inflationniste que celui des années des Trente Glorieuses finissantes : par exemple, dans les super et hyper-marchés, il n’y a pas fuite devant la monnaie (pour s’en débarrasser en la convertissant en produits). Demeurait la loi (naturelle) implacable : créer de la monnaie sans contrepartie ne crée pas de richesse, elle transfère des richesses de ceux qui en ont peu vers ceux qui en ont plus et surtout vers ceux qui sont proches de la source d’émission, c’est l’effet Cantillon. Ainsi, les salaires dans la finance new-yorkaise sont très élevés. Or New York est le point d’entrée de la création monétaire de la banque centrale des États-Unis.

    Quelle différence alors avec les grandes inflations de 1945 (inflation de demande par la reconstruction), celle des années 60/70 caractérisée par la course prix-salaires d’une société de consommation ? Jusqu’à présent, les salaires n’ont pas augmenté de façon considérable depuis le début du XXIe siècle, la productivité aidant, certains prix réels se sont même effondrés et la concurrence des pays émergents pèse sur les salaires en Occident, les classes laborieuses et moyennes l’éprouvant concrètement.

    Mais les choses sont en train de changer, même si le président de la Fed, Jérôme Powell, affirme que les hausses qui commencent à s’observer sont « transitoires ». Traditionnellement, l’inflation est produite par trois facteurs : la hausse de la demande, la structure des marchés, l’inflation induite par les coûts (Raymond Barre, Économie Politique). La hausse de la demande en France n’est pas induite par la hausse des salaires mais par la demande extérieure, la Chine, les pays émergents et la démographie mondiale. En France, pour faire face à une flambée du prix des matières premières, les entreprises de l’industrie agroalimentaire demandent une augmentation de 9 % du prix des denrées alimentaires. Nouveauté dangereuse. Pour l’Association nationale des industries alimentaires (Ania), il s’agit d’une urgence. Le consommateur de base est en passe de refaire l’expérience de l’inflation. Aux États-Unis, l’Université du Michigan, qui suit l’évolution des prix, note que « l’économie a produit beaucoup plus de gains de demande que d’offre et les consommateurs s’attendent à de l’inflation ». L’inflation est aujourd’hui à 5 % aux États-Unis, la pandémie ayant ralenti la production (l’offre) tandis que la demande était poussée par les aides publiques. De fait, l’indice américain des prix des dépenses de consommation personnelle de base a augmenté de 3,1  % en avril par rapport à un an plus tôt.

    En France, le « quoiqu’il en coûte » a fonctionné à plein régime, mais comme la France est un pays surfiscalisé, les dépenses contraintes freinent la consommation. Par ailleurs, Bruno Lemaire rêve lorsqu’il reparle de ruissellement qui proviendrait de la dépense publique : non vérifiée en France, cette théorie est aux limites de la propagande.

    La structure des marchés peut jouer en faveur de l’inflation si la tendance monopolistique des grands groupes mondialisés se renforce ; en revanche, c’est en partie la mondialisation qui a empêché jusqu’à présent la hausse des prix des produits manufacturés et des salaires par l’effet de dumping des pays à bas coûts. Mais la pandémie a créé des effets de rupture de stocks et des pénuries qui sont inflationnistes jusqu’à des biens aussi simples que le bois (coffrage, charpentes, cloisons écologiques).

    Pour ce qui est de la hausse des prix par les coûts, un signe avant-coureur est perceptible aux États-Unis mais il s’observe aussi en Europe. C’est l’ancien secrétaire au Trésor américain, Lawrence Summers, qui a déclaré qu’il y avait de plus en plus de preuves de pénurie de main-d’œuvre et que « les travailleurs démissionnent à des taux auxquels ils démissionnent habituellement pendant les booms », ce qui le rend préoccupé par l’inflation. Il est vrai que le PIB américain a bondi de 6,4 % au premier trimestre grâce à la vigueur des dépenses de consommation. Mais le gouverneur de la Fed a minimisé, affirmant que les travailleurs « installés » dans le chômage technique lié à la pandémie n’ont pas encore fait leur retour sur le marché du travail. Ce qu’il y a d’établi, c’est qu’aux États-Unis comme en France, pour attirer la main d’œuvre il faut augmenter les salaires, même sans les syndicats, et c’est encore plus vrai en Grande-Bretagne : hausse des salaires, hausse des prix alimentaires, comme un parfum des années 70.

    Un autre poids lourd de la sphère financière, le PDG de BlackRock a déclaré que les investisseurs pourraient sous-estimer le phénomène inflationniste On peut ne pas aimer BlackRock, émanation financière de la CIA, mais il faudra donc, selon lui, que les banques centrales revoient leurs taux : la Fed qui s’est engagée à maintenir pour deux ans des taux zéro serait alors “coincée”. Comment soutenir la relance Biden avec des taux qui montent et notamment la nouvelle relance de 1700 milliards de dollars pour les infrastructures ?

    Au passage, le PDG de BlackRock montre que la dépense dite verte est par nature (c’est le cas de le dire) inflationniste – une étude de l’IREF pour la France et l’Europe le montre aussi – car l’inflation, selon lui, aggrave notre empreinte écologique. Remplacer une voiture thermique par une voiture électrique, par exemple, ne produit pas de croissance en soi mais induit un coût technologique supérieur.

    Aussi l’inflation couve, et se présente comme un dilemme radical : ou bien les taux augmentent et c’est la faillite (peut-être même celle des États), ou bien il faut continuer d’alimenter la “planche à billets” en rachetant toujours plus les actifs aux banques, dont les obligations d’État ; mais si l’on cesse de le faire, les marchés ne financeront les États et les entreprises qu’à des taux élevés et l’on retombe sur la faillite et la reprise espérée est brisée : vient alors, dans le cortège calamiteux, le chômage qui eut raison des Trente Glorieuses. Pompidou disait : « mieux vaut l’inflation que le chômage » puisque les courbes, dans un premier temps, fonctionnaient en raison inverse (courbe de Philips) mais à la longue nous avons eu et l’inflation et le chômage.

    Déficit public

    La France a pratiqué le « quoiqu’il en coûte » avec une lourdeur marquée, ce qui la met très au-dessus des autres pays européens. Or, malgré le caractère « roulant » de la dette grâce à des taux ridiculement bas, il y a bien, in fine, une dette. Nous ne traiterons pas de la question de son paiement (générations à venir, fiscalité, etc.) mais de la manière dont elle se combine avec le risque d’inflation.

    On se demande parfois pourquoi un président de la République tient tellement à être réélu, au point d’être entré précocement en campagne, alors qu’il devra subir de plein fouet, non pas la gifle d’un mécontent, mais les effets de la crise, coincé lui aussi comme les banques centrales. Soit les taux augmentent et c’en est fini du « quoiqu’il en coûte », la générosité surdimensionnée en campagne électorale sera rendue impossible, sans compter les promesses, soit, a fortiori, reconduit au pouvoir, il devra affronter (comme son adversaire s’il gagne) une crise sans précédent, un gigantesque krach boursier doublé d’une crise bancaire. Car la rentabilité de l’activité des banques est faible, des faillites d’entreprises vont se produire, et l’impossible recours aux aides de l’État se profile de même qu’il devra faire face à l’impossible augmentation des impôts dans un pays surfiscalisé. Les taux d’endettement sont à 270 % en moyenne, fin 2020, pour les 10 % des entreprises les plus endettées.

    La gravité de la situation en France au sortir de la crise sanitaire est masquée par un discours lénifiant. Surtout si l’on ajoute au risque économique, financier et boursier un risque de crise politique et d’explosion sociale. L’inflation des vingt dernières années a été essentiellement financière (c’est-à-dire en dehors du cadre des indices des prix à la consommation), cela a créé de la déflation économique et a servi le plus grand transfert de richesse de l’histoire des classes moyennes vers la haute bourgeoisie d’affaires, des salaires vers le capital. Le « mur d’argent » d’Edouard Herriot (1924) est devenu une réalité.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • La France de Macron, une dictature post-démocratique, par Michel Geoffroy.

    Depuis le forum de Polémia consacré à cette problématique en novembre 2019, la question de la dictature, en particulier de la dictature sanitaire, s’est invitée dans le débat politique, au grand dam du pouvoir et de ses soutiens. Emmanuel Macron a même cru bon de s’en défendre à plusieurs reprises[1].

    Pourtant un sondage IFOP réalisé pour le JDD les 11 et 12 août dernier, montre que pas moins de 43 % des personnes interrogées estiment que la France devient une dictature, du jamais vu dans notre pays. De même, durant tout le mois d’août – ce qui est également tout à fait nouveau –, des centaines de milliers de manifestants défilent chaque samedi dans de nombreuses villes de France, au cri de « liberté », contre l’instauration du passe sanitaire et la vaccination obligatoire des enfants.
    Manifestement, la question de la dictature ne se réduit pas à un fantasme complotiste…

    Circulez, il n’y a rien à voir !

    Vivons-nous donc désormais en dictature ?

    Non, répondent à l’unisson les intellectuels médiatiques, fidèles soutiens du système.

    Dans Le Parisien, Raphaël Enthoven a donné le ton : « Tant qu’Emmanuel Macron n’aura pas aboli le droit de vote, je tiendrai les gens qui disent qu’on vit en dictature pour des illuminés. C’est-à-dire des obscurantistes[2]. »

     

    « France, la dictature que le monde nous envie », titre ironiquement de son côté un éditorial de la sérieuse Revue des Deux Mondes[3] : « la France, malgré ses imperfections, est le pays où l’État, à travers ses lois, n’est ni raciste, ni fascisant, ni islamophobe. Mais protecteur des droits individuels de chacun. Et défenseur de l’égalité hommes-femmes, des droits des homosexuels et de la liberté de conscience », lit-on sous la plume de Valérie Toranian

     

     

    Des exemples parmi d’autres, mais significatifs.

    L’argumentation consiste en effet à déduire du fait que, comme le pouvoir ne revêt pas en France les formes prises par les totalitarismes européens des années trente ou par les pronunciamentos sud-américains, nous ne vivons pas en dictature.
    En d’autres termes, nous ne vivons pas en dictature parce qu’Emmanuel Macron ne porte pas un uniforme ni une petite moustache comme Hitler, parce que les opposants ne sont pas envoyés au goulag ou parce que les chemises brunes ou les gardes rouges ne patrouillent pas dans les rues, la matraque à la main.
    Les défenseurs de la macronie affirment aussi que nous ne vivons pas en dictature parce que les libertés individuelles seraient garanties dans notre pays par le fameux état de droit. En somme, nous ne vivons pas en dictature parce que nous avons le droit de « venir comme nous sommes » comme chez McDonald’s ou parce que nous pouvons rouler à vélo sur les trottoirs.

    On n’évoquera enfin que de façon incidente ceux qui glosent à l’infini, pour noyer la question, sur le terme dictature en rappelant que, sous l’Antiquité, celle-ci n’avait qu’un caractère fonctionnel et non pas péjoratif. La belle affaire !
    Ces arguties ne sauraient masquer ce que tout le monde comprend de nos jours sous le terme dictature : comme l’écrit le dictionnaire Larousse, c’est bien « le régime politique dans lequel le pouvoir est détenu par une personne ou par un groupe de personnes (junte) qui l’exercent sans contrôle, de façon autoritaire ».

    Mais finalement tous ces commentateurs officiels nous disent la même chose : circulez, il n’y a rien à voir !

    Une vision simpliste de la dictature

    D’abord, on objectera que cette façon d’analyser la dictature est totalement réductrice et montre surtout que, pour l’oligarchie au pouvoir, la reductio ad Hitlerum reste l’horizon indépassable de sa communication, sinon de sa réflexion.

    C’est oublier que les totalitarismes du xxe siècle ne se réduisent pas à l’usage de la violence physique ; et que toute dictature repose sur une certaine acceptation, même tacite, de la population. C’est oublier aussi que les dictateurs n’ignorent pas les élections, bien au contraire, puisque en général ils se font élire à une majorité écrasante, ce que semble oublier M. Enthoven…

    C’est surtout oublier que l’oppression peut prendre des formes variées et que l’histoire ne s’est pas arrêtée en 1945.
    Il est d’ailleurs savoureux de voir tous ces intellos issus de la gauche éclairée et qui prennent aujourd’hui la défense de la « démocratie » macronienne oublier l’école de Francfort dont ils se montraient si friands dans les années 1960. Une école de pensée influente qui, après la Seconde Guerre mondiale, affirmait mettre en lumière la persistance des comportements autoritaires en Occident (avec notamment l’analyse de la « personnalité autoritaire ») malgré la fin des fascismes.
    Pourquoi donc un tel « oubli » ? Emmanuel Macron n’incarnerait-il pas justement un nouvel avatar de cette fameuse « personnalité autoritaire » ?
    Pourquoi oublier aussi le livre prophétique que Roland Huntford publie au début des années 1970 et intitulé : Le Nouveau Totalitarisme[4]. Huntford analyse en effet la social-démocratie suédoise pour démontrer que les libertés personnelles sont tout aussi menacées par l’intrusion de l’État-providence dans l’intimité des personnes, le conformisme, l’hygiénisme, le fiscalisme, la réduction du rôle éducatif de la famille et la « libération des mœurs[5] » que par la violence des milices en chemise noire ou rouge.
    Certes, ce nouveau totalitarisme ne tue plus, mais il étouffe, il réduit au silence ou au suicide. Quel progrès !

    L’avènement de la post-démocratie autoritaire

    Les défenseurs de la « démocratie » macronienne se gardent bien en effet de reconnaître que notre système politique et social a profondément changé depuis la fin du xxe siècle et singulièrement depuis la chute de l’URSS. Ils continuent d’invoquer la république sur l’air des lampions, pour faire croire que nous serions toujours sous un même régime. Mais en réalité nous en avons changé, pour entrer dans l’ère de la post-démocratie autoritaire, qui est une soft dictature.

    Car, si l’on définit, comme le dit la Constitution de la Ve République, la démocratie comme le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple, force est de constater que nous ne vivons justement plus dans un tel régime.

    La post-démocratie repose en effet sur des principes tout différents : d’abord et avant tout sur la suprématie des droits des « minorités » sur ceux des majorités – réduites au silence –, sur l’idéologie des droits de l’homme et la marginalisation de la citoyenneté qui en découle, sur la suprématie des juges sur les législateurs, sur la supranationalité et sur la dérégulation de l’économie et de la finance[6].

    Car la post-démocratie tire la conclusion politique de la révolution intervenue en Occident après la fin de la guerre froide et qui a vu l’émergence d’un pouvoir économique et financier mondialisé, délocalisé et dérégulé, indifférent au bien commun, désormais plus riche et plus puissant que les États, lesquels se trouvent au contraire en phase de déconstruction avancée et réduits au rôle d’exécutant des desiderata de cette nouvelle oligarchie.

    Sur le plan idéologique, la post-démocratie correspond au fait que le libéralisme – en fait le capitalisme – s’est désormais séparé de la démocratie, mettant fin à la parenthèse des Lumières. Comme le disait si bien l’ancien président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, « il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens ». Parce que justement l’Union européenne se conçoit avant tout libérale avant d’être démocratique.

    La fin des libertés collectives, terreau de la soft dictature post-démocratique

    Ceux qui vantent les libertés individuelles dont nous bénéficions, pour récuser la dictature, oublient opportunément également que les libertés collectives – et au premier chef la souveraineté des peuples – ont été déconstruites par les post-démocrates libéraux. Lesquels ne conçoivent la liberté que comme un individualisme absolu, indifférent au bien commun, c’est-à-dire dans un sens exclusivement libéral et marchand car on n’autorise que ce que le marché peut satisfaire.

    Or, quand les libertés collectives disparaissent, les libertés individuelles ne peuvent durer longtemps, comme le démontre le sort des « démocraties populaires » soumises au régime de la souveraineté limitée soviétique.

    Ce que démontrent aussi de nos jours la déconstruction des frontières et la dérégulation de l’immigration, qui conduisent de plus en plus à réduire la liberté d’opinion des autochtones. En France, le gouvernement a dissous l’association Génération identitaire sous le prétexte que sa critique de l’immigration constituait, selon le parquet, une incitation à la haine, créant un précédent redoutable. Car, vis-à-vis de l’immigration, les autochtones n’auront désormais plus qu’un droit : celui de se taire et d’accueillir toujours plus d’immigrants.

    En post-démocratie, le peuple autochtone lui-même devient suspect, coupable de tous les crimes historiques : Emmanuel Macron ne se prive d’ailleurs pas d’allonger la liste des prétendues fautes imputables aux Français ! En post-démocratie, donner la parole au peuple – ce qui est de plus en plus rare – se trouve dévalué sous le vocable « populisme ». Et lui donner la priorité devient hautement discriminatoire !

    Un nouveau pouvoir sans limite

    L’avènement de la post-démocratie, qu’incarne l’élection présidentielle d’Emmanuel Macron, signifie surtout que les catégories classiques de la science politique n’ont plus cours en France : les principes d’équilibre et de séparation des pouvoirs, de souveraineté populaire, de responsabilité politique, de suprématie de la loi sont devenus obsolètes. Dans ces conditions, invoquer les élections ou la république pour réfuter la dictature, comme si nous étions en 1958, repose sur une supercherie.

    Car l’autorité est désormais de plus en plus économique et technologique, et non plus politique : ce qui signifie qu’elle n’est plus limitée par les contraintes inhérentes à la responsabilité politique et à l’adhésion populaire. En d’autres termes, on se trouve confronté à un pouvoir que de moins en moins de pouvoirs viennent refréner, à rebours de ce que préconisait Montesquieu.
    La crise du coronavirus a renforcé cette tendance à la marginalisation des institutions politiques, réduites au rôle de chambre d’écho des prescriptions des « experts » médicaux, des médecins de plateau télé, des comités Théodule et de Big Pharma.

    De même, les médias, devenus propriété des puissances économiques et financières, ne jouent plus leur rôle de contre-pouvoir m