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  • ”Anemic cinéma”, par Michel Onfray.

    LES CÉSARS D'UN EMPIRE EFFONDRÉ

    Cette anagramme, Anemic cinema, est de Marcel Duchamp. A ce jour, elle a donc déjà plus d’un siècle… A l’époque où ce bon mot, qui est aussi une bonne idée, se trouve proféré, le cinéma lui-même est vieux d’une vingtaine d’année, c’est donc un art naissant.

    Si l’on en juge par ce qu’en fit Abel Gance dans Napoléon (1927) ou, rions un peu, avec… J’accuse (1919), le cinéma offrait de magnifiques potentialités esthétiques. C’était un art nouveau, au sens littéral du terme, comme le théâtre ou l’opéra le furent en leurs temps reculés, l’antiquité grecque pour le premier, le baroque italien pour le second, il s’agissait dans ce cas de l’Europe industrielle. On était en passe d’en attendre des chefs d’œuvre, il y en eut –la plupart en noir et blanc…

    michel onfray.jpgJ’ai parlé du théâtre et de l’opéra: ce sont des arts qui coûtent cher, au contraire d’une peinture ou d’une sculpture, d’un recueil de poèmes ou d’une partition pour instrument seul. Car, en plus des comédiens, des acteurs ou des chanteurs lyriques, il faut à l’auteur d’une pièce ou au compositeur d’un opéra, le lourd dispositif d’un lieu avec son personnel, des régisseurs, des costumiers, des comédiens, des metteurs en scène, des éclairagistes, des machinistes, des habilleurs, des coiffeurs, des maquilleurs, des directeurs, des administrateurs, des communicants, des publicitaires, des tourneurs –j’en oublie probablement… De sorte qu’un opéra n’est pas qu’un opéra, c’est aussi une aventure commerciale.

    Longtemps ce fut aussi, mais c’est maintenant devenu surtout une affaire commerciale. Car, depuis les pleins pouvoirs donnés au Veau d’or, autrement dit après l’ère post-gaulliste donc post-Malraux, les responsables de productions culturelles n’ont plus aucun souci  de la qualité d’un roman ou d’un opéra, d’un film ou d’une pièce: ils veulent enchaîner et accumuler les affaires rentables.

    Le cinéma, plus qu’un autre art, est une entreprise commerciale dispendieuse: il est à notre civilisation des machines l’équivalent des pyramides ou des cathédrales pour les civilisations des pharaons ou des rois de France. C’est un art Moloch, insatiable, qui exige pour nourriture des millions de dollars.

    Le film qui arrive en tête des ventes mondiales est américain, on ne s’en étonnera pas, il a pour titre: Avengers : Endgame. Les réalisateurs ont pour nom: Anthony et Joe Russo. Il a coûté 356.000.000 $ et rapporté 2.569.125.278 $: il a donc enregistré un rentabilité de 822 %. Qui dit mieux? Les trente films de ce classement mondial sont américains, seul le vingt-et-unième est anglais. Voici donc la mesure. Cette œuvre, disons-le tout de même avec ce mot-là, est classée dans le genre "super-héros"…

    Le cinéma n’est pas un genre neutre, bien au contraire: il est un art de masse qui permet d’imposer la mythologie américaine en lieu et place de la vérité historique.

    Par exemple: ce qui a eu lieu historiquement avec le débarquement du 6 juin 1944 n’a pas grand-chose à voir avec ce que montre Le Jour le plus long en 1962.

    Pour l’histoire: Pearl-Harbour a eu lieu le 7 novembre 1941, Hitler a déclaré la guerre aux Etats-Unis le 11 décembre 1941, le III° Reich travaille à une bombe atomique depuis 1939 et à des avions à réaction, qui effectuent leur premier vol en mars 1944 -l’ingénieur nazi Wernher von Braun qui pilote ce projet  sera embauché après guerre, sans passer par la case prison, par les Etats-Unis qui enverront le premier homme sur la lune grâce à son zèle. Les USA ne veulent pas qu’Hitler exporte cette guerre sur leur sol national. Ils décident donc de la mener en Europe, en commençant par la France, avec pour première hypothèse d’aller jusqu’à Moscou afin d’en finir avec le régime bolchevique. Pour ce faire, ils ont le projet de vassaliser la France: le nom de code du débarquement est Overlord, ce qui veut dire Suzerain. On ne peut mieux annoncer la couleur! Dans ce projet, la France libérée se fait immédiatement occuper par leurs libérateurs avec une politique coloniale ayant pour nom l’AMGOT (l’acronyme d’Allied Military Government of Occupied Territories, autrement dit Gouvernement militaire allié des territoires occupés). L’université de Charlottesville (Virginie) forme les cadres de cette vassalisation des Français; une monnaie est battue, des billets sont imprimés. La France sert donc de tête de pont à une opération militaire plus vaste qui vise à libérer l’Europe du national-socialisme, certes, mais également l’URSS du marxisme-léninisme. Le général de Gaulle réussira à contrecarrer ce projet américain. On connaît la suite, du moins je le suppose... Du vivant du général, la France reste souveraine. Ce qui ne sera plus le cas après son départ des affaires en 1969 et sa mort l’année suivante.

    Pour le cinéma: les Américains aiment tellement la liberté qu’ils auraient mis sur pied, bénévolement, gratuitement, généreusement, gracieusement, la plus grande opération militaire de tous les temps! Ils mobilisent pour ce faire des héros du cinéma: John Wayne, Robert Mitchum, Richard Burton, Henry Fonda, Curd Jürgens, Gert Fröbe, Mel Ferrer, Clint Eastwood, John Crawford, on trouve dans l’équipe des scénaristes Romain Gary et Erich Maria Remarque, l’auteur d’A l’ouest rien de nouveau, la société de production est la Twentieth Century Fox. Pour cette super production, pas moins de quatre réalisateurs sont embauchés -Ken Annakin, Andrew Marton, Darryl F. Zanuck, Bernhard Wicki et Gerd Oswald.

    En même temps, comme dirait l’autre, Bourvil, bien connu pour ses rôles d’abruti sympathique, joue celui du maire de Colleville, qui se trouve accessoirement résistant: neuneu à souhait, sot, niais, le jour du débarquement, après avoir écouté Radio-Londres sur la table de la cuisine, une radio sans fil électrique qu’il place ensuite dans le placard alors qu’elle distille encore ses messages, "Jean a de grandes moustaches" par exemple, le message qui annoncerait le jour du débarquement, Bourvil, donc, fait sauter un série de poteaux électriques en disant, la seconde qui suit, avec le style nigaud et benêt qu’on lui connait: "ça marche!", tout étonné en effet que ça puisse marcher… Une autre scène le montre avec un casque de pompier sur la tête, riant comme un crétin, apportant du champagne aux soldats américains virils qui ne mouftent pas alors qu’ils se trouvent dans le capharnaüm des plages du débarquement… Chacun aura compris que les Français sont des guignols, que les résistants sont des comiques, que les habitants des campagnes sont des arriérés et qu’il était temps que des soldats US viriloïdes arrivent pour remettre de l’ordre dans tout ça…

    De l’ordre, depuis, les Américains en ont remis: ce qu’ils n’ont pas réussi à imposer avec leurs troupes et leur administration empêchés par de Gaulle, ils l’ont obtenu avec leur plan Marshall qui, après leurs tapis de bombes destinés à détruire les villes de Normandie, leur a permis de financer la reconstruction de cette guerre, donc d’engranger des bénéfices considérables, donc de faire marcher à plein la machine économique yankee.

    Ils ont donc réalisé leur projet de vassalisation avec leur plan Marshall, certes, mais aussi, d’une façon magistralement gramscienne, en imposant leur mode de vie, le fameux American Way Of Life, dans lequel le cinéma n’a pas joué un petit rôle! Ajoutons à cela la fabrication du désir des objets de la société de consommation par la publicité: la télévision, la mode, le jazz, le rock, la bande dessinée, les cigarettes blondes, le chewing-gum, le coca-cola, le blue-jean, autrement dit: un Overlord light, un Débarquement cool.

    Qu’on se souvienne de la chanson de Boris Vian, La complainte du progrès, c’était en 1955, il listait les désirs des Français fascinés par le modèle venu d’outre-Atlantique: un frigidaire, un joli scooter, un atomixer, un Dunlopillo, une cuisinière avec un four en verre, des tas de couverts, des pelles à gâteau, une tourniquette pour faire la vinaigrette, un bel aérateur pour bouffer les odeurs, des draps qui chauffent, un pistolet à gaufres, un avion pour deux, une armoire à cuillers, un évier en fer, un poêle à mazout, un cire-godasses, un repasse-limaces, un tabouret-à-glace, un chauffe-filous, un ratatine-ordures, un coupe-friture, un efface-poussière, un chauffe-savates, un canon à patates, un éventre-tomates, un écorche-poulet. C’est avec ce vide-grenier, chacun a pu le voir depuis, que la civilisation occidentale est devenue grande…  

    Le cinéma comme art français inventé à l’époque de l’affaire Dreyfus, est donc devenu un commerce américain qui fournit le paradigme mondial de la profession.

    Certes, il existe deux extrémités à ce bâton sans bois: le cinéma intellectuel, onaniste et cérébral, ennuyeux et narcissique, snob et prétentieux, un cinéma de cinéphiles, celui de Godard s’il faut un nom, ou bien encore de Béla Tarr, et un cinéma de distraction, disons celui des Tuche, méprisé par les amateurs du premier, une situation qui se modifiera  peut-être dans un demi-siècle quand les intellectuels du moment agiront comme Olivier Mongin ou Valère Novarina qui découvrent ces temps-ci la supposée profondeur de Louis de Funès en estimant que Le Gendarme de Saint-Tropez mérite désormais de figurer dans la liste qui commence avec Méliès et Gance… Télérama et France-Inter, France-Culture et L’Obs, si tout ça existe encore, gloussera en citant Les Tuche à l’Elysée -qui sait d’ailleurs, peut-être y seront-ils, l’Etat profond pourra se  permettre de les y placer puisqu’il sait bien que le pouvoir véritable se trouve ailleurs…

    Le cinéma fait donc partie de cet Etat profond qui, avec les médias et les banques, la finance et l’édition, la classe politique et l’université, reproduisent une idéologie sans jamais l’interroger.

    Sur les questions de l’islam et de l’immigration, de la cause LGBT et de la marchandisation des corps, du réchauffisme et du capitalisme vert, de l’écologisme et du marché, de l’abolition des frontières et du gouvernement mondial, en un mot: de la transformation de la planète en vaste marché  dans lequel tout se vendrait, et où, donc, les riches réduits à la portion congrue seraient les rois du pétrole pendant que les pauvres, devenus un sous-prolétariat mondial, vivraient une condition pire que celle des esclaves, sur ces questions, donc, il n’y aurait rien à dire ou à penser, mais tout à réciter sans jamais se demander qui a écrit ce catéchisme ultra-libéral et pour quelles raisons.

    Après la dernière cérémonie des Césars, fut-il dit, plus jamais rien ne serait comme avant: en effet, tout le monde a désormais compris comment fonctionnait ce petit milieu incestueux. La machine s’est trouvée mise à nu, on a vu ses rouages. En vertu du principe hégélien de ruse de la raison, cette catégorie sociétale se fait le porte-voix d’une cause qui les asservit. Ils sont les bourreaux et les victimes -"Héautontimorouménos" aurait dit Baudelaire, le marteau et l’enclume, la gifle et la joue. En effet, ils dénoncent un monde dont ils vivent et se font, de ce fait, les courroies de transmission de l’idéologie du moment en croyant incarner une avant-garde alors qu’ils ne sont que des chiens de garde.

    Sous régime fasciste, sous régime vichyste, sous régime nazi, sous régime communiste, sous régime franquiste, sous régime maoïste, sous régime capitaliste, sous régime libéral, sous régime maastrichtien, sauf rares exceptions, le cinéma est toujours l’un des engrenages de l’idéologie dominante. De la même manière que le cinéma américain est un cinéma de propagande qui défend son idéologie partout sur la planète, le cinéma européen vend la camelote maastrichtienne égocentrée, narcissique, célébrant avec force encens les mantras qui imposent la tyrannie des minorités. Dans un grand geste d’auto-congratulation, cette idéologie se nomme progressiste alors qu’elle n’est que progrès dans le nihilisme.

    J’ai lu avec plaisir un livre enlevé et drôle d’Eric Neuhoff intitulé (Très) Cher Cinéma français (Albin Michel). Dans ce texte voltairien, il dénonce ce cinéma exsangue mieux que je ne pourrais le faire avec force exemples et quantité de détails.

    Le cinéma a cessé d’être un art, faute de combattants ; il est devenu un marché, il a pour commerciaux, des voyageurs de commerce allant de festival en festival, des légions armées; le nom de leurs maréchaux se retrouve dans la liste bidon des Français prétendument préférés des Français.

    Le paradoxe du comédien de Diderot a trouvé sa résolution: un grand nombre de gens qui font profession de changer d’identité tous les jours, plusieurs fois par jour même pour certains, s’offrent une difficile identité en ville à moindre frais. Rien n’est plus simple dans cas cas-là que d’enfiler les idées du jour comme un imperméable dont on se défait le moment venu. Or, ce vêtement est un uniforme -mais, ne leur dites pas, ils l’ignorent sous prétexte qu’il est signé par de grands couturiers…

    Michel Onfray

  • Pour réintégrer Maurras dans le paysage politique français... : L'entretien avec Le Dauphiné libéré (IV/V)...

    lafautearousseau se propose ici de vous faire découvrir Un patriote, nommé Maurras. Maurras est en effet inconnu du grand public, parce que volontairement ignoré par la conspiration du silence, entretenue par le Système pour lequel Maurras n'est pas "dangereux", mais "le seul dangereux", car il en a dénoncé les bases idéologiques et parce qu'il l'a remis en cause dans ses fondements révolutionnaires.

    C'est donc à une sorte de feuilleton, à la découverte de l'homme Maurras, que nous allons vous entraîner, d'ici les prochaines élections municipales.

    Celles-ci, nous l'avons dit, seront peut-être décisives pour l'avenir de la Maison du Chemin de Paradis, fermé aux Français aujourd'hui par le dernier Mur de Berlin d'Europe : celui, invisible, du sectarisme haineux de la Mairie communiste, qui préfère laisser fermée (en attendant qu'elle ne s'écroule ?) une belle demeure qui pourrait être intégrée au réseau des Maisons des Illustres, et devenir un centre national et international de recherches et débats intellectuels de haut niveau sur Maurras, sa vie, son oeuvre; un lieu culturel vivant et rayonnant...

    Du début février au 23 mars (fin de la première partie de notre campagne de sensibilisation pour la sauvegarde de la maison de Maurras) nous présenterons divers textes ou documents relatifs à Maurras, sa vie, son oeuvre... 

    Nous avons passé les trois dernières semaines en bonne compagnie, avec Axel Tisserand, d'abord, puis Jean-François Mattéi et sa très belle intervention dans le jardin du Chemin de Paradis, le 1er septembre 2012; puis avec une sorte de reportage, tiré de nos riches archives, sur ce que fut cette journée d'hommage du 1er septembre 2012, à l'occasion du soixantième anniversaire de la mort de Maurras.

    Le rappel de cette journée montre bien ce qu'était la Maison de Maurras jusqu'à ce que la Mairie de Martigues n'en interdise l'accès, ne la "ferme", aussi sournoisement que brutalement; n'érige autour d'elle comme une sorte de Mur de Berlin, aussi réel qu'invisible...

     "Avant", tout le monde pouvait aller admirer le lieu, et  nous ne nous privions pas, à l'Union Royaliste Provençale. Ces jours heureux sont, pour l'instant, révolus. Jusqu'à quand ? C'est toute la question, et la raison de notre protestation, qui ne cessera que lorsque nous aurons obtenu ce que nous demandons :

    1. Des informations claires et précises sur les travaux promis, et un calendrier, même approximatif, concernant le déroulement de ces travaux, qui doivent aboutir à la réouverture de la Maison au public...

    2. Et, en attendant, la remise à disposition du public du libre accès au jardin, sans autres conditions que celles qui prévalent en n'importe quel autre endroit public du pays, selon les règles et normes en vigueur partout...

    Cette semaine - avant-dernière avant que notre Campagne de sensibilisation ne prenne une autre forme, dès le lendemain des élections municipales - nous vous présentons une conséquence directe de cette journée d'hommage du 1er septembre 2012 : Georges Bourquart, journaliste au Dauphiné libéré, nous a écrit trois jours après pour nous demander de lui faire visiter la Maison et le Jardin, et de lui présenter Charles Maurras... (IV/V)

    L'antisémitisme de Maurras...

    Nous avons surabondamment parlé de ce sujet sur le Blog, en répondant, par exemple, à des articles ou des déclarations d'un Bernard-Henry Lévy, d'un Alain-Gérard Slama ou d'autres....

    Comme pour de précédentes questions, nous avons donc renvoyé Georges Bourquard à ce qui se trouvait sur Lafautearousseau, et notamment à notre PDF M. le Maudit ...

    Nous ne devons pas craindre de parler franchement de l'antisémitisme de Maurras. Au contraire, il faut l'expliquer, le remettre dans son contexte et, le comparant à d'autres, montrer que Maurras fut finalement bien moins antisémite que beaucoup de gens lourdement encensés de nos jours. Et, en tout cas, bien différemment.

    Il faut être sérieux, et, surtout, il faut être juste et honnête. Ce que l'on n'est pas, avec Maurras et son antisémitisme...

    Sans remonter plus loin que lui - ce qui nous fait tout de même presque 2.000 ans... - force est de constater que, depuis que l'Empereur Titus, accomplissant la prédiction de Jésus, a détruit le Temple de Jérusalem, et emporté à Rome tout ce qu'il contenait, l'antisémitisme est une réalité assez largement partagée, qui transcende les époques, les pays, les peuples, les religions, les philosophies, les partis politiques. 

    Celui qui se donnerait pour tâche de collecter les citations antisémites du monde entier, toutes cultures, toutes religions, toutes couleurs de peau, toutes époques, toutes opinions politiques ou philosophiques etc. confondues réaliserait sans peine un gros bouquin. Et l'on serait surpris des gens que l'on y "rencontrerait". D'ailleurs, nous réaliserons ce travail, un jour.

    Nous avons donc rappelé à notre interlocuteur que Napoléon dispose d'un tombeau grandiose aux Invalides, lui qui déclarait sans sourciller des juifs : "Ce sont des sauterelles et des chenilles qui ravagent la France" ! Et que Voltaire avait, lui aussi, les honneurs officiels, au Panthéon. Il a pourtant bien écrit ceci : "C'est à regret que je parle des Juifs : cette nation est, à bien des égards, la plus détestable qui ait jamais souillé la terre". (Voltaire, Article "Tolérance" du Dictionnaire philosophique. Il appelle ailleurs les juifs "...ces ennemis du genre humain...", un "peuple barbare, superstitieux, ignorant, absurde", et un "peuple ignorant et barbare, qui joint depuis longtemps la plus sordide avarice à la plus détestable superstition et à la plus invincible haine pour tous les peuples qui les tolèrent et qui les enrichissent..."

    Vraiment, le Système honore de ces gens, et a de ces fréquentations !

    N'est-il pas étrange, dans ces conditions, d'entendre toujours et à tout bout de champ le refrain "Maurras antisémite", alors que nul ne s'émeut du grandiose hommage rendu à ces deux antisémites que furent Napoléon et Voltaire ? Ou bien on rêve, ou bien on vit dans le mensonge, la tartuferie, l'hypocrisie. Et, comme on ne rêve pas, la conclusion s'impose, d'évidence.

    Un exemple éloquent du traitement particulier réservé à Maurras : alors que Léon Poliakov, dans le tome III de son Histoire de l'Antisémitisme, fait de Voltaire "le pire antisémite français du XVIIIème siècle", Roland Desné défend Voltaire : "Ce n'est pas parce que certaines phrases de Voltaire nous font mal que nous devrions le confondre dans la tourbe du persécuteur".

    Ah, bon ? On fait pareil pour Maurras, alors ?

    Sinon, pourquoi deux poids et deux mesures ? La réponse est claire, ne soyons pas naîfs : c'est qu'il s'oppose au Système sur le fond; qu'il en a fait une critique, au sens propre, radicale, au point que nombre de ses démonstrations, de ses conclusions, sont, en fait, passées dans le domaine public; que ses adversaires, eux-mêmes, en sont imprégnés, s'en servent, les reprennent; et que l'idéologie qui sous tend le système s'en trouve irrémédiablement affaiblie. Est-ce pardonnable ?      

    Ceux qui reprochent son antisémitisme au seul Maurras - et pas aux autres ! - feraient bien de... lire Maurras ! Ils y trouveraient, par exemple, cette phrase :

    "L'antisémitisme est un mal si l'on entend par là cet antisémitisme de "peau" qui aboutit au pogrom et qui refuse de considérer dans le Juif une créature humaine pétrie de bien et de mal, dans laquelle le bien peut dominer. On ne me fera pas démordre d'une amitié naturelle pour les Juifs bien nés."

    Il est intéressant de rapprocher cette phrase de Maurras de ce cri de "Mort aux Juifs" que l'on entend, aujourd'hui, de façon tout à fait habituelle et banale (et "l'affaire Ilan Halimi" n'est pas si loin...), dans ces 1.500 (et plus...) zones sensibles répertoriées par le Système. Car il s'agit bien là d'un antisémitisme de peau, d'un racisme que, justement, Maurras condamne.

    Et le parti qui doit se sentir le plus gêné aujourd'hui avec l'antisémitisme, c'est le Parti socialiste, le parti du Président, qui a raflé 93% du "vote muslman" dans ces banlieues où règne et s'étale un antisémitisme chaque jour plus agressif et plus décomplexé.

    La vérité toute simple est que l'antisémitisme existait bien avant Maurras, et n'avait pas eu besoin de lui pour naître, croître et prospérer; de même, l'antisémitisme existe toujours après Maurras, et n'a toujours pas besoin de lui pour continuer sa course.

    Enfin, sur le ton de la plaisanterie, mais appliqué à une chose sérieuse, nous avons rappelé à Georges Bourquart cette phrase de Lionel Jospin, parlant de l' "héritage" de Mitterand, qu'il acceptait "sous réserve d'inventaire". Georges Bourquart se souvenait évidemment très bien de ce moment de télévision, et est convenu que, ce que l'on permettait à Jospin, on devait le permettre aux royalistes et à ceux qui se réclament de Charles Maurras...

    Alors, oui, nous pouvons et nous devons faire un inventaire de l'héritage de Maurras. Que cet inventaire remette en cause son antisémitisme, celui qu'il professait, ou non. Ou d'autres points, de sa pensée ou de son oeuvre.

    Et, lorsque nous nous adressons à des jeunes de 18 ans, quels en sont les aspects qui nous intéressent le plus et que nous leur présentons ? 

    A l'intérieur, c'est le Maurras de L'Avenir de l'Intelligence, celui qui a démonté le mécanisme qui nous a conduits à notre actuel Âge de fer, dans lequel les forces de l'Argent, de l'Or, dominent sans partage et ont tout asservi...

    A l'extérieur, c'est le Maurras de Kiel et Tanger, celui qui a montré comment la France, dès qu'elle renouera avec sa politique et sa diplomatie traditionnelle, pourra "manoeuvrer et grandir" : il lui suffira de recommencer à faire ce qu'elle a toujours fait, au cours des siècles, c'est-à-dire fédérer autour d'elle les petites et moyennes nations, qui, seules, ne peuvent s'exprimer, mais, si elles s'unissent à la France, forment - avec elle - un bloc capable de parler aux plus grands empires... 

    Oui, Maurras a encore quelque chose à nous dire ici et maintenant, et sur les sujets majeurs de notre aujourd'hui; oui, on a besoin de Maurras; et ceux qui se privent de son intelligence, et qui privent l'Intelligence française de sa contribution, au motif qu'il professait un certain antisémitisme – qui, après tout, s’apparente, derrière la violence des mots, à l’attitude politique que De Gaulle et Mitterrand, eurent parfois à l’égard des Juifs - ne rendent pas un bon service au Pays...

    Le second président de la Vème République, George Pompidou, lors d’un discours à l’école libre de sciences politiques, le 8 décembre 1972, cita un passage de Kiel et Tanger : 

    « S’agissant de la France, de sa place et de son rôle dans le monde, il faut d’abord en prendre la mesure. Quelqu’un qui n’a jamais été mon maître à penser, tant s’en faut, Charles Maurras, a, dans Kiel et Tanger, dès 1910, prévu le monde actuel, je cite : « composé de deux systèmes : plusieurs empires avec un certain nombre de nationalités petites ou moyennes dans les entre-deux. Un monde ainsi formé, continue Maurras, ne sera pas des plus tranquilles. Les faibles y seront trop faibles, les puissants trop puissants et la paix des uns et des autres ne reposera guère que sur la terreur qu’auront su inspirer réciproquement les colosses. Société d’épouvantement mutuel, compagnie d’intimidation alternante ». C’est bien là ce que nous voyons, n’est-ce pas ? J’en conclus que l’action de la France, aujourd’hui puissance moyenne typique, est simple et évidente...»

    (à suivre...)

    lafautearousseau

  • Délocalisation des Peuples, par Frédéric Winkler.

    Alors comme disait Jean Charles Masson : « La Renaissance, à souhaiter sous peine de décès, implique de renouer ce qui fut dénoué, de ramener ce qui fut éloigné, de rappeler ce qui fut oublié, bref, de faire une révolution vers notre passé et de réenraciner l’intelligence. Le réenracinement est le moyen de la Renaissance. Si l’on veut « dénomadiser » culturellement, il faut sédentariser économiquement ».

    frédéric winkler.jpgNous ne rejetons pas l’étranger qui toujours, à travers les siècles, est venu s’installer pour vivre et prospérer en s’intégrant paisiblement chez nous. Ce que nous dénonçons c’est une certaine politique qui enlève les forces intellectuelle et physiques handicapant l’avenir de ces pays du Sud (jadis qualifiés de Tiers-Monde) pour leur avenir… Nos gouvernements compensent alors ces manques par l’envoi d’aides humaines qui remplacent, ou croient remplacer, le manque causé par la fuite des ressources humaines chez nous… Politique de gribouille, sans parler évidemment de la dégradation et déstabilisation de notre vie communautaire par un apport massif de populations. Ce dérèglement nuit d’ailleurs à tous, aux bons citoyens accueillants comme aux paisibles étrangers. Une saine écologie ne se limite donc pas à la nature proprement dite mais à tout ce qui compose notre vie familiale et communautaire : on peut parler véritablement « d’écologie humaine ». Elle est la stricte observation des lois de la vie. Un peuple doit pouvoir grandir et prospérer dans la paix comme dans son espace de vie ancestral ou territoire avec le moins de perturbations pour préserver voir évoluer dans son cadre traditionnel de coutumes et cultures qui ont fait et doivent faire sa richesse dans l’avenir.

    La défense de l’environnement passera au préalable par la reconnaissance d’un ordre impliquant une certaine conception de l’homme et de son environnement. Nous ne pourrons parler d’écologie que lorsque nous aurons tourné le dos, au moins en esprit avant que cela soit dans les faits aussi vite que possible, à la société marchande, mercantile et individualiste basée sur le profit : « Quand il y a un problème, ne cherchez pas d’abord la solution, trouvez la cause. Je crois que cette crise est liée à votre gestion de l’immigration… » Omar Bongo (entretien avec F. Pons, Valeurs Actuelles).

     

    La première décennie de ce XXIème n’en a pas fini avec les inquiétudes issues de la fin du XXe siècle, et les nuages semblent, sur notre avenir, étendre leurs ombres funestes… « La France est en effet un pays d’immigration, ce qui s’expliquait autrefois par une démographie déprimée et, pendant les Trente Glorieuses, par le dynamisme de notre industrie. De nombreux étrangers ont contribué active¬ment à la croissance française, et je crois nécessaire de le souligner. Mais notre économie n’est plus aussi dynamique. La crise ne nous permet plus d’accueillir dignement tous ceux qui voudraient s’installer ici. Il faut avoir le courage de le leur dire. Je crois utile de renforcer notre politique de coopération avec leurs pays d’origine pour qu’ils ne soient plus contraints à l’exil et puissent contribuer au développement de leur propre pays. C’est notre intérêt comme c’est le leur. Pour les mêmes raisons et dans le même esprit, nous devrions aussi renforcer les contrôles aux frontières, qui ont été exagérément allégés depuis que nous avons rejoint l’espace Schengen : nous ne pouvons pas abandonner à nos voisins européens la surveillance de nos frontières » (Jean, Un Prince Français).

    La crise et l’appauvrissement accéléré de notre société et de ses classes moyennes (processus lié à la mondialisation elle-même), les risques du terrorisme et des guerres qui se rapprochent, les dégradations environnementales, ou encore les injustices sociales, etc., n’enlèvent rien, bien au contraire, aux risques que font peser sur notre société les conséquences d’une politique de l’immigration issue majoritairement du Tiers Monde. L’ambiance actuelle du « politiquement correct », véritable dictature d’une pensée dominante qui règne dans notre pays, gêne comme empêche toute réflexion critique sur ce sujet et la condamnation morale n’est jamais loin quand on s’aventure dans ce domaine… « Le phénomène de la banlieue est issu du progrès industriel dans l’Occident chrétien, qui a perdu le sens des solidarités, et aura rejeté les êtres à la périphérie, tout en multipliant les solitudes dans les cités tentaculaires. Bien sûr que dans l’hyper-ghetto que nous préparent les technocrates, ça sentira mauvais, et il sentira mauvais de s’y balader » (Jean Edern Hallier, L’Idiot International, num.62, 1991).

    Pourtant chaque jour qui passe légitime de nouvelles inquiétudes : n’est-ce pas la conséquence d’une défaillance politique de l’Etat qui refuse d’assumer ce qu’il a produit par ses lois et ses logiques économiques et « morales » ?

    Ainsi naît dans la population, un sentiment de défiance, alimenté par un réflexe naturel et légitime que l’on ne peut maîtriser. Les inquiétudes naissent lorsqu’on devient minoritaire dans certains lieux, que l’on voit ses repères remis en cause par des populations nouvellement arrivées, au moment où notre société doute d’elle-même et de ses valeurs originelles : « …l’enseignant a cessé d’être respecté…il n’enseigne pas l’histoire de France…les professeurs ne sont pas motivés, ils restent imprégnés des fruits de mai 68 : plus de repères, plus de limites, plus de valeurs…Fondamentalement ni les Français, ni parmi eux, les patrons ne sont racistes, mais les immigrés souffrent d’une image négative : il faut arriver à ce que ce soient les jeunes issus de l’immigration qui dénoncent les agissements déviants de leurs semblables. Je ne crois pas aux structures antiracistes… » (Rachid Kaci).

    Subir et se taire, voilà ce que la dictature du « politiquement correct » nous impose. Ce qui frappe aussi, c’est l’aggravation du problème sociétal lié à l’immigration, comme la montée des communautarismes agressifs malgré toute la bonne volonté des populations et des institutions d’accueil. On peut dès lors se demander à quoi ressemblera la France dans dix ans, ou vingt ans ?
    Qu’auront nos enfants à subir demain ? « Là encore, revenons à la source de nos maux. On a longtemps lié l’explosion de la délinquance aux difficultés économiques. C’est sans doute un facteur d’explication, mais ce n’est pas le seul. Il existe une relation étroite entre la paix publique et l’éducation. Beaucoup de personnes incarcérées sont tout simplement illettrées. Vous connaissez le mot célèbre de Victor Hugo : « Celui qui ouvre une porte d’école ferme une prison. » Je crois qu’il a raison, encore faut-il réformer profondément notre école pour qu’elle instruise nos enfants dans le respect du savoir et dans le respect des autres, les deux allant de pair. Et que les parents leur inculquent des principes et des règles de conduite, sans quoi la société se désagrège. Si nous obtenons que l’école et les familles fassent ce travail en commun, vous verrez qu’il ne sera plus nécessaire d’édicter autant de lois et que les prisons désempliront » (Jean de France, Un Prince Français).

    Comme nous l’avons dit précédemment, toute une mécanique a été mise en place afin de faire taire ou du moins rendre inefficaces les activités de ceux qui voudraient que les choses s’arrangent, et cela est bien malheureux. Ecoutons le Camerounais Emile Bomba qui préside l’Association de lutte contre l’émigration clandestine dans son pays, l’Alcec : « …quand deux ou trois personnes sont régularisées et médiatisées, ce sont deux cent Africains qui se décident à partir ! Il y a donc un effet pervers qu’elles ne mesurent pas, mais que nous constatons sur le terrain et contre lequel nous sommes obligés de lutter…Si on veut développer l’Afrique, ce n’est pas en perdant notre matière grise et notre force de travail qu’on parviendra à le faire ! Il faut cesser de dire aux Africains qu’ils peuvent venir en France et qu’ils y seront accueillis par des associations qui les protégeront ! ». Il faut aussi casser la dictature du FMI et de la Banque mondiale, imposant son Nouvel Ordre dans ses orientations politiques comme économiques hors de l’avis des peuples concernés : « Ce type de relation de maître à esclave, c’est terminé, nous n’en voulons plus…A la place de l’aide au développement, aidez plutôt les émigrés à rentrer dans leur pays ! Au lieu de nous envoyer des Médecins du monde, essayez de convaincre plutôt tous les médecins camerounais installés à l’étranger de revenir ! C’est beaucoup plus important et ce sera beaucoup plus bénéfique pour nous comme pour vous…nous avons tout fait pour perdre notre identité, et on a tout fait pour que nous la perdions. Il nous paraît clair que l’Africain, pour pouvoir bâtir aujourd’hui, doit d’abord retrouver qui il est lui-même au départ. A partir de là, il pourra mieux envisager l’avenir. Parce que quand vous avez des gens qui ne savent pas d’où ils viennent, comment voulez-vous qu’ils sachent où ils vont ? Si nous nous développons, il n’y aura plus qu’une infime part de la population qui sera tentée d’émigrer » (Emile Bomba, dec.2008, Le Choc du Mois). Et pourtant, vouloir faire cesser l’immigration en Europe et plus particulièrement en France, n’est-ce pas une marque de respect à l’égard de l’Afrique elle-même ?

    Tout simplement parce que ce continent est encore pauvre, par conséquent, celui-ci a besoin de ses ingénieurs, ses ouvriers, ses intellectuels, ses politiciens, ses médecins et chirurgiens, ses maçons, ses écrivains… Afin de pouvoir se développer et apporter une vie saine à ses habitants. L’Eldorado français et les sirènes du libéralisme agissent comme des pompes aspirantes des forces vives du Tiers-monde, pour le plus grand profit de la société de consommation. L’Afrique stagne (malgré ses immenses potentialités et ses taux de croissance qui augmentent) pour le confort de ceux qui, dans nos pays, préfèrent utiliser les populations étrangères plutôt que de travailler à des tâches dites pénibles ou pour les intérêts de certains industriels peu scrupuleux qui y voient le meilleur moyen de ne pas augmenter les salaires des ouvriers en exploitant la misère venue d’ailleurs ! Et après certaines bonnes consciences s’étonnent que beaucoup de pays d’Afrique soient rongés par la dictature et la famine ! Il est plus facile de fermer les yeux sur le fait que si ces deux fléaux se développent là bas, c’est parce qu’en face, il n’y a que du vide (ou un désespoir trop souvent stérile) ! Le reste, c’est-à-dire les forces souvent les plus dynamiques du continent, est en Europe ! Certaines associations découragent tout contrôle en protégeant les clandestins, le monde associatif en France, représente 10 à 12% du PIB, soit 125 milliards d’euros, distribués sans aucun contrôle sérieux : « On devrait inviter ces censeurs à prendre plus souvent le métro, à circuler en banlieue, pour comprendre que notre société change dans sa donnée la plus stable, la plus fondamentale peut être : l’origine ethnique » (Max Gallo, écrivain et ancien conseiller du président François Mitterrand, Tribune dans France Soir : L’Europe serait-elle désormais vouée au métissage).

    Le message est clair et nous avons les mêmes soucis de déracinement chez nous. Tout est dit et dans une simplicité et un réalisme qui montre la nullité déconcertante de ceux qui nous gouvernent… En effet, concrètement, que se passe-t-il, lorsque les étrangers arrivent en France ?

    On les parque dans d’immenses cités ghettos dont la conception architecturale est une insulte à la nature (voir ch. Sur l’Urbanisme) et qui ferait fuir nos ancêtres. Ils sont ensuite livrés à eux-mêmes, déracinés et qui plus est dans un pays qui a renié sa propre culture, sa religion traditionnelle, ne pensant qu’à consommer, à s’amuser comme à se distraire pour ne pas réfléchir, ne pas se révolter donc !

    « On ne fait plus aimer la France aux Français, ni à ceux qui veulent le devenir. On ne leur apprend plus que la France peut justifier certains sacrifices, en contrepartie de l’accueil qu’elle leur a réservé. Comment alors les intégrer à la nation ? Ce renoncement est une erreur, qu’aucun gouvernement n’a vraiment tenté de corriger et qui pourrait encore s’aggraver avec la mise en place subreptice de mesures de discrimination positive » (Jean, Un Prince Français).

    La conséquence de ce déracinement et de cette ambiance fade, sans autorité laisse se développer la violence pour une jeunesse désœuvrée faisant l’objet de manipulations en tout genre. La conséquence qui en décline est une haine sans borne à l’égard du pays d’accueil, qui n’offre plus comme remède que la passivité et la Star Academy, quelle tristesse, quel gâchis !

    Tous ces immigrés sont utilisés comme un outil alimentant toute la mécanique d’un redoutable terrorisme intellectuel, contrôlé par les groupuscules dit « antiracistes » cités précédemment, dans le seul but de chercher à culpabiliser l’autochtone et de l’empêcher de protester contre des situations d’insécurité dont il est la première victime… Les bonnes intentions sont toujours financées avec l’argent des autres car en fait combien coûte cette politique suicidaire ? Qu’avons-nous fait pour mériter cela ? …

    Frédéric Winkler

  • Sauvez des vies, restez chez vous, par Aristide Renou.

    Certes, nous ne pourrons porter un jugement définitif sur l’épidémie de Covid19 que dans quelques mois, voire quelques années. La mortalité globale, par exemple, est pour le moment difficile à estimer, pour tout un tas de raisons. À l’heure actuelle, on estime – mais cette estimation est provisoire - que le Covid-19 tue environ 5 % des malades diagnostiqués, ce qui est évidemment beaucoup moins que l’ensemble des personnes infectées.

    Mais tout de même, les grandes lignes du tableau commencent à se dessiner, et il est peu probable qu’elles varient beaucoup désormais.

    Voici les derniers chiffres donnés par Santé Publique France.

    Du 01 /03 au 06/04 : 3975 décès dus au Covid19, selon les certificats de décès rédigés par voie électronique. Dans 64% des cas le décès par Covid19 était associé à une comorbidité. 10% des personnes décédées avaient moins de 65 ans et 31% de celles-ci n’avaient pas de comorbidité, ce qui signifie que 2,97% des patients décédés avaient moins de 65 ans et aucune comorbidité. L’âge médian au décès était de 83 ans et 74% des personnes décédées avaient 75 ans et plus.

    On mentionne parfois, dans les médias, un chiffre de plus de 10 000 décès liés au Covid19 depuis début mars. Mais il s’agit des décès de patients atteints de Covid19, ce qui n’est pas la même chose, la cause de la mort n’étant pas nécessairement le virus.

    En tout état de cause ce nombre global des décès n’a pas grand sens étant donné que, à l’évidence, un nombre non négligeable de ceux qui sont officiellement morts du Covid19, ou même de ceux qui sont morts alors qu’ils étaient atteints du Covid19, seraient très vraisemblablement morts à court terme, même sans Covid19. Plutôt que de donner le nombre de décès dus à cette infection, il faudrait plutôt raisonner en termes de nombre d’années de vie perdues pour les personnes décédées. Je ne sais pas si un tel calcul est possible, mais je serais prêt à prendre le pari que le résultat serait plutôt de l’ordre de quelques mois que de quelques années.

    Pour rappel et afin de donner des points de comparaison, il meurt chaque année environ 600 000 personnes en France. La grippe et les maladies respiratoires ont tué un peu plus de 40 000 personnes en 2016, les cardiopathies environ 78 000 personnes et le cancer à peu près 150 000 personnes.

    On le voit, il parait difficile d’échapper à cette conclusion : à ce stade le Covid19 est une épidémie assez peu grave, mesurée à l’aune des grandes épidémies que l’humanité a pu connaitre et même simplement à l’aune des causes de mortalité en général.

    Ce qui a dicté notre réaction extrême, consistant à enfermer chez elles autoritairement et pour une durée indéterminée des dizaines de millions de personnes, n’est pas la dangerosité du Covid19, mais notre rapport à la maladie et à la médecine.

    Ce qui a changé, par rapport aux épidémies des siècles précédents, c’est que nous avons perdu l’habitude de mourir des maladies infectieuses. Ces maladies redoutées pendant presque toute l’histoire de l’humanité ne sont plus responsables aujourd’hui que d’environ 4% des décès annuels dans un pays comme la France. Nous avons la vaccination pour nous prémunir et nous considérons comme normal que la médecine nous guérisse de ce genre de pathologies lorsque nous en sommes atteints.

    C’est ainsi que les patients atteints du Covid19, même sous sa forme grave, apparaissent pour la plupart comme des malades guérissables et, paradoxalement, c’est ce qui nous a fait paniquer.

    Nous nous sommes affolés lorsque nous nous sommes rendus compte que le nombre de cas graves allait dépasser notre capacité de les traiter. Ce qui nous est apparu comme insupportable, c’est l’idée de mourir alors que la médecine aurait pu nous sauver, c’est la perspective de voir les médecins trier parmi les malades ceux qu’ils essayeraient de soigner. Bref, notre affolement est avant tout le résultat des progrès de la médecine et du fait que ces progrès, pour admirables qu’ils soient, nous désapprennent à mourir et érodent notre courage.

    Plus précisément, puisque la décision du confinement appartient au gouvernement, le gouvernement a pensé qu’il serait tenu pour responsable de tous les décès « évitables », de tous les gens qui seraient morts du Covid19 parce que les services de réanimation n’auraient pas pu les prendre en charge. Voyant les estimations de ce chiffre grimper très rapidement, il a pris peur et a ouvert le parapluie, c’est-à-dire qu’il a ordonné à tous les Français de s’enfermer chez eux jusqu’à nouvel ordre. Brusquement, toute la vie de la nation s’est mise à tourner autour des services de réanimation de nos hôpitaux, l’objectif suprême et éclipsant tous les autres est devenu d’éviter leur saturation. Ce qui est compréhensible, peut-être, mais pas raisonnable.

    Il est normal, il est bon que les médecins répugnent à l’idée de laisser mourir des gens qu’ils auraient pu sauver « s’il avaient eu plus de moyens ». Mais il est anormal que les responsables politiques se mettent à raisonner comme des médecins et se laissent obnubiler par une seule chose : les « vies qui auraient pu être sauvées ». Une telle manière de prendre des décisions est d’autant plus absurde qu’il y a et il y aura toujours des gens qui auraient pu être sauvés par la médecine « avec plus de moyens ». Il y a et il y aura toujours des gens qui mourront « à cause des choix budgétaires », parce qu’il y aura toujours des choix budgétaires à faire. Les « besoins » (c’est-à-dire en fait les désirs, et en l’occurrence notre désir de vivre) sont illimités et les ressources limitées, telle est la loi d’airain de la condition humaine.

    En fait, chaque vote du budget de la nation peut être considéré comme une condamnation à mort pour un certain nombre de malades, présents ou futurs, car chaque vote du budget opère des arbitrages entre les différents biens que nous essayons de nous procurer avec nos ressources limitées, parmi lesquels la santé. La vraie différence avec la situation actuelle, c’est que d’habitude ces choix sont implicites. Nous ne voyons pas les gens qui vont mourir à cause de la manière dont nous allouons nos ressources – le plus souvent nous n’y pensons même pas - alors qu’avec l’épidémie actuelle, nous avons les agonisants sous les yeux.

    Il est d’autant moins rationnel de se laisser obnubiler par les ressources actuelles des services de santé que, même si nous raisonnons en termes d’espérance de vie, même si nous considérons que la survie est un bien qui devrait avoir priorité sur tous les autres, la médecine n’est pas forcément la chose la plus importante. Je me souviens, du temps où je suivais des cours d’économie de la santé, avoir vu passer des études très sérieuses qui estimaient qu’environ 80% des progrès en matière d’espérance de vie à la naissance au 20ème siècle étaient dus à l’amélioration générale des conditions de vie (alimentation, hygiène, conditions de travail, etc.), et non aux progrès de la médecine pour guérir les maladies. Bien entendu il ne s’agit là que d’estimations, mais il est peu contestable que nous avons tendance à surestimer grandement les bénéfices de la seule médecine en matière d’espérance de vie.

    Cela signifie qu’il est erroné de présenter le confinement comme une manière d’échanger un peu de nos richesses et de notre confort contre « des vies », présentation qui clôt immédiatement tout débat et même toute réflexion. L’économie c’est aussi « des vies ». Le confinement induira une récession, et une récession ce sont des années de vies en moins pour un nombre indéterminé de personnes par la dégradation de leurs conditions de vie. Une récession aujourd’hui ce sont des ressources en moins demain, car même si le gouvernement ouvre actuellement en grand le robinet du déficit et de la dette, l’argent gratuit n’existe pas, tout fini par se payer. Donc ce seront des ressources en moins aussi pour financer toutes sortes d’investissements qui auraient pu « sauver des vies », y compris bien sûr des investissements dans le système de santé.

    Bien entendu, ces vies abrégées à cause du confinement ne seront pas comptabilisées, mais elles devraient figurer dans tout bilan honnête de cette mesure. Ce qui se voit et ce qui ne se voit pas.

    Allons plus loin : le problème n’est pas seulement que la comptabilité soit inexacte, il est que l’unité de mesure choisie pour prendre nos décisions n’est pas la bonne.

    Si nous raisonnons en termes de nombre de vies « sauvées » ou « perdues » – c’est-à-dire le nombre de personne qui mourront parce qu’elles n’auront pas pu être prises en charge par les services hospitaliers – alors c’est l’inénarrable Jean-François Delfraissy qui a raison : il faut enfermer les Français chez eux (et pas seulement les vieux) tant qu’un remède au Covid19 n’aura pas été découvert, pendant des mois, des années peut-être. A supposer même qu’un remède soit découvert un jour, ce qui n’est pas certain. Si nous acceptons deux mois de confinement au motif que cela permettra de sauver – mettons – 20 000 personnes, pourquoi ne pas accepter un mois de plus pour sauver 10 000 vies supplémentaires ? Et pourquoi pas encore un mois pour en sauver encore 10 000 ? Quel sera le terme de ce raisonnement ? A partir de quand dirons-nous : « cela n’en vaut pas la peine », et pourquoi ?

    Le problème est identique à celui des mesures de sécurité routière. Si abaisser la vitesse maximale autorisée de 90 à 80km/h permet de sauver des centaines ou même des milliers de vies chaque année, pourquoi ne pas l’abaisser à 70km/h ? Et pourquoi pas 60km/h ? Ce serait encore plus de vies sauvées et qu’est-ce que des trajets plus longs contre des vies sauvées ? Et ainsi de suite. Le terme logique de notre raisonnement est l’interdiction pure et simple de la circulation automobile.

    Nous nous trouvons confrontés à ce genre d’absurdité parce que nous raisonnons de manière agrégée, au niveau de la société tout entière, au lieu d’essayer d’estimer l’effet de la mesure pour chacun des individus qui y sont soumis. Par ailleurs parler de « vies sauvées » est trompeur car elle induit l’idée que la mort est un évènement qui pourrait simplement être évité. Or la mort finit toujours par survenir et celui dont la vie a été « sauvée » aujourd’hui par le confinement (ou par la baisse de la vitesse maximale autorisée) mourra peut-être demain d’une autre maladie ou d’une chute stupide (en 2016, environ 11000 personnes sont mortes en France d’une chute ou d’un accident de transport). Plutôt que de parler de « vies sauvées » il faudrait plutôt parler de vies prolongées, et dire de combien de temps ces vies sont prolongées. Il faudrait aussi essayer de déterminer quel est le bénéfice d’une mesure pour chacun de ceux qui doivent en supporter le coût ou les inconvénients.

    La vie est un bien individuel, et nous ne sommes pas immortels, par conséquent, ce que nous devrions chercher à estimer c’est la diminution du risque de mourir de telle ou telle cause pour chaque personne. En l’occurrence, quelle diminution du risque de mourir du Covid19 procure le confinement à chacun de ceux qui y sont soumis ? Bien entendu, étant donné que la mortalité de cette infection est très fortement corrélée à l’âge, cette diminution du risque devrait être estimée par tranche d’âge (et de la même manière : quelle diminution du risque de mourir d’un accident de la circulation la baisse de la vitesse maximale autorisée procure-t-elle à chaque automobiliste ?).

    Un tel calcul peut-il être effectué ? Je l’ignore et je laisse à des gens plus forts que moi dans ce genre d’exercice le soin d’essayer. Mais, étant donné les chiffres de mortalité que j’ai rappelés en commençant, d’une part, et d’autre part le fait que le confinement touche des dizaines de millions de personnes, il est évident que cette diminution du risque doit être extrêmement faible, infinitésimale même, sauf peut-être pour les tranches d’âge les plus élevées. A titre de comparaison, Charles Murray s’est essayé à calculer le bénéfice procuré à chaque automobiliste par une baisse de 10km/h de la vitesse maximale autorisée. Pour un trajet de New-York à Washington (environ 350 km), le risque d’être tué passe de 0,0000006 à 0,0000004.

    Toutes ces considérations convergent vers une même conclusion : le confinement général de la population n’est pas une réponse appropriée au Covid19.

    Mais en ce cas, qu’aurait-il fallu faire, dira-t-on ?

    Il aurait probablement fallu faire ce vers quoi nous sommes aujourd’hui en train de nous orienter, pour l’après 11 mai : inciter fortement les populations les plus à risques à rester chez elles le plus possible, en mettant en place les mesures d’accompagnement nécessaires pour leur permettre de le faire, comme la possibilité de se mettre en chômage partiel par exemple, produire massivement des masques et des tests, interdire temporairement les grands rassemblements. Bref, informer, responsabiliser, et interdire seulement à la marge, au lieu d’enfermer autoritairement tout le monde. Comme le dit aujourd’hui fort justement l’Académie de médecine à propos des « seniors » : « Vaut-il mieux prendre un risque contrôlé en respectant les gestes barrières pour vivre avec les autres, ou s’étioler dans une solitude sans espoir ? Un tel choix appartient à chacun. » En effet, face au Covid19 un tel choix devrait appartenir à chacun, et pas seulement aux personnes âgées.

    Si, comme je le pense, le confinement généralisé était une erreur – une erreur qui deviendrait une faute s’il était avéré que cette mesure a été dictée par l’impéritie de nos gouvernants, et non par un affolement somme toute pardonnable – tâchons de nous en souvenir pour une prochaine fois, car il y aura des prochaines fois. Errare humanum est, sed perseverare diabolicum.

  • Transformer les municipalités en coopératives ?, par Philippe Kaminski.

    Comment sortir du dualisme castrateur entre un État devant lequel on se prosterne et un Marché, qui certes peut être parfois bénéfique mais qui serait toujours dangereux ? Telle est la réflexion entamée par Philippe Kaminski depuis deux semaines. Aujourd’hui, retour sur une « Troisième voie » esquissée au lendemain des événements de Mai 1968.

    Actualités de l’économie sociale

    Co-fondateur avec Charles Gide en 1921 de la Revue des études coopératives, de nos jours connue sous le nom de RECMA, Bernard Lavergne est aujourd’hui bien oublié. Et il ne faut hélas guère compter sur votre serviteur pour vous le faire mieux connaître. Je n’ai en effet trouvé que fort peu de références tant sur sa vie que sur son œuvre. Sa notice Wikipédia est quasiment vide, ce qui laisse entendre que personne ne s’est senti assez motivé, ou assez autorisé, pour l’alimenter.

    Il est mort en 1975, dans sa 91e année. Aucun des dirigeants ou des connaisseurs du paysage coopératif français qui l’ont fréquenté et que j’ai pu rencontrer par la suite n’est encore de ce monde et ne peut donc m’éclairer. En 1921, Bernard Lavergne a 37 ans, alors que son maître Charles Gide en a le double. Il a soutenu sa thèse en 1908, sur le Régime coopératif, et publia ensuite de nombreux ouvrages sur le même thème, en plus de sa direction de la Revue ; pourquoi donc cite-t-on toujours autant Gide, et jamais Lavergne ? Peut-être l’an prochain, à l’occasion du centenaire de la RECMA, se trouvera-t-il un chercheur un peu curieux pour se pencher sur la question.

    À vrai dire, ce n’est pas Lavergne qui m’intéressait, c’était Mai 1968. Je cherchais ce qu’avaient pu écrire à l’époque les représentants, non de l’Économie Sociale qui n’allait re-naître que dix ans plus tard, mais de ses composantes, et en particulier du mouvement coopératif. Et je suis tombé sur un article de Lavergne, qui vaut la peine d’être exhumé et commenté à la lumière des enjeux actuels.

    Il ne s’agit que d’un point de vue, un seul. D’autres, plus ou moins contingents, plus ou moins prospectifs, pourront être collectés, au hasard des bulletins des fédérations ou des publications des mutuelles, et lui être opposés. Je ne veux donc pas en tirer de conclusion générale.

    Bernard Lavergne écrit à l’automne 1968, alors que la France reprend son souffle et que l’économie repart vigoureusement. Il écrit dans sa revue, c’est à dire qu’aucun comité de lecture ne s’est mis en travers de lui pour le forcer à arrondir ses angles ou à se sortir de ses anciennes marottes. Il a 84 ans passés, et je ne sais s’il est perçu par son entourage comme un Sage respecté ou comme un vieux radoteur. Son texte tient en tous cas de ces deux réalités.

     

    Lavergne place résolument ce qu’il nomme le socialisme coopératif, et que je traduis d’emblée par Économie Sociale, dans la position d’une Troisième Voie :

    « [Il nous faut…] briser le dilemme qui consiste à dire : ou le capitalisme privé avec sa haute productivité, mais son injuste répartition du revenu national, ou le socialisme d’État avec sa lourdeur bureaucratique et son improductivité, mais son équité dans la répartition du revenu national. Un troisième type économique tout à fait original existe : le socialisme coopératif , qui possède la productivité de l’ordre capitaliste et autant d’équité sociale, sinon plus, que le socialisme d’État. »

    Autre intuition juste, qui n’allait pas de soi : Lavergne tire comme principale leçon des événements de mai-juin que l’on a assisté à la naissance d’un courant durable d’idées s’opposant à la « société de consommation ». Certes, ces termes ont été souvent mis en avant par les mouvements contestataires, mais d’autres l’ont été tout autant. Et on aurait pu s’attendre, compte tenu des rapports équivoques que le monde coopératif était alors contraint d’entretenir avec l’Union Soviétique, que Lavergne s’attardât davantage sur les accords de Grenelle (ce n’était pas rien !) ou sur la question gauchiste.

    Mais ces deux lignes directrices porteuses d’avenir sont contrebalancées par des archaïsmes qui font frissonner. Bernard Lavergne fut dans le civil un universitaire, professeur d’économie. Or les thèses économiques qu’il développe ne semblent guère avoir évolué depuis les leçons de Charles Gide qu’il suivait soixante ans auparavant. Lavergne constate l’emprise croissante de l’État, mais il feint de n’avoir jamais entendu parler de Keynes, ni du planisme, ni de la comptabilité nationale. Il constate le progrès technique, mais il le voit comme on le voyait avant Schumpeter. Il parle du travail comme on en parlait avant Ford, de la consommation comme on en parlait avant la publicité, et surtout de l’industrie comme on la décrivait avant Léontief. C’en est déstabilisant :

    « Nos pouvoirs publics fixent souverainement le destin de nos entreprises capitalistes, le montant de leurs gains et de leurs pertes. C’est par pieuse habitude […] qu’on dira […] que nos sociétés sont à économie dirigée, alors qu’elles sont déjà plus qu’à moitié socialisées. Cette mutation est une grande nouveauté car, au siècle précédent, si faible était l’emprise de l’État et si stable était le niveau des prix que les gains et les pertes des entrepreneurs ne dépendait que de leur habileté ou de leur incapacité à gérer leurs entreprises. Voici que tout a changé. Les fluctuations des prix sont devenues si amples que […] gagner ou perdre de l’argent est maintenant plus fonction des décisions étatiques et de la conjoncture que du mérite intrinsèque des entrepreneurs. Gains et pertes ont été socialisés, et les chefs d’entreprise ne sont plus que des gérants d’affaires pour le compte de la puissance publique. Cette socialisation, camouflée mais réelle, des grandes industries, s’observe dans la France gaulliste comme en Allemagne et en Italie. »

    Lavergne appelle dès lors « régies d’État » l’ensemble des entreprises françaises en qui il ne voit que des clones de Renault, et affirme que ce système ne pourra être en mesure de répondre aux aspirations des étudiants de 1968 qu’il résume en trois chapitres : diminuer la durée du travail, assurer aux individus plus de liberté effective dans leur vie de tous les jours, enfin réduire l’éventail des inégalités de revenus. Reprenant à son compte ces revendications, il admet qu’elles ne permettront qu’une croissance faible et suggère que l’hédonisme et la liberté de conscience puissent compenser une limitation de fait de la quête de biens matériels, cette « société de consommation » à peine née et qu’il faut déjà combattre.

     

    Tout ceci participe certes de la confusion des esprits qui était commune à l’époque. On ne peut exiger de chacun clairvoyance et prémonition. Mais on attend de Lavergne, cinquante ans après, non pas d’avoir esquissé un projet de société qui nous séduise, mais de préciser ce qu’il entendait par socialisme coopératif et de nous expliquer comment ça pourrait marcher. Et sur ce point, il se montre parfois convaincant, mais le plus souvent décevant.

    Aux régies d’État, Lavergne oppose les « régies coopératives » dont il voit un modèle dans le Crédit communal de Belgique. Cette institution créée en 1860 fonctionnait comme une coopérative de crédit, autrement dit une banque, dont les sociétaires sont des collectivités locales, une formule hybride qui subsista jusqu’à sa fusion en 1996 avec le Crédit Local français pour former le conglomérat financier Dexia. L’aventure tourna court, car ni la tradition coopérative belge, ni les habitudes prises en France au sein de la Caisse des Dépôts et Consignations n’empêchèrent Dexia de se plonger avec délectation dans la spéculation financière et boursière la plus effrénée, comme si les nouveaux venus dans ce monde douteux avaient tenu à prouver qu’ils pouvaient d’emblée se porter au niveau de cynisme des Lehmann Brothers et autres Goldman Sachs. De malversation en malversation, Dexia fut acculé à une faillite retentissante en 2011, que les États français et belge durent éteindre en urgence avec les milliards des contribuables des deux pays.

    Pendant toute sa vie, Lavergne avait fait l’éloge du Crédit Communal de Belgique, dont la longue et sage histoire ne mérite certes pas d’être ternie par la lamentable déconfiture de Dexia. Il n’en demeure pas moins que ce modèle ne saurait se prévaloir d’un caractère universel. Tout au plus se rapproche-t-il des puissantes régies municipales germaniques, qui certes polarisent une part non négligeable de l’économie allemande, mais qui ont sans doute aussi contribué à ce que l’idée d’Économie Sociale n’y ait toujours pas pénétré. Par ce tropisme, Lavergne se rapproche plus d’Edgar Milhaud, père du concept d’économie collective, que de Charles Gide (et je m’amuse à constater que sur ces trois personnages, deux sont nés à Nîmes, et le troisième à Uzès).

    Ceci dit, on voit mal comment une transposition de ce système coopératif de communes aurait pu s’acclimater en France et surtout y devenir assez puissante pour constituer la colonne vertébrale d’une Troisième Voie crédible et conquérante. Lavergne pouvait bien se persuader que c’est par un semblable truchement que s’établira de proche en proche un transfert des pouvoirs aux citoyens consommateurs pour former un jour la République coopérative, cette Jérusalem terrestre qu’il appelle de ses vœux ; plus il vieillira, et moins ces élucubrations auront de crédit. En 1968, il n’en restait plus rien.

    Aujourd’hui, l’intérêt porté aux « territoires » peut redonner une chance à cette idée, à condition de tout reprendre à zéro. Il ne s’agira ni des grandes villes, ni même des moyennes, mais de cette France interstitielle, périphérique, qui se sent déclassée, et où les municipalités élues ont vu leurs principaux pouvoirs transférés aux EPCI (communautés de communes). L’espace y est libre pour l’organisation de solidarités économiques de proximité, l’Économie Sociale y est présente, c’est même là qu’elle est le plus innovante, le plus dynamique. Sans parler de réhabilitation, certains combats de Bernard Lavergne pourraient y trouver comme un parfum de précurseur.

    Philippe KAMINSKI

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    Coronavirus : rien ne sera plus jamais comme avant… Vraiment ?

    Longue vie aux tisserands coopérateurs de Waraniéré !

     

    * Spécialiste de l’économie sociale et solidaire (ESS) en France, le statisticien Philippe Kaminski a notamment présidé l’ADDES et assume aujourd’hui la fonction de représentant en Europe du Réseau de l’Économie Sociale et Solidaire de Côte-d’Ivoire (RIESS). Il tient depuis septembre 2018 une chronique libre et hebdomadaire dans Profession Spectacle, sur les sujets d’actualité de son choix, afin d’ouvrir les lecteurs à une compréhension plus vaste des implications de l’ESS dans la vie quotidienne.

  • Les élites du Pays légal, par Germain Philippe (La technocrature, maladie sénile de la démocratie : 6/8).

    Résumé : En 2017 la technocrature à pris le pouvoir pour sauver la démocratie disqualifiée par son élite politique. Ne pouvant se satisfaire de la dénonciation complotiste de l’ultragauche, ni du référentiel populiste, l’Action française analyse la technocrature comme un phénomène de physique sociale. Utilisant la loi historique « du développement d’oligarchies nouvelles », elle découvre que Bonaparte a crée une nouvelle classe de privilégiés, nommée suivant les époques : Oligarchie ou Nomenklatura ou Pays légal. Cette classe est soudée par l’enrichissement résultant de le maîtrise de l’appareil d’Etat.

    philippe germain.jpgQui compose cette nouvelle classe/nomemklatura créée à partir de 1795  ? En fait Bonaparte prend des gens de tous les milieux, avides de faire « une fortune immense  », dira l’ancien évêque M. de Talleyrand. Ce sont des prêtres jureurs à la constitution civile du clergé, des membres de la vieille noblesse et des jacobins, des margoulins enrichis grâce à l’achat des biens nationaux, des commerçants grassement rétribués par les fournitures aux Armées. Ces «  habiles en finance  » constituent le noyau thermidorien de la nouvelle classe de privilégiés dont le grand l’historien de la Révolution Hyppolyte Taine précise «  Désormais tous les Français jouissent, en théorie, du droit commun  ; par malheur, ce n’est qu’en théorie. En fait, dans la cité, les nouveaux venus s’approprient la place, les prétentions et plus que les privilèges des anciens occupants.  »  Au noyau thermidorien s’agrège légitimement  les éléments les plus performants des «  anciens déshérités de l’histoire  » dont la condition était la plus basse sous l’Ancien-Régime «  les juifs, sorte d’étrangers, à peine tolérés, et les calvinistes, non seulement privés des droits des plus humbles, mais encore, depuis cent ans, persécutés par l’Etat  ». Pour ces habiles, Bonaparte crée immédiatement  la Banque de France et lui accorde le privilège exclusif d’émettre des billets. Pour l’historien Éric Bungener, « autour des régents de la Banque de France sous l’Empire s’est construit le mythe d’une HSP, “haute société protestante”, constituée d’un tout petit nombre de familles, très riches, se mariant entre elles  ». Voilà l’origine du concept des «  200 familles  » inventé par Edouard Daladier au congrès radical de 1934, puis largement repris par la gauche pour justifier l’échec du Front populaire de 1936. Les régents de la BdF symbolisent l’élite financière forgée par Bonaparte et dont nombre de descendants sont aujourd’hui parmi les «  super-riches  » au service desquels agit le Président Macron. Parmi les quatre-vingt-onze milliardaires recensés, on repère aussi les profiteurs de l’après-guerre et quelques rares fortunes nouvelles.

    A l’élite financière, Bonaparte ajoute une élite politique émanant de la nature même de son «  Régime moderne  » (H. Taine) basé sur une société à la fois militarisée et européanisée. La maçonnerie issue de la Grande Armée devient son armature, important dans les loges civiles la tendance laïque et anti-papale des loges militaires. Nombre de maréchaux sont francs-maçons, car Napoléon transforme la maçonnerie en institution quasi officielle et instrument d’influence majeur du pouvoir. La Terreur de Robespierre n’avait pas épargné les maçons mais Bonaparte place les survivants aux principales fonctions de l’Etat, les faisant ducs ou princes, les dotant de sénatoreries d’un bon rapport, leur permettant surtout, par une guerre qui épuise la nation, de poursuivre des malversations. La nomemklatura  comprend des généraux et maréchaux dont explique Taine «  en guise de dédommagement, on tolère  qu’ils pillent, qu’ils lèvent des contributions et s’enrichissent  ». Il ajoute  : «  S’il les a dotés magnifiquement, c’est en domaines découpés dans les pays conquis.  » Cette Europe moderne, révolutionnaire, obtient sur place le ralliement de notables, de hauts fonctionnaires gagnés aux Lumières (Auflarung) et d’entrepreneurs enrichi par l’élargissement des marchés et la protection de la concurrence anglaise. Ces ralliés, explique le professeur Etienne François, se retrouvent «  dans les mêmes loges et les même cercles, où les mariages mixtes sont fréquents…où s’accélère une dynamique d’intégration tacite à la France  ». Decette Europe révolutionnaire, les collaborateurs locaux participant au pillage refluent avec la Grande Armée en 1814 et tous ces Hollandais, Germains et Italiens s’agrègent à la nomenclature française. Ainsi est assurée le vivier d’une élite politique, caractérisée par une très forte stabilité du personnel parlementaire et ministériel comme de la haute administration. Ce personnel de «  politicards  » fut à partir de 1986, la cible du discours «  Tous pourris  » lepéniste, mais la normalisation du nationalisme électoral a transféré cette contestation vers le populisme de la mouvance Gilets Jaunes. 

    Après la chute de Napoléon en 1815, les deux élites financière et politique se sont ralliées à Louis XVIII pour sauver les meubles. Puis elles ont liquidé en 1830 Charles X, devenu dangereux, et en 1848 Louis-Philippe, qui cherchait à s’appuyer sur les notables. Comme Marx l’a expliqué, Napoléon III fit la part belle, très belle à la nouvelle classe. En revanche, pour prospérer au maximum grâce à l’Etat, cette nouvelle classe préfère un Etat faible. Elle va donc trouver son port d’attache avec la IIIe République, lorsque son élite politique prend la totalité du pouvoir en 1879. 

    Quoi de mieux pour la nomenklatura que le système représentatif, dans lequel les citoyens élisent des députés en leur abandonnant le soin de décider de la loi à leur place. Une fois élus, les députés échappent complètement à leurs électeurs, décidant de la loi sans avoir de compte à rendre. Pour conserver le pouvoir, l’élite politique doit donc contrôler l’opinion du pays réel, d’où le besoin d’un quadrillage médiatique de la société. Ainsi apparait la troisième élite, celle du «  parti médiatique  »  selon l’expression d’Antonio Gramsci, reprise par Régis Debray et Marcel Gauchet. A suivre Bernard-Henri Lévy, ses hommes ont pour origine le «  parti intellectuel  » crée à l’occasion de l’Affaire Dreyfus. Ils transforment la presse en outil de propagande avec la guerre de 14-18, abusent de l’usage photographique et inventent la «  peoplisation  » en faveur de Paul Painlevé qui, sous le Cartel des gauches, élabore le «  coup médiatique  ». Le paysage médiatique est profondément bouleversé à la Libération où tous les médias sont considérés coupables de soumission. Comme les biens nationaux de la Révolution, quantité d’immeubles, d’installations et de machines sont alors vendus à bas prix. Les héritiers du  «  parti intellectuel  »  nationalisent le secteur radiophonique et l’agence de presse Havas, qui devient l’Agence France-Presse (AFP). Ils deviennent surpuissants avec l’arrivée de la télévision dans les familles. L’élite médiatique obtient alors facilement le consentement du pays réel au dogme fantasmagorique de la «  souveraineté populaire  », permettant ainsi à l’élite politique de se maintenir au pouvoir. Le pays réel accepte ses chaînes car il est persuadé de choisir librement ses gouvernants en écoutant naïvement les responsables des rédactions, journalistes, présentateurs vedettes, éditorialistes migrateurs allant de chaîne étatique en radio privée, économistes et autres responsables de services politiques, tous sélectionnés sur l’intériorisation du politiquement correct conforme à l’institution démocratique. Aucun complot dans les stratégies mises en place sans concertation préalable, mais conséquence de l’uniformité des conceptions du monde découlant des intérêts de la l’oligarchie. Depuis 2017, l’ultragauche indigéniste de «  La France Insoumise  » s’est appropriée la dénonciation du «  parti médiatique  » — jusqu’alors terrain de la droitiste presse de réinformation –, et de sa petite poignée de milliardaires maîtrisant les médias pour entretenir avec l’Elite politique des relations incestueuses à base de subventions somptuaires et de passe-droits fiscaux.

    L’ analyse maurrassienne de physique sociale amène à presque admettre la conception marxiste de l’Etat émanant des classes dominante. Pour l’Action française, le pays légal est constitué par trois élites — groupes sociaux — en situation dominante dans la société, mais dont la position et même l’existence, sont déterminés par la forme du régime politique. Le pays légal prend pratiquement la forme d’un système oligarchique circulaire ou chaque élite joue un rôle. L’élite politique, par la maitrise du pouvoir législatif favorise l’enrichissement sans risque de l’élite financière au travers des moyens de l’Etat et au détriment de celui-ci. En contrepartie l’élite financière acquiert les grands groupes de presse au profit de l’élite médiatique dont le personnel est idéologiquement sélectionné. L’élite médiatique aliène alors l’électorat du Pays réel en propageant la fantasmagorie de la souveraineté populaire pour permettre à l’élite politique de garder la maîtrise du pouvoir législatif. La  boucle est bouclée. La préservation de ce système circulaire fondé sur l’intérêt financier implique le souci permanent de destruction des moyens de défense organiques du pays réel face au régime représentatif. C’est la clef de la démonstration maurrassienne de la distinction entre le pays légal et le pays réel.

    Pourtant ce système très efficace a été mis à mal en 2017 par l’apparition d’une quatrième élite  ; celle de la technocratie. Pourquoi  ? Qui compose la technocrature  ? Quel est son rôle  ?

  • Abus de pouvoir.

    3834054413.36.jpg"Nous reparlerons de ce sujet demain Mardi. NDLR"

    Source : https://michelviot.wordpress.com/

    Le 11 mai va bientôt arriver. Ce sera en principe la fin du confinement, selon l’annonce qu’a faite le Président de la République. Ne devrait-elle pas coïncider avec la sortie du tunnel dont parlait le Pape François dans son homélie à Sainte Marthe ce vendredi 17 avril dernier lors de sa messe matinale, et dont la Conférence vient de se faire l’écho dans ses propositions au gouvernement ?

    Nous devons jusqu’à cette date vivre une période intermédiaire, extrêmement dangereuse pour le bien des âmes et qui risque de placer l’Eglise dans un grand discrédit. Je veux m’intéresser tout particulièrement au sort des mourants et des personnes qui vivent l’épreuve du deuil.

    Une distinction s’impose en tout premier lieu. Là où les églises sont demeurées ouvertes, les familles endeuillées ont manifesté leur reconnaissance d’avoir été accueillies et ont tout à fait compris la restreinte en nombre d’assistants, parce qu’on leur permettait de se recueillir, d’écouter la Parole de Dieu. Elles pouvaient ainsi dire dignement, au revoir à leurs défunts, dans l’église et en présence d’un prêtre auquel elles avaient pu parler auparavant. Ce fut pour beaucoup une consolation d’autant plus grande qu’on les avait empêchées d’assister leurs proches dans leurs derniers moments, et pire, dans certains cas, on n’avait pas accédé à leur demande de prêtres pour les derniers sacrements. L’administration hospitalière ou le médecin s’étaient en effet opposés à l’entrée du ministre sacré dans l’établissement.

    Les responsables des diocèses qui ont fermé toutes leurs églises,  y compris pour les services funèbres, doivent savoir que leur décision a été très mal vécue par les fidèles et de nombreux prêtres et qu’il règne là un grand mécontentement, mêlé à une amère déception.

    C’est pourquoi, je me demande, si pour l’immédiat, il ne serait pas urgent de faire savoir au grand public, susceptible d’avoir recours à l’Eglise pour des obsèques, que, là où c’est le cas, des églises sont ouvertes et prêtes à accueillir ceux qui demandent des services funèbres religieux. Il faudrait avoir recours aux médias laïcs, en invoquant le droit à l’information utile à la santé publique. Ne pas pouvoir faire son deuil est dangereux, tant pour l’ordre public que sur le plan sanitaire. La communauté civile risque de le payer cher par l’augmentation des états dépressifs des citoyens et l’établissement de cellules psychologiques. Compte tenu de la diversité des pratiques sur le territoire français au sein de la seule Église catholique, gens ne savent plus ce qu’ils doivent faire.. La police nationale non plus, j’en ai eu la preuve plusieurs fois. Et tout récemment son intervention intempestive, autant que maladroite pour interrompre une messe à Saint André de l’Europe, à Paris, montre bien la méconnaissance de la loi de 1905 et des règlements en vigueur décidés par le gouvernement et acceptés à juste titre, je le redis par nos évêques. Dans cette église, ce dimanche 19 avril, il n’y avait que le prêtre célébrant, un servant, un chantre, un organiste et trois paroissiens ! La messe étant diffusée sur les réseaux sociaux. Notre Archevêque a protesté, tout comme le curé de la paroisse. Il n’y a pas eu de sanctions, mais tout de même…!

    Pour le 11 mai, et pour mettre fin (avec prudence) à la situation actuelle, un passage de l’homélie de Notre Saint Père François de ce 17 avril dernier à Sainte Marthe m’a beaucoup touché, et j’y reviens. Il concernait la familiarité des chrétiens avec leur Seigneur. « Une familiarité sans communauté, une familiarité sans le Pain, une familiarité sans Église – disons le gnostique – une familiarité seulement pour moi , détache du peuple de Dieu ». Puis plus loin, à propos des retransmissions par les ondes « Attention à ne pas virtualiser l’Eglise, à ne pas virtualiser les sacrements. Le peuple de Dieu est concret. C’est vrai qu’en ce moment nous devons user de cette familiarité avec le Seigneur de cette façon, mais pour sortir du tunnel, pas pour y rester. ».  Je trouverais judicieux de faire connaître à nos fidèles et aux autorités politiques ce texte papal. Car, en fin de compte, vous savez que c’est le Saint Siège qui est le vis à vis naturel du gouvernement de la République française.

    Cette pensée aurait elle inspirée notre président de la République, quand il s’est mis en scène télévisuelle pour un début de conversation téléphonique avec le Pape François ? J’avoue que j’ai peine à y croire, car l’Elysée faisait ensuite savoir qu’il y avait identité de vues entre le Saint Siège et le Président (seulement en politique étrangère), que dans la foulée, le même Président s’entretenait en conférence à distance avec les représentants des religions en France pour s’entretenir de la reprise des cérémonies religieuses publiques.

    Le fait qu’il faille sortir du tunnel pour la distribution des sacrements constitue donc pour tout catholique, une obligation non négociable. Les modalités le sont, tant sur le plan sanitaire que pour l’ordre public. L’évêque est maître dans son diocèse, vous le savez bien. Et pour ce qui concerne le national, c’est l’instance de Matignon, co-présidée par le Premier Ministre et le Nonce Apostolique (où siègent entre autres, le président de la CEF, et l’Archevêque de Paris) qui doit trancher s’il y a problème.

    Beaucoup d’éléments montraient qu’il ne devait y en avoir. Aussi la Conférence des évêques de France a-t’elle proposé au gouvernement un plan de sortie de déconfinement progressif qui peut commencer le 11 mai ou au plus tard le dimanche 17 mai. Cette proposition, tant dans son fond que dans sa forme répond aux besoins religieux catholiques, sans menacer la sécurité sanitaire des français. Le Premier Ministre va y réfléchir, soit ! Mais du côté de l’Elysée, on fait courir le bruit, selon une méthode bien connue que le Président n’accepterait de rendre la liberté de culte aux français catholiques qu’à la mi-juin.

    Personnellement je crois que c’est un abus de pouvoir qui doit rendre fort suspect aux yeux des catholiques l’homme qui envisage une pareille décision ! Le spot télévisé avec le Saint Père au téléphone n’aurait-il été qu’une bande annonce ? Un ou des experts sanitaires auraient-ils conseillé le Chef de l’Etat, dans ce sens, les mêmes qui n’ont pas su prévoir la pandémie et qui la gèrent de la façon qu’on sait ? Et l’on pourrait se poser d’autres questions…

    Surtout si on réfléchit bien à ce que représente l’Eglise catholique pour l’actuel Chef de l’Etat.

    Un exemple l’exprimera mieux que tous les discours. Dans un récent discours commémorant le premier anniversaire de l’incendie de Notre Dame le président disait «  Si la restauration de Notre Dame nous importe à tous, c’est sans doute aussi parce qu’elle est le symbole de la résilience de notre peuple, de sa capacité à surmonter les épreuves, et à se relever »

    Quand j’ai entendu cela, j’ai regretté qu’Arletty ne soit plus parmi nous. Copiant Henri Janson je lui aurais écrit un texte qu’elle aurait très certainement dit pour parler au nom de la cathédrale et s’adresser au président Macron.

    « C’est la première fois qu’on me traite de résilience ! Si je suis une résilience, t’es un drôle de bled! Les types qui sortent du milieu sans en être et qui crânent à cause de ce qu’ils ont été, on devrait les vider! Résilience ! Résilience ! Est-ce que j’ai une gueule de résilience ? ». Dans le film Hôtel du Nord, Arletty lançait cette réplique avec à la place de résilience, le mot atmosphère dont Louis Jouvet, qui jouait le rôle de son souteneur l’avait qualifiée. Et Arletty n’avait pas plus une gueule d’athmosphère que Notre Dame de Paris, pardon chère cathédrale, n’a une gueule de résilience. Le président sait bien, lui qui prend tant de soins à choisir ses mots, souvent avec astuce, ce que signifie résilience appliquée à la psychologie : « aptitude d’un individu à se construire et à vivre de manière satisfaisante en dépit de circonstances traumatiques » (Larousse). Il s’agit d’une disposition innée, n’engageant pas la volonté pour son acquisition : l’homme est apte à courir, à manger, à voter… Parler de Notre Dame comme d’une résilience, c’est considérer cette cathédrale comme une aptitude des français à se relever… indépendamment de leur volonté . Rappelons cette phrase de Saint Augustin qui a connu l’incendie de l’empire romain «  Dieu qui t’a créé sans toi ne te sauvera pas sans toi . »

    Alors il faut avoir le courage d’aller jusqu’au bout du raisonnement sur l’infini respect de Dieu pour notre liberté. Si nous ne choisissons pas de ployer le genou devant Lui, il ploiera le sien devant notre bon vouloir, ou plutôt notre veulerie face au pouvoir politique. Et qu’on se le dise, il n’y a nulle résilience en enfer. Le conseil national de la résilience qui en serait l’anti chambre et et au sein duquel on s’imagine pouvoir faire assoir les représentants de l’Eglise catholique à côté des chefs des Obédiences maçonniques est une sinistre farce.

    C’est pourquoi, si le Pouvoir persévérait dans une telle mauvaise volonté, il me semble que la Conférence des évêques de France, s’appuyant sur la doctrine traditionnelle de l’Eglise, serait en droit de dire au gouvernement qu’elle maintient ce qu’elle a proposé et que chaque évêque, dans son diocèse décidera ce qu’il y a lieu de faire. Et que c’est à lui, et à lui seul, qu’en matière de célébrations liturgiques chaque prêtre obéira.

    Par ailleurs, je crois qu’il ne serait pas inutile pour les responsables catholiques de consulter une ou des sommités médicales afin d’obtenir des recommandations pertinentes, et scientifiquement inattaquables sur la dangerosité du virus dans le cas de réunion d’une assemblée, forcément réduite pour respecter les espaces entre les personnes, et celles ci pourraient aussi se prononcer sur la question du dépôt de l’hostie sur la langue (et non pas dans la bouche) ou sur la main.

    Je crois que le clergé est prêt à célébrer plusieurs messes par dimanche, ou week-end, de même qu’en semaine, d’inégales longueur, et de consacrer le temps qu’il faudra à entendre en confession, et ce, dès le 11 mai. Pour ce dernier point, aussi , les conditions sanitaires entreront en jeu. Nos anciens confessionnaux offrent toutes les garanties d’aménagement, mais il y a d’autres possibilités.

    À partir de là, je crois qu’il ne serait peut-être pas mauvais de rappeler les leçons de l’histoire. Après chaque grande épidémie, il y a toujours eu de la vengeance dans l’air et une grande soif de justice. Qui des deux l’emportera ?. La voix de l’Eglise incite à la paix , à la justice, mais aussi à la vérité. Et les français ont,  et auront , de plus en plus besoin de justice et de vérité! L’Etat n’est pas en position de refuser de l’aide pour la tranquillité publique. Il  devrait faciliter l’expression publique de paroles de paix et d’espérance, dont celles de l’Eglise catholique. En s’y refusant, ou en les retardant, il prendrait alors le risque de laisser s’installer le fantasme à défaut des vérités rationnelles. Jadis, après les grandes épidémies, on brûlait des juifs ou des sorciers . Aujourd’hui qui brûlera-t’on ?

  • “La France, l’Italie et l’Espagne ne pourront pas surmonter la crise en restant dans l’euro”.

    Source : https://www.causeur.fr/

    Entretien avec l'économiste Jacques Sapir par David Desgouilles

    Recourir au protectionnisme économique revient à la mode à la faveur de la crise sanitaire. Y compris dans la bouche du président Emmanuel Macron! Mais la volonté de mettre en place une planification stratégique imposera que la France se dégage du carcan européen. L’économiste Jacques Sapir répond aux questions de David Desgouilles.

    David Desgouilles. Avant d’évoquer la situation économique provoquée par le confinement, je souhaitais que vous puissiez tordre le coup à une légende urbaine répandue dans les médias. Lorsqu’on évoque les fameux 56.5 ou 57% de dépenses publiques par rapport au PIB, cela signifie-t-il qu’il ne reste que 43 ou 43.5% pour le secteur privé comme on peut le lire ?

    Jacques Sapir. Bien sûr que non. Tout d’abord, une grande partie de l’argent prélevé par l’État revient vers le secteur privé. Les impôts sont globalement un mécanisme de transfert. C’est pourquoi la distinction entre secteur public et secteur privé peut être trompeuse, car les dépenses des uns sont les revenus des autres. Ainsi, vous êtes commerçant, vous payez des impôts ; avec ces impôts, l’État paye par exemple des fonctionnaires ; ces fonctionnaires dépensent cet argent et sont vos clients. La boucle est bouclée. Même quand les impôts sont utilisés pour payer les intérêts de la dette, il s’agit en fait d’un transfert (sauf quand cette dette est détenue par des non-résidents). Car, l’assurance-vie, l’un des produits d’épargne préférés des Français, contient beaucoup de bons du Trésor. Les intérêts finissent aussi par alimenter la consommation, donc le secteur privé. Ce que l’État prélève, il le rend que ce soit directement (les consommations des administrations publiques), ou que ce soit indirectement, via les salaires des fonctionnaires, qui donnent à leur tour lieu à des consommations.

    La pandémie actuelle est un choc considérable, qui n’est effectivement comparable qu’à la crise de 1929

    Plus globalement, il convient de distinguer les recettes de l’État (impôts directs et indirects, taxes diverses) qui représentent non pas 56% mais environ 42,5% du PIB et les cotisations sociales. Ces cotisations, ou prélèvements sociaux, qui représentent effectivement autour de 13,5% du PIB, sont payées par les salariés et les employeurs qui cogèrent les caisses. Si ces cotisations peuvent dans certains cas transiter par l’État, ce dernier n’est ici qu’un intermédiaire ; il n’est pas « propriétaire » de cet argent et il n’est pas le « payeur ». Il joue le rôle d’une « banque » quand vous payez une consommation par un chèque bancaire. Si l’État verse de l’argent à ces caisses, c’est parce qu’il a unilatéralement décidé d’exempter certaines catégories de ces cotisations (essentiellement les employeurs d’ailleurs). Il est alors tenu par la loi de compenser le manque de recettes. C’est ainsi le cas du Crédit d’Impôt appelé CICE qui a été consolidé l’an dernier en une exonération générale de cotisations pour les employeurs. Il est d’ailleurs curieux de voir que les mêmes qui se plaignent du montant des impôts ne disent rien au sujet des subventions que l’État leur fait, via les dégrèvements fiscaux ou les exonérations de cotisations sociales, et qui sont considérables. Globalement, le système de cotisations et de prestations sociales constitue ce que l’on appelle un « stabilisateur automatique » qui permet, en temps de crise, de maintenir la consommation et donc l’activité économique, comme on peut le constater aujourd’hui.

    Venons-en maintenant à la situation actuelle. Le ministère de l’Économie annonce une récession de 9% pour 2020. Bruno Le Maire fait référence à la grande crise de 1929 ! À quelle gravité évaluez-vous les conséquences du confinement qui va donc durer deux mois au minimum, voire bien davantage pour tout un pan de notre économie (restauration, hôtellerie, culture, sport professionnel etc.) ?

    Il est évident que les conséquences du confinement, et plus généralement de l’épidémie, seront encore plus graves que ce qu’indiquent Bruno le Maire et Gérald Darmanin. Et cela d’autant plus que la fin du confinement, annoncée pour le 11 mai par le président de la République, ne signifiera pas un retour immédiat à la normale. L’économie va fonctionner pendant entre six semaines et six mois de manière réduite par manque d’approvisionnements mais aussi par manque de débouchés. Il faut donc s’attendre à ce que le PIB baisse d’au-moins 10% en 2020, voire plus. La Banque d’Angleterre, qui fait des calculs plus réalistes, estime même que le PIB du Royaume-Uni devrait baisser de 12% à 13%. C’est un choc considérable, qui n’est effectivement comparable qu’à la crise de 1929. Il va falloir soutenir l’ensemble de l’économie par des subventions directes et indirectes aux entreprises mais aussi aux ménages. 

    Des secteurs sont complètement à l’arrêt comme la restauration ou le tourisme, et d’autres fonctionnent de manière réduite. Une partie de l’industrie est à l’arrêt et une autre ne fonctionne que de manière réduite.

    La phrase fameuse attribuée à Jacques Chirac “les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent” ne peut manquer de résonner à nos oreilles ! Pourtant, on peut penser que les réalités d’après l’épidémie vont s’imposer à Emmanuel Macron

    Nous avons actuellement 8,8 millions de salariés qui sont au chômage partiel, soit 44% de la main d’œuvre du secteur privé. Le coût budgétaire de ces prestations sociales sera très élevé, alors que la chute du PIB va entraîner une chute importante des recettes fiscales. Dans mon centre de recherches, le CEMI, nous avons estimé le besoin de financement de l’État, c’est-à-dire le déficit budgétaire, à plus de 300 milliards d’euros, soit approximativement 13,5% du PIB.

    On a pu observer à l’occasion que les tensions entre Europe du Nord et Europe du Sud ont été exacerbées par cette crise. Estimez-vous que les initiatives de la Banque centrale européenne et la mise au rencart du pacte de stabilité suffiront à pérenniser la zone euro ? 

    La commission européenne a décidé de suspendre le pacte de stabilité et la BCE a mis sur pied le PEPP, ou Pandemic Emergency Purchasing Program. Il convient de saluer ces décisions, mais aussi de reconnaître qu’elles sont très insuffisantes. La somme des déficits pour les États de la zone euro devrait représenter à la fin de l’année entre 1150 et 1300 milliards d’euros, alors que les mécanismes regroupés dans le Mécanisme Européen de Stabilité ne couvrent que 550 milliards d’euros. Par ailleurs, il faut s’attendre à un déficit à l’échelle de la zone euro d’environ 450 à 500 milliards pour l’année 2021 du fait de la crise engendrée par le Covid-19. Les États auront donc besoin de 1600 à 1850 milliards, et cela sans même évoquer les garanties de dettes accordées au secteur privé et le refinancement de ce dernier au travers du programme LTRO de la BCE. Les besoins de financement des États ne sont donc pas compatibles avec ce qu’ont prévu les institutions européennes.

    Le problème du financement se pose de manière particulièrement grave pour l’Italie, l’Espagne, mais aussi pour la France. Le Mécanisme Européen de Stabilité est inadéquat pour traiter cela. Il impose de fait une conditionnalité qui n’a plus lieu d’être dans les circonstances actuelles. Il faut alors se demander comment nous aurions fait si la BCE n’existait pas. Eh bien, tout simplement, comme va le faire la Banque d’Angleterre, la Banque centrale aurait prêté directement aux États ! C’est la fameuse « monnaie magique », qui existe en réalité, n’en déplaise à Emmanuel Macron, même si le volume et la durée de son emploi peut poser des problèmes d’inflation. On comprend alors que l’euro va pénaliser trois fois les pays du sud de l’Europe. Une première fois parce que l’on ne peut pas procéder à une péréquation des dettes, l’Allemagne et les Pays-Bas ayant refusé les fameux « coronabonds ». Une deuxième fois, parce que l’euro nous empêche de recourir au financement monétaire, qui serait pourtant la manière la plus logique et la plus simple de faire face à cette crise. Une troisième fois, enfin, parce que l’euro – et cela a été démontré par les différents rapports (External Sector Reports) du FMI – aboutit à sous-évaluer la monnaie de l’Allemagne et à surévaluer celle de l’Italie, de la France et de l’Espagne. La différence entre les deux mouvements, de 25% à 43% en faveur de l’Allemagne, explique à la fois l’insolente santé de ce pays mais aussi pourquoi la France, l’Italie et l’Espagne qui avaient déjà tant de difficultés avant cette crise ne pourront pas la surmonter en restant dans l’euro.

    Emmanuel Macron évoque « le jour d’après ». Il dit vouloir « se réinventer », lui « le premier ». On évoque ici et là son « Chemin de Damas » économique, social et européen. On ne voyait plus que le drapeau bleu-blanc-rouge derrière lui lundi dernier lors de son allocution, sachant qu’on imagine très mal que ce cadrage soit dû au hasard… Croyez-vous à sa sincérité et à un véritable virage de la politique du président de la République ?

    Par principe je ne crois pas en la sincérité d’un homme politique ; je crois en ses actes. Alors, il est vrai qu’Emmanuel Macron a eu des paroles fortes dans sa dernière allocution. Quand le président dit : « notre monde sans doute se fragmentera », quand il parle de « rebâtir une indépendance agricole, sanitaire, industrielle et technologique française », on croirait entendre le Général de Gaulle mais aussi les hommes politiques de la IVème République, en particulier Pierre Mendès France. Quand le président rappelle les mots de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, « les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune » (Art. 1 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen NDLR) il mobilise des symboles de notre histoire qui sont très forts. Ce n’est certes pas un hasard. Enfin, quand il dit à la fin de son discours : « Il nous faudra bâtir une stratégie où nous retrouverons le temps long, la possibilité de planifier », on croirait entendre du Jean-Luc Mélenchon dans le texte.

    Certes, la phrase fameuse attribuée à Jacques Chirac “les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent”, ne peut manquer de résonner à nos oreilles ! Pourtant, on peut penser que les réalités de l’économie mondiale d’après l’épidémie vont s’imposer à Emmanuel Macron. Les chaines de productions internationalisées sont trop fragiles en cas de perturbation majeure, et cela est reconnu maintenant par de nombreux économistes. Il faudra donc nécessairement relocaliser. La pénurie de masques, de tests, de médicaments et de respirateurs que nous connaissons montre aussi que l’on ne peut plus dépendre exclusivement des importations. Il faudra nécessairement rebâtir un outil de production national, réindustrialiser la France. Et, cela ne sera pas possible sans un minimum de protectionnisme. Seulement, pour faire tout cela, il faudra donc s’émanciper de nombreuses règles et directives de l’UE, retrouver notre souveraineté monétaire c’est-à-dire sortir de la zone euro, et, effectivement, mettre en œuvre une forme de planification stratégique.

    Seulement, pour cela, il faudrait à Emmanuel Macron mettre ses bottes dans les pas de l’opposition la plus radicale, de Mélenchon à Marine le Pen, ce qui est très peu vraisemblable. Mais, à tout le moins, il a d’une certaine façon légitimé dans son discours les propos de ses opposants les plus radicaux et rien que cela doit être remarqué. Dans le futur, il ne pourra plus chercher à déconsidérer ses opposants au prétexte que leurs propositions économiques seraient incohérentes. Alors, oui, avec ce discours, il a aussi suscité des espoirs immenses, et pas seulement par l’annonce d’une date de déconfinement. Naturellement, il sera jugé sur ses actes.

  • La pesanteur ou la grâce, par Hilaire de Crémiers.

    Illustration : L’État jacobin se défausse sur les responsables locaux.

    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

    Serait-il possible de rebondir après la crise ? Le gouvernement se l’imagine, mais le passé devrait lui servir de leçon.

    « L’après » ne sera plus comme « l’avant ». C’est le leitmotiv, « l’élément de langage » que nous répètent à satiété ceux qui tiennent en main les destinées de la République.

    hilaire de crémiers.jpgCette formule par sa généralité devrait, en principe, concerner les futurs aménagements politiques de la nation. Macron semblait bien le supposer dans son discours du 13 avril qui se voulait stimulant, comme celui d’un chef d’armée : il visait « l’après » en annonçant souverainement la date du 11 mai et en décidant de la reprise de l’activité en France dans l’attente espérée « des jours heureux », allusion non équivoque au Conseil national de la Résistance. Cependant la clef d’un avenir meilleur se trouverait, si nous le comprenons bien, dans des changements salutaires qu’il faudrait savoir opérer, une révolution dans nos modes de pensée, dans nos manières d’agir. « Sachons sortir des sentiers battus, des idéologies et nous renouveler, moi le premier. » Il aspirait même alors de façon explicite à une union nationale que les temps difficiles rendaient plus nécessaire que jamais. « Dans les prochaines semaines, avec toutes les composantes de la nation, je tâcherai de dessiner ce chemin. » L’été passera qu’il est plus que probable que rien de ce superbe projet d’unité nationale pour vaincre l’adversité ne pourra même éclore.

    La pesanteur macronienne

    Pour une raison simple : c’est que Macron, en parlant ainsi, oublie qu’il n’est jamais qu’un petit chef comme les autres, élu d’ailleurs pas surprise, parvenu au pouvoir à la tête d’un clan par un coup combiné de ruses politiques et de pressions médiatiques ; il feint d’oublier, encore qu’il y pense constamment, que dans deux ans à peine il devra se resoumettre à l’épreuve électorale dans un contexte de défiance généralisée et de luttes intestines aggravées.

    D’où il résulte qu’il n’a pas en lui-même, malgré sa prétention, une légitimité suffisante pour invoquer, comme jadis un Henri IV, un esprit d’union nationale. Pas plus que ses prédécesseurs qui étaient tous entachés du même vice originel. Il joue au monarque, et mal, s’imaginant que la décision solitaire est le sceau de son statut, y ajoutant des airs inspirés, alors qu’il n’est jamais constitutivement, comme il a déjà été écrit dans ces colonnes, qu’un faux roi, au mieux un substitut de roi, ce qu’a été chez nous, constitutionnellement, historiquement, le président de la République. De Gaulle, Mitterrand, Chirac même le savaient pertinemment. Il arrive à Macron d’en avoir quelque lueur.

    Contrairement à ce qu’on fait croire au Français moyen, la France n’est pas en monarchie, pas même en monarchie républicaine ; elle est soumise à un pouvoir à la fois monocratique (tyrannique, chez les Grecs), oligarchique et démagogique, trois caractéristiques des systèmes politiques viciés que décrit magistralement Aristote.

    Le renforcement de la présidence doublé de l’abrègement du mandat n’a fait qu’imprimer davantage dans les institutions ce caractère de déviance essentielle. Le pouvoir devient un lieu de dévoiement et de transgression où l’usage de la puissance sert à couvrir la faiblesse originelle du principe même de légalité et de légitimité : l’autorité souveraine conquise par aventure en usant de la machinerie électorale. Aucun jeu de majesté, aucun autoritarisme de compensation ne peut pallier cette débilité fondamentale.

    Et Macron peut d’autant moins revendiquer une légitimité historique nationale faite de continuité et d’unité qu’il a contribué plus qu’aucun autre à la ruiner par son mépris constant de la France, des Français, en récusant au surplus et systématiquement, en tout domaine, toute solution proprement française qu’il considérait toujours comme inadéquate. L’aventurier de passage qu’il est n’a jamais manifesté d’intérêt que pour l’aventure européiste dans des perspectives mondialistes. Dans combien de discours n’a-t-il pas affirmé ou sous-entendu qu’il était prêt à sacrifier la souveraineté française pour une chimère de souveraineté européenne, ou même mondiale ? Alors que la France fait aujourd’hui le constat accablant du résultat des politiques menées depuis des décennies par une République française que des générations de dirigeants, avant Macron et déjà tout comme lui, ont privée de ses capacités industrielles, techniques, économiques, financières, monétaires et, surtout, essentiellement politiques, par des séries indéfinies de lâches abandons, tout en alourdissant constamment l’État et tout l’appareil de la puissance publique pour des motifs idéologiques et partisans, au point de les rendre ingérables. Impéritie structurelle, bureaucratie technocratique, tel est le double effet mécanique, absurde et criminel, des mesures accumulées par toute la série des politiciens qui se sont succédé à la tête de l’État avec leurs partis depuis cinquante ans !

    Tous les esprits avisés le disent aujourd’hui : un État prépotent, impotent, pesant effroyablement sur la nation et pourtant dénationalisé, tentaculaire par ses lois et ses règlements, totalitaire dans son esprit, aussi tatillon qu’inefficace. Et rien ne sert de vilipender, comme il est devenu de mode de le faire depuis quelque temps, la technostructure qui serait responsable en tant que telle de ce désastre, ni de gémir sur les carences d’une administration jacobine en cherchant des causes dans ce qui ne constitue jamais que des effets, pour éviter de dénoncer le mal en son principe essentiel. Et ce mal n’est pas le « mal français », comme l’écrivait naguère Alain Peyrefitte, pour imputer à l’esprit français les tares du régime inepte dont crève la France, c’est le mal républicain, précisément républicain. La République, elle et elle seule, avec son fonctionnement aux mécaniques implacables est la cause directe et proportionnée du malheur français. Aujourd’hui comme hier. En 1940, ce fut le temps d’une défaite, la plus grande de notre histoire nationale, une certitude aveuglante qu’on s’est empressé par la suite de nier. Qui a dirigé la France entre 1919 et 1939 ? Et maintenant ? N’est-ce pas aussi clair ? Pour tout esprit cohérent, il y a là matière à tirer des conclusions ! Eh bien non ! Il est plus que probable que Macron, comme ses prédécesseurs, ne changera pas. La pesanteur républicaine qui nous écrase, l’écrase également, il ne peut s’en dégager. Sauf grâce spéciale ! Il faudrait qu’il comprenne avec l’esprit et le cœur, en réalité qu’il accepte en lui-même de comprendre ce que sa formation, sa manière même de concevoir la vie et le pouvoir, l’empêchent absolument de comprendre. Bref, il lui faudrait une conversion. « Brûler ce qu’il a adoré et adorer ce qu’il a brûlé », comme jadis Clovis.

    « L’obéissance à un homme dont l’autorité n’est pas illuminée de légitimité, c’est un cauchemar », a écrit Simone Weil, la philosophe si profonde, revenue de toutes les erreurs modernes par expérience personnelle, et jusqu’au tragique, et qui, à la fin de sa vie, détestait le régime des partis qui avait perdu la France de l’entre-deux guerres et vicié toute représentation de la nation, ainsi qu’elle l’exprime vigoureusement dans sa Note sur la suppression générale des partis politiques. Sa quête perpétuelle et courageuse de vérité jusqu’au sacrifice total la détournait peu à peu des chimères progressistes et de toutes les faussetés socialo-révolutionnaires, et la poussait sans cesse en avant vers la claire évidence de la légitimité religieuse qui ne peut être pour elle, en même temps, que politique, sociale, christique. « La légitimité, c’est la continuité dans le temps, la permanence, un invariant. Elle donne comme finalité à la vie sociale quelque chose qui existe et qui est conçu comme ayant toujours été et devant être toujours. Elle oblige les hommes à vouloir exactement ce qui est. »

    Le mépris de la grâce

    Ou bien la formule de « l’après » qui ne doit plus être comme « l’avant » se réduira-t-elle aux multiples mesures que le Premier ministre doit mettre en œuvre, en tous secteurs, l’État s’occupant de tout, plus ou moins cohérentes, souvent contradictoires, présentées différemment par les deux têtes de l’Exécutif, le président censé fixer les grandes lignes mais ne pouvant s’empêcher de déborder sur le détail, le Premier ministre lancé dans des énumérations indéfinies mais ne pouvant s’empêcher de donner quelque sens à un ensemble touffu et disparate. L’Elysée ou Matignon ? Problème récurrent de la Ve République quinquennatisée !

    Ce qui fait qu’à cette heure « l’après » ressemble étrangement à « l’avant ». Et ce qui est prévisible, c’est que de plus en plus avec le déconfinement tout sera sujet à discussion, de la rentrée des classes à la reprise du travail et des transports. L’État, de plus, par la voix du Premier ministre, a fait savoir que la religion, les cultes comme on dit, était le dernier de ses soucis, méprisant en fait très spécifiquement les catholiques, ne considérant leur vie spirituelle et sacramentelle pas plus qu’une activité ludique. Des évêques, des prêtres, des laïcs ont protesté avec la plus juste des indignations. Nos gens de pouvoir qui nient la grâce, créent des abîmes de pesanteur. Savent-ils le prix qu’ils en paieront ? Il n’est pas bon de bafouer le Seigneur de la gloire !

    Au lieu d’infantiliser les Français, il apparaît de plus en plus que la meilleure façon de régler les problèmes est, dans un cadre général fixé par l’État, de laisser l’initiative aux élus et aux responsables administratifs locaux, les préfets en particulier. Ne serait-il pas sage de remettre enfin les Français dans la vie réelle, dans l’exercice de leurs responsabilités et de leurs libertés ? Ils ont montré partout dans la pénurie leur débrouillardise et leur sens civique, ce qui est, pour le moment, le salut concret de la France. Rendons aux Français la pratique et le goût de leurs libertés, y compris religieuse. Le comte de Paris s’est exprimé sur le sujet fermement, avec toute l’autorité d’un prince soucieux du bien commun.

    Les dispositions prises par les autorités de l’État en raison d’un mensonge originel ont causé des effets catastrophiques. On sait dès maintenant que la crise économique qui va frapper la France sera pire que celle que subiront la plupart des autres pays d’Europe. Les chiffres sont là, plus dramatiques que ce qui était prévu ; ils s’aggraveront encore, entraînant des conséquences que personne n’ose supputer : faillites, chômage de masse, endettement massif de l’État qui ne pourra subvenir à tout, casse sociale et appauvrissement généralisé des familles, épargne spoliée, manque d’approvisionnement, même famine pour certains et qui commence déjà. Edouard Philippe qui n’est pas complètement idiot, a parlé d’effondrement économique. Il faudra y ajouter la révolte sociale et l’éclatement des banlieues. L’Europe n’y pourra rien, même avec ses milliers de milliards annoncés qui ne feront qu’ajouter des problèmes à d’autres problèmes, avec au bout l’explosion de la zone euro quasi inéluctable. Un « après » qui ne sera jamais qu’une conséquence de plus de « l’avant ».

    L’avenir français ne présente, à cette heure, aucune perspective heureuse. La mécanique républicaine avec toute sa pesanteur habitudinaire aura épuisé le pays, selon la pente naturelle de ce régime inaméliorable. « Tous les mouvements naturels de l’homme sont régis par des lois analogues à celles de la pesanteur matérielle. La grâce seule fait exception », écrivait avec justesse Simone Weil, et sa réflexion portait sur le tout de la vie, y compris sociale. L’heure est au choix. La lourde machinerie d’habitudes invétérées ou l’appel à un salut libérateur ? La pesanteur ou la grâce ?

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  • Trouvères et troubadours, par Frederic Poretti-Winkler.

    2737274333.76.jpgLa femme alors était sublimé dans les rapports comme dans les approches et parfois jusqu’à l’excès. C’est alors un véritable « culte » de celle-ci dans un respect profond. Thibaut IV de Champagne écrira des vers inoubliables déposés aux pieds de la reine Blanche de Castille : « Dame quand je fus devant vous. La première fois que je vous vis. Mon cœur allait si bondissant. Qu’il vous resta quand je m’en fus. Alors il fut mené sans rançon. Captif dans la douce prison. Dont les piliers sont de désir. Les portes de belle vision. Et les anneaux de bon espoir. » Plus tard Joinville, champenois, écrira en prose, accompagnant Louis IX (Saint Louis) en croisade en 1248. Vaucouleurs obtint sa charte de franchise lors de son passage, il était alors sénéchal de Champagne.

    frédéric winkler.jpg« Cette charte existe encore aux Archives nationales et porte au revers, de la main du chevalier : « Ce fut fait par moy » » (Georges et Régine Pernoud, Le tour de France médiévale, L'histoire buissonnière).
    Les trouvères et troubadours furent de toutes les couches de la société du plus grand au plus humble, écoutons Adam de la Halle :
    « Or verrai a vostre don. Se courtoisie i est fine. Je vous aim sans traïson…
    De biauté sans mesprison. Plus fort cuers s’i enrachine ».
    A votre don je verrai. Si la courtoisie y est fine. Je vous aime sans traîtrise…
    De beauté sans méprise. Plus fort un cœur s’y enracine.
    Ou ce chevalier champenois Gace Brulé :
    « De bien amer amors grant sen me baille, Si me trahit s’a ma dame n’agree. La voluntez pri Deu que ne me faille, Car mout m’est bon quant ou cuer m’est entree; Tuit mi panser sunt en li, ou que j’aille, »
    De bien aimer Amour me donne grand goût, Et il me trahit si je ne plais à ma dame.
    Je prie Dieu que sa volonté ne me fasse défaut, Car cela m’a fait du bien quand elle est entrée dans mon cœur. Toutes mes pensées vont à elle, où que j’aille…
    « En baisant, mon cuer me toli. Ma dolce dame gente ; Trop fu fols quant il me guerpi. Por li qui me tormente.
    En me donnant un baiser ma douce et gente dame me vola mon cœur. Je ne fus que trop fou quant il me laissa pour celle qui me tourmente… Disait Gui de Pontiaux. Une légende, le « Roman du châtelain de Coucy » (XIIIème s.) que je cite, afin de montrer l’époque et le tableau des mœurs vécues, est celle du châtelain Gui de Coucy, mort lors de la IVème croisade sous les murs de Saint Jean D’Acre, en 1191. Celui-ci avait laissé comme mission à son écuyer d’apporter son cœur à la dame qu’il honorait : la châtelaine Gabrielle de Vergy, sans doute en réalité la Dame de Fayel (ou Faël). Le mari de la dame, prévenu, fit préparer ce cœur lors d’un repas, qui fut mangé avant d’en révéler la vérité. La dame refusa après de se nourrir et mourut…

    Tant ai en li ferm assis mon corage. Qu'ailleurs ne pens, et Diex m'en lait joïr !
    C'onques Tristanz, qui but le beverage, Pluz loiaument n'ama sanz repentir ;
    Quar g'i met tout, cuer et cors et desir, Force et pooir, ne sai se faiz folage ;
    Encor me dout qu'en trestout mon eage. Ne puisse assez li et s'amour servir.
    Je ne di pas que je face folage, Nis se pour li me devoie morir,
    Qu'el mont ne truis tant bele ne si sage, Ne nule rienz n'est tant a mon desir;
    Mout aim mes ieuz qui me firent choisir; Lors que la vi, li laissai en hostage
    Mon cuer, qui puiz i a fait lonc estage, Ne ja nul jour ne l'en quier departir.

    Mon coeur lui est profondément attaché.
    Je ne pense à nulle autre. Dieu ! Être un jour avec elle !
    Jamais Tristan, lui qui but le philtre, n'a aimé sans réserve d'un amour plus loyal.
    Je m'y donne tout entier, cœur, corps, désir, force et pouvoir. J'ignore si c'est folie,
    pourtant que je doute encore que ma vie soit assez longue. Pour la servir et pour l'aimer.
    Ma conduite, je l'affirme, n'a rien d'insensé, même si son amour me mène à la mort,
    car je ne trouve au monde ni plus belle ni plus sage. et personne autant qu'elle ne comble mon désir ; J'aime mes yeux qui surent la remarquer. Au moment où je l'ai vue, je lui ai laissé mon cœur en otage; depuis il ne l'a pas quittée, jamais je ne chercherai à le reprendre…

    D’autres chevaliers malheureux se retrouvèrent dans cette légende, écoutons Colin Muset :
    Li chastelains de Couci ama tant. Qu'ainz por amor nus n'en ot dolor graindre;
    Por ce ferai ma conplainte en son chant, Que ne cuit pas que la moie soit maindre.
    La mort mi fet regreter et conplaindre. Vostre cler vis, bele, et vostre cors gent;
    Morte vos ont frere et mere et parent. Par un tres fol desevrement mauvés.

    II. Por qui ferai mes ne chançon ne chant, Quant je ne bé a nule amor ataindre
    Ne jamés jor ne quier en mon vivant. M'ire et mon duel ne ma dolor refraindre?
    Car venist or la mort por moi destraindre, Si que morir m'esteüst maintenant!
    C'onques mes hom n'ot un mal si tres grant. Ne de dolor au cuer si pesant fais.

    Le châtelain de Coucy aima si profondément que jamais personne n'éprouva, à cause de l'amour, une plus grande douleur; aussi dirai-je ma complainte en reprenant son chant : je ne crois pas que la mienne soit moindre. La mort me fait regretter et plaindre votre clair visage beau, votre gentil corps. Frères, mère et parents vous ont mise à mort, par une très folle et mauvaise séparation.
    Pour qui ferai-je désormais chansons et chants quand je n'aspire plus à atteindre aucun amour, quand je n'aspire plus, jusqu'à la fin de mes jours, qu'à maîtriser mon ire, ma tristesse et ma douleur? Que la mort vienne pour me délivrer! Si seulement il fallait que je meure maintenant ! Jamais homme n'eut un mal aussi grand, ni de douleur au cœur un si lourd fardeau.
    Il est intéressant de lire dans le poème courtois de Conon de Béthune les valeurs de la chevalerie, dans ses chansons de croisade lorsqu’il dit :

    Ahi ! Amours, con dure departie. Me convendra faire de la meillour
    Qui onques fust amee ne servie ! Deus me ramaint a li par sa douçour
    Si voirement que m'en part a dolour ! Las! qu'ai je dit ? Ja ne m'en part je mie!
    Se li cors vait servir Nostre Seignour, Li cuers remaint du tout en sa baillie.

    Pour li m'en vois souspirant en Surie. Quar nus ne doit faillir son Creatour.
    Qui li faudra a cest besoig d'aïe. Sachiez que il li faudra a greignour ;
    Et saichent bien li grant et li menour. Que la doit on faire chevalerie,
    Qu'on i conquiert paradis et honor, Et pris et los et l'amour de s'amie.

    Dieus est assis en son saint hiretage ; Or i parra se cil le secourront
    Cui il jeta de la prison ombrage, Quant il fu mors en la crois que Turc ont.
    Sachiez cil sont trop honi qui n'iront, S'il n'ont poverte u vieillece ou malage ;
    Et cil qui sain et joene et riche sunt. Ne pueent pas demorer sans hontage...

    Qui ci ne veut avoir vie anuieuse, Si voist pour Dieu morir liez et joieus,
    Que cele mors est douce et savereuse. Dont on conquiert le regne precïeus,
    Ne ja de mort nen i morra uns seus, Ainz naisteront en vie glorieuse.
    Qui revendra, mout sera eüreus : A touz jours maiz en iert Honors s'espeuse.

    Dieus! tant avom esté preu par huiseuse ! Or i parra qui a certes iert preus.
    S'irom vengier la honte dolereuse. Dont chascuns doit estre iriez et honteus
    Car a no tanz est perdus li sains lieus. U Dieu soufri pour nous mort angoiseuse.
    S'or i laissom nos anemis morteus, A touz jours mais iert no vie honteuse.

    Las! Je m'en vois plorant des ieus du front. La u Dieus vuet amender mon corage ;
    Et sachiez bien qu'a la meillour du mont penserai plus que ne di au voiage.

    Hélas! Amour, comme il sera dur de me séparer de la dame meilleure qui fût jamais aimée et servie! Que Dieu me ramène à elle, dans sa douceur, aussi vrai que je me sépare d'elle avec douleur! Pauvre de moi! Qu'ai-je dit? Je ne la quitte pas vraiment. Si le corps s'en va servir Notre Seigneur, le cœur demeure du tout en son pouvoir.
    A cause d'elle, je m'en vais en soupirant en Syrie, car nul ne doit manquer à son Créateur. Celui qui, en ce besoin, lui faillera, sachez qu'il lui faillera en plus grand; et sachez bien, les grands et les petits, que c'est là que l'on doit faire chevalerie, que là on conquiert paradis et honneur, prix et louange et l'amour de son amie.
    Dieu est assiégé en son saint héritage. Maintenant il apparaîtra comment le scourront ceux qu'Il jeta hors de la prison ténébreuse quand Il fut mis à mort sur la croix, que les Turcs ont. Sachez que ceux-là sont honnis qui ne partiront pas, à moins qu'ils soient dans la pauvreté ou la vieillesse ou la maladie ; et ceux qui sont sains et jeunes et puissants ne peuvent rester ici sans honte…
    Qui ne veut vivre ici-bas une vie pleine d'ennuis, qu'il aille mourir pour Dieu dans la liesse et la joie, car la mort est douce et savoureuse, par laquelle on conquiert le royaume précieux; et pas un seul ne mourra de mort, mais tous naîtront à une vie glorieuse; celui qui reviendra sera très heureux: à tout jamais Honneur sera son épouse.
    Dieu! Nous avons longtemps été preux par oisiveté ! Maintenant il apparaîtra qui sera preu en vérité, et nous irons venger la honte douloureuse dont chacun doit être irrité et honteux, car en notre temps a été perdu le lieu saint où Dieu souffrit pour nous une mort d'angoisse; si maintenant nous y laissons nos ennemis mortels, notre vie en sera honni à jamais.
    Hélas! Je m'en vais, pleurant des yeux de mon front, là où Dieu veut amender mon cœur; et sachez bien qu'à la meilleure (femme) du monde je penserai en ce voyage plus que je ne dis.
    Pardonnez cette citation un peu longue mais elle représente l’esprit de nos ancêtres, comme leurs priorités dans leur vie d’homme. L’essentiel alors était l’invisible et non les fruits du matérialisme comme aujourd’hui. Il serait intéressant d’analyser d’ailleurs si cela rend plus heureux les hommes, permettez-moi d’en douter. Il ne serait pas long d’observer autour de soi, la réalité de notre monde contemporain avec sa misère morale, dont le taux de suicide, tabou sociétal, doit être caché…

    Et li chevaliers qui l'a escoutee mist pié fors d'estrief, descent en la pree, devant li se mist a genouz : «Bele, vez ci vostre ami douz.». Merci, merci, douce Marote, n'ociez pas vostre ami douz !
    Quand il l'a entendue,le chevalier hors de l'étrier a mis le pied. Dans la prairie, il est descendu, devant elle, il s'est agenouillé. - Belle, le voici, votre ami doux. Pitié, pitié, douce Marote, ne tuez pas votre ami doux ! (A la Fontenele)

    F. PORETTI-Winkler (L'Ethique de la Reconquete, à suivre...)

  • Des nouvelles du radeau de la méduse, par Michel Onfray.

    On se demande pour quelles raisons Emmanuel Macron a bien pu choisir Sibeth Ndiaye comme secrétaire d’Etat porte-parole du gouvernement.
     

    Je ne le crois pas assez cynique pour l’avoir nommée parce que c’est une femme noire, il ne serait pas capable d’un pareil coup tordu, ce qui équivaudrait, par exemple, à choisir un ministre de la culture parce qu’il serait homosexuel! Ces manœuvres communautaristes et bassement électoralistes seraient indignes d’un président de la République ayant souhaité que figurent les œuvres du général de Gaulle sur sa photo officielle et qui a fait ajouter une croix de Lorraine sur le logo de communication de l’Elysée.

    Je ne le crois pas assez immoral pour l’avoir désignée parce qu’elle savait mentir dans les grandes largeurs – qu’on se souvienne de son: «J’assume de mentir pour protéger le Président ». Un chef de l’Etat qui a choisi L’Immoraliste  de Gide pour accompagner le général de Gaulle sur une photo de lui et de son bureau envoyée dans toutes les mairies de France ne saurait couvrir une pareille infamie.
     

    Je ne crois pas non plus que ce soit parce qu’elle fume comme un sapeur sur son lieu de travail et tient élégamment sa clope au bord des lèvres comme Jean Gabin dans un film de Jean Grémillon. Une cigarette qu’elle calcine dans son bureau de secrétaire d’Etat alors que la loi du 1er février 2007 en interdit l’usage. On appréciera que BFM, qui a diffusé malencontreusement les images, se soit cru obligée de présenter des excuses à sa place alors que la contrevenante n’était pas la chaîne mais la fumeuse à qui, bien sûr, une contravention aura été présentée dans la foulée par ceux des policiers qui n’utilisent pas les drones pour débusquer les dangereux contrevenants à la loi d’exception qui marchent dans les montagnes…
     

    Non, le chef de l’Etat, garant de la loi, n’a pas choisi cette femme noire qui ment et fume pour ces raisons-là mais parce qu’elle a dit: «Il y a un rationnel (sic) derrière les décisions que nous prenons». Non pas une raison ou des raisons, on aura bien lu, mais «un rationnel»…

     

    Quiconque s’interrogerait sur ce «rationnel» dans un article publié sur le net pourrait bien tomber sous le coup de la loi de madame Avia qui, avant de se faire connaître en associant son nom à une loi liberticide, avait dans un premier temps obtenu les honneurs des gazettes pour avoir mordu un chauffeur de taxi puis, dans un second temps, pour accusations de sexisme, d’homophobie et de harcèlement au travail sur les personnes de cinq, pas moins, de ses assistants parlementaires. On sait également qu’elle a donné des ordres pour que soit réécrit la notice de son article Wikipédia. Il est vrai qu’on peut y lire ceci après d’autres informations accablantes: «Dans un autre échange, on y trouve la déclaration suivante: «C’est ma copine [mais] elle communique très mal sur ce qu’elle fait. C’est ce qu’il se passe quand tu mets un gay à la com’». Toujours selon ses anciens assistants, la députée insulte souvent, en privé, les députées qu’elle n’aime pas, les traitant de «putes», nourrissant de nombreuses remarques sur leur physique. La députée serait aussi une habituée des humiliations devant d'autres parlementaires, réprimandant et dévalorisant ses collaborateurs publiquement dès que l'occasion s'y prête. Au cours du confinement lié à l'état d'urgence sanitaire provoqué par l'épidémie de COVID-19 en 2020, Libération, avait ainsi rapporté que Laetitia Avia avait demandé à son attachée parlementaire (personne à risque, atteinte d'une maladie chronique, en confinement dans le Gard) de revenir à Paris pour le télétravail. Avia assure ne l'avoir jamais forcée. La collaboratrice dénonce le mercredi 1er avril 2020 à Mediapart une situation injuste et irrationnelle». Ou cela: «Les ex-collaborateurs reprochent également à la députée des tâches sans lien manifeste avec le travail d'assistant parlementaire, comme «brumiser ses jambes» ou «corriger ses copies [de] Sciences Po». Ils lui reprochent également «de méprise[r] ses électeurs» et éviter au maximum le contact avec eux en les faisant recevoir par ses assistants parlementaires». C’était en effet la bonne personne pour proposer une loi contre les contenus haineux sur Internet, une loi votée en plein confinement le 13 mai dernier…

     

    Interrogeons-nous donc sur «le rationnel derrière les décisions» prises par le chef de l’Etat:
     

    1. Le virus est celui d’une grippette, on va donc rechercher les expatriés français en Chine, on remet en permission les militaires qui effectuent le transport sanitaire, on laisse arriver des kyrielles d’avions chinois sur le sol français sans aucun contrôle sanitaire; mais le chef de l’Etat cloue au sol les avions, ferme les aéroports, fait de même avec les gares et les ports.
     

    2. La pandémie ne va pas nous empêcher de sortir, ou d’aller au cinéma, sinon au théâtre comme le font savoir le président de la République et son épouse qui joignent le geste à la parole; mais le chef de l’Etat décrète qu’il faut rester confiné chez soi et met la clé sur la porte des cinémas, des théâtres, des festivals, des salles de spectacle.


    3. L’épidémie ne va pas générer la fermeture des écoles, dixit le ministre de l’Education nationale bien informé par le président de la République; mais le chef de l’Etat ferme le primaire, le collège et l’université.
     

    4. Le virus ignore les frontières; mais, après discussion avec chef de l’Etat, ledit virus reconnaît celles de Schengen mais aussi, plus fort, celles des départements français, y compris ceux d’outre-mer – dont la Guyane, une fameuse île selon l’énarque Macron.
     

    5. Le masque est sans utilité, il s’avère même dangereux, difficile à mettre, toxique parce qu’il garde les virus dans ses fibres; mais le chef de l’Etat annonce qu’il faut le porter sous peine d’amende.

     

    6. Les petits marchés du dimanche installés sur les parkings de supermarchés sont interdits; puis le chef de l’Etat autorise en même temps les supermarchés à rester ouvert et à vendre leurs produits.
     

    7. Les masques ne sont pas en assez grande quantité pour les distribuer aux Français, l’Etat annonce en avoir commandé, il prétend qu’ils arrivent, on les attend toujours; mais les supermarché les vendent à prix coûtant afin d’en faire des produits d’appel et se servent de la maladie pour que les gens apeurés viennent acheter des masques en remplissant leurs charriots de victuailles sans que le chef de l’Etat ne songe une seule seconde à les réquisitionner afin de protéger les personnels soignants – à qui il propose en revanche une médaille en chocolat le 14 juillet prochain.
     

    8. Le confinement est total, la police utilise des drones pour traquer le solitaire dans les montagnes, elle verbalise le marcheur seul dans la forêt, la grand-mère qui a rempli son autorisation de sortie au crayon à papier, ou le distrait qui a omis de faire figurer son heure de sortie; mais le chef de l’Etat donne des consignes pour ne pas verbaliser dans les banlieues où le ramadan donne à certains le droit de s’affranchir de ce qui vaut loi pour tous.
     

    9. Le déconfinement est décrété, puisqu’il faut reprendre le travail, le MEDEF s’impatiente. Le métro se fait donc prendre d’assaut par des millions de gens qui reprennent le turbin à la même heure en utilisant les mêmes lignes. Cette promiscuité ne pose aucun problème, il faut juste se tenir à un mètre l’un de l’autre aux heures de pointe dans le compartiment; mais, dans le même temps, des centaines de milliers d’hectares du littoral français balayées par les vents de la Manche ou de l’Atlantique sont interdits au public - avant d’être déclarées accessibles à nouveau.

     

    10. Les messes sont interdites, on envoie même la soldatesque macronienne en armes dans une église pour faire cesser l’office (comme en 1793…) mais on autorise les supermarchés à recevoir du public sans que le ministre de l’intérieur envoie ses pandores au point qu’un ecclésiastique qui ne manque pas d’humour (il mériterait de devenir pape un jour…) a proposé d’aller célébrer l’eucharistie dans un quelconque Leclerc!

     

    Je m’arrête à dix exemples. Cela suffit pour mener une enquête épistémologique afin de savoir ce qu’est «le rationnel derrière les décisions» prises par le chef de l’Etat: c’est tout bonnement le principe du en même temps qui est à la fois la pathologie du chef de l’Etat et son slogan de campagne – on ne pourra pas dire que l’homme aux deux alliances ait trompé son monde! Il a clairement annoncé la couleur.
     

    Cette logique permet donc cette série d’assertions: la bouteille est en même temps pleine et vide; la porte est en même temps ouverte et fermée; une femme est en même temps enceinte et vierge – ce qui s’est déjà vu ailleurs, mais je ne sais plus où…; il a lu un livre en même temps qu’il ne l’a pas lu; il est marié avec Brigitte Trogneux en même temps qu’il n’est pas marié avec elle; il est président de la République en même temps qu’il ne l’est pas; il est l’assistant de Paul Ricoeur en même temps qu’il ne l’est pas; etc.
     

    Chacun aura compris que sa logique est illogique, que sa raison est irrationnelle, que son raisonnement est déraisonnable, que ses vérités sont fausses, que ses erreurs sont vraies, que sa pensée est impensable, que sa cohérence est incohérente, que son Emmanuel n’est pas Macron… Chez Deleuze, qui en aurait fait un personnage conceptuel et un héros de sa philosophie, la chose se nomme schizophrénie et passe pour désirable. Nous y sommes… Il faut bien l’aplomb et le culot d’une Sibeth Ndiaye pour tenter de nous convaincre que tout cela tient debout. Un peu de bon sens suffit à comprendre qu’un bateau ne peut suivre le cap nord en même temps que le cap sud.

     

    Emmanuel Macron parle beaucoup, il verbigère sans cesse. On se demande à quoi servent ses sorties qui le tiennent éloigné du bureau où les citoyens pourraient attendre qu’il y effectue son travail de chef de l’Etat! Des producteurs bretons de fraises hors sol, des instituteurs dans leurs écoles, plusieurs fois des soignants dans leurs hôpitaux, le professeur Raoult dans son bureau marseillais, le fantôme du général de Gaulle sur ses champs de bataille: à quoi bon ces exhibitions si ce n’est pour saturer les médias de sa personne?
     

    A la Pitié-Salpêtrière, il dit: «on a sans doute (sic) fait une erreur sur la stratégie annoncée». Les journaux à son service s’empressent de parler d’un mea culpa! C’est mal comprendre ce qui s’est dit: d’abord convenir que la stratégie ne fut, peut-être, pas bonne, ça n’est pas dire que l’objectif qu’elle visait était mauvais! N’oublions pas le «sans doute» qui est une litote car, au contraire de la chose annoncée, l’expression signifie: peut-être, probablement, mais pas certainement. Une erreur, sans doute, sur la façon de faire n’est pas un aveu que le but n’était pas bon. Si l’on débarrasse cette phrase de sa tournure alambiquée, confuse, obscure, Macron dit: «l’objectif de mettre les hôpitaux au pain sec n’était pas mauvais, mais nous nous y sommes peut-être mal pris pour réaliser ce projet…». Mea culpa disent les journalistes! Aveu naïf et cynique bien plutôt…
     

    Car Macron verse des larmes de crocodile: depuis qu’il occupe l’Elysée, il sait en effet très bien ce qu’il fait en commandant au rouleau compresseur maastrichtien de passer sur la santé publique française, d’écraser l’instruction publique française, de broyer le système de retraite français, de compacter l’industrie française, d’aplatir la culture française, de laminer la civilisation judéo-chrétienne, de compresser l’histoire de France -puisque c’est son programme.
     

    Le pire n’est pas qu’il fasse semblant de confesser une erreur sur la stratégie et non sur l’objectif, mais bien plutôt qu’il mente en disant qu’il croyait bien faire, mais cette conclusion sidérante: «C’est très cruel pour moi-même»! On croit rêver: cette épidémie n’est pas cruelle pour les bientôt trente mille morts, pour les trente mille familles en deuil qui n’ont pas pu accompagner leurs défunts dans les cimetières, pour ceux qui savaient leurs morts dans des entrepôts frigorifiques de Rungis sans pouvoir les y visiter, pour les personnes âgées triées dans les couloirs des urgences hospitalières et renvoyées chez elles, donc à la mort, pour les anciens abandonnés dans les mouroirs que sont les EPAHD, pour les médecins et les infirmières qui, faute de masques et de protections, sont morts au travail, pour les enfants qui sont de ce fait privés de père ou de mère, les maris privés de leurs femmes, les femmes privés de leurs maris, pour les artisans et les commerçants qui ont fait ou vont faire faillite, non, elle était cruelle pour sa petite personne dépassée par les évènements… Peut-on faire aveu plus narcissique ou égotiste? Cet homme est incapable d’empathie, il n’a d’amour que de lui-même. Il n’a que faire de la France et des Français.
     

    Or, Emmanuel Macron qui se plaint n’est pas au bout de ses peines: son calvaire est devant lui.

     

    Michel Onfray

  • Entrons-nous dans un bas-empire mondial ?, par Yves Morel.

    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

    Du Haut-Empire libéral au Bas-Empire confiné et confinant, l'État avait peu à peu envahi la société romaine. On sait la chute de l'histoire. Est-ce ce chemin que prend notre civilisation ?

    La crise mondiale provoquée par la pandémie du coronavirus constitue-t-elle le prélude à un changement de civilisation ? Les bouleversements qu’elle provoque dans tous les aspects de la vie des individus et des peuples donne à le penser. Pour notre part, nous inclinons à comparer cette mutation, encore à l’état de genèse, à celle qui fit passer la civilisation romaine, durant l’antiquité tardive, du Haut-Empire, florissant, prospère et brillant, au Bas-Empire, marqué par le déclin, la crise du pouvoir, la ruine de l’économie, la décadence culturelle, et l’insécurité permanente, tant celle des personnes que celle de l’empire lui-même, menacé puis miné par les invasions.

    Des perspectives peu réjouissantes

    La pandémie planétaire que nous connaissons a déjà provoqué des dégâts humains et économiques considérables. Elle a engendré une situation d’exception, dont nous nous doutons qu’elle durera, même si elle décroîtra en intensité.

    Nous allons tous, désormais, évoluer masqués dans l’espace public, et nous devrons nous interdire de nous serrer la main, de nous embrasser et de nous rapprocher les uns des autres. Peut-être que les hommes ou les femmes mariés ou vivant en couple, prendront l’habitude de présenter à des tiers ou de disposer, encadrée, dans un coin de leur bureau, une photographie de leur « petite famille » montrant une dame (ou un monsieur) en compagnie de deux ou trois jeunes enfants, tous porteurs de masques. Imaginant cela, nous ne prétendons pas faire de l’humour, au contraire. Les Chinois et autres peuples d’Extrême-Orient en sont déjà pratiquement là.

    Le strict enserrement des individus

    En raison de la tragique situation d’urgence, nos si précieuse libertés individuelles – tout particulièrement celles de sortir de chez soi, de circuler, de travailler, d’entrer et de sortir à sa guise d’un magasin, de se restaurer et de se distraire hors de son domicile – ont été suspendues, ce qui ne s’était plus produit depuis l’Occupation, et paraissait absolument inconcevable et attentatoire aux libertés fondamentales des citoyens (et on sait que, pour ce motif, certains maires ont été condamnés par des tribunaux administratifs pour avoir durci les conditions du confinement et imposé le port du masque). Or, au sein de l’Empire romain, à partir du milieu du IIIe siècle (et plus encore à la fin), les citoyens ne pouvaient plus (ou seulement très difficilement) quitter leur ville ou leur village en raison de l’affaiblissement continuel de la population et de la main d’œuvre indispensable à une économie qui s’effondrait. Les habitants des villages, tout particulièrement, étaient de plus en plus liés à la glèbe. Et, dans les villages comme dans les villes, fut instaurée graduellement, sous Dioclétien, à partir de 302, puis sous Constantin (à partir de 325) et ses successeurs, l’hérédité de toutes les professions, que ce fût dans l’agriculture, les métiers de l’alimentation, l’artisanat, le commerce, les transports ou l’administration. Le libéralisme du Haut-Empire, caractérisé par la liberté de mouvement et de choix de vie des individus vis-à-vis de l’État, avait vécu.

    Un État qui modifie son orientation générale et recouvre sa toute-puissance sur la société et les individus

    L’État, naguère grand commis du néolibéralisme mondial sans frontières, régi par la seule loi du marché, s’affranchit de cette dernière et, recouvrant toute son indépendance et sa puissance, oriente son action vers la lutte contre la pandémie, met en œuvre une politique économique on ne peut plus hétérodoxe eu égard au credo européen et libéral, accorde la priorité à la santé sur le PIB et l’équilibre budgétaire, s’efforce de redonner aux hôpitaux des moyens dont il les avait jusqu’ici privés, et envisage une politique de redressement économique on ne peut plus dirigiste. Et il en va de même à l’étranger. Il décide de l’activité économique et de la reprise ou de la cessation du travail et de la production, prend à sa charge le déficit des entreprises et le chômage de leurs salariés, et fixe les conditions de travail de ces derniers. Sous le Bas-Empire romain, l’État, semblablement, dirigeait toute l’activité économique de son peuple, et, par l’intermédiaire de ses gouverneurs, praeses et agents du fisc, contrôlait l’activité de chacun de ses citoyens.

    La crise économique et démographique et la menace d’invasions avaient, au IIIe siècle, contraint l’État à une prise en mains de toute la société.

    Et, ce faisant, l’État, présentement, ne se heurte à aucune critique féroce et dangereuse pour lui de la part des opposants et des syndicats (ou des citoyens eux-mêmes), dans un pays pourtant enclin à la contestation permanente. Au plan étroitement politique, nous sommes arrivés, en France, à cette situation inattendue, en laquelle un exécutif qui traîne avec lui des casseroles aussi bruyantes que la réforme du Code du Travail, les Gilets jaunes, et la réforme des retraites, conserve toute sa force, est écouté, globalement approuvé et obéi par toute la population, à l’abri du discrédit et des contestations, sans opposition susceptible de l’ébranler. Les Français attendent chaque allocution télévisée de leur président comme un oracle propre à leur dicter leur attitude morale, leur conduite et la marche à suivre, tant dans leur vie personnelle et professionnelle que dans celle de la nation. En France, le phénomène reste sans exemple durant la période contemporaine. La Grande-Bretagne, en revanche, connut l’exemple d’un consensus total et inébranlable durant la seconde Guerre mondiale, autour de Churchill. Mais les Britanniques renvoyèrent le vieux lion dans son foyer dès les élections aux Communes de juillet 1945. Rien n’augure d’une telle destinée pour l’actuel locataire de l’Élysée. En 1945, les Britanniques espéraient un État-providence après l’épreuve de la guerre, et les années de crise et de misère de l’entre-deux-guerres, et ils comptaient sur le Labour pour satisfaire leurs aspirations. A contrario, les Français d’aujourd’hui n’attendent ni n’espèrent plus rien, et ne croient plus en rien ni en personne, et surtout pas en une opposition divisée, sans chefs crédibles ou charismatiques. Dépourvus de solution alternative, et ne cherchant même plus à en découvrir une, écœurés du jeu politique et des partis, méprisant Mélenchon comme Marine Le Pen, ils se raccrochent à Macron comme un naufragé à une planche, et le suivent pour la seule bonne raison qu’il est là, et qu’il semble toujours plus fiable que ses adversaires. Sans même en avoir une claire conscience, ils mettent le pouvoir au-dessus de toute critique sérieuse, et ne réalisent même plus que, théoriquement, ce sont eux qui choisissent ceux qui l’exercent. Le pouvoir retrouve ainsi une sorte de transcendance que lui avaient fait perdre depuis longtemps la Révolution française, les révolutions du XIXe siècle, les mouvements sociaux, les révolutions culturelles et morales et le jeu politique démocratique. Macron devient une manière de roi. Sous le Haut-Empire romain, l’empereur était un princeps créé par la coopération du peuple, du Sénat et de l’armée, et il unissait en lui toutes les magistratures républicaines. Sous le Bas-Empire, il devint, surtout à partir de Dioclétien, un dominus, tenant son pouvoir de l’armée seule (anarchie militaire du IIIe siècle), puis de l’armée et des dieux (Aurélien, Dioclétien), puis, à partir de Constantin, de Dieu lui-même, celui des chrétiens, sans le consentement ou la médiation des hommes et des peuples. Il semble que, sans revenir à cette situation, nous vivions en un temps où le pouvoir devient (ou redevient) une autorité indépendante du choix des hommes, une autorité dont ces derniers reconnaissent d’emblée la supériorité éminente et la légitimité, et qu’ils suivent donc spontanément, sans songer à le contester et à lui imprimer une orientation conforme à leurs attentes personnelles ou catégorielles. Les Français se rassemblent, suivant un instinct grégaire, autour du pouvoir, de leur président, qui s’impose à eux plus qu’il n’émane de leurs suffrages. N’oublions pas que déjà, au second tour de la présidentielle de 2017, qui a vu l’élection de Macron, le taux de participation au scrutin n’a été que de 43% des électeurs inscrits. La démocratie semble ne plus représenter grand-chose pour nos compatriotes. Et on observe le même phénomène à l’étranger.

    La redécouverte d’une solidarité communautaire

    Un peuple uni autour de son chef, voilà la situation politique actuelle. Une solidarité grégaire sans précédent et surprenante à notre ère néo-libérale marquée par l’individualisme égoïste et hédoniste. Cette solidarité excède le champ politique et se manifeste à tous les niveaux de la société : entre les soignants, leurs patients et tous les autres, entre les entreprises et la société, entre les associations et les Français, entre ces derniers tout simplement.

    Sous l’empire de la nécessité, le discours macronien a fondamentalement changé : d’inconditionnellement libéral, mondialiste, moderniste, concurrentiel, anti-social, il est devenu humaniste, mettant en avant les valeurs de dévouement, l’entraide, voire la fraternité, et le rôle de l’État dans cette orientation. Et si l’Union européenne reste un credo, les frontières ont de fait retrouvé toute leur raison d’être. Nous assistons au retour à une vie de type communautaire, ce qui ne manque jamais de se produire dans les périodes de catastrophe, surtout lorsque la catastrophe remet en question le mode de vie et de fonctionnement de toute une civilisation. La crise économique et démographique et la menace d’invasions germaniques et perses avaient, au IIIe siècle, ébranlé les fondements politiques et sociaux de l’Empire romain, fondé sur la liberté et la diversité, et une tutelle administrative légère, et avaient contraint l’État à une prise en mains de toute la société et de l’activité de ses sujets afin d’éviter le jeu des forces centrifuges, et de les orienter dans le combat pour la défense du pays et la sauvegarde de la civilisation romaine. Villes et villages devinrent des communautés enserrant solidement leurs membres, les obligeant et les retenant en eux, et tous subirent la tutelle de l’État, incarné par un souverain tenant son pouvoir de Dieu, à partir de Constantin, ce qui signifiait la fin du monde antique et le début du Moyen Age chrétien, celui des monarchies de droit divin.

    Vers un changement de civilisation ?

    Le Haut-Empire romain, socialement libéral, qui disparut graduellement au IIIe siècle, ressemblait beaucoup à notre monde néolibéral, qui va sans doute disparaître à son tour. À n’en pas douter, nous sommes au début du processus d’un changement de civilisation. Les hommes du futur connaîtront-ils une sorte de nouveau Moyen Age, caractérisé par une orientation communautaire, une prééminence du politique et du rôle des États sur la soumission aux lois d’un marché planétaire ? Et nous en porterons-nous mieux ? Ces questions, auxquelles il est difficile de répondre aujourd’hui se posent pourtant dès aujourd’hui avec acuité.

    Illustration : Les Français, enthousiastes, applaudissent leur confinement avec de nouveaux rituels citoyens qui les confortent dans leur soumission.

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  • Patrimoine • Versailles ou le Soleil à la fête [II]

    Henri de Gissey, Le Grand Carrousel donné par Louis XIV dans la cour des Tuileries à Paris, pour célébrer la naissance du dauphin 

    La diversité des lieux

    En chantier permanent, Versailles et ses jardins sont le théâtre de nombreuses improvisations. Saint-Germain et Fontainebleau offrent de grandes salles de spectacles, mais c’est l’éphémère et le surprenant qui dicteront l’organisation des divertissements non moins somptueux à Versailles. Comme nous l’avons vu plus avant, c’est à travers d’ingénieux mécanismes, de scènes et décors démontables, de théâtres de verdure et en trompe-l’œil, que le roi divertit sa cour. Le château ne pouvant, quand les Plaisirs de l’île enchantée sont joués, accueillir les six cents invités. À travers ces architectures provisoires faites de treillages et de jeux d’eau, le roi permet aussi au peuple de se divertir et de piller les buffets.

    Cependant, à mesure que les travaux du château avancent, le roi accueille de plus en plus souvent en intérieur, en témoigne le premier souper donné dans le château à l’occasion d’une grande fête telle que les Fêtes de l’Eté de 1674. Ce n’est qu’en 1682 que Louis XIV décide de construire un théâtre dans l’aile Nord du château. Jules Hardouin-Mansard et Vigarani sont sollicités pour cette entreprise mais les travaux commencés resteront inachevés. Les pièces de théâtre et de musique continuent ainsi d’être jouées sur des scènes éphémères avec cependant une évolution : le manège de la Grande Écurie récemment bâtie accueille Persée de Lully, puis un théâtre est construit dans la cour des Princes, où sont jouées des comédies. Au Trianon de marbre, Louis XIV assiste à des opéras dans une salle initialement dévolue à la comédie. Progressivement, les divertissements prennent place dans des lieux dédiés, à l’image de l’appartement, au cœur de l’agenda festif des gentilshommes de la cour.

    Les soirées d’appartement sont une occasion privilégiée pour les sujets de se rapprocher du roi. L’étiquette est suspendue le temps d’une soirée pour qui a été invité. Dans ses Mémoires, le duc de Saint-Simon en parle ainsi : elles se déroulent trois fois par semaine, entre sept et dix heures du soir. À cette occasion, le roi offre à ses invités musique, jeux et rafraîchissements. Le Mercure galant, journal fondé en 1672 par Donneau de Visé, traite ainsi des soirées d’appartement à la cour de Versailles : elles suivent un protocole particulier, en dehors des grandes cérémonies publiques. Le duc d’Aumont, Premier Gentilhomme de la Chambre, s’occupe des invitations en accord avec le roi. La garde est restreinte et la liberté de parler est entière. Les appartements, richement ornés, sanctuarisent un espace d’intimité entre le souverain et sa cour. Le roi passe ainsi de table en table, d’un jeu à un autre, et ne souhaite pas que l’on s’interrompe ni ne se lève pour lui. Donneau de Visé écrit : « On dirait, d’un particulier chez qui l’on serait, qu’il fait les honneurs de chez lui en galant homme. » Le cabinet du Billard est installé dans le salon de Diane, le salon de Mercure est réservé au jeu de la famille royale. Avec le temps, le roi se rend de moins en moins à ces soirées, leur préférant les soirées chez Madame de Maintenon pour travailler avec ses ministres. Cependant, il désirait toujours que ses sujets jouissent des plaisirs qu’il leur prodiguait. Quiconque s’attachait à plaire au roi se rendait à ces soirées.

    Les nombreux jeux de la cour

    Les grandes fêtes comptent de nombreuses déclinaisons hétéroclites. « Louis XIV aimait les femmes et le pouvoir […] il s’amusa et amusa la noblesse à des ballets et à des carrousels. » [1] dit Anatole France. Cette diversité des jeux sanctuarise le rythme de vie de la cour, habituée aux grandes manifestations festives comme aux événements plus intimes. Parmi les jeux de soirée d’appartements, on compte les cartes ou le billard que Monsieur et Monseigneur affectionnent particulièrement. De nombreux jeux apparaissent et disparaissent ainsi au gré des modes : le piquet, le trictrac, le whist, ou encore le brelan, le joc vers 1675, le lansquenet en 1695.

    Mais les jeux prennent souvent plus d’ampleur. À l’occasion de la naissance du Dauphin, le 1er novembre 1661, est organisé un carrousel l’année suivante les 5 et 6 juin 1662. Le carrousel est d’origine italienne, le terme est issu de la contraction de deux mots latins : « carrus-soli », qui signifie « char du soleil ». Il est hérité des tournois médiévaux, intermédiaire entre les parades équestres et les jeux de guerre italiens, et consiste en un jeu militaire composé d’une suite d’exercices à cheval exécutés par des quadrilles de seigneurs richement vêtus, entremêlés de représentations allégoriques tirées de la fable ou de l’histoire.

    L’événement se tient devant le palais des Tuileries. On aménage pour l’occasion la place en carrière, en plaçant devant un amphithéâtre. Un pavillon destiné à recevoir les reines, Marie-Thérèse et Anne d’Autriche, est dressé et prend la forme d’une architecture croisant les ordres dorique et ionique. Dans les étages supérieurs et inférieurs de la tribune richement ornée de velours violet garni de fleurs de lys, plusieurs personnalités de la cour prennent place. Le premier jour, entre dix-mille et quinze-mille personnes sont rassemblées sur la place, parmi lesquelles beaucoup d’étrangers et les notables parisiens. Le roi entre en scène suivi de Monsieur – le frère du roi –, du prince de Condé, du duc d’Enghien et du duc de Guise. Ils arrivent par la rue Richelieu, vêtus à la romaine dont le roi prend la figure de l’empereur portant un casque d’or serti de diamants et paré de roses. Son costume est fait de brocart d’argent rebrodé d’or et de pierres précieuses. Le harnois de son cheval et de couleur feu et d’éclats d’or, d’argent et de pierreries. Il est entouré de cavaliers musiciens dits de la brigade romaine et s’en va saluer la reine. Le second groupe de cavaliers est vêtu à la perse, et commandé par Monsieur. Le troisième est vêtu à la turque, et commandé par le prince de Condé. Le quatrième est vêtu à la mode des Indes, et commandé par le duc d’Enghien. Paraît enfin le duc de Guise, vêtu en roi des sauvages d’Amérique, dont le chapeau est garni de branchages. Au total, on estime à plus de mille le nombre de cavaliers lors de ce ballet équestre qui se poursuit par les courses de têtes contre une tête de turc et une autre de méduse. Le second jour est celui des courses de bagues : elles consistent à enfiler à la lance, en plein galop, une bague pendue par une ficelle à une potence. D’origine guerrière, cette tradition s’est adoucie depuis la mort d’Henri II en 1559, blessé à l’œil par un éclat de lance de bois. Bien que ce type de divertissement tende à s’effacer, le Grand Dauphin lui-même organise des carrousels en 1685 et 1686 : le premier est celui des « Galans Maures », où les participants sont coiffés de têtes de dragons, de harpies, trompes d’éléphants, bouquets de plumes, le second celui des « Galantes Amazones », donné dans la cour des grandes écuries. Il s’agit d’un divertissement galant, où « trente dames et trente seigneurs auront le plaisir de divertir la cour à leurs dépens. » [2] écrit la marquise de de Sévigné dans une de ses lettres.

    Au contact de la nature dans la campagne giboyeuse de Versailles, la chasse est un sport particulièrement prisé par les Bourbons, notamment par Louis XIII qui aimait à se retirer dans son pavillon de chasse pour chasser le gibier à plumes ou le gros. Sous Louis XIV, la vénerie royale a la taille d’un petit village, et représente plusieurs centaines de chiens et de chevaux, et six cents personnes en ont la charge. La chasse à courre est un divertissement marquant la domination du roi sur la nature, à laquelle participe un public restreint resserré autour de la figure du souverain. À la fin du XVIIe siècle, Louis XIV crée le Grand parc de chasse. C’est un vaste domaine clos par un mur dès 1683, avec une superficie de 11 000 hectares, forêt de Marly comprise, à la fin du règne. Pour assouvir son amour de la chasse, Louis XIV l’inscrit à l’étiquette : le matin, le roi gouverne, l’après-midi, il chasse. Parfois mais rarement, elle remplace même le conseil quand la journée est belle. Cette chasse prend deux formes : la chasse à tir se tient dans le grand parc, la chasse à courre en forêt. Le grand veneur accompagne le roi et a le privilège de se tenir à sa proximité. Ce privilège est tel que, sous le règne de Louis XV, Dufort de Cheverny rapporte : « Mon assiduité à la chasse plaisait au Roi. Je redoublai et M. le duc de Penthièvre me rencontrant un jour me dit : « Le Roi vous permet de prendre l’habit de l’équipage ». Il m’aurait donné un gouvernement, il ne m’aurait pas fait plus plaisir. » [3] À l’instar des soirées d’appartement, la chasse est un divertissement prisé des gentilshommes désireux de participer aux heures de détente royale.

    La France fait une spécificité de ces fêtes qui, peu à peu, font du royaume le cœur du divertissement européen où s’épanouit le mythe français. Cette idée fait l’objet de la troisième partie de cet abrégé.  (à suivre)   

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    Antoine Trouvain, Le Jeu de Portique, Deux fils du Grand Dauphin : duc d’Anjou (futur Philippe V d’Espagne) et duc de Berry (Charles de France), prince de Galles et comte de Brionne


    [1Anatole France, Le Génie latin, p. 140.

    [2Lettre 899

    [3N. Dufort de Cheverny (1731-1802), Mémoires sur les règnes de Louis XV et Louis XVI et sur la Révolution. 

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    Le Rouge et le Noir

  • NI EXTRÊME GAUCHE, NI EXTRÊME DROITE ...

    Par Michel Maffesoli

    Une remarquable analyse parue sur Atlantico, le 24 décembre. A lire absolument.  LFAR 

    logo.pngLe sociologue Michel Maffesoli livre un texte consacré à la sécession du peuple à l’occasion du mouvement des Gilets Jaunes, et au désarroi des élites. En cette période troublée, conséquence inéluctable des profondes mutations à l’œuvre dans nos sociétés, peut-être n’est-il pas inutile de se souvenir de la distinction proposée par Nicolas Machiavel entre « la pensée du Palais » et « la pensée de la place publique ! »

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    Gilets jaunes en sécession : élites désemparées face à l’extrême-peuple

    Distinction, désaccord, écart, lorqu’on regarde, sur la longue durée, les histoires humaines, il est fréquent que le peuple fasse sécession. Secessio plebis d’antique mémoire, au cours de laquelle les plébeiens se « retirent sur l’Aventin ». De nos jours, plus prosaïquement, ils occupent les ronds-points de la France périphérique. Mais quels sont les patriciens pouvant ramener la concorde et le calme des esprits ?

    Voilà qui n’est pas évident, tant est grand le désarroi des élites. Les experts ne font plus recette, les politiques sont déconsidérés, les journalistes suscitent la méfiance. Ce qui fait que les belles âmes, pétries de bons sentiments, occupant les plateaux des étranges lucarnes et trustant les colonnes des principaux journaux ont peur. Il faudrait être Cervantès pour décrire ces « chevaliers à la triste figure » luttant contre des moulins à vent . En la matière, la condamnation, sans appel, de l’extrême gauche ou plus encore et d’une manière obsessive de l’extrême droite, automatiquement synonyme de danger fasciste. Rien de moins !

    Au-delà de ces supposés extrémismes, c’est de « l’extrême peuple » dont il s’agit. Il est amusant d’entendre tel bien-pensant, voir se profiler l’ombre de Hitler ou de Mussolini derrière l’anodine demande d’un référendum d’initiative citoyenne (RIC). Amusant ? et quand on vient d’en rire, il faudrait en pleurer !

    Restons sur notre Aventin. Le conflit fut réglé, on s’en souvient, quand outre la remise des dettes, c’est la constitution d’une magistrature de la plèbe qui fut obtenue.

    Voilà un symbole instructif. Il y a dans toute lutte un côté que l’on peut nommer spirituel, que le matérialisme natif de nos élites marxisantes déphasées a du mal à comprendre. C’est cet aspect symbolique qui est le cœur battant de ces régulières révoltes des peuples, dont le phénomène des gilets jaunes est l’expression contemporaine. Cet aspect est la ressource indomptable de la force morale.

    La sécession du peuple, c‘est l’action de se séparer, de s’éloigner d’un État s’étant lui-même éloigné d’un peuple qu’il est censé représenter. Se retirer d’un état de fait où « le service public » a mis le public à son service.

    Dès lors, les révoltes expriment l’irrésistible besoin de revenir à la « place publique ». C’est-à-dire au lieu que l’on partage avec d’autres. L’on a par trop oublié que le « lieu fait lien ». Trop obnunilées par des projets politiques orientés vers le lointain et pensées pour le futur, les élites ont oublié l’importance du localisme et l’urgence d’une vie quotidienne vécue au présent.

    C’est bien cela qui s’exprime dans les révoltes en cours. Ces « Aventins » que sont les ronds-points contemporains redisent, tout simplement, le plaisir d’être ensemble pour être ensemble. Ce qui est une efficace manière de lutter contre une techocratie de plus en plus abstraite, considérant avec mépris un peuple débile, incapable de comprendre, comme le signalait il y a peu un dirigeant de la majorité politique « l’intelligence et la subtilité de l’action gouvernementale ».

    Or la sagesse populaire « sait » d’un savoir incorporé sur la longue durée qu’il faut se méfier des pratiques dilatoires du pouvoir surplombant. Qu’il convient de ruser vis-à-vis des tentatives de diversion d’une administration capable, toute honte bue, d’annuler sans coup férir les mesures prises en réponse à la fièvre populaire. Annulation, annulation des annulations, la violence propre au totalitarisme « doux » d’un État jacobin a plus d’une corde à son arc. Mais à certains moments ces ruses technocratiques se parant de justification ou de rationalisation plus ou moins sophistiquées ne font plus illusion. Pour le dire trivialement : la coupe est pleine ! Et aux sincérités successives, qui dès lors sont ressenties comme de réelles faussetés les peuples répondent : « cause toujours, tu m’intéresses ».

    A ces discours dissertant avec « intelligence », sur un ordre des choses dont ils ignorent l’alpha et l’oméga, les insurrections populaires rappellent que l’authentique socialité est celle d’une communauté de destin se vivant au plus proche. Ces insurrections en appellent à une décentralisation radicale acceptant, reconnaissant l’existence concrète, c’est-à-dire vécue au jour le jour, des fondamentales appartenances « tribales ».

    Car ce sont bien ces appartenances qui s’expriment au grand jour dans le phénomène des « gilets jaunes ». Au-delà ou en–deçà des classes sociales de la théorie marxiste ou des catégories socio-professionnelles (CSP) des habituels et lassants sondages fonctionnalistes, c’est une socialité de base, rassemblant ce qui est épars que l’on retrouve autour des feux ponctuant les ronds-points. Ces feux sont comme autant de foyers où l’on se tient chaud et où se concocte le renouveau des solidarités organiques, cause et effet de toute société.

    Il ne s’agit pas là, comme l’analysent les sociologues qui sont en retard d’un siècle d’une  « lutte de classe » ou de ces inconsistants « mouvements sociaux », tartes à la crème d’observateurs ou d’experts déphasés. Non, c’est tout autre chose dont il est question.

    Volens, nolens, et même si on ne veut pas le voir, ce que l’on nomme solidarité organique en gestation est cela même qui s’élabore autour des foyers de ces ronds-points. En la matière, au travers des problèmes soulevés par les retraités, c’est le respect des Anciens, la reconnaissance de leur autorité venue de l’expérience de la vie qui est en jeu.

    C’est aussi la solidarité dont il est question quand ces Anciens échangent avec ces jeunes, chômeurs ou entrepreneurs, ayant du mal à joindre les deux bouts ou à développer leur nouvelle entreprise. Il y est question de générosité, d’entraide, d’échange et autres valeurs essentielles. Ce qui reste incompréhensible, parce que quelque peu archaïque, à des élites purement rationalistes, ayant quelque mal à comprendre l’importance de l’immatériel.

    Du coup, il leur est aisé de stigmatiser cette réémergence d’une solidarité proxémique au moyen de ces grands mots quelque peu incantatoires, donc vides, dont la bien-pensance a le monopole. L’on est ainsi abreuvé jusqu’à plus soif de termes tels que : populisme, communautarisme, complotisme, racisme, antisémitisme, poujadisme, « boffitude » et autres noms d’oiseaux du même acabit.

    On a même pu entendre un soixante-huitard célèbre, devenu notaire à la place des notaires qu’il conspuait en 68, signaler avec componction que de par ses origines et en référence à « l’étoile jaune » de triste mémoire, il était allergique à cette couleur ! tout un programme ! En fait tout cela témoigne d’une profonde incompréhension. Des commentateurs patentés hantant les sempiternelles talk-shows télévisés ou radiophoniques dont la caractéristique est un « entre-soi » fondamental. N’aidant en rien la compréhension d’une révolte radicale, mettant en cause la rigidité d’un pouvoir dont la verticalité n’est plus acceptée.

    Voilà bien le paradoxe de la tempête soufflant avec la violence que l’on sait. Ces échanges entre ancienne et jeune générations, ce souci du partage et de la solidarité, en bref ce plaisir d’être ensemble trouve l’aide du développement technologique. Le sentiment d’appartenance « tribale » est conforté par la cyberculture. Les réseaux sociaux, les forums et autres blogs, voilà ce qui rend caduques les formes habituelles de la représentation syndicale ou partisane. Le refus d’une organisation verticale et hiérarchisée a pour corrélat l’irréfragable désir d’une horizontalisation des rapports sociaux.

    Fondamentalement, ce « Netactivisme » en cours traduit bien la mutation, tout à fait postmoderne, du vertical à l’horizontal. Il se trouve que c’est sur les réseaux sociaux que s’expriment au mieux ces incoercibles révoltes qui sont, certainement, loin de s’achever. Caricatures, photomontages et collages divers singent, parodiquement, les divers protagonistes des pouvoirs politiques, journalistes ou divers sachants. Ayant pris conscience de ce que Platon nommait la « théâtrocratie » d’une démocratie en déshérence, le peuple, à son tour, tourne en ridicule les faits et méfaits des élites décadentes.

    En réponse aux turlupinades ayant eu lieu, lors de la fête de la musique en juin dernier sur les marches de l’Elysée ou encore ayant à l’esprit les indécentes exhibitions lors d’un voyage présidentiel à St Martin, l’ironie, l’humour et la franche rigolade se répandent comme une traînée de poudre. Ce qui n’est pas sans conséquence sur ce charivari nex look qu’est le phénomène des gilets jaunes. Car dans la foulée des réseaux sociaux, la parodie contre la théâtrocratie du pouvoir a sa place dans la théâtralisation des manifestations en cours. Cela rejoint les « fêtes des fous » médiévales et autres moments d’inversion où le peuple prenait sa revanche vis-à-vis des pouvoirs établis.

    On l’a dit, non pas extrême gauche et non plus extrême droite, mais « extrême peuple » qui, à l’image du « brave soldat » Chveïk popularisé par J. Hasek, manie la satyre, pratique l’humour et la dérision et, ainsi, met à mal le burlesque état des choses dominant. C’est bien quelque chose de cet ordre qui est en jeu dans la révolte du peuple qu’expriment les gilets jaunes : de la candeur et du courage. Courage, c’est, ne l’oublions pas, du cœur et de la rage. Mixte fécond, répondant au discours technocratique délayant d’une manière insipide toute une série de banalités. Ces discours n’accrochent plus, l’arrogance n’est plus de mise.  

    Michel Maffesoli
  • De la lutte intestine à la Guerre civile

    Le nouveau préfet de police de Paris, Didier Lallement. La mission est claire : casser la rue.

    Par Hilaire de Crémiers 

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    Les décisions macroniennes sont de plus en plus risquées. Jusqu’où ?

    Macron joue au chef. Comme un adolescent à la tête d’une bande. Il fait tomber des têtes ; c’est sa méthode.

    Le préfet de police de Paris, Michel Delpuech, son directeur de cabinet, Pierre Gaudin, le directeur de la Sécurité de proximité de l’agglomération parisienne, Frédéric Dupuch, l’ont appris à leurs dépens. Motif invoqué de ces limogeages en série qui en annoncent d’autres plus discrets mais tout aussi violents : de graves dysfonctionnements dans la chaîne de commandement lors des manifestations du samedi 16 mars pour l’acte XVIII des Gilets jaunes. Ce discours aux « éléments de langage » convenus fut tenu dès le soir de ce même samedi, divulgué sur toutes les ondes et repris publiquement par le Premier ministre, Edouard Philippe, sur un ton sec et impérieux, officialisant les destitutions-sanctions, dès le lundi 18 mars. Sévérité foudroyante qui, devant les débris fumants des pillages qui avaient dévasté les Champs-Élysées, devait manifester clairement la droite et exigeante conscience des plus hautes autorités de l’État : l’ordre républicain n’était pas négociable.

    Hypocrite explication

    le-fouquet-s-samedi-16-mars-photo-zakaria-abdelkafi-afp-1553367166.jpgLe ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner ne se serait rendu compte de la gravité des faits que le soir du même samedi 16 mars vers 17 heures passées, après le saccage du Fouquet’s. Eh oui, ce n’est qu’alors, qu’il aurait compris que « ses instructions de la plus grande fermeté » n’avaient pas été exécutées, obligeant le chef de l’État, son ami, son patron, pour ne pas dire son parrain, à revenir de toute urgence de la station de ski des Pyrénées où il pensait s’offrir en toute tranquillité avec Brigitte, loin des Gilets jaunes, deux jours de détente bien méritée. Un sabotage, quoi, et qui expliquait tout ! « Un échec », avouait devant micros et caméras, avec la modeste ingénuité d’un truand repenti, notre Castaner national, lui qui se sent – il l’a fait savoir solennellement – toujours en service de haute vigilance, même au-delà de minuit, même au plus profond des boîtes de nuit, même après moult verres de vodka, même dans les bras câlins d’une jeune collaboratrice de ses précédentes fonctions.

    Se faire « avoir » comme ça, en pleine journée et dans l’exercice de ses fonctions ! Car il était bien à la manœuvre dès le matin place Beauvau avec son état-major, n’est-ce-pas ? Son propos mêlait l’indignation, l’amertume et le regret ; il sentait la plus scandalisée des sincérités ! Faut-il se souvenir que ce ministre hors norme, si avisé, a commencé sa carrière à 18 ans dans le poker-menteur, sa première spécialité et son premier gagne-pain, en même temps qu’au parti socialiste, ce qui s’accommode fort bien, y jouant comme dans un tripot avec ses petits camarades de la sociale ? Le PS du Midi de l’époque est un solide repaire…, tout comme celui du Nord, d’ailleurs : le truandage érigé en principe vital et en norme politique ! Faut-il aussi rappeler qu’il attrapa vite du galon dans le cours parallèle de ces deux genres d’activités avec leurs multiples ramifications qui se ressemblent tant, se recoupent et qui exigent le même talent, le même boniment et le même entrain ? Et, certes, notre Castaner n’en manquait pas.

    D’un côté il était lié au caïd du grand banditisme Christian Oraison, de la redoutable Dream Team, dit « le Grand Blond », abattu pour règlement de compte en 2008 à Manosque, – « mon grand frère, mon protecteur », avait-il déclaré publiquement non sans émotion, avec cette pudeur d’un ancien enfant de chœur qui cherche à exprimer sa reconnaissance ; et l’envie ne manque pas de s’interroger en quoi pouvait se cultiver une telle intimité. De l’autre côté, simultanément, il s’inséra vite dans l’appareil du parti, en commençant par l’UNEF à l’imitation de tant d’anciens grands pontes de ce socialisme justicier qui ont su y commencer leur petite fortune avant de parvenir aux sommets de la République ; et, toujours comme eux, il accéda donc dans la foulée aux cabinets ministériels qui lui ouvrirent la voie électorale et politicienne à laquelle il aspirait de tout son être. Et voilà, depuis deux ans, qu’au bout de ces itinéraires prometteurs il débouche enfin, et comme de droit, dans la macronie qu’il va diriger dès 2017 avec toute la confiance du patron qui est aussi – ne l’oublions pas – celui de Benalla ; et c’est de là qu’il s’élance sur la trace des Defferre et des Pasqua, à l’instar d’un Vidocq, jusqu’au poste de premier flic de France. Chapeau !

    7794918539_le-ministre-de-l-interieur-gerard-collomb-le-19-septembre-2018-a-paris.jpgDepuis le mois de novembre, Collomb s’étant judicieusement esbigné, c’est donc lui qui fait face à la révolte des Gilets jaunes. On sait suffisamment comment des groupes de casseurs s’en mêlèrent sans que jamais il ne fut apparemment possible de les cerner ni de les empêcher de nuire pour permettre aux Gilets jaunes de manifester selon le droit. Dès le mois de décembre, après les incidents de l’Arc de Triomphe, Castaner peut donc amalgamer dans son discours officiel casseurs et Gilets jaunes, prenant les dispositions en conséquence et justifiant la répression avec tous les moyens, dont les lanceurs de balles de défense (LBD 40) – il en a même expliqué l’usage aux enfants des écoles ! – et les grenades à effet de souffle, dites de désencerclement (GLI-F4). Le but politique était si évident que personne, ni à droite ni à gauche, ni surtout dans la police, n’en était dupe.

    Vers la guerre contre le peuple

    Que s’est-il passé le 16 mars ? Véritablement ? Laurent Nuñez, le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur, ancien préfet des Bouches-du-Rhône, ancien directeur général de la Sécurité intérieure (DGSI) qui, lui, est un professionnel de l’ordre public et placé, d’ailleurs, à cet effet à ce poste pour pallier les carences de Castaner, a prétendu fournir des explications, mais, à bien les écouter, c’était sans vraies précisions. Il paraît que l’enquête est en cours pour évaluer le niveau des défaillances. En fait, en bon fonctionnaire qui se veut efficace, il couvre son ministre, l’autorité politique et, au-dessus, Emmanuel Macron.

    1040304969.png« Des instructions de retenue » auraient été données aux forces de l’ordre au rebours « des directives offensives » du ministre. Frédéric Dupuch a fait circuler une note – sans même en référer au préfet de police, précise-t-on – engageant à un usage plus modéré des LBD, ce qui, en soi, étant donné les risques graves encourus, les nombreuses blessures et plaintes ainsi que les condamnations sans appel des instances supranationales, se comprend parfaitement. Et d’autant plus que la direction de la Sécurité de proximité de l’agglomération parisienne (DSPAP) avait créé après le 1er décembre les détachements d’action rapide (DAR) à qui revenaient les interpellations sur le tas et la sécurité des manifestations. Il y avait ainsi deux centres opérationnels. Soit. C’était une garantie de pondération ; et il y avait un commandement unique qui restait sous les ordres de Beauvau et de l’Élysée. Mais l’Élysée et Beauvau ne veulent plus qu’une seule machine unifiée de répression et il faut donc mettre au pas la grande maison de la Préfecture de Police qui a ses structures, ses habitudes et ses logiques qui lui viennent de son histoire et de sa connaissance des situations. La crise permet donc à Macron – et à Castaner sous ses ordres – de régler la question de la sécurité et de l’ordre public comme sont réglées toutes les autres questions de finances, de politique, de société : tout pouvoir entre les mains de l’exécutif en la personne du président de la République. C’est simple… et c’est fou.

    La nomination de Didier Lallement, l’ancien préfet d’Aquitaine, comme préfet de police de Paris correspond exactement à cette politique. L’homme est connu pour son tempérament et son ambition. Ce sera le tout répressif. Et la mobilisation des soldats de l’opération Sentinelle – malgré les dénégations macroniennes – relève de la même conception, dans la grande tradition républicaine de la Révolution, des Cavaignac, des Thiers, des Clemenceau, ce dernier étant invoqué par Castaner et Macron comme le modèle. Pourquoi pas le 6 février 34 ?

    La liquidation de Delpuech sans fioriture satisfait en outre l’assouvissement d’une vengeance froide de l’Élysée ; il était, en effet, l’un des rares témoins devant la commission d’enquête du Sénat sur l’affaire Benalla à n’avoir pas menti sous serment pour couvrir l’Élysée et à avoir dénoncé « des copinages malsains ». Une telle indépendance méritait sa sanction !

    Et le samedi 16 mars ? Ceux qui ont observé la manifestation ont parfaitement remarqué dès le matin 11 heures les groupes de black blocs avec leurs accoutrements cagoulés caractéristiques, leurs drapeaux rouges et noirs, leurs slogans propres se revendiquant de l’anticapitalisme. À Saint-Lazare, à Saint-Augustin, rue La Boétie, à Saint-Philippe du Roule, ils étaient distincts de la foule des Gilets jaunes, en tête ou en queue. Ils n’étaient pas 1 800 comme l’affirme Castaner. Quelques centaines, tout au plus. Il fallait les arrêter, eux et eux seuls, à ce moment-là. Ce n’était rien du tout.

    89950_black-bloc-marx.jpgL’opération n’a pas été faite. Beauvau commandait. Une fois les Champs-Élysées gagnés, les black blocs étaient les maîtres. La préfecture n’y pouvait plus rien ; elle ne pouvait que chercher à limiter la casse dans Paris.

    Il appartient au Sénat de poursuivre ses enquêtes. C’est pourquoi la Chambre haute est devenue l’ennemi N°1 de l’Élysée. Macron a réussi à instituer une violente lutte intestine, jusqu’au sein même des institutions. Gare à toutes les guerres civiles qui peuvent se déclencher dans le désordre généralisé qui s’installe. Ce n’est pas son grand débat ni sa lettre aux citoyens d’Europe, ni ses sermons indéfinis, y compris aux intellectuels, qui changeront quoi que ce soit à un mauvais rapport de force qu’il a érigé en système de gouvernement. Plus personne en Europe ne le prend au sérieux, pas même les Allemands qui l’ont clairement signifié ! Le peuple français dans ses profondeurs ne le supporte plus, dût-il gagner les élections européennes par subterfuge. Lui et son Castaner feraient bien d’y réfléchir à deux fois. Il serait temps de mettre fin à l’expérience avant le désastre.   

    Hilaire de Crémiers