Depuis trois jours, c’est l’affaire du siècle. La Libre Pensée a fait retirer, au nom de la loi du 9 décembre 1905 et du principe de laïcité, une crèche dans des bâtiments officiels de la République. Ici, c’est un Conseil général, ailleurs il s’agit de Mairies.
Alors que depuis de nombreuses années, la Libre Pensée défère devant les tribunaux administratifs les collectivités territoriales qui violent la laïcité en mettant des emblèmes religieux dans les bâtiments de la République et que les tribunaux exigent le respect de l’article 28 de la loi de 1905, et leur retrait des lieux publics, il n’y avait d’habitude aucun écho médiatique à cela.
Mais là, visiblement l’Eglise catholique a décidé de faire un « coup » médiatique et les médias aux ordres et les politiciens confits dans l’eau bénite ont relayé une campagne où l’on présente la Libre Pensée comme des « voleurs de Noël ». Devant une telle manipulation, la Libre Pensée a tenu à rappeler que c’est l’Eglise catholique, le 23 décembre 1951, sur le parvis de la cathédrale de Dijon, qui a brûlé en effigie le Père Noël (voir sur « www.fnlp.fr») pour cause de paganisme.
Pourquoi un tel acharnement ?
Depuis le 15 août 2012, l’Episcopat a décidé de descendre dans l’arène publique. Les Evêques ont appelé leurs ouailles à battre le pavé contre le mariage pour tous, contre la PMA, la GPA, la recherche scientifique sur les embryons et le droit de mourir dans la dignité. Attachés à un ordre ancien et à la nostalgie d’un Vieux-Monde qui sent le moisi, le rance et l’encens, les Prélats appellent à une Reconquista contre la Gueuse.
C’est la raison de l’affaire dite des « crèches de Noël ». En Espagne, dans la Sierra Guadarrama, les mitrés hispaniques sont en train d’ériger 1 300 croix catholiques, au nom des « 1 300 martyrs du franquisme assassinés par les odieux républicains ». C’est la même croisade pour reconquérir l’espace public.
Ces crèches chrétiennes sont une provocation politique contre le caractère laïque de la République.
C’est une affaire montée de toutes pièces pour tenter de sacraliser le christianisme dans le pays, alors qu’il est en pleine perte de vitesse. Les Eglises se vident, alors il faut occuper le terrain dans les bâtiments de la République.
Pour la Libre Pensée, les choses sont simples. La liberté de conscience fait que chacun fait ce qu’il veut, où il veut. Mais dans les locaux de la République, c’est la neutralité. La crèche de la Nativité est chrétienne, c’est donc un symbole religieux. Le bébé dans le berceau s’appelle Jésus-Christ, pas Mohammed. Le sapin, les boules, les guirlandes, les étoiles n’ont aucun caractère religieux. Ils viennent du vieux fond païen de notre pays (4 000 ans, excusez du peu !)
Les mêmes qui applaudissent agenouillés devant la crèche dans les bâtiments publics crieraient aux orfraies s’il s’agissait d’un symbole juif ou musulman. C’est la laïcité à géométrie variable. La République est laïque et pas chrétienne, n’en déplaisent aux manieurs d’encensoirs.
Ce n’est pas encore les rois, mais il a tiré la fève : Philippe de Villiers !
Dans le florilège de la stupidité réactionnaire et bondieusarde, le Puy-du-Fou est au top niveau. Qu’on en juge. Confronté à David Gozlan, Secrétaire général de la Libre Pensée, voici ses arguties : « On va interdire les sonneries de cloches, avec la Libre Pensée, qui n’est pas une pensé libre – je le dis au passage à votre interlocuteur – une pensée secrète pour détruire le christianisme et en même temps, on installe, on islamise la France sans que personne ne dise rien ! C’est ça qui me scandalise ! En fait, c’est simple : ce n’est pas une question de loi, c’est beaucoup plus grave que ça. C’est notre identité et vous le savez très bien, c’est notre patrimoine, ce sont nos enfances, c’est notre passé, c’est notre histoire, c’est tout ce qui fait l’âme de la France. A vouloir détruire l’âme de la France, on fait courir un vent de folie, qui est un vent de folie qui conduira à des conséquences de régimes totalitaires.
J’appelle à la résistance et si j’étais Président du Conseil général de la Vendée aujourd’hui, je n’aurais pas démonté cette crèche, j’aurais affirmé la nécessité de résister à des gestes totalitaires !
Moi, j’ai une seule chose à vous dire, c’est que en ce moment, personne ne dit ça sur votre antenne, moi je vais le dire et je n’ai pas peur des Francs-mac, moi, ça m’a jamais fait peur et d’ailleurs l’œuvre du Puy du Fou est une œuvre de chrétienté qui fait rayonner l’âme de la France. Ce qui est en train de se passer en ce moment, c’est l’islamisation progressive de la France. Partout. Partout les digues lâchent. La vague continue. On est en train de vivre un changement du peuplement, je pèse mes mots, et on est en train d’accepter en France, pour l’islam, ce que maintenant on se met à refuser à la chrétienté. Nous étions une société de chrétienté, or nous allons devenir une république islamique dans 30 ans. Ce sont les démographes qui parlent. Alors évidemment, la Libre Pensée, c’est ce qu’elle veut secrètement, parce que comme on dit dans l’évangile « on ne met pas une lampe sous le boisseau », vous vous cachez Monsieur de la Libre Pensée ! Votre but secret, c’est de détruire l’identité de la France ! Heureusement aujourd’hui en France, il va y avoir des auditeurs qui vont réagir à mon propos ! Il y a des millions de français qui en ont ras le bol que l’on détruise l’identité de la France et moi je suis un des porte-parole de cette France-là ! »
Le ci-devant de Villiers a un véritable problème avec l’Histoire, il ne s’est pas encore aperçu que depuis 1789, il y a eu la Révolution et ensuite la République. Il n’est pas descendu de cheval depuis Poitiers en 732. Sus aux Maures et aux Sarrazins !
Et dans son délire, il cite Mozart (horreur : un Franc-Maçon !) et Victor Hugo (damnation : un libre penseur !). Victor Hugo, qu’il devrait lire quand il disait : « Ce que je veux : l’Etat chez lui, l’Eglise chez elle ». C’est tout simplement ce que demande la Libre Pensée.
Philippe de Villiers et Robert Ménard en appellent à la résistance et au refus des décisions des tribunaux. Comment, quelqu’un en charge de l’autorité publique, peut-il ainsi bafouer la loi ? Que diront-ils demain quand des personnes feront des incivilités, eux qui en appellent à ne pas respecter la loi ?
Au cours des nombreux débats médiatiques, David Gozlan s’est trouvé confronté à quasiment tout le panel des « leaders » politiques de l’extrême-droite au PS. Tous, sans exception aucune, ont repris l’argumentaire de l’Eglise catholique, sur les racines chrétiennes, sur la non-importance de la crèche, le bonheur que cela apporte, etc… Un seul discours, mais plusieurs haut-parleurs. Et tous sont connus pour avoir soutenu l’interdiction du voile islamique dans la rue.
Il est à noter aussi qu’au début l’Eglise catholique a envoyé débattre des ecclésiastiques et qu’ensuite ce furent des « politiques » qui furent envoyés au front, tous des Gens d’Eglise à des degrés différents. Tant il est vrai qu’il y a toujours plusieurs demeures dans la maison du Père.
Florian Philippot, Stéphane Ravier, Nadine Morano, Thierry Mariani, Philippe de Villiers, Christine Boutin, Jean-Christophe Lagarde, Jean Glavany, Malek Boutih, Julien Dray :
Tous derrière le petit Jésus dans la République et tous contre le voile islamique !
Que voilà des vrais laïques !
La Libre Pensée le dit haut et fort :
La République est une et indivisible :
Entretien par Jean-Baptiste d'Albaret
Déclin irréversible ou mutation en profondeur ? Dans un livre dont la riche iconographie donne à voir la multiplicité de ses visages, Jean Sévillia dresse le portrait d’une France catholique (Michel Lafon) héritière de deux mille ans d’histoire.
Parler du catholicisme aujourd’hui, c’est d’abord poser le constat d’une déchristianisation d’une nature inédite. Comment expliquez-vous un tel effondrement de la foi et des vocations religieuses ?
« L’homme moderne vit comme si Dieu n’existait pas », disait Jean-Paul II. Les causes de la crise spirituelle de l’Occident sont nombreuses. Pour la France, je retiens surtout la cause sociologique avec le passage, au xixe siècle, d’une civilisation rurale, socle populaire de l’Eglise de France pendant des siècles, à une civilisation urbaine au monde ouvrier très vite déchristianisé. Mais ce constat doit immédiatement être nuancé car, paradoxalement, c’est aujourd’hui dans les villes que l’Eglise se reconstruit. A Paris, à Lille, à Lyon, à Nantes, à Toulouse, un noyau actif de paroisses vivantes redonne au catholicisme français un dynamisme certain tandis qu’il continue de décroître dans les campagnes qui deviennent un véritable désert spirituel. Dans moins de dix ans, certains diocèses n’auront plus que dix prêtres en âge d’être en activité !
L’Eglise de France n’échappera pas à une réforme profonde de son organisation ecclésiale en tenant compte de ces nouvelles caractéristiques : elle est aujourd’hui moins populaire et plus citadine.
On entend souvent dire que l’Eglise de France manque de moyens…
Comparée à son homologue allemande et à ses 5 milliards d’euros de budget, elle paraît en effet presque misérable : 700 millions de budget, c’est peu ! Pour autant, taraudée par des questions existentielles et fragilisée par un nombre de vocations famélique, l’Eglise allemande est confrontée à de graves problèmes que la France semble avoir surmonté. La mobilisation contre le mariage homosexuel, même si elle se voulait aconfessionnelle, l’a suffisamment démontré : chez nous, les catholiques sont présents dans les débats de société.
Certes, la loi n’a pas été abrogée, mais les Manif pour tous ont soulevé un certain nombre de questions fondamentales qui travaillent désormais en profondeur l’ensemble de la société. Surprise ! à force d’entendre parler du déclin de la pratique religieuse, on avait fini par croire que le catholicisme français était en voie de disparition…
Ce qui est loin d’être le cas si on en croit votre livre…
Un certain discours médiatique fait tout ce qu’il peut pour effacer la dimension catholique de notre histoire et de notre culture. Mais malgré une conception de la laïcité particulièrement agressive à son égard, malgré le « fait musulman » qui tend à accaparer les esprits, le substrat chrétien de notre pays est encore solide. Il n’y a qu’à jeter un coup d’œil à la toponymie française… Et si les catholiques se sont longtemps auto-persuadés qu’ils étaient minoritaires, le fait est que 56 % des Français se réclament de cette confession. Il y a aujourd’hui 44 millions de baptisés en France, les deux tiers de la population. J’appelle cela une majorité ! Certes, beaucoup ne mettent jamais les pieds à la messe. Mais avec 3 millions de pratiquants réguliers et 10 millions de pratiquants occasionnels, les catholiques n’en constituent pas moins la première minorité religieuse du pays.
Peut-on dresser un portrait-robot du catholique français du XXIe siècle ?
Les travaux sociologiques menés sur le sujet témoignent d’une multiplicité de profils avec toute sorte de nuances intermédiaires. Mis à part le catholique d’éducation, peu ou pas pratiquant et modérément en phase avec le discours de l’Eglise, je pense pour ma part qu’il est possible de distinguer trois grandes catégories de catholiques.
La première regroupe les pratiquants irréguliers ou occasionnels, attentifs aux propos du pape mais revendiquant un point de vue critique et une liberté de conscience vis-à-vis du magistère. Ceux-là votent parfois à gauche mais plus souvent au centre ou à droite. Deuxième catégorie : une grosse minorité, vieillissante, qui a vécu dans sa jeunesse le concile Vatican II et son espérance d’un printemps de l’Eglise avec passion. Encore très présente dans les paroisses, cette génération décline cependant rapidement. Politiquement, elle penche plutôt à gauche. La troisième catégorie forme un noyau dur de fidèles totalement engagés dans l’Eglise de France. On l’a longtemps qualifiée de « génération Jean-Paul II » mais, en réalité, elle rassemble aujourd’hui au moins trois générations Jean-Paul II et une génération Benoît XVI. Celle-là regarde à droite ou préfère s’abstenir par défiance envers le personnel politique. à cette troisième catégorie peuvent être agrégés des profils aux sensibilités particulières, comme les charismatiques et les traditionnalistes.
Quelles sont les différences fondamentales entre ces deux dernières catégories de catholiques pratiquants ?
La première privilégie le rôle des laïcs dans l’Eglise : pour elle compte avant tout l’engagement social des chrétiens – terme qu’elle préfère à celui de catholique – et le dialogue avec le monde. La deuxième aborde sa foi comme une source spirituelle pouvant éventuellement conduire à un engagement temporel à condition qu’il soit en phase avec le discours de l’Eglise et de la papauté. L’une, pénétrée de la notion de « peuple de Dieu », se réclame de « l’enfouissement dans le monde » ; l’autre, pour qui la foi est une réalité prégnante de la vie personnelle, affiche sans complexe son catholicisme.
Il semble cependant que le temps a apaisé les conflits nés des évolutions internes que l’Eglise a connues depuis la guerre et les années 60. Êtes-vous sûr que cette catégorisation entre « progressistes » et « conservateurs », pour parler simplement, ait encore une consistance ?
Elle s’observe toujours, surtout dans les paroisses rurales. Mais, vous avez raison, les différences ont tendance à s’estomper. Le drame de la génération Vatican II, c’est que ses enfants ne vont plus à la messe et que ses petits-enfants ne sont même plus baptisés… Elle n’a pas su léguer un héritage. à côté de cette génération vieillissante et sans postérité, la génération dite « Jean-Paul II » a, au contraire, engendré une jeunesse qui tend à réaffirmer sa spécificité catholique, notamment au travers d’une pratique religieuse très importante. Une étude a montré que parmi les 50 000 jeunes français participant aux JMJ de Madrid en 2011, 6 % disaient aller à la messe… tous les jours ! C’est un pourcentage considérable, presque inimaginable même pour un catholique convaincu qui a eu 20 ans dans les années 70… L’avenir semble donc être à une Eglise plus resserrée et plus homogène : certes, des sensibilités différentes y cohabitent, mais de façon beaucoup moins conflictuelle qu’autrefois.
Vous insistez sur le poids et l’importance des communautés nouvelles. Est-ce particulier à la France ?
L’expression « communautés nouvelles » n’a plus tellement de sens dès lors que certaines d’entre elles ont plus de quarante ans d’ancienneté. Issues pour la plupart d’entre elles du Renouveau charismatique apparu en France à la fin des années 60, elles ont su enrichir l’Eglise de leur spiritualité propre. Un chiffre pour dire leur poids : depuis 1975, un million de personnes sont passées par les sessions de formation organisées par l’Emmanuel à Paray-le-Monial ! Toutes ces communautés ont aujourd’hui une présence internationale mais c’est en France qu’elles sont nées.
Et les traditionalistes ?
Le mouvement traditionaliste est également né en France où son influence est réelle. Il n’y a pas d’équivalent dans d’autres pays du pèlerinage de Chartres – relancé en 1983 par l’association traditionaliste Notre-Dame de Chrétienté – dont on sait qu’un tiers seulement des pèlerins sont des fidèles du rite extraordinaire. De ce point de vue, le monde de la tradition est missionnaire. Sa force vient de son réseau de familles, jeunes et nombreuses.
Finalement, le tableau que vous dressez est globalement positif et invite à l’optimisme…
Au Vatican, on observe ce qui se passe en France avec beaucoup d’attention. Et pas seulement en raison du succès des mobilisations de 2013 pour la défense de la famille. Que ce soit dans les communautés charismatiques, chez les fidèles de la forme extraordinaire et, plus généralement, dans la jeunesse des paroisses nourrie par la prière et qui a soif de formation, beaucoup de signes d’un renouveau du catholicisme occidental proviennent de notre pays. De jeunes prêtres charismatiques et de jeunes intellectuels originaux font entendre leur voix. Et nous avons des familles nombreuses – phénomène spécifiquement français – pourvoyeuses de vocations. Bref, il y a là comme un petit miracle français : dans la grave et profonde crise spirituelle traversée par l’Occident, notre patrie reste fidèle à sa vocation de « fille aînée de l’Eglise ». •
La France catholique, de Jean Sévillia, Michel Lafon, 237 p., 29,95 euros.
Jean-Baptiste d'Albaret
Rédacteur en chef de Politique magazine
par François Marcilhac*
Certes, il y a l’individualisme des Français, mais l’explication serait un peu courte. Le fait que nos compatriotes aient été si peu nombreux à pavoiser, comme le leur avait demandé Hollande, leurs balcons et fenêtres du drapeau tricolore, le vendredi 27 novembre, jour de l’hommage national aux victimes du terrorisme islamiste, est avant tout le signe d’une perte totale de légitimité.
Ce n’est pas d’être récupérés par le pouvoir que les Français ont craint. Non, c’est bien plus simple que cela : Hollande parle désormais dans le vide et un hommage rendu par un gouvernement qui n’est plus ressenti que comme un pouvoir de fait est à leurs yeux nul et non avenu. Et ce n’est pas le raout écologique, la green party du Bourget à laquelle, paraît-il, la survie de la planète est suspendue, qui va les réconcilier avec leur « président normal ». Comment camper en sauveur du monde l’homme qui s’est révélé incapable de protéger ses concitoyens au cœur du XIe arrondissement de Paris ?
« Ceux qui nous frappent savent que nous sommes vulnérables. Ils savent que la société française, que les sociétés européennes, occidentales sont fragiles parce qu’un profond malaise les étreint. Ce malaise est dans l’école, dans la culture, dans la justice, dans l’économie, dans la politique. » Comment ne pas être d’accord avec une analyse aussi lucide ? Oui, il convient de dénoncer « des décennies de renoncements, de reniements et de lâchetés collectives », ainsi que la politique européenne, notamment l’incapacité à « réformer Schengen », ou l’obsession aveugle « à s’élargir » sans fin. Oui, nous aussi, « nous n’acceptons pas de voir disparaître » « la France de toujours ». Oui, « un pays n’est pas une page blanche » — Maurras évoquait un « terrain vague » — sur laquelle il n’y aurait « plus de nations, plus d’État, plus de frontières, plus d’identités, plus d’attaches, plus d’héritage ». Et pourtant, comment le dégoût ne nous prendrait-il pas en apprenant que c’est Sarkozy qui a osé proférer de tels mensonges — dans sa bouche — à Schiltigheim en Alsace, le 25 novembre dernier ? Cherchant à se présenter non pas tant comme le chef des Républicains que comme l’ancien chef de l’Etat, évitant dès lors, pour prendre de la hauteur, de critiquer trop directement Hollande et la gauche mais désireux tout de même de (re)lancer la campagne pour les régionales, il est surtout apparu comme un ancien président en campagne pour 2017... Instrumentaliser la situation dramatique du pays pour retrouver les accents virils et patriotiques de 2007 et de 2012, quelle indécence ! Croire que les Français seront majoritairement dupes, quel aveuglement ! Lui dont la politique a précisément eu pour effet d’aggraver le malaise « dans l’école, dans la culture, dans la justice, dans l’économie, dans la politique ». Lui qui a soumis la France au délire de l’Europe ouverte à tous les vents via la forfaiture du traité de Lisbonne. Lui qui a déstabilisé la Libye, dont la situation devient chaque jour plus menaçante, et commencé d’apporter un soutien aux « rebelles » syriens avant que Hollande ne poursuive dans la même voie. Lui qui a favorisé comme jamais l’immigration et a écrit, le 31 mars 2009, dans sa lettre de mission pour le débat sur l’identité nationale, que « l’ensemble des personnes qui vivent sur le territoire de la République, quelles que soient leurs origines, qu’ils soient étrangers ou français », « tous sont appelés à être des citoyens ». « Notre Nation est métissée. L’immigration constitue une source d’enrichissement permanent de notre identité nationale. [...] La France dont nous défendons les couleurs est une France ouverte sur les autres, sur le monde, sur l’avenir. C’est une France qui évolue avec son temps. C’est une France à laquelle chaque nouvel arrivant, chaque nouveau Français apporte son histoire, les richesses de son origine, sa contribution. » Oui, pour Sarkozy, la France est bien une page blanche que chacun peut venir colorier, et ensanglanter, à sa guise.
Il lui était d’ailleurs facile de prouver sa toute nouvelle conversion à la « France de toujours » : Baroin lui en offrait l’occasion sur un plateau. Sur ordre du Grand Orient de France, le président de l’Association des Maires de France (AMF) n’a-t-il pas demandé, moins d’une semaine après les attentats islamistes contre les « croisés » et les « infidèles » et à une semaine de l’Avent, une loi interdisant les crèches dans les lieux publics ? Or Sarkozy s’est bien gardé de dénoncer cette atteinte à la « France de toujours ». Chez les Baroin, on est maçon de père en fils et l’AMF, que quittent des maires patriotes chaque jour plus nombreux, n’est plus que le vecteur de cette haine froide du christianisme qu’une définition particulièrement sectaire de la laïcité doit propager : « Une approche philosophique du vivre ensemble que l’on peut qualifier d’humaniste parce qu’elle ne se réfère à aucun dogme religieux ni à aucune vérité “révélée” et qu’elle n’est soumise à aucun appareil religieux. » Comme l’a commenté Gérard Leclerc sur Radio Notre-Dame (24 novembre), « cette définition, qui sent bon le rationalisme rabougri et le b-a ba de la rue Cadet, est tout simplement inepte ». Et n’a évidemment rien de laïque, si être laïque, c’est simplement respecter la croyance ou la non-croyance de chacun. Oui, nos élites sont décidément indignes de la situation où leur carriérisme et les groupes de pression les ont placées. A droite comme à gauche, elles témoignent d’une coupure totale avec l’être même de la France.
Un être qu’ignore le régime des partis, lequel transforme tout ce qu’il touche. Ainsi des élections régionales, qui n’ont plus de régionales que le nom. Comment en serait-il autrement alors que les nouvelles régions arbitrairement dessinées par le pays légal ne correspondent à rien ? On n’est même pas sûr qu’elles aient une logique économique puisque aucune étude d’impact n’a précédé leurs nouveaux contours. Ce qui ne signifie pas que l’enjeu régional n’existe pas, au contraire : fédéraliste par essence, l’Action française est peut-être la seule à proposer un projet en ce sens. Mais en attendant, il faut bien se prononcer au plan national, c’est-à-dire, car la république travestit tous les mots, au plan politicien. Un vote PS ou LR est évidemment inenvisageable. Que reste-t-il ? Les candidats qui partagent sur l’indépendance nationale, l’Europe ou l’immigration des analyses proches des nôtres. Deux listes sont donc théoriquement possibles. Mais tout est aussi fonction des personnalités, régionales ou départementales. Par exemple, dans la Somme, l’une des deux listes possibles cache, derrière un paravent patriotique, un vrai vote LGBT. Quant à l’Île-de-France, Wallerand de Saint-Just joue, pour compenser son défaut de notoriété, sur un homonyme de sinistre mémoire et ne propose aux Franciliens sur ses affiches d’autre choix qu’entre la djihadiste en bonnet phrygien de 1793 et celle, voilée, d’aujourd’hui. Avant de se faire siffler par ses éventuels électeurs pour avoir taclé les positions sociétales de Marion Maréchal-Le Pen. Manifestement, certains croient que se dédiaboliser, c’est comme s’encanailler sur le tard : il suffirait pour cela d’adopter les codes devenus ringards de l’après Mai-68, alors que le train de l’histoire, en avançant, a donné naissance à une jeunesse décomplexée qui n’a pas peur de renouer avec les fondements de la société.
C’est cette jeunesse qui renversera tous les politiciens qui, quelle que soit l’étiquette arborée, se révéleront indignes d’incarner la « France de toujours ». •
L’Action Française 2000
par Guillaume Bigot
Il y a beaucoup de bonnes et intéressantes idées dans cette chronique publiée sur Causeur [26.07]. Certes, il nous est permis de douter, à nous et à beaucoup d'autres, que la République soit capable de la brutalité nécessaire face non seulement au terrorisme mais aussi à l'islamisation de la France. Mais il est vrai qu'aujourd'hui nous ne pouvons l'attendre cette brutalité - et la réclamer - que de ceux qui occupent le pouvoir, sans trop l'exercer d'ailleurs, on le sait. Nous ne chipoterons pas Guillaume Bigot, sur son opinion, que nous ne partageons pas, selon laquelle De Gaulle serait parvenu à canaliser l'épuration des collabos. C'est aujourd'hui un point d'histoire. La référence finale à l'horrible Danton a-t-elle de quoi nous agacer ? Finalement, non, puisqu'en l'occurrence elle reprend une idée juste. Comme nous paraît juste et bienvenue le fond de cette chronique. LFAR
Le sang a à peine fini de sécher sur la Promenade des Anglais. La France a été de nouveau frappée. Bientôt, nous ne compterons plus les attentats islamistes. Que faire pour nous y préparer ?
Avant tout comprendre la nature de la menace. Ce ne sont pas les attentats qu’il faut redouter, ce sont leurs conséquences qu’il faut anticiper. Les actes de terreur djihadistes, bien qu’épouvantables en eux-mêmes, ne sont pas aussi graves que leurs effets probables.
Cessons d’ailleurs de poser cette question idiote : que fait la police ? Impossible de mettre un agent de renseignement derrière chaque djihadiste potentiel, on empêche beaucoup, on ne préviendra pas tout. Sortons de notre fantasme du zéro risque ou du caractère prédictif du risque djihadiste. Nous sommes dans la vraie vie, pas dans la série « 24 heures chrono ».
Il faut ainsi préparer la population à des répliques aussi sanglantes que fréquentes. Nous l’écrivions en 2004 avec Stéphane Berthomet dans Le jour où la France tremblera. A présent que nous y sommes, nous n’allons pas nous dédire : la guerre sera d’usure et nous ferions mieux de nous y préparer.
Nous n’avons pas de stratégie, nous subissons, pire encore nous amplifions. Lorsque nos médias diffusent des images gores, ils se transforment en service de presse du djihad, amplifiant l’effet de terreur. Cesser de diffuser et de relayer les images les plus anxiogènes et les plus spectaculaires des attentats est essentiel, afin de ne pas participer au djihad psychologique. Les médias, les acteurs de l’Internet et tous les citoyens devraient être mobilisés et appelés à la retenue par un État conséquent qui aurait la juste mesure du défi qui nous est lancé. Mais nos dirigeants peuvent-ils sortir de leur logique de com ? Il est permis d’en douter.
Ivres de démagogie, rendus fous par la tyrannie de la transparence, la veille de l’attentat de Nice, nos gouvernants allaient jusqu’à rendre publique des projets attentats déjoués, facilitant ainsi la tâche à nos ennemis qui n’ont même plus besoin de réussir leur coup pour faire parler d’eux. N’ayant rien compris, ni rien appris du 11-Septembre et du 13-Septembre, le Premier Ministre, la veille de la réplique, se félicitait de l’absence d’attentats pendant l’Euro accréditant l’idée suivant laquelle nous étions sortis du « pot au noir » djihadiste.
Nous avons toujours un attentat de retard et notre analyse court après l’événement, sans recul et sans capacité à en saisir la logique d’ensemble et à en cerner la réelle dangerosité.
Les experts et les politiques constatent que, pour l’instant, tout est calme. Ce calme risque de précéder la tempête. Il est vrai que le peuple français a fait preuve d’une dignité et d’une sérénité exemplaire jusqu’à présent mais c’est sans compter sur l’effet de répétition d’actes qui s’inscrivent dans une guerre d’usure.
La tragédie qui se prépare…
Imaginez qu’armé d’une simple fourchette, un forcené vous pique le bras jusqu’au sang. Une fois, deux fois, dix fois. A la onzième blessure infligée, même si vous êtes l’être le plus placide du monde, vous allez à la fois vous en prendre à ceux qui sont censés vous protéger et à ceux dont vous estimez, à tort ou à raison, qu’ils sont responsables de votre souffrance. Voilà ce qui nous menace. Et ce n’est sûrement pas l’eau tiède du « vivre-ensemble » et du « pas d’amalgame » qui préservera notre concorde.
Si rien ne change, des Français exaspérés finiront par se faire justice eux-mêmes. Et alors, ce jour là, peu importe qu’ils frappent des musulmans pacifiques, des salafistes antipathiques ou de vrais djihadistes, c’est le monopole de la violence légitime qui sera alors contesté.
Si cela arrive (et nous sommes bien partis pour), la situation deviendra incontrôlable. Nous serons rentrés dans la spirale du sang. Voilà ce qu’il faut éviter et non faire croire à l’opinion que les attentats pourront être évités, ce qu’il est vain d’espérer.
Nos dirigeants ignorent l’ampleur de la tragédie qui se prépare car ils ne croient pas à l’esprit gaulois. On va hurler au racisme. À tort. Il suffit de relire la Guerre des Gaule pour découvrir que même si nous avons peu de rapport ethnique avec les tribus celtes décrites par César, le peuple français d’aujourd’hui partage bien des traits psychologiques et culturels avec eux. Les beurs et les blacks des cités sont d’ailleurs bien plus gaulois qu’ils ne l’imaginent.
Or, l’un des traits de la psychologie française, c’est d’être aussi prompts à se diviser qu’à s’unir face à un ennemi commun. Une autre de leur caractéristique, c’est de se montrer très ouvert aux apports extérieurs mais également très intolérants voire très violents à l’égard de ceux qui entendent imposer leur loi chez eux et d’être capables d’accès de fureur incontrôlé. L’histoire de France est jonchée de cadavres de ceux qui ont essayé de briser l’unité et qui ont pactisé avec l’étranger. La haine des Bourguignons, la répression des huguenots, le massacre des Vendéens et des émigrés, l’épuration des collabos (que De Gaulle parvint à canaliser).
Ce qui est à redouter par dessus tout, c’est donc que la minorité prosalafiste en France finisse ainsi réprimée dans le sang ou rejetée à la Méditerranée. La valise ou le cercueil, le sinistre programme du FLN risque un jour d’être imposé à ceux qui, Français de souche ou de fraîche date, voudront vivre suivant la charia en France.
Pour neutraliser ce risque, la République doit se montrer symboliquement brutale à l’égard de cette minorité dans la minorité musulmane et exigeante à l’égard de l’islam. Ce n’est pas le programme de 1901 qu’il faut appliquer à l’islam mais celui de Bonaparte à l’égard du judaïsme.
Créer des tribunaux d’exception et expulser les étrangers et les doubles nationaux fichés « S ». Expulser en masse et de manière spectaculaire tous les prêcheurs de haine, condamner pour intelligence avec l’ennemi les militants français de la cause. Créer un moratoire sur le regroupement familial. Plutôt la violence symbolique que physique. Obliger toutes les mosquées en France à condamner sans équivoque les actes de leurs coreligionnaires. Imposer aux imams de prévenir eux-mêmes l’amalgame, en se dissociant sans équivoque avec les djihadistes, mieux vaut heurter la susceptibilité des musulmans pratiquants de France que de les voir un jour brutalisés.
Il faut aussi expliquer qu’espérer vivre suivant des lois et des mœurs étrangères à la France sur son territoire risque de se transformer en cauchemar. Interdire catégoriquement tout prosélytisme islamiste et protéger préventivement les mosquées.
Danton a parfaitement anticipé ce programme de salut public : soyons terribles, disait-il, pour éviter au peuple de l’être ! •
Guillaume Bigot
Membre du Comité Orwell, essayiste
En 2013 il publie La Trahison des chefs chez Fayard.
Par Guyonne de Montjou
Jean-François Colosimo, écrivain, théologien et éditeur, décrypte pour Figarovox [28.07] l'attentat, inédit sur le sol français, qui a notamment coûté la vie à un prêtre octogénaire dans son église. Un dialogue d'un grand intérêt où, comme d'ordinaire, Jean-François Colosimo va au fond des choses, à l'essentiel. LFAR
Cet attentat dans une église, visant des fidèles, était-il selon vous inévitable?
Oui. Daech mène aussi une guerre de religions. Dans un conflit, il est essentiel de savoir désigner l'ennemi. Il n'est pas moins indispensable de connaître la manière dont l'ennemi vous définit. Dans la représentation de Daech, il n'est pas tant question de l'Occident, des Américains ou des Européens, que du « camp des juifs et des croisés» ou du « royaume de la croix ». Qu'un prêtre soit égorgé dans son église nous paraît inouï, c'est pourtant ce qui se produit, dans l'indifférence, au Proche-Orient depuis une décennie. D'un coup, la mondialisation, qui est un univers de flux financiers, numériques, migratoires, abolit les distances et les différences. L'effet retard de notre prise de conscience explique notre sidération. Le déni la nourrit également: voyez le temps qu'ont mis les autorités françaises à reconnaître que les 21 Egyptiens décapités sur une plage en Libye en février 2015 l'avaient été parce qu'ils étaient chrétiens, précisément coptes.
Comment analysez-vous cette sorte de cécité ?
Nous sommes pris dans une logique historique inversée: le projet européen est une uchronie hors du passé, du présent, tendue vers un pur avenir de paix, de fraternité et… de consommation. Il s'agit de constituer l'empire du bien, neutre, capable d'accueillir toutes les altérités et de désarmer toutes les hostilités. Mais pour réaliser cette abstraction, il faut se couper de ses racines et se conjuguer éternellement au futur. L'Europe, dans sa Constitution même, nous ordonne d'être anhistoriques.
Et pourtant les terroristes, en attaquant cette église mardi matin, ont voulu frapper un symbole…
C'est là le paradoxe. Pour le califat réinventé par Daech, l'histoire détermine le présent: nous sommes les héritiers du christianisme. Les djihadistes nous assignent à notre identité religieuse, même si nous nous échinons à affirmer qu'elle ne nous concerne plus.
Cet attentat marque-t-il, selon vous, un tournant ?
Oui. D'une part, parce que la notion même de sanctuaire que représentent diversement le temple, la vieillesse, la périphérie, l'anonymat, s'en trouve annulée. D'autre part, parce que le fait chrétien, sans lequel la France est inconcevable, longtemps minoré, ne peut plus être ignoré. Là encore les pouvoirs politiques et médiatiques ont leur part de responsabilité: on s'émeut régulièrement et à raison des actions de vandalisme contre les cimetières juifs et musulmans tandis que les mêmes actions contre les cimetières chrétiens sont largement passées sous silence.
Pensez-vous que la réponse de l'Eglise qui consiste à tendre l'autre joue, à s'aimer les uns les autres, puisse être interprétée comme un aveu de faiblesse ?
C'est pourtant la seule bonne réponse! Les évêques sont des guides, chargé du peuple des fidèles. Ils doivent empêcher que l'on réponde à la haine par la haine. Mais ils font aussi œuvre publique. Daech espère que des représailles antimusulmanes finiront par survenir en Europe et que s'ensuivra une guerre civile généralisée. C'est un piège qu'il revient à l'Eglise de prévenir. Ce n'est en rien une position naïve: c'est le catholicisme qui, avec saint Augustin et saint Thomas, a fait en sorte que la guerre soit encadrée par le droit afin qu'elle ne tourne pas à la pure barbarie.
Diriez-vous que le dialogue avec l'Islam est possible ?
Le christianisme est engagé dans un effort permanent de dialogue avec l'Islam. C'est une entreprise souvent décevante, toujours difficile, mais nécessaire. Comme le disait l'orthodoxe Olivier Clément (1921-2009), les musulmans méritent notre «respect têtu», c'est-à-dire que nous menions avec eux un dialogue persévérant parce qu'exigeant, autant fondé sur la vérité que sur l'humanité.
Comment distinguer islam et islamisme dès lors que les ferments de violence se trouvent dans les textes sacrés de cette religion ?
Toute religion porte en elle une tentation fondamentaliste qui lui est propre. Néanmoins, l'islam présente une porosité singulière à ses dérives exacerbées. Contrairement à l'idée répandue, les causes de la crise ne sont ni politiques, ni économiques. La réforme doit d'abord être d'ordre théologique, philosophique, exégétique. Le monde musulman rêve de retrouver son Age d'or. Il le fera non pas en renouant avec l'imagerie de la conquête, mais avec l'impératif de l'interprétation.
Si les djihadistes nous lançaient un défi, quel serait-il ?
Le défi est là, et démonisé. Les voilà qui nous disent: «Je suis prêt à mourir parce que je veux l'au-delà. Et toi, pour quoi es-tu prêt à mourir?» C'est là qu'apparaissent le gouffre et la béance de notre société horizontale qui ne connaît plus de verticalité. Tant que nous ne retrouverons pas l'évidence qu'il nous faut articuler notre communauté de destin à une forme ou à une idée de la transcendance, nous serons condamnés, désolés, à compter nos morts.
Et l'idée de progrès ou celle d'Europe ne suffisent-elles pas à nous transcender ?
Ce sont des idées mortes! C'est fini le progrès, l'utopie, Prométhée. Ces idées ont été le cœur noir des Lumières, soldé par le goulag, la Shoah et Hiroshima. L'homme européen a proclamé la mort de Dieu et c'est la mort de l'homme qui est advenue et qui se poursuit.
Croyez-vous que les djihadistes sont des êtres archaïques, fonctionnant avec les codes du Moyen Age ?
Pas du tout. Les djihadistes sont le parachèvement de la modernité. Leur crime allie le goût de la barbarie et l'exaltation de la technique. C'est la combinaison du sacrifice sanglant et de l'application Periscope (qui permet de diffuser une vidéo en direct via son smartphone, ndlr). Si on ne comprend pas cela, on continuera à dire des âneries! Non les islamistes ne sont pas en transition historique, ils ne viennent pas du Moyen Age, ils sont l'acmé du nihilisme.
Vous semblez imputer ces attentats à la modernité…
Je crois qu'il faut bien comprendre que la globalisation consiste en deux mouvements: le premier, centrifuge, qui veut produire un individu cloné à l'échelle planétaire selon un même axe et sur un mode identique ; le second, centripète, qui voit éclater les identitarismes reconstruits, tribaux et claniques à la bordure. La mondialisation, ce n'est pas l'un ou l'autre, mais les deux en même temps. La stérilisation et la virulence simultanément.
Quelle solution ?
Ce n'est pas pour rien que les djihadistes assaillent les églises en Orient et désormais en Occident. Ils les attaquent car là, précisément, est la réponse. Celle-ci ne se trouve pas dans les universités, les think tanks ou les ministères. Les djihadistes divinisent la mort. Le carnage est leur prière. La réponse consiste en la démonstration que non seulement Dieu est vivant, mais qu'il est «le Vivant». La réponse est résolument spirituelle.
Jacques Hamel, ce prêtre octogénaire assassiné, est-il au sens strict un martyr ?
Qui d'autre le serait, sinon ? Au moment de mourir, il célébrait la messe. Il se trouvait à confesser sa foi. Il a été égorgé comme l'agneau sur l'autel. Si lui n'est pas martyr, alors qui l'est? Les dieux de toutes les religions sont des dieux gagnants. Seul le Dieu des chrétiens consent à apparaître perdant en s'incarnant, en subissant le supplice, en mourant sur la croix. Pour mieux renverser la malédiction qui amertume l'histoire des hommes. •
Jean-François Colosimo est essayiste et directeur général des Editions du Cerf. Il a récemment signé Les Hommes en trop. La malédiction des chrétiens d'Orient, chez Fayard. - Crédits photo : Jean-Christophe MARMARA
Guyonne de Montjou
par François Marcilhac
Sale temps pour l’oligarchie. En huit jours à peine, voici que les Britanniques ont voté pour sortir de l’Union européenne et que son candidat à la tête de l’Autriche a vu son élection invalidée pour « irrégularités ». Si différents soient ces deux événements, ils n’en reflètent pas moins les lézardes grandissantes qui fissurent cette Europe dont les peuples ne veulent ouvertement plus ou qui ne sait plus faire élire ses thuriféraires qu’en truquant les élections.
Belle leçon de démocratie ! Fort heureusement pour les Autrichiens, leur Cour constitutionnelle n’est pas le Conseil constitutionnel français. Elle ne valide pas des élections dont le dépouillement s’est déroulé dans des conditions discutables. L’ancien président du Conseil constitutionnel Roland Dumas ne se disait-il pas, lui, « convaincu d’avoir sauvé la République » — rien que moins ! — en ayant validé, en 1995, les comptes de campagne présidentielle « manifestement irréguliers » de Jacques Chirac ? Autres pays, autres mœurs... La Cour constitutionnelle autrichienne se contente, elle, de faire son travail.
Quant au Brexit, à peine connus, les résultats étaient déjà contestés. Non pas quant à leur régularité, mais pour leur teneur même. Juncker, contre les Grecs, n’avait-il pas prévenu en 2015 qu’ « il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens » ? John Kerry, le secrétaire d’Etat américain, auquel ce camouflet à l’ingérence d’Obama dans les affaires britanniques n’a manifestement pas servi de leçon, s’est aussitôt empressé de déclarer qu’ « il existe des moyens » pour que le Brexit ne se réalise jamais. Une intervention armée, comme en Irak ?... ou une pétition demandant un second vote, dont Marion Maréchal-Le Pen démontrait aussitôt l’imposture ...en la signant elle-même, mais relayée le plus sérieusement du monde par nos médias officiels, les bobos cosmopolites de Londres ne supportant pas que le peuple ait voté différemment d’eux.
UNE VAGUE DE MÉPRIS SOCIAL ET ETHNIQUE
C’est une vague de mépris, à la fois social et ethnique, qui a subitement déferlé sur les patriotes anglais. Être un Anglais de souche et un travailleur est devenu une tare irrémissible. Encore, au XIXe siècle, la bourgeoisie ne reprochait-elle aux classes laborieuses que leur « dangerosité » sociale, les privant sous ce prétexte du droit de vote... Mais notre époque a fait des progrès. C’est leur enracinement qui leur est maintenant reproché, c’est-à-dire leur appartenance au pays réel et non à une hyperclasse mondiale friquée et hors sol. Bernard-Henri Lévy, qui appelle à un second vote, n’a pas hésité à écrire : « C’est la victoire des casseurs et des gauchistes débiles, des fachos et hooligans avinés et embiérés, des rebelles analphabètes et des néonationalistes à sueurs froides et front de bœuf. » Tout y est, dans cette prose nauséabonde : la disqualification non seulement sociale et économique, mais aussi intellectuelle et physique de l’homme du peuple, ramené à une bestialité phantasmée qui, évidemment, est faite pour déshumaniser le tenant du Brexit, décrit comme un sous-homme, et donc disqualifier son choix. Et de poursuivre sur plusieurs paragraphes cette prose aux relents putrides qui rappellent les heures les plus sombres de notre histoire. Car c’est le 25 juin dernier dans Le Monde qu’est paru ce texte, non dans Gringoire entre les deux guerres. Tel est le discours de haine des tenants du mondialisme. Mais plus que leur arrogance, il traduit leur panique de voir le principe de réalité des nations resurgir dans une tranquille affirmation de soi.
Ah ! La belle insolence des peuples. Partout en Europe, ils rappellent, par leur vote, leur droit à exister. Le mensonge européen fait de moins en moins illusion, à l’exemple du mensonge soviétique dans les années 70, lorsque Soljenitsyne écrivait sa célèbre Lettre aux dirigeants de l’Union soviétique. Oui, c’est vraiment un sale temps pour la nomenklatura mondialiste ! Et elle a beau, avec la complicité d’une presse dont les titres mangent tous au même râtelier, en rajouter sur le catastrophisme ou la volonté de punir les Britanniques de leur sacrilège, chacun sait que ces prophéties ou ces menaces que d’aucuns voudraient autoréalisatrices ne visent qu’à faire peur et à dissuader d’autres peuples d’imiter la perfide Albion. Quelle leçon pour les Vingt-Sept restants, si jamais le Royaume de Sa Gracieuse Majesté s’effondrait sur lui-même ! N’a-t-on pas ressasser que ce vote des losers de la mondialisation volerait son avenir à la jeunesse britannique ? Laquelle a surtout montré son désintérêt pour la question en s’abstenant à 70%.
PRAGMATISME CONTRE IDÉOLOGIE
Certes, Bruxelles trouvera dans le pays légal britannique ses meilleurs alliés pour voler leur vote aux Anglais, comme elle les a trouvés dans le pays légal français pour annuler notre non au traité constitutionnel. Avec une différence de taille : contrairement au pays légal français qui a fait le deuil de la France, le britannique choisira ce qu’il pensera être le meilleur pour les Anglais. C’est l’avantage du pragmatisme sur l’idéologie. A l’heure où nous écrivons, tout est encore ouvert. Et bien malin serait le commentateur qui projetterait en ce début de juillet 2016 l’avenir de l’Union européenne sur la comète du Brexit. N’oublions pas, en effet, le statut très particulier que le Royaume-Uni a(vait) dans l’Union, à la fois dedans et dehors, en raison des multiples exceptions (Schengen, l’euro, notamment) dont il a agrémenté son adhésion.
C’est pourquoi, réclamer dès aujourd’hui un référendum en France sur le même sujet ou le promettre en cas de victoire aux présidentielle et législatives prochaines est plus qu’imprudent. La France, pays fondateur de l’Union, n’est pas le Royaume-Uni, qui ne s’y est rattaché que pour le seul enjeu économique. La chape morale d’une Europe facteur de paix n’a guère de prise sur la conscience britannique, contrairement aux Français qui ont subi, depuis des décennies, un véritable matraquage d’Etat sur le sujet, que toutes les institutions, école et media compris, ont relayé, en vue de faire de l’Europe un réflexe conditionné. L’aliénation est la pire des servitudes. Ne pas tenir compte de l’état moral du pays et jouer son avenir à la roulette référendaire serait évidemment le plus mauvais service à lui rendre car, en cas d’échec, la légitimité de notre appartenance à ce monstre froid en sortirait renforcée. A moins que faire cette proposition anxiogène ne soit la meilleure façon de ne pas être élu parce qu’on ne se sent pas prêt. C’est tout d’abord de l’intérieur, en aggravant ses contradictions internes, qu’un gouvernement patriote devra s’employer à détruire l’Europe.
QUELLE « DÉRIVE TECHNOCRATIQUE » ?
Pour Jean-Pierre Chevènement, patriote de gauche, le Brexit peut-être « une deuxième chance donnée à l’idée européenne : celle d’une refondation démocratique qui articulerait la démocratie qui vit dans les nations avec une démocratie européenne qui reste à construire. » Son communiqué a inspiré l’appel de vingt intellectuels eurocritiques, paru dans Le Figaro, dont Michel Onfray, Natacha Polony ou Jacques Sapir qui, pourtant, dans notre dernier numéro, rappelait qu’un projet « démocratique » européen suppose l’existence d’un peuple européen, qui ne se décrète pas. Ce volontarisme consubstantiel à la gauche oublie qu’il n’y a jamais eu de « dérive technocratique » de l’Europe, comme le prétendent les auteurs de l’appel : le technocratisme est à la source du projet des « pères fondateurs », contre les souverainetés nationales et populaires. Contre la politique et la liberté des nations. Contre l’histoire. Dissipons les nuées d’une autre Europe pour mieux préparer un avenir de liberté et de paix reposant sur le dialogue d’Etats souverains. •
L’ACTION FRANÇAISE 2000
Nous sommes d'accord avec l'analyse qui suit. Nous entendrons par démocratique ce qui tient au sentiment profond des peuples et à la souveraineté des Etats. Et non pas ce qui tient de la démocratie idéologique à la française, au régime des partis, à la tyrannie de la doxa politico-médiatique, au Système ... LFAR
J’ai appris qu’on surnommait « Juncker the drunker » le Président de la Commission Européenne. Surnom que sa jovialité active à base, d’embrassades, de claques affectueuses, et de mimiques intempestives semblent justifier. Il paraît que Tsipras avait prévenu François Hollande et Angela Merkel avant l’annonce du référendum. Mais pas Jean-Claude Juncker, « qui plongé dans un profond sommeil n’avait pas décroché ». En pleine montée de la tension dans la crise grecque, le président de la commission, probablement autour de 3 g, ronflait comme un sonneur. Finalement réveillé, il est arrivé tard pour exprimer chagrin et déception. Son vin gai est devenu triste.
Il est vrai que l’Union Européenne semble assez dévêtue, et le Président de la Commission avec. Jérôme Leroy a exprimé la surprise que l’on pouvait ressentir devant la violence des réactions du mainstream face à une démarche de simple bon sens démocratique. Celle d’un Premier ministre grec ayant reçu un mandat et souhaitant le faire revalider par son peuple. Et pour aussi sortir de l’ambiguïté et de la contradiction qui consiste, ce qui n’est pas nouveau concernant la Grèce, à vouloir le beurre et l’argent du beurre. Rester dans l’Europe et dans l’euro, et ne pas rembourser tout ou partie de la dette.
Mais les profiteurs s’inquiètent et jappent. Le retour de la politique et du fonctionnement démocratique par la fenêtre, ça provoque des courants d’air. Et ils ont peur de prendre froid. Cette brave Madame Lagarde, dont on apprend qu’elle a corrigé et raturé au stylo rouge les propositions grecques, ce qui en dit long sur son sens des convenances, n’a rien trouvé de mieux que de proférer cette énormité : « le référendum est illégal ». Pardon Madame? Contraire au droit européen? Ce dernier n’a rien à voir là-dedans, il s’agit d’une négociation entre un groupe informel (l’Eurogroupe) et le gouvernement d’un État pour tenter de trouver des solutions à une crise d’endettement. Cette négociation n’obéit à aucune règle juridique particulière que la Grèce aurait violée. Voulez-vous dire alors que le référendum serait illégal en droit interne grec ? Cette consultation ne concerne que les Grecs. De quoi vous mêlez-vous? Vous pouvez considérer qu’elle est inopportune, déloyale ou immorale, mais pourquoi proférer cette insanité ?
Parlons justement un peu de droit. Économistes, financiers, politologues monopolisent le débat, ce qui est bien normal. Les juristes sont très discrets. C’est dommage, car en se référant au droit, on peut peut-être un peu approcher la réponse à la vraie question: « Quelle partie est-elle en train de se jouer ? »
La Grèce est en état « de cessation des paiements ». Son niveau d’endettement est tel qu’elle ne peut plus faire face. Lorsque quelqu’un se trouve dans cette situation, il est soumis à des procédures fondées sur des règles et des principes stricts. Dont l’objectif prioritaire est de le sauver. L’ensemble des dettes sont gelées jusqu’à la mise en place « d’un plan de redressement », permettant l’apurement d’une partie du passif et la poursuite de l’activité. Ce qui veut dire que les créanciers vont se manger des pertes. Et pour eux ce sera ça ou rien. Pour la période d’observation jusqu’à l’adoption du plan de redressement, les dirigeants sont flanqués de mandataires qui les surveillent et assument une partie de leurs responsabilités.
La notion de « période suspecte », permet de fixer la date de l’état de cessation de paiement. En remontant assez loin dans le temps. En conséquence, tout ce qui a été payé par la structure en difficulté pendant cette période doit lui être remboursé et « rapporté à la masse des créanciers ». Si ces règles étaient appliquées à la Grèce, cela pourrait créer quelques situations amusantes. Et en particulier jeter un éclairage sur la magouille Trichet/DSK de 2011. Alors que la Grèce était déjà manifestement insolvable, le FMI en violation de ses statuts lui a prêté l’argent qui a servi à rembourser les banques françaises et allemandes lourdement exposées. Prêter de l’argent à une entreprise en difficulté porte un nom : « le soutien abusif ». En conséquence, la responsabilité des prêteurs est lourdement engagée. Usant d’un mauvais jeu de mots, on peut dire que DSK s’il n’a, bien sûr jamais été proxénète, est quand même « un souteneur… abusif ». Dont la responsabilité devrait être engagée.
Car, et c’est une autre des caractéristiques des procédures de faillite, on recherche les responsabilités. Celles des créanciers, celles des dirigeants dans la déconfiture. Banqueroute, faillite frauduleuse sont des délits dont la sanction permet d’appeler les auteurs en comblement du passif. En ce qui concerne la Grèce, non seulement il n’y a aucun moyen juridique de revenir sur le passé, mais il est quasiment interdit d’en parler. Qui a fait entrer la Grèce dans l’euro où elle n’avait rien à faire ? Qui a prêté, qui a dépensé ? No comment.
Ces principes juridiques et toutes ces procédures ne sont pas réservés aux seules entités privées. En France par exemple, les collectivités territoriales qui pourtant s’administrent librement en application de la Constitution ne peuvent pas fonctionner avec des budgets en déséquilibre. Si c’est le cas, le préfet, assisté par la Chambre Régionale des Comptes prend la main sur la compétence financière. Fixe les recettes (impôts et taxes) et engage les dépenses. Cette souveraineté limitée fonctionne jusqu’au retour à l’équilibre. Cela peut être ainsi parce que la France est un État unifié, ce que l’UE n’est en aucun cas. Ni de près ni de loin. Et c’est là que réside le nœud du problème.
J’avais dit dans ces colonnes ou se situait à mon sens la contradiction. Qui vient de se révéler brutalement dans toute sa nudité. Pas parce que le méchant Juncker et ses comparses eurocrates refusent le référendum. Mais parce que l’UE NE PEUT PAS l’accepter. L’UE n’est pas un organisme démocratique. Elle n’est pas anti-démocratique, mais a-démocratique. Conçue comme telle par ses fondateurs et leurs continuateurs. Précisément, par méfiance vis-à-vis des peuples, pour faire échapper toute une série de questions à la délibération démocratique. La démocratie, c’est la moitié des voix plus une qui gouverne. Pour que la moitié moins une accepte, il faut qu’elle sache qu’elle pourra défaire ce que la majorité précédente a fait si elle même arrive au pouvoir. Dans l’UE, l’essentiel de ce qui devrait en relever est ossifié dans des traités à valeur constitutionnelle non modifiables. Circulez, il n’y a plus rien à débattre.
Sur le plan de la théorie constitutionnelle, c’est un drôle de monstre juridique quand même. Ni un État unifié, voire fédéral, ni une fédération ou un simple groupe d’États. Au-delà de la puissance de sa bureaucratie, l’Union n’est pas non plus une tyrannie, le prétendre au-delà de l’effet de tribune, ne serait pas très sérieux. On parle beaucoup du mandat démocratique dont disposerait Tsipras, beaucoup moins de celui, tout aussi démocratique dont dispose Merkel. Et on voit là, le retour du politique, où chacun défend fort normalement les intérêts de son pays. Sauf qu’il y a un rapport de force est que c’est l’Allemagne qui domine. Par sa puissance économique obtenue essentiellement par l’euro qui n’est qu’un Mark étendu.
Mais alors les rêveurs vont nous poser la question, comment faire pour que l’Europe puisse être démocratique. Et redevenir un idéal pour les peuples ? Malheureusement…
L’Europe des 28 constitue-t-elle l’espace pertinent de la délibération démocratique, une nation européenne avec un peuple européen ? Non. Une culture, une histoire, une civilisation, oui. Pas une nation. J’obéis aux normes que produit mon pays, parce que je n’ai pas le choix. Dans les rapports entre Etats, ce n’est pas la même chose. En dernière instance, les États-nations font ce qu’ils veulent, et les pouvoirs de Bruxelles n’existeront que tant que les nations qui composent l’Union le décideront.
Écoutons Charles de Gaulle que l’on interrogeait à propos du silence du traité de Rome sur la possibilité de sortie d’un pays : « C’est de la rigolade ! Vous avez déjà vu un grand pays s’engager à rester couillonné, sous prétexte qu’un traité n’a rien prévu pour le cas où il serait couillonné ? Non. Quand on est couillonné, on dit : “Je suis couillonné. Eh bien, voilà, je fous le camp ! ” Ce sont des histoires de juristes et de diplomates, tout ça. » (1).
On a qualifié de « moment gaullien » le choix par le Premier ministre grec du référendum. Que dire du choix conscient d’une éventuelle sortie de la zone euro et même de l’Union. On comprend que Juncker puisse se sentir trahi par Tsipras qui, jouant le rôle du petit garçon dans le conte d’Andersen, vient de lui dire qu’il était tout nu. •
1. C’était de Gaulle d’Alain Peyrefitte – Tome II.
* Photo : Virginia Mayo/AP/SIPA. AP21758038_000002.
Régis de Castelnau - Causeur
La réflexion qui suit, intéressante et juste, est parue dans Causeur. Elle est signée Roland Hureaux. Elle nous semble résumer clairement et synthétiquement la crise grecque et surtout celle de l'euro. Au delà, celle de l'Europe et des nations qui la composent. Plus que la question grecque en elle-même, qui a déclenché, comme ce fut souvent le cas dans notre histoire depuis l'indépendance de la Grèce, une vague de romantisme, d'irréalisme et de passions, c'est en effet notre propre destin et celui de l'Europe qui est en jeu. Et c'est d'une tout autre importance ... LFAR
« Cette fois l’euro est sauvé, la crise grecque est terminée ». Un concert de satisfaction a salué, tant dans les sphères du pouvoir que dans la sphère médiatique, l’accord qui a été trouvé le 13 juillet à Bruxelles entre le gouvenrment Tsipras et les instances européennes – et à travers elles, les grands pays, Allemagne en tête.
Etonnante illusion : comme si la diplomatie pouvait venir à bout du réel. N’est ce pas Philippe Muray qui a dit un jour : « Le réel est reporté à une date ultérieure » ?
Il n’y a en effet aucune chance que cet accord résolve quoi que ce soit.
Passons sur le revirement étonnant d’Alexis Tsipras qui organise un référendum où le « non » au plan de rigueur de l’Europe est plébiscité avec plus de 62 % de voix et qui, immédiatement après, propose un plan presque aussi rigoureux.
Aide contre sacrifices
Ce plan a trois volets : les dettes de la Grèce doivent être étalées ; jusqu’où ? On ne sait pas encore, cela ne sera décidé qu’en octobre . La Grèce recevra de nouvelles facilités à hauteur de 53 milliards d’euros (remboursables), plus le déblocage de 25 milliards de crédits du plan Juncker (non remboursables). Elle doit en contrepartie faire voter sans délai un certain nombre de réformes : augmentation de la TVA, recul de l’âge de la retraite , lutte renforcée contre la fraude fiscale, etc.
Le volet réforme correspond-t-il à une vraie logique économique ? Appliquées immédiatement, ces mesures plomberont un peu plus l’activité, comme toutes celles que l’on inflige à la Grèce depuis quatre ans. Ne vaudrait-il pas mieux que ce pays consacre les ressources nouvelles à l’investissement et ne soit tenu de revenir à l’équilibre qu’au moment où la croissance , grâce à ces investissements, repartira. Quel pays a jamais restauré ses grands équilibres dans la récession ?
Moins que de considérations techniques, cette exigence de réformes ne s’inspire-t-elle pas plutôt du vieux moralisme protestant : aider les pauvres, soit mais seulement s’ils font des efforts pour s’en sortir ; quels efforts ? Peu importe pourvu qu’ils en bavent !
Quoi qu’il en soit, pour redevenir solvable et donc rembourser un peu de ce qu’elle doit, la Grèce doit avoir des comptes extérieurs non seulement en équilibre mais excédentaires. Pour cela, elle doit exporter.
Pourquoi n’exporte-t-elle pas aujourd’hui, et même achète-t-elle des produits comme les olives? Parce que ses coûts sont trop élevés. Pourquoi sont-ils trop élevés ? Parce qu’ils ont dérivé plus que dans les autres pays de la zone euro depuis quinze ans. Et quoi que prétendent certains experts, cela est irréversible.
Aucun espoir sans sortie de l’euro
La Grèce a-t-elle un espoir de devenir excédentaire en restant dans l’euro ? Aucun.
Seule une dévaluation et donc une sortie de l’euro qui diminuerait ses prix internationaux d’environ un tiers lui permettrait de reprendre pied sur les marchés.
C’est dire que l’accord qui a été trouvé, à supposer que tous les Etats l’approuvent, sera remis en cause dans quelques mois quand on s’apercevra que l’économie grecque (à ne pas confondre avec le budget de l’Etat grec) demeure déficitaire et qu’en conséquence, elle ne rembourse toujours rien.
On le lui a assez dit : cette sortie-dévaluation sera dure au peuple grec, du fait de l’augmentation des produits importés, mais elle lui permettra au bout de quelques mois de redémarrer. Sans sortie de l’euro, il y aura aussi des sacrifices mais pas d’espoir.
Nous pouvons supposer que les experts qui se sont réunis à Bruxelles savent tout cela. Ceux du FMI l’ont dit, presque en ces termes. Les uns et les autres ont quand même signé.
Les Allemands qui ont déjà beaucoup prêté à la Grèce et savent qu’ils ne récupéreront rien de leurs créances, réformes ou pas, ne voulaient pas s’engager d’avantage. Ils ont signé quand même. Bien plus que l’attitude plus flexible de François Hollande, c’est une pression aussi ferme que discrète des Etats-Unis qui a contraint Angela Merkel à accepter un accord, envers et contre une opinion allemande remontée contre les Grecs.
Quant à Tsipras, a t-il dû lui aussi céder aux mêmes pressions (de quelle manière est-il tenu ?) ou joue-il double jeu pour grappiller encore quelques avantages avant une rupture définitive – qui verrait sans doute le retour de Yannis Varoufakis. Les prochains jours nous le diront.
Le médiateur discret
On ne comprend rien à l’histoire de cette crise si on ne prend pas en compte, derrière la scène, le médiateur discret de Washington qui, pour des raisons géopolitiques autant qu’économiques, ne souhaite ni la rupture de la Grèce, ni l’éclatement de l’euro.
Cette donnée relativise tous ce qu’on a pu dire sur les tensions du « couple franco-allemand » (ça fait cinquante ans que les Allemands nous font savoir qu’ils n’aiment pas cette expression de « couple » mais la presse continue inlassablement de l’utiliser !). Au dictionnaire des idées reçues : Merkel la dure contre Hollande le mou. Merkel, chancelière de fer, qui tient entre ses mains le destin de l’Europe et qui a imposé son diktat à la Grèce. Il est certes important de savoir que les choses sont vues de cette manière (et une fois de plus notre piteux Hollande a le mauvais rôle !). Mais la réalité est toute autre. Ce que l’Allemagne voulait imposer n’est rien d’autre qu’un principe de cohérence conforme aux traités qui ont fondé l’euro. Ce que Tsipras a concédé, c’est ce qu’il ne tiendra de toutes les façons pas parce qu’il ne peut pas le tenir. Merkel a été contrainte à l’accord par Obama contre son opinion publique. La « victoire de l’Allemagne » est doublement illusoire : elle ne défendait pas d’abord ses intérêts mais la logique de l’euro ; cette logique, elle ne l’a imposée que sur le papier.
Mais pourquoi donc tant d’obstination de la part de l’Europe de Bruxelles, de la France et de l’Allemagne (et sans doute de l’Amérique) à trouver une solution à ce qui dès le départ était la quadrature du cercle ? Pourquoi tant de hargne vis à vis des Grecs et de tous ceux qui ont plus ou moins pris leur défense, au point d’anesthésier tout débat économique sérieux ?
Le Monde a vendu la mèche en titrant en grand : « L’Europe évite l’implosion en gardant la Grèce dans l’euro. » Nous avons bien lu : l’Europe, et pas seulement l’euro. Bien que la Grèce ne représente que 2% du PIB de la zone euro, son maintien dans cette zone conditionne la survie de l’euro. Mais par delà l’euro, c’est toute la construction européenne qui semble devoir être remise en cause si la Grèce sortait et si, du fait de la Grèce, la zone euro éclatait. Là encore le paradoxe est grand : comment de si petites causes peuvent-elles avoir de si grands effets ? Ce simple constat montre, s’il en était besoin, la fragilité de l’édifice européen. Cette fragilité réapparaitra qu’on le veuille ou non, jusqu’à la chute de ce qui s’avère de plus en plus n’être qu’un château de cartes.
Devant une telle perspective, les Européens, ont dit « de grâce, encore une minute, Monsieur le bourreau. » Une minute ou quelques mois mais pas beaucoup plus. •
Roland Hureaux - Causeur
*Photo : Markus Schreiber/AP/SIPA/VLM133/812735085543/1506081323