Un entretien avec le Prince Jean de France, dans ”L'Hedo”
Le prince Jean de France a accordé au "magazine d'information d'Orléans et de l'agglo" - "L'Hedo" -un entretien (publié le 21 février) dont nous reproduisons le texte. Ce que le journaliste en a retenu est formulé en légende de la photographie du Prince, devant sa résidence du Domaine Royal de Dreux, et c'est simplement ceci : "Le duc d’Orléans est prêt, « si les conditions sont réunies », à offrir à la France une monarchie moderne".
Le prince Jean d'Orléans, à notre connaissance, n'est pas "duc d'Orléans" (titre que porte son oncle, le prince Jacques d'Orléans) mais duc de Vendôme; d’autre part, "monarchie "moderne" fera grincer les dents de quelques puristes (Boutang précisait : "moderne ou affrontée au monde moderne"); d'autres expressions pourront encore être discutées. Mais, compte-tenu du contexte actuel, ce sont, évidemment, des détails.
De quoi la France de demain sera-t-elle faite ? Une monarchie y reverra-t-elle jamais le jour ? Qui viendrait, effectivement, à l'établir si, comme nous l’espérons, elle devait l'être ? Ce sont des questions sans réponse. L'Histoire est plastique : monarchie, république, empire, comme Rome, la France a connu ces trois régimes. Aucun d'entre eux n'est bâti pour toujours, même s'il est clair que la France s'est constituée par l'oeuvre de ses rois capétiens et que cette réalité de notre histoire marque, toujours et encore, très profondément, ce qui caractérise et définit la France d’aujourd’hui.
Une chose est sûre : les princes d'Orléans, qui ont recueilli la légitimité de l'ancienne monarchie à la mort du Comte de Chambord, n'ont jamais cessé, depuis lors, de servir leur pays, et d'assumer clairement la tradition dont ils sont héritiers.
Sans-doute est-ce la raison pour laquelle, les prétendants, toutes époques et générations confondues, ont toujours entretenu avec les divers Chefs d’Etat qui se sont succédé à la tête de la République et avec leurs collaborateurs, une relation plus ou moins étroite qui, si elle n’a pas abouti au résultat qu’en certaines circonstances ils en espéraient, les ont, néanmoins, amenés à servir leur pays et à rester toujours présents dans le paysage public français. L’histoire de ces relations, de Poincaré à De Gaulle, à Mitterrand, et même Sarkozy, ce que les intéressés en ont dit, écrit, pensé, mériterait, sans-doute, de faire l’objet de l’un de nos dossiers … Nous y penserons.
Le prince Jean, dans la position qui est la sienne, celle de Dauphin de la Maison de France, nous paraît se situer dans cette ligne qui consiste à demeurer, toujours, pour la France, un recours possible.
Prêt à remonter sur le trône
![](http://www.lhebdo-orleans.com/IMG/arton325.jpg?1361355832)
Ce n’est ni une fantaisie ni un fantasme. Le duc d’Orléans est prêt, « si les conditions sont réunies », à offrir à la France une monarchie moderne, gage de pérennité dans l’alternance. Entretien exclusif.
C’est dans son château de Dreux que Jean d’Orléans (de son nom de baptême Jean Carl Pierre Marie d’Orléans) me donne rendez-vous. Le temps est gris, le crachin voile un peu l’horizon. Je m’arrête devant la grille où se pressent chaque printemps les visiteurs et remarque une silhouette qui s’avance vers moi. C’est l’épouse de Jean d’Orléans qui arrive à ma rencontre pour ouvrir le domaine familial à ma curiosité. Pas de domestiques, pas de valets ni d’hommes à tout faire… C’est Philomena de Tornos, duchesse de Vendôme, qui fait grincer l’imposant portail tout en s’excusant de m’avoir laissé sous ce crachin digne d’un mois de novembre. Le château de Dreux, s’il surplombe la ville et offre un panorama princier, n’a ni les dimensions ni le lustre de Versailles. C’est d’ailleurs dans une pièce de taille très modeste que je retrouve Jean d’Orléans. À peine le temps des présentations faites que je vois apparaître le prince Gaston Louis Antoine Marie d’Orléans, avec ses bottes en caoutchouc et son air canaille. Je salue ce petit bonhomme et je découvre sous la table, à quatre pattes, la princesse Antoinette Léopoldine Jeanne Marie d’Orléans à la recherche de bras pour se faire câliner…
« Je préfère faire plutôt que de m’exprimer dans les médias »
Tous les clichés viennent de s’évaporer en l’espace de quelques mi-nutes. Je ne serai impressionné ni par le décorum, ni par l’arrogance aristocratique. Cette sobriété des lieux, Jean d’Orléans la fait sienne. Jean d’Orléans n’en fait pas mystère. Le comte de Paris, son grand-père et figure médiatique de son époque, a mis à mal le patrimoine familial. Pas de grandes propriétés à travers la France et l’Europe pour le descendant direct du dernier roi de France, Louis-Philippe, qui a abdiqué le 24 février 1848, il y a tout juste 165 ans… « Nous avons une fondation familiale pour la ges-tion du château d’Amboise (institution reconnue d’utilité publique), nous sommes propriétaires de la forteresse de Bourbon-l’Archambault et, bien sûr, du château où nous sommes actuellement. » En somme, rien de bien rémunérateur… Jean de France, s’il cogère un domaine forestier, se montre le plus souvent sous les traits d’un conférencier spécialiste du… patrimoine et de l’histoire de France.
La monarchie, le meilleur allié de la démocratie !
Une histoire qu’il aime à faire dé-couvrir, y compris dans le « 93 », dans un collège en zone sensible. Et sans démagogie, sans renfort de médias, Jean d’Orléans se sent aussi à l’aise devant ces collégiens des zones d’éducation prioritaire qu’avec les passionnés d’histoire… de son histoire en quelque sorte. « Avec les collégiens, on prend le biais du patrimoine à travers quelques grands personnages. On évoque leur sépulture à Saint Denis et les raisons qui ont fait choisir ce lieu. Et on finit toujours par aborder les questions plus personnelles comme ma présence à tel ou tel mariage princier, mon lieu de résidence… », ajoute-t-il avec un sourire amusé. À Dreux, il n’hésite pas à mobiliser son énergie pour se mettre au service de sa ville : « Je crois beaucoup en l’humain et à l’efficacité des relations pérennes. » Et quand on évoque son absence dans les médias, de cette vacance d’une « voie royale » dans le concert des prises de position de toutes sortes : « Je préfère faire plutôt que de m’exprimer dans les médias. » La monarchie institutionnelle, le prince de France la côtoie réguliè-rement au fil de ses visites dans les familles princières européennes. « C’est intéressant de voir comment les monarchies assurent la pérennité et la continuité de l’institution avec les alternances politiques. » Mieux encore, Jean d’Orléans estime que le roi a déjà sauvé et se doit de sauver la démocratie quand celle-ci est en danger : « Ce fut le cas en Espagne. En Belgique, malgré l’absence de gouvernement depuis un an, c’est le roi qui assume cette continuité. » Et quand on évoque la dérive monarchique, le duc d’Orléans rappelle « que le roi ne décidait jamais seul ». « En revanche, ce qui est intéressant dans la période qui est la nôtre, c’est que le roi peut représenter une référence, un symbole et apporter une vision à plus long terme. Ce n’est pas une opposition de la monarchie avec la démocratie, c’est au contraire une convergence. » Pour autant, il peut regarder durement certaines familles royales « en exercice ». « Il y a un devoir d’exemplarité. Quand le roi d’Espagne va chasser les éléphants, ou quand la reine Fabiola met en place une fondation… Il faut faire attention à ce que l’on fait. »
Le retour par les urnes ?
Quel avenir pour le duc d’Orléans ? « Je pense qu’on ne peut pas revenir en arrière. C’est un modèle nouveau de la monarchie constitutionnelle qu’il faudrait inventer. » En d’autres termes, pas de famille potiche sur le trône de France… mais une monarchie active au service de la démocratie. Alors, par quel biais les « Orléans »pourraient faire leur come-back ? « Hugues Capet et Pépin le Bref ont été élus. » Il n’était pas encore question, à cette époque, du suffrage universel… « Pour l’instant, on sent bien que la volonté des Français n’est pas de voir un roi de France s’installer sur le trône. Mais en fonction des circonstances cela peut évoluer. Et le moment venu… » Le moment viendra-t-il ? Quoi qu’il en soit, avant cela, Jean devra être le chef de la famille d’Orléans, situation qu’occupe à ce jour Henri d’Orléans, comte de Paris et duc de France. « Pour l’instant, je suis encore sur la réserve. Mais quand il sera temps, je me ferai plus présent en privilégiant les actions de terrain aux grands-messes médiatiques. » Une élection locale ? « Pourquoi pas. Il est intéressant de se frotter à ces enjeux, à ce que cela peut vouloir dire dans la victoire comme dans la défaite. » Mais, en regardant ces deux enfants, son héritier, cette toute jeune fille d’à peine 13 mois, il se met à penser à ce que cet engagement familial signifie.« Je commence ma vie de famille. J’ai planté un arbre, j’ai gagné ma vie… » Et le temps n’est pas un enjeu quand on fait partie d’une dynastie. Ce que le père ne peut accomplir, le fils peut le réaliser.
Philippe Had